A NNALES DE LA FACULTÉ DES SCIENCES DE T OULOUSE
C. C AMICHEL
Recherches expérimentales sur la fluorescence
Annales de la faculté des sciences de Toulouse 2
esérie, tome 7, n
o4 (1905), p. 417-442
<http://www.numdam.org/item?id=AFST_1905_2_7_4_417_0>
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RECHERCHES EXPÉRIMENTALES
SUR
LA FLUORESCENCE,
PAR
M. C. CAMICHEL.
La
première question qu’il
faut se poser en commençant cette étude est la sui-vante : La fluorescence entraîne-t-elle un
changement
dans lespropriétés
ducorps fluorescent?
On sait que les
phénomènes
defluorescence,
par les rayonscathodiques,
par les rayonsX,
provoquent souvent une altération du corps fluorescent. Crookes( ’ )
a montré que le verre
qui
adéjà
fourni unelongue
émission de lumière fluores-cente semble
fatigué
enquelque
sorte et subit moins l’action des rayons catho-diques.
Lesexemples analogues
sontaujourd’hui
très nombreux. Cette altérationpersiste après
lafluorescence,
elle semanifeste,
dans le corpsfluorescent,
par unchangement
de couleur ou bienpar la
facultéqu’il acquiert
de devenir lumineux à unetempérature
debeaucoup
inférieure à celle pourlaquelle
il commence àmanifester son
éclat,
dans son état normal(thermo-luminescence
de Wiede-mann).
Dans ce
Mémoire,
lafluorescence provoquée par
les rayons lumineux etultra-violets est seule
envisagée,
et cette altération durable dic corpsfluores-
cent
n’intervient pas:
la couleur des verres d’urane ayant servi auxexpériences
ne s’est pas
modifiée,
etj’ai
vérifié indirectement au cours d’ungrand nombre
demesures que la lumière émise par fluorescence restait
invariable,
la source de lu-mière excitatrice étant elle-même constante. J’ai
réalisé,
en outre,l’expérience
suivante : un cube de verre d’urane est rendu fluorescent par une
lampe
de Nernstqui
l’éclairetransversalement, je
mesure auspectrophotomètre
l’in tensi té de la lumière émise parfluorescence; je
provoque ensuite une fluorescence très éner-( 1 ) CROOKES, Phil. Trans., Part II, 1879, p. 645,
4I8
gique
en brûlant auvoisinage
du cube de verre d’uraneplusieurs
mètres de rubande
magnésium,
etje
constate,après
l’extinction dumagnésium,
que cette fluo-rescence
énergique
n’a pas altéré le verre d’uranequi,
sous l’influence de lalarnpc
de
Nernst,
continue à émettre la même fluorescence.Indépendamment
de cette altération durable du corpsfluorescent,
divers auteursont admis
qu’il
seproduit, pendant
lafluorescence,
unchangement
dans les pro-priétés
du corpsfluorescent, changement qui
cesse en mêmetemps
que la fluo-rescence. C’est l’étude de cette
question qui
seral’objet
du Mémoirequi
suit.M.
Drude,
dans sonOptique,
estimequ’il
n’est pasimhossible
que dcsphéno-
mènes
chimiques
aient lieupendant
lafluorescence;
M. Walter(Ann.
t.
XXXVI, 1889)
pense que la fluorescence est due à unerupture
de groupesmoléculaires, qui
seséparent
en groupesplus simples ;
M. Burke( 1?ioceedings
‘
of
theRoyal Society,
seriesA,
Vol.LXXVI, 1905)
admet la mêmehypothèse.
a. Divers auteurs ont
essayé
d’aborder ceproblème
par des mesures de résis-tances.
L’expérience présente
degrandes
difficultés : il fautemployer
une solutiondont la résistance ne soit pas
trop grande,
c’est-à-dire assezconcentrée;
dans cesconditions,
la fluorescence est localisée dans une zoned’épaisseur
trèsfaible,
et,si l’on veut que tout le
liquide
soumis àl’expérience
soitfluorescent,
il fautplacer
celui-ci dans une cuveplate.
Or ilparaît
bien difficiled’empêcher
toutéchauffement dans un
liquide
très absorbant contenu dans une cuve trèsplate
etsoumis à l’action de radiations excitatrices très intenses. Je me suis demandé si la faible diminution de résistances que certains auteurs ont attribuée à la fluorescence
ne
provenait
pas de cet échauffementqui
aprécisément
le même effet. J’ai faitquelques expériences
à cesujet
pour me rendrecompte
de l’influence de la tem-pérature.
Les résistances étaient mesurées par la méthode bien connue de Kohl- rauch. J’ai obtenu les nombres suivants :R f désigne
la résistance de la solutionpendant
lafluorescence, Ro
la résistancede la même solution maintenue à l’abri des rayons excitateurs. La
température
monte constamment, et il est assez difficile de la mesurer exactement, en même temps
qu’on
fait la mesure de résistance. La seule conclusion à tirer de cesexpé-
riences est
qu’une
variation detempérature
deo°, 5
entraîne une variation de résistance duffi.
J’ai étudié
également
les solutionsalcooliques d’éosine ;
l’influence de la tem-pérature
est du même ordre degrandeur :
à 18° une solutionprésentait, qu’elle
fut fluorescente ou non, la résistance
232~, 2;
à 21° la résistance était2I8~’, 4.
Quels
sont les nombresindiqués
par les auteursqui
se sontoccupés Spéciale-
ment de cette
question?
.31. Kurt
Régner (Inaugural
Dissertation über diehrage
des Widerstand-anderung
vonWasserigen Salzlösungen
duichBestrahlung)
a montré quela variation de la conductibilité
électrique
au moment de la fluorescence ne pou- vaitdépasser
o,1 i pour 100 dans les solutionsmoyennement
étendues et dans les solutions concentrées de fluorescéine et d’éosine. Dans lesexpériences
deRégner,
le
liquide
se renouvelle deux fois parseconde,
cette vitesse est-elle suffisante pour’
empêcher
des variations detempérature
de,,’-o
dedegré,
assezgrandes
pourappli-
quer la variation observée? L’auteur ayant
négligé
de mesurer latempérature
dela solution
fluorescente,
il estimpossible
derépondre
à cettequestion.
MM. Nichols et Meritt ont étudié les solutions
alcooliques
de divers corps fluo- rescents ; ilspensentavoir
démontré que la variation de résistance est 1,1 pour 100 pour la solutiond’éosine,
0,11 1 pour 100 pour celle defluorescéine,
o,i4
pour 100 pour larhodamine, 0,06
pour 100 pour le rouge denaphtaline, o,59
pour 100pour la
cyanine (Physical Rewieiv,
Dans lesexpériences
de l%IM. Nicholset
Meritt,
leliquide
ne se renouvelle pas, et cesphysiciens
neparaissent
pasavoir
pris
deprécautions spéciales
pour éviter réchauffement par les radiationsexcitatrices,
de sortequ’il me paraît possible
d’admettre uneaugmentation
detempérature
deo°, 5,
suffisante pourexpliquer
la variation de résistance laplus
forte,
1,1 i pour 100, cellequi correspond
à l’éosine.Il
faudrait,
pour résoudre laquestion,
faire des mesures de résistances beau-coup plus précises, employer,
parexemple,
la méthodeBouty-Lippmann
et mettrela solution étudiée
complètement
à l’abri des variations detempérature.
b. On
peut
essayer de traiter le mêmeproblème
par une autreméthode,
etchercher s’il n’existe pas entre la
répartition
des bandesd’absorption
et celle desbandes de fluorescence une différence mettant en évidence un
changement
d’étatdu corps
pendant
la fluorescence.Le
problème
ainsiposé présente
degrandes
difficultés.Beaucoup
de corps :fluorescéine, éosine, rosine,
violetfluorescent, rhodamine,
rouge denaphtaline,
présentent
un spectre lumineuxd’absorption composé
d’une seule bande et unspectre
lumineux de fluorescencecomposé également
d’une seule bandequi
bordecelle-ci du côté des rayons les moins
réfrangibles.
IIexiste,
il estvrai,
descorps
dont le spectre de fluorescence est
composé
de bandes biendéfinies,
maisbeaucoup
d’entre eux, comme l’ont montre les belles recherches de 81.
Lecoq
de Boisbau- dran(1),
doivent leur fluorescence à des traces de matièreétrangère,
cequi
com-plique
laquestion.
Il
existe, néanmoins,
une série desels,
les selsuraniques,
bien connusdepuis
les recherches
classiques
de MM. Ed.Becquerel
et H.Becquerel (2)
; pour cescorps, le spectre
d’absorption
et le spectre de fluorescenceprésentent
des relationsremarquables.
On saitdepuis
les recherches de M. HenriBecquerel
que lespectre
de fluorescence descomposés uraniques
est la continuation duspectre d’absorption.
Le spectre du nitrate
uranique coinprend :
8 bandes de fluorescence;
2 bandes qui sont à la fois bandes de fluorescence et bandes
d’absorption;
2 bandes
d’absorption.
. Voici leurs
longueurs
d’onde :M.
Becquerel
a démontré cette loi trèsremarquable :
la différence des inverses deslongueurs
d’onde est sensiblement constante pour deux bandes consécutives :J’ai étendu la loi de
Becquerel
au spectre ultra-violet.111. Paul Sabatier ayant mis très
gracieusement
à madispostion
de beaux cris-taux de nitrate
uranique, je
les ai tailléset j’ai
obtenu desphotographies
du spectred’absorption
ultra-violet de ce corps. Leslongueurs
d’onde ont été déterminées enphotographiant
sur la mêmeplaque
lespectre
ducadmium
dont les diversesraies sont bien connues
depuis
les travaux de M. Mascart.J’ai trouvé
une loi derépartition
pour les bandes ultra-violettesd’absorption identique
à celle des bandes defluorescence,
voiciquelques
nombres : :(’) LECOQ DE BoiSBAUDRAN, Comptes rendus, 1 885-1 889.
(2 ) E. BECQUEREL, Mémoires de l’Académie des Sciences, t. XL, 18^6. - Il. BECQUEREL, Comptes rendzcs, 1885, p. 1252..
Cette relation si
simple
entre lespectre
de fluorescence et lespectre
d’ab-sorption
meparaît
difficilement conciliable avec unchangement
dans la nature desels d’uranium sous l’influence de la fluorescence. On peut
objecter,
il estvrai, qu’il
estimpossible
d’observer les bandesd’absorption
du nitrateuranique,
sansle rendre
légèrement fluorescent,
et qaeprobablement
lespectre d’absorption
et le
spectre
de fluorescencecorrespondent
à un même élat du corps, l’état fluorescent. ,c. Une troisième méthode
plus simple
que lesprécédentes
consiste à recherchersi le coefficient
d’absorption
d’un corpsfluorescent varie pendant
la fluorescence.Il est,
d’ailleurs,
nécessaire derésoudre
cettequestion :
les travauxclassiques
de Stokes ont montré que les radiations excitatrices de la fluorescence sont éner-
giquement
absorbées par le corpsfluorescent ; d’ailleurs,
dans les mesures, il esttoujours
nécessaire de faire intervenir un volume fini du corps fluorescent et, par~
conséquent,
les radiations émises sontégalement absorbées;
ilimporte
de savoircomment.
Dans une série de recherches sur
l’absorption
de la lumière par divers cristauxet verres colorés
(1892 - 1 8g5) ( 1 ), j’ai
recherché si leséquations
devibration
del’éther dans les milieux étudiés sont
linéaires; j’ai employé,
pourcela, plusieurs méthodes,
dont laplus simple
consiste à mesurer le coefficient de transmission d’un corpsplacé
tout d’abord à l’abri de touteradiation,
vivement éclairé ensuite par une source de lumièreplacée
transversalement. Cetteexpérience
m’a donnél’idée de rechercher si le coefficient de transmission varie
pendant
la fluorescence.J’ai . trouvé un résultat
négatif.
En
18g8,
MNI. John Burke(2),
enAngleterre,
et tout récemment Nichols etMeritt
(3),
enAmérique,
ont abordéle
mêmeproblème
et ontexposé
dansd’impor-
( l ) CAMICHEL, Annales de Chimie et de
Physique.
(2) J. BURKE,
Philosophical
Tran.s., A, 18g8. Voir aussi les intéressants articles de MM. Ed. Guillaume et A. Cotton, sur la loi de Kirchhoff (.Revzce générale des Sciences, og8 ).(3) NICHOLS et Physical Review, décembre
Je n’ai eu connaissance du Mémoire de IIMT. Nichols et Meritt qu’à la fin de mes re-
cherches.
tants Mém.oires les résultats de leurs
expériences.
Leurs conclusions sont biennettes :
M. Burke trouve que la
quantité
de lumière Venant d’uncorps
fluorescent A ettransmise à travers un autre corps B
identique
à A est différente suivant que B est lui-même fluorescent ou non.Pour le verre
d’urane,
le seul corps surlequel
M. Burke aitexpérimenté,
cephysicien
trouve un coefficient de transmissionégal
à0,45 quand
’la fluorescenceest
excitée,
le coefficient de transmission est, aucontraire, 0,80 quand
le verred’urane est
protégé
contre les variations excitatrices.MM. Nichols et Meritt trouvent un résultat
analogue,
ilsplacent
devant unphotomètre
une cuveremplie
d’une solution aqueuse defluorescéine,
ils mesurent :1° l’intensité T de la lumière
transmise,
la fluorescence n’étant pasexcitée;
tensité F de la lumière émise par
fluorescence,
le faisceau T étantintercepté;
a° l’intensité
S,
somme des intensités de la lumière transmise et de la lumière excitée par fluorescence.Pour la radiation o~,
50~,
ils trouvent queComme ces
expériences
meparaissent
renfermerplusieurs
causesd’erreur,
etqu’elles
sont en contradiction avec les résultats de mes recherchesantérieures, j’ai
tenu à
reprendre
l’étude de cettequestion
en variant leplus possible
lesprocédés d’expérimentation.
Je vais exposerrapidement
lesprincipales
recherches quej’ai
faites à ce
sujet.
I.
PREMIÈRES EXPÉRIENCES SUR LE VERRE D’URANE ET LA FLUORESCÉINE, LE FAISCEAU
TRANSMIS EST PRÉALABLEMENT FILTRÉ PAR LE CORPS FLUORESCENT. - CRITIQUE
DE CES EXPÉRIENCES.
L’appareil employé
est monspectrophotomètre
àcompensateur
dequartz.
Deuxlampes
àpétrole ( fig. I~
éclairent les deux collimateurs de l’instrument. Les deuxplages monochromatiques
observées sont amenées àl’égalité quand
onplace
devantl’un des collimateurs : I ° un morceau de verre de même dimension et de même indice que le cube de verre d’urane
étudié;
2° le cube de verre d’uranesoigneuse-
ment
protégé
contre toutes les radiationsqui pourraient
le rendrefluorescent ;
3°
quand
onproduit
la fluorescence du cube de verred’urane ;
4°quand
on excitela fluorescence du verre d’urane et
qu’en
même temps les rayons lumineux de lalampe
àpétrole
sontinterceptés
par un écran opaque(’ ).
Le coefficient de trans.mission
Kf
du cube de verre d’urane fluorescent et le coefficient de transmissionKo
du même corps
protégé
contre les radiations excitatives s’obtiennent par leséquations
dont la
signification
est évidente. Les rayons lumineux utilisés traversent le verred’urane dans une
région
voisine de la surface où la fluorescence estparticulière-
ment
vive;
celle-ci estprovoquée
par l’arcélectrique,
dont les radiations sontFig, I.
tamisées par l’écran de Wood. En
employant
un charbonpositif
àmèche,
la con-stance de l’arc est très suffisante
pendant
la durée desexpériences ~3~ et (£ ).
Pourque la détermination de
Ko
soit correcte,il
faut que, dansl’expérience ( 2 ),
la lu-mière
qui
traverse le verre d’urance soitdépouillée
des radiationscapables
deprovoquer la fluorescence : Ce résultat est obtenu d’une
façon complète
enpla-
çant entre la
lampe
àpétrole
et le verre d’urane B unlong parallélépipède égale-
(1) Cet écran doit être noir mat du côté du
photomètre;
si cette condition n’est réaliséeque d’une façon
incomplète,
les rayons émis par la cuve fluorescente et réfléchis sur l’écranentrent dans le collimateur, et la valeur trouvée pour F est trop grande :
devient positif.
Cette cause d’erreur intervient peut-être dans les
expériences
de MM. Nichols et Meritt:elle
expliquerait pourquoi
T + F - S estindépendant
de T et ne varie qu’avec F. (Voir plus loin, page 437).ment en verre d’urane A
ayant 7cm
delongueur.
Si cetteprécaution
estnégligée,
la valeur de
Ko
obtenue estgrande.
Il résulte de
l’interposition
de ce deuxièmeparallélépipède
de verre d’urane surle
trajet
de rayons lumineux que les mesures ne peuvent être faites pour des ra- diationsplus réfrangibles
que la raie F. Cen’est pas
uninconvénient, puisque
lesbandes
principales
du verre d’uranecorrespondent
à deslongueurs
d’ondeplus grandes
que celles de la raie F.Voici deux
exemples
de détermination deK f
etKo :
Les valeurs trouvées
pour K~
etKo
sontégales
aux erreursprès
desexpériences.
Dans d’autres
expériences, je
me contentais de mesurersin2(l,2,
etet
je vérifiais,
en variant les conditions del’expérience,
que la différenceest
toujours
trèsfaible,
tantôtpositive,
tantôtnégative.
Voiciquelques
autresdéterminations sur le verre d’urane :
Les déterminations suivantes ont été faites avec la fluorescéine en solution ’ aqueuse, elles
correspondent
à la radiation o~, 520.Critique
desexpériences précédentes.
- Lesexpériences précédentes
ontquelques
défautsqu’il
est nécessaire de mettre en évidence :i° D’abord les fluorescences excitées sont
faibles,
sauf dans lesexpériences
surla
fluorescéine,
pourlesquelles
a~ estégal
et mêmesupérieur
à a2;’
2° Si est assez bien
déterminé,
il n’en est pas de même de sm2aiK == .
3° Mais voici une
objection plus
grave :quel
est le rôle dupremier
cube deverre d’urane?
M. A. Cotton m’a fait
judicieusement
remarquer que si les bandes d’émission’
et
d’absorption
du verre d’urane sont formées de raies très fines et non résolublesavec les moyens
employés,
le résultatnégatif
quej’ai
obtenu ,ne démontre pas queKf = K0:
«puisque,
d’unepart,
m’écrit M.Cotton,
unepartie notable
desradiations utilisées pour la mesure ne sont pas des radiations
absorbables ;
etpuisque,
d’autrepart,
le faisceau utilisé aprécisément
traversé une coucheépaisse
de verre d’urane
qui
doitsupprimer précisément
ces radiations absorbables ».On
pourrait
enlever le cube A etemployer
une source de lumière L très faiblene provoquant dans le cube B
qu’une
faible fluorescencei,
leséquations précé-
dentes
deviennent,
dans cesconditions,
On
pourrait
aussiremplacer
le cube A par un verre(vert jaunâtre)
ne laissantpasser que des radiations
incapables
dedévelopper
lafluorescence,
mais l’un oul’autre de ces deux
dispositifs, l’expérience
ne serait pas correcte, le faisceau transmiscontiendrait
il estvrai,
des radiations absorbables(pour lesquelles Kf
est
peut-être
dînèrent deKo),
mais ’elles seraientmélangées (dans l’hypothèse
ci-dessus
indiquée)
à des radiations non absorbables pourlesquelles Ko.
L’expérience
sous cette forme n’est donc pascomplètement
démonstrative.Il est donc
indispensable d’employer
comme source de lumière le corps fluores-cent
lui-même;
c’est ce quej’ai
fait dans lesexpériences
suivantes.’
Il.
EXPÉRIENCES DANS LESQUELLES LA SOURCE DE LUMIÈRE EST LE CORPS FLUORESCENT
LUI-MEME.
L’appareil employé
est trèssimple,
il se compose d’unepremière
cuve S conte-nant une solution aqueuse de fluorescéine rendue fluorescente par des rayons solaires convenablement réfléchis
( fig.
.2).
Une lentille 1forme,
sur la fentef
d’un collimateur c,,
l’image
réelle de la face a de la cuve S. Devant cette fente estplacée
une deuxième cuve C contenant, comme lapremière,
de la fluorescéiuequi peut
être rendue fluorescente par l’action des rayons solaires. L’une des moitiés del’objectif
du collimateur c, estmasquée
par un miroirargenté
naqui
réfléchit les rayons lumineuxprovenant
d’unelampe
àpétrole L,
à une assezgrande
distancede
laquelle
se trouventplusieurs
verrescolorés jaunes
et verts donnant sensible-ment la même teinte que la fluorescence
développée
dans les cuves S etC,;
cefaisceau est atténué dans un rapport connu par deux
nicols,
dont lepremier
N,tourne autour d’un cercle
divisé;
dansplusieurs expériences,
on aremplacé
avan-tageusement
lalampe
L par une troisième cuve contenant de lafluorescéine,
dont .la fluorescence est excitée par une
lampe
de Nernst. L’observateurregarde
par unpetit
trou 0percé
dans un écran situé dans leplan
focal d’un collimateurC2,
il voit deux
plages qu’il
amène àl’égalité
par une rotation convenable du nicolN,.
Les
expériences
sont conduites de la mêmefaçon
que page8,
les mêmeséqua-
tions
s’appliquent..
Pour
régler
les valeurs relatives de F et de il suffit dedéplacer
convenable-. ment les deux cuves S et C sur leurs chariots
micrométriques v
et v’.Il faut
placer,
devant le trou o,plusieurs
verres verts afin d’amener les deux Fig. 2.plages
observées à la mêmeteinte;
si l’on neprend
pas cetteprécaution,
il estimpossible
de déterminer x2, laplage correspondant
au faisceau issu de L étantrougeâtre
et cellequi correspond
à l’autrefaisceau,
verdâtre.Voici
quelques
résultats obtenus par cette méthode :Première expérience :
Deuxième expérience :
Troisième expérience :
Quatrième
expérience :Ces
expériences
etd’autres,
effectuées en variant lesconditions,
montrent qneRemarque.
-L’expérience précédente remplit
toutes les conditions énoncées pageIII.
DÉTERMINATIONS DIRECTES DE
K f.
Les
expériences précédentes
ont toutes le même inconvénient : le coefficient de transmission du corpsfluorescent, pendant
la fluorescenceK f,
est assez mal déter-miné,
car il nécessite trois mesuresphotométriques
donnant a,, ag, x~. Il serapréférable
de l’obtenir par une seule mesure. M. Burke aindiqué
une méthodeélégante
pour arriver à ce résultat : ilprend quatre petits
cubesidentiques
enverre
d’urane,
il lesassemble,
commel’indique
lafigure 3,
la fluorescence estexcitée par des étincelles
qui
éclatent en i(’).
Pour déterminer
K~,
M. Burke recouvre le cube 3 d’un écran(fig. 3, a)
et, auFig. 3.
moyen d’un
photomètre placé
enS,
il compare les intensités des deuxplages b
( 1 ) Le
point i
doit être situé sur laperpendiculaire
élevée à la face 1234 et passant par le sommet commun aux quatre rectangles dont cette face est composée.et a, il obtient ainsi le
rapport
Pour déterminer
Ko,
ilgarantit
contre les rayons cxcitateurs les cubes 3 et2,
le
rapport
des intensités des deuxplages
a et b estKo.
Enfin,
dans une troisièmedétermination,
ilgarantit
le cube 1 et lerapport
des intensités des deuxplages
b et a est.
M. Burke ne donne pas le détail de ses
expériences,
ilindique
seulement( p. 98,
loc.cit. )
les nombres suivants :qui
ne sont pas très concordants.‘ C’est la moyenne de ces nombres
qu’il prend,
il obtient
et
Dans ces
expériences,
la cause d’erreur laplus
grave est due à l’étincelle. Celle-cijaillit
entre deuxpointes
decadmium,
à 2cm de la surface des cubes de verred’urane. Les
pointes
de cadmium s’usentrapidement
et unedissymétrie
seproduit
dans
l’appareil; si, par suite
de cettedissymétrie,
les cubes 3 et 4 sontplus
forte-ment éclairés que 1 et
2,
la valeur de K obtenueparaît plus grande; si,
au con-traire,
les cubes 1 et 2 sontplus
fortement éclairés que 3 et4,
c’est l’inverse.Dans le cours d’une
expérience,
à mesure que les électrodes de cadmiums’usent,
on peut observer une variation continue deK;
il estfacile,
en examinantla forme des
électrodes,
de vérifier que leur usure se fait dans le sens que la varia-tion de K fait
prévoir.
,Je vais donner
quelques exemples
mettant en évidence l’influence de la forme des électrodes sur la valeur du coefficient de transmission.Un bloc de verre d’urane ou une cuve contenant de la fluorescéine est
placée
dans une monture
métallique
pourvue dequatre
fenêtres1/2, 3, 4,
parlesquelles
on excite la fluorescence au moyen d’une source de lumière
placée
transversale-ment.
Dans une série
d’expériences, j’ai adopté
comme source de lumière l’arc élec-trique,
dontles rayons sont tamises par un verre violet. Le cube de verre d’urane étaitplongé
dans ungrand
bac en verre contenant de l’eau destinée àempêcher
réchauffement du cube.
Les fenêtres 5 et 6
(.fig.
3bis)
permettent la détermination deKo
etK.r.
LesFi g. 3 bis.
plages 5
et 6 sontcomparées
au moyen d’unphotomètre composé
d’unprisme biréfringent
et d’un nicol mobile sur un cercle divisé.L’angle
deduplication
dubiréfringent
est tel que l’observateur voit lapartie
inférieure de laplage 6
encontact avec la
partie supérieure
de laplage
5.a,
~,
ydésignent
les diverses valeursde l’angle
de la sectionprincipale
du nicolet de la section
principale
dubiréfringent, indiquées
dans le Tableau suivant :K f
s’obtient au moyen del’égalité
Kf
s’obtient au moyen del’égalité
Kt
s’obtient au moyen del’égalité
EXEMPLE MONTRANT LA VARIATION APPARENTE DE I1.
Détermination de x,
fi.
- Lectures brutes.Ces deux déterminations
paraissent
démontrer queK~ Ko
et donner raison à M. Burke. Unepareille
conclusion seraitprématurée;
ilsuffit,
eneffet,
de conti-nuer les mesures, une nouvelle détermination des
angles a
donne : :Lectures brutes.
La conclusion est facile à tirer : au début de
l’expérience,
les charbons de l’arcélectrique
éclairaient lesplages 1
et 2plus
fortement que lesplages
3 et4,
il en .résultait une diminution apparente de
Ko
et deK~ (K f- 0,805 d’après
la pre- mièredétermination,
alors que sa valeur exacte esto,85,
voirplus loin,
p.433),
l’usure des charbons a
déplacé
lecratère, qui
s’est orienté de tellefaçon que 4
et 3ont été
plus
éclairées que 1 et 2.La seconde détermination a donné une valeur de
Ko (Ko = o,go) plus grande
que la valeur
réelle,
ladissymétrie
a encoreaugmenté
et la troisième détermina- tion a donné pourK~
une valeurplus grande
encore :1, 05.
Avec un verre enfuméet une
loupe,
il est facile de suivre l’usure des charbons et de contrôler l’exacti- tude desexplications précédentes.
En aucun cas, l’usure des charbonsprévue
par la variation deKo
et deK~
n’a été de sens inverse à celle quel’observation
directe du cratèrepermettait
de déterminer.Cette
dissymétrie
introduit des erreurs énormes dans la détermination deKo et KI’ puisqu’elle peut rendre,
en apparence, cescoefficients de
transmissionplus grands
que l’unité. Pour ~~ remédier et obtenir des valeurs constant,es et correctesde
K,
il suffitd’employer
une source de lumière d’intensité constante et de forme invariable. Lalampe
deNernst, employée
avec lesprécautions
quej’ai
indi-quées (1),
convient trèsbien,
elle est bienpréférable
à la lumière solaire. Malheu-°
reusement elle n’a pas une intensité très
grande.
Il conviendra aussi de
disposer
devant l’oeil de l’observateur un ouplusieurs
verres verts
monochromatiques,
car les deuxplages
observées ont des colorations très différentes dans la détermination deKo,
laplage
laplus
faible est très nette-ment rouge vis-à-vis de la
plage
laplus
fortequi
est verte. M. Burkeparaît
avoir
négligé
cetteprécaution,
sanslaquelle
les mesuresphotométriques
sontimpossibles.
Description
duprocédé
- Les déterminations doivent être faitesavec deux
photomètres placés
des deux côtés du cube de verre d’urane. Les fenêtres5,
6 du côté1, 7
et 8 du côté IIpermettent
la détermination deKo
etde Kt.
a,
~,
Ydésignent
les diverses valeurs del’angle
de la sectionprincipale
dunicol et de la section
principale
dubiréfringent Indiquées
dans le Tableau suivant :(1) CAMICHEL, Annales de la Faculté des Sciences de Toulouse, t. V, 2e série.
. Voici les résultats d’une série
(inexpériences; j’ai
inscrità
dessein dans les Tableauxqui
suivent tous les détails des déterminations.Cube de verre
d’urane,
éclairé par unelampe
de Nernst(120 watts)
mobilesur un chariot
micrométrique :
:DÉTERMINATIONS DE K/.
DÉTERMINATIONS DE
K f.
DÉTERMINATIONS DE Ko.
, , ~~
, ’ 1 + K /-
,Ko ~ ~ ’ ~ ~
°Voici le résumé des
expériences précédentes :
..On doit donc en conclure que aux erreurs
près
desexpériences.
Un autre cube de verre d’urane
plus
absorbant m’a donnéLes mêmes séries
d’expériences
ont étérépétées
pour lafluorescéine,
ellesm’ont
donné,
parexemple,
IV. ,
’
LES EXPÉRIENCES DE MM. NICHOLS ET MERITT.
MM. Nichols et Meritt ont étudié ’la fluorescéine en section
a’queuse
par une méthodeanalogue
à celle décrite dans leparagraphe I,
page423.
Ilsplacent
devant la fente de l’un des collimateurs du
spectrophotomètre
une cuve contenantde la
fluorescéine,
ils mesurent : 10 l’intensité de la lumière transmiseT,
la fluo-rescence n’étant pas
excitée;
2° l’intensité de la lumièredéveloppée
par fluores-cence
F,
le faisceau T étantintercepté;
3° l’intensité Scomprenant
la lumière transmise et la lumière excitée par fluorescence.Voici Fun des deux Tableaux
d’expériences qu’ils
donnent :Les différences
T + F - S
sont faibles et, engénérale
de l’ordre des erreursexpé- rimentales,
et il est curieux que cette différence reste sensiblement constante(t ) lorsque
l’intensité T de la lumière transmise varie dans lerapport
de i à 5. En admettant avec MM.Burke,
Nichols et Meritt que le corps fluorescent n’a pas le même coefficientd’absorption
a f quele
corps non fluorescent et endésignant
par 1 l’intensité de la lumière
qui
tombe sur la cuve defluorescéine,
T et S ont lesexpressions
suivantes :...,... --
z
désigne l’épaisseur
du corps suivant l’axe du collimateur et (xo le coefficientd’absorption
du corps nonfluorescent,
la différenceT + F - S prend
donc la formece
qui
montre que T + F -S
varie avec T.Il ~- a lieu de se demander si les différences T + F - S ne
proviennent
pas d’une erreursystématique;
en supposant, parexemple,
queF
y la fluorescence( 1 ) Voir la note de la page 4z3,
excitée par la source de lumière
placée transversalement,
n’est pas éteinte entière-ment au moment où l’on mesure
T,
etqu’il
en subsistef= KF,
la diffé-rence T + F - S est
égale à f
etIndépendante
de T.Ces considérations m’ont
engagé
àreprendre
les déterminations de MM. Nicholset MeritL
Une des séries
d’expériences
est résumée dans le Tableausuivant, Ku
estcomme
précédemment
le coeflicient de transmission du corps,lorsque
la fluorés--cence n’est pas excitée.
La différence entre T + F et S est
toujours
faible et de l’ordre des erreursexpé- rimentales ;
elle est tantôtpositive,
tantôtnégative ;
pour la radiation ott,507
pourlaquelle
MM. Nichols et Meritt donnentelle est
négative.
’
Les mêmes
expériences
ont été faites avec des solutions de fluorescéine de diverses concentrations.V.
RELATION ENTRE L’INTENSITÉ DE LA LUMIÈRE EXCITATRICE ET L’INTENSITÉ DE LA LUMIÈRE EXCITÉE.
Edmond
Becquerel
a montré que l’intensité de la lumière émise parphospho-
rescence est
proportionnelle
à l’intensité de la lumièreexcitatrice 1 ’ ) .
Cette loi est évidemment
applicable
à la fluorescencequi
n’estqu’une phos- phorescence
de très courte durée.Soit une cuve
rectangulaire remplie
defluorescéine,
elléreçoit
normalementsur l’une
de
ses deux faces a une radiation excitatrice d’intensité variableIr.
La fente du collimateur duspectrophotomètre
estplacée
contre la face b de la mêmecuve. En
désignant
par d la distance de la face a à l’axe ducollimàteur,
par ll’é-paisseur
de la cuveparallèlement
à l’axe ducollimateur,
par a le coefficient d’ab-( 1 ) ) Eu. BECQUEREL, La lumière, t. I, p. 266.
sorption
de la radiationexcitatrice, par fi
Je coefficientd’absorption
de la radiation émise par fluorescence et tombant dans lephotomètre,
l’identité de lalumière
émise par fluorescencepeut
s’écrire(les
axes ox et oy sont dans lepian
de laFig. ~.
figure 4,
oz estperpendiculaire
à ceplan ) :
K
désignant
une constante, ou encorek’
désignant
une nouvelle constante.Si a
et p
sont constants etindépendants
de lafluorescence, I f
est propor- tionnel àre.
Il en est encore de même
si,
au lieu deprendre
une radiation excitatricemonochromatique,
onemploie
pourproduire
la fluorescence de la lumière blanche..~~’expérience
a été faite de la manière suivante : Unelampe
de Nernst à fila-ment vertical se
déplace
sur un bancd’optique
normal à la face a de la cuve. Dans le Tableausuivant,
ddésigne
la distance du filament de lalampe
à la face a de la cuve, la colonneI f
contient les diverses valeurs de lalargeur
de la fente du deuxième collimateur duphotomètre.
Cecollimateur,
devantlequel
estplacé
unverre
dépoli
éclairé par unelampe
àpétrole éloignée
de30~~’,
a une distancefo-
cale de r mètre. La fente est
symétrique,
elle aquand
elle est entièrementouverte.
Un
pareil dispositif
permet de faire trèsrapidement
ungrand
nombre de me-sures
photométriques,
les deuxplages
duphotomètre
onttoujours
la même cou-leur, quelle
que soit lalargeur
de la fente. Le zéro de celle-ci se détermine par leprocédé
quej’ai précédemment indiqué (1) :
,Dans d’autres
expériences,
l’intensité de la lumière excitatriceIe
a varié de t à 12,1; § l’intensité de la lumière fluorescente était mesurée par leprocédé
décritau
paragraphe
II.Voici
quelques
nombres :ÉTUDE DE SOLUTIONS TRÈS CONCENTRÉES DE FLUORESCÉINE.
La méthode
précédente
est difficilementapplicable
aux solutions très concen-trées de
fluorescéine,
car, pourcelles-ci,
la fluorescence est localisée dans uneépaisseur
très faible àpartir
de la face d’entrée. Il faut alors observer normalement à cette face. Une cuve trèslongue
contenant 1a solution fluorescente est éclairée normalement par la radiation excitatrice. Enprenant
les mêmes notations queprécédemment;
l’intensité de la lumière émise par fluorescence a, comme expres-sion,
( ~ ) Annales de la Faculté des Sciences de Toulouse, t. V, oe série, p.. 31~1.