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Oncologie : Article pp.185-186 du Vol.2 n°3 (2008)

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LIVRES

La relation me´decin-malade.

L’e´volution des e´changes patient-soignant

Bernard Hoerni, E´ditions Imothep, Paris, 2008, 288 pages

« Il y aurait entre 12 000 et 15 000 mots spe´cifiques de la discipline me´dicale » voila` qui sugge`re l’ampleur du de´calage entre me´decin et patient. Certes, chaque profession a son jargon, mais la me´decine pourrait se targuer d’eˆtre une culture a` part entie`re quand on sait que nous estimons parler une langue e´trange`re avec 3 ou 4000 mots ! Or la relation avec cette femme ou cet homme de la « plane`te- me´decine » n’emploie pas de traducteur, le me´decin est cense´

constamment en faire office. Voila` sans doute une des causes de la difficulte´ de cette profession, e´tonnamment pe´renne pendant des sie`cles, au point que son code de de´ontologie trouve ses racines il y a plus de 2500 ans, ou plus pre´cocement encore, vers 2800 ans A-J-C, chez le sage Imothep, me´decin e´gyptien dont les enseignements sont rapporte´s par Bernard Hoerni comme fondements universels de la relation the´rapeutique.

Poursuivant sa re´flexion philosophique sur la me´de- cine, Bernard Hoerni inte`gre la notion du temps de´cline´e dans son pre´ce´dent ouvrage (« Temps et me´decine », Glyphe, 2006) dans le de´licat me´canisme qu’est la relation me´decin-malade. Me´canisme ? Voila` qui serait par trop carte´sien, il vaudrait mieux dire pie`ce d’orfe`vrerie car chaque bijoutier en est l’artisan et chaque pie`ce est unique.

Aucune me´canisation ne saurait la re´sumer, n’en de´plaise a` ceux qui voudraient instaurer une « technique » de la communication entre le me´decin et le malade. Alors quelles e´volutions pourraient pre´senter ce moment, ce temps suspendu de la re´ve´lation, re´ve´lation de soi pour chaque interlocuteur, re´ve´lation de son histoire pour une socie´te´ ?

Bernard Hoerni s’appuie sur un contexte qui se voudrait anecdotique par sa modestie et qui se transforme en parabole par sa force e´vocatrice. Cette comparaison (cruelle pour la me´decine au regard de l’humanisme) ne date pourtant que des e´tudes de me´decine des anne´es soixante...

– « dans un grand hoˆpital de la re´gion parisienne, le malade venant consulter e´tait amene´ entie`rement nu au

centre d’un amphithe´aˆtre sous les regards d’une cinquan- taine d’e´tudiants ;

– un vieux paysan pouilleux, justifiant une bonne toilette a` son entre´e a` l’hoˆpital, se trouva mal sous la douche qu’il expe´rimentait pour la premie`re fois de sa vie ; – on ne nous parlait gue`re de de´ontologie qui se re´duisait a` la confraternite´ ; on ne pouvait deviner que les soins aux patients e´taient source de possibles contentieux, ni que l’e´thique existaˆt... »

On criera a` la nostalgie mal place´e, mais pourtant, il n’est pas facile d’oublier cet e´tat d’indiffe´rence double´

d’un questionnement lointain refoule´ au plus profond de l’inconscient et ressenti confuse´ment par chacun lorsqu’il prend appui sur une repre´sentation sociale pour entrer en relation. Bernard Hoerni y insiste ; pendant longtemps, le me´decin n’avait que peu a` proposer : Hippocrate s’inte´resse au malade, l’e´coute, le regarde, tente de reconnaıˆtre un e´tat que son expe´rience lui a appris a` observer, puis les tentatives scientifiques se de´veloppent double´es malheureusement d’une monte´e du dogmatisme qui rendra les me´decins ridicules au 17e sie`cle alors que persiste pour beaucoup d’entre eux, le gouˆt de la relation et de l’altruisme face a` la souffrance de l’humanite´. Pas e´tonnant alors que cette relation ait pu eˆtre chasse´e lorsqu’enfin la Raison vient orienter le soin. Cependant, le « colloque singulier » applique´ a` la relation me´dicale par Georges Duhamel en 1935 persiste en pointille´ derrie`re les nouvelles options the´rapeutiques, jusqu’a`

aujourd’hui, ou` il voudrait retrouver ses lettres de noblesse.

Mais, comme le souligne Bernard Hoerni, de nouveaux interlocuteurs entrent en sce`ne ; le droit (de´ja` largement te´moin de`s le Moyen-Aˆ ge), la sante´ publique, les re´seaux, les associations, les me´dias et surtout l’internet. Le syste`me ne´cessite-t-il une re´forme ? Sans aucun doute, on voit se dessiner sous la plume de l’ancien pre´sident du Conseil national de l’Ordre des me´decins, les principes de cette approche. « L’information fait partie inte´grante de la relation de soin », « On peut espe´rer la disparition du mensonge me´dical », « une information claire paraıˆt aller de soi », les

Psycho-Oncologie (2008) 2: 185–186

©Springer 2008

DOI 10.1007/s11839-008-0095-8

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives-pson.revuesonline.com

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conditions d’une information approprie´e peuvent eˆtre de´finies : c’est le patient qui renseigne le mieux sur ses dispositions. L’information peut eˆtre totale selon la loi, mais elle est force´ment limite´e par une quantite´ inutilisable par le patient, de´bordante ou meˆme nuisible parfois. « L’infor- mation orale prime l’e´crite. Il reste a` e´valuer cette informa- tion ». Nous savons qu’ici, il n’y a pas encore de re´ponse mais un certain nombre de tentatives encore en cours d’expe´rimentation.

Ces chapitres sur le droit, l’information, les pouvoirs, l’e´thique se comple`tent admirablement dans l’ouvrage de Bernard Hoerni et nous apportent des moyens de confronter les pratiques a` la conside´rable e´volution des recommandations auxquelles me´decins et patients sont de´sormais soumis, redevables et, surtout, be´ne´ficiaires. Ils rejoignent toutefois les re´actions qui re´sonnent aux oreilles des me´decins franc¸ais comme un uppercut du thinktank anglais Demos1 qui constate dans « The taking cure » :

« Truly personalised health-care allows patients to articu- late their experiences, express their values, set their priorities, be aware of their options, exercise their preferences and be educated in managing their health.

This means an end to paternalism. », les avance´es anglo- saxonnes du coˆte´ de l’e´ducation a` la sante´ pourraient encore paraıˆtre trop crues a` notre syste`me, cependant, elles constituent un avertissement de ce qui pourrait eˆtre attendu consciemment et pas seulement de fac¸on militante par la population d’ici quelques anne´es. Le texte de Bernard Hoerni est en somme une pre´paration « soft » a`

un changement incontournable...

Les soignants ne sont pas absents de ce livre, ils y figurent de`s le sous-titre, ce qui montre bien que la relation, si elle pre´sente des constantes, s’est de´multiplie´e, avec parfois une source de confusion pour les malades qui peuvent re´server l’intervention technique au me´decin, les questionnements pratiques aux soignants ou, au contraire, les interventions superficielles aux soignants, les questionnements existentiels aux me´decins. Le risque d’incompre´hension, ou pire d’ins- trumentalisation de la relation, est beaucoup plus grand de nos jours et menace bien des interventions ou` la vie n’est pas en danger, mais ou` la me´decine rend des services esthe´tiques ou de confort plutoˆt que de survie. C’est une des e´volutions de la me´decine occidentale a` prendre en compte par les jeunes me´decins en queˆte d’ide´al. Ils peuvent eˆtre

« utilise´s » pour une compe´tence (une complaisance ?) et non plus pour leur eˆtre. L’alliance the´rapeutique, le partenariat me´decin-patient pose non seulement des questions politiques et e´thiques, mais en faisant raccrocher la toge paternaliste au vestiaire d’Esculape, le me´decin d’aujourd’hui craint de perdre des attributs externes avant de gagner ses qualite´s morales.

Un de´fi majeur de la relation me´decin-malade se dessine tre`s nettement dans le livre de Bernard Hoerni : il en pose les racines historiques, il s’appuie sur son expe´rience et son engagement personnels pour l’aborder en de´tails, il nous donne les moyens de le relever, en souplesse et en subtilite´. Un ouvrage a` passer de main en main dans la chaıˆne du soin.

Marie-Fre´de´rique Bacque´

1Stilgoe J Farook F. The talking cure. London, Demos, 2008 186

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