FACULTÉ
DEMÉDECINE
ET DE PHARMACIEIDE BORDEAUX
ANNEE 1895-96 N° 95
VALEUR COMPARÉE DE LA TRACHÉOTOMIE
ET DE
L'INTE KGRICO - TH Y ROTOMIE
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
PRÉSENTÉE ET SOUTENUE PUBLIQUEMENT LE 28 JUILLET J896
Pierre-Marie-Gabriel HIRIGOYEN
Né à Bordeaux(Gironde), le 25 février 1863
EXAMINATEURS IDE LA THÈSE
MM. IANELONGUE, DEMONS, VILLAR, BRAQUEHAYE,
LeCandidat répondra aux questions qui lui seront faites sur les diverses parties de renseignement médical.
professeur, président.
professeur, y agrégé,
(
juges.agrégé
\
BORDEAUX
1M PB IM ERIK Y. CADORET
17— RUEMONTMÉJAN—17
1896
M. PITRES
Doyen.
MM. MI CE.., AZAM.
PROFESSEURS :
Professeurs honoraires.
Clinique
interne.Clinique
externePathologie interne
. ...Pathologie
etthérapeutique
généralesThérapeutique
Médecine
opératoire Clinique
d'accouchements Anatomiepathologique
Anatomie
Anatomiegénérale et
Histologie Physiologie
Hygiène
Médecine-
légale Physique
Chimie
Histoire naturelle
Pharmacie 1
Matière médicale Médecine
expérimentale Clinique ophtalmologique
Clinique des
maladieschirurgicales des
enfants.Clinique gynécologique
AGREGES EN EXERCICE
SECTION DE MÉDECINE
Pathologie interne et Médecine légale
MM. PICOT.
PITRES.
DEMONS.
LANELONGUE.
DUPUY.
VERGELY.
ARNOZAN.
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MESNARD.
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SABRAZÈS,
LE DANTEC.
Pathologie
externe.Accouchements
SECTION DE CHIRURGIE ET ACCOUCHEMENTS
l VILLAR.
B1NAUD.
I BRAQUEHAYE.
RIVIÈRE.
CHAMBRELENT.
SECTION DES SCIENCES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES
Anatomie iMM.. PRINCETEAU.
j Histoire
naturellej
CANNIEU.I Physiologie
SECTION DES SCIENCES PHYSIQUES
Physique..
MM. SIGALAS.MM. BEILLE.
PACHON
Chimieet
Toxicologie
Pharmacie DENIGES.
BARTHE.
Clin, interne des enfants filin,desmal.culau. et
syphil...
Clin,des mal. des voiesurin....
Mal. du
larynx,
desoreillesetdunez.COURS
COMPLÉMENTAIRES
M.A. MOUSSOUS DUBREUILH.
POUSSON.
MOURE.
Maladiesmentales.... MM.
RÉGIS.
Pathologie
externe.. DENUCE.Accouchements...
RIVIÈRJEChimie
DENIGÈS.
LeSecrétairede la
Faculté,
LEMAIRE.« Pardélibération du 5 août 1879, la Faculté a arrêté que les
opinions
émises dans les» Thèses qui luisont présentéesdoivent être considéréescomme propres à leurs auteurs
» et qu'elle n'entend leur donner ni
approbation
niimprobation.
»A MON ONCLE LE DOCTEUR LEVIEUX Officier de la Légion d'honneur,
Membrecorrespondant de l'Académie de médecine, Médecin honoraire des hôpitaux.
A MON BEAU-FRÈRE LE
DOCTEUR VERGELY
g
Professeurde Pathologie etde Thérapeutiquegénérales à. la
Faculté de Médecine,
Médecin des hôpitaux,
Chevalier de laLégion d'honneur, Officier de l'Instructionpublique,
Membre correspondantdel'Académie de médecine.
2Hirigoven.
A mon Président de Thèse
Monsieur le Docteur M. LANELONGUE Professeur de Clinique chirurgicaleàla Faculté de Médecine, Chevalier de la Légion d'honneur, Officier de l'Instruction publique,
Membrecorrespondant de l'Académie de Médecine, Membre de l'Académie de Bordeaux.
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-VALEUR
COMPARÉE DE LA TRACHÉOTOMIE
ET DE
LÏNTERCRICO-THTROTOIIE
AVANT-PROPOS
L'opération de l'intercrico-thyrotomie date d'assez long¬
temps,
onle verra tout à l'heure. Son opportunité dans les
différents cas
où il est indiqué d'ouvrir
un passageà l'air, sa
valeurcomparée à la trachéotomie ont été agitées seulement
dans les séances de
Sociétés savantes; quelques thèses ont été
faites à son
sujet, mais elles ont toujours été un plaidoyer en
faveur de cette
intervention.
Justifie-t-elle les espérances qu'elle a fait concevoir : a-t-elle
réellement des
avantages
surla trachéotomie? N'a-t-elle pas,
au
contraire, des inconvénients dont l'importance doit faire
renoncer
à
ce genred'opération?
Dégagé de tout intérêt, avec toute l'impartialité que nous
pourrons,
nous chercherons à établir la valeur de la laryngo¬
tomie et de la
trachéotomie dans les
casoù l'une et l'autre
peuvent être de mise.
Aussi, après avoir recherché les origines de la question, établirons-nous, dans
undeuxième chapitre, quels sont les
cas où chacune des interventionspeut être faite.
Puis nous
indiquerons les avantages
que,dans
cesconditions,
la
première opération peut offrir
surl'autre
et nous passeronsen revue les inconvénients
qu'elle peut entraîner réellement
et ceuxqu'on lui prête
:ceci constituera
notre troisième cha¬pitre.
Nous sommes heureux que
la tradition
nousfournisse aujourd'hui l'occasion de témoigner à
nosmaîtres
de la Faculté toute lagratitude
que nousleur
avons del'extrême
bienveillancequ'ils
nousont toujours témoignée.
M. Moure a eu le
premier l'idée de
ce travail : nous lui enexprimons notre gratitude ainsi
que pourles matériaux qu'il
a bien voulu nous fournir.
M.
Breffeil, médecin résidant
àl'hôpital Saint-André,
atrès obligeamment mis à notre disposition deux observations
per¬sonnelles : nous l'en remercions.
Nous
remercions,
enparticulier, M. le professeur Vergely
des excellents conseils
qu'il n'a cessé de
nousprodiguer.
Les
quelques mois, trop courts hélas!
que nous avonspassés
dans le service de M. le
professeur Piéchaud, resteront
pournous le meilleur souvenir de notre
séjour dans les hôpitaux.
A M. le
professeur Lanelongue,
nousadressons l'expression
de notre
profonde reconnaissance
pourtoute la bienveillance
avec
laquelle il
nous atoujours accueilli
et pourl'honneur qu'il veut bien
nous faireaujourd'hui
enacceptant la prési¬
dence de notre thèse.
CHAPITRE PREMIER
HISTORIQUE
Rechercher les
origines de la question qui fait le sujet de
notre thèse consiste évidemment à remonter dans l'histoire au
jour où
on apréconisé l'intercricothyrotomie. De
cejour,
eneffet,
on aplus
oumoins prétendu substituer cette intervention
à latrachéotomie.
Dans les Mémoires de la Société
royale de Médecine de 1776,
on lit :
« M.
Vicq d'Azyr communique à la Société
sesréflexions
sur» la
possibilité de pratiquer la laryngotomie entre le cartilage
»
thyroïde et le cartilage cricoïde. Dans l'intervalle qui les
»
sépare antérieurement, il
y a un espacetriangulaire qu'il est
»
toujours facile de trouver, quelque gonflement qu'il
yait
» dans la
région du col. Il
neserait
pasnécessaire de faire
une»
grande incision à la
peau pour yparvenir. La bronchotomie
»
pourrait d'ailleurs servir dans cette opération
commedans
» celle que
l'on pratique journellement. M. Vicq d'Azyr l'a
»
essayée
surdes chiens
sans aucunesuite fâcheuse
».Mais Vicq d'Azyr n'a
pastenté l'opération
surl'homme, et c'est
sur¬tout à cause de la constitution
anatomique de la région qu'il
déclare
l'opération possible et
sansdanger. Toutefois c'est bien
lui
qui
aindiqué la méthode. Trois
ansaprès, Fournoy,
se basant sur lesrapports superficiels de la région, conclut à la
possibilité d'ouvrir le larynx
parcette voie et préconise la
— 16 —
laryngotomie dont il
s'attribuel'invention
etpartant
ne nomme pas,bien entendu, Vicq d'Azyr.
Desault, comparant la trachéotomie
et lalaryngotomie inter-
crico-thyroïdienne, arrive à
conclure enfaveur
de cette der¬nière : « En somme,
dit-il, cette opération (la laryngotomie)
est à
pratiquer dans
presquetous les
casoù
latrachéotomie
serait
indiquée, et si c'est
la carie dularynx qui
adéterminé l'opération, la laryngotomie est de
toutenécessité
». 11 ne dit pasavoir pratiqué cette opération.
Roux est le
premier qui rapporte deux
cas de cette interven¬tion.
Blandin, plus tard, la déclare
uneopération très utile
et que tout médecin doit êtreprêt à pratiquer. Il l'a lui-même prati¬
quée chez
un enfantqui
mourut autroisième jour des progrès ultérieurs
del'angine laryngée
couenneusequi avait nécessité
l'opération.
En
1841, Lenoir fournit, dans
sa Thèsed'agrégation, des arguments
en faveur de lalaryngotomie crico-thyroïdienne.
Il repousse
l'incision
crucialepréconisée
parCh. Bell, qui
ne manque pasde donner
lieu au seul accident dont ellepuisse
être
accompagnée
ousuivie
: lapetite hémorrhagie
quepeut
fournir la lésion de l'arcadequi résulte
del'anastomose
des deux artèrescrico-thyroïdiennes.
En
1834, Bourguet
apratiqué trois fois
lalaryngotomie
avecsuccès à
Marseille, et dans
sa thèse où ilpublie
ces trois cas, il »se montre chaudpartisan de
laméthode
deVicq d'Azyr.
Boyer, dans le Traité
des maladieschirurgicales (1846), dans
l'articleBroncholomie, donne
lapréférence
sur les autres méthodes à la sectionintercrico-thyroïdienne.
En
1852, dans
unemonographie
surl'angine laryngée oedé¬
mateuse, Sestien rapporte
ce casoù
la membranecrico-thyroï¬
dienne a été
sectionnée.
— 17 -
Velpeau préconise le procédé
commele plus facile.
Enfin, Rosen,dans
sonTraité de pathologie chirurgicale,
con¬seille cette
opération
commela plus facile aussi, à pratiquer, cependant, de préférence chez l'adulte.
Toute cette série de mémoires
peut être considérée
comme constituant lapremière période de l'historique de la laryngo¬
tomie inter
crico-thyroïdienne. En effet, cette question dispa¬
rait
alors;
on cessede la discuter
oude la préconiser jusqu'au
moment où Krishabér fait à la Société de
chirurgie
unelon¬
gue
communication rapportée dans les Annales des maladies
de l'oreille : « Si cette
opération est tombée
endiscrédit
» et a même été
complètement abandonnée, c'est
queles
»
chirurgiens ont prétendu
quel'espace était toujours trop
» étroit ».
D'ailleurs, Desprès, dans la discussion qui
sefit autour
de cettecommunication, déclare queleprocédé devait être modifié
à la manière de Nélaton et Pravaz pourobtenir
unegrande
étendue
qui permette à la canule d'être mobile. Il reprocha,
enoutre, à la laryngotomie d'être la
caused'ulcérations. Mais
Farabeuf confirme lesexpériences de Krishabér qu'il avait
faites avec lui sur le cadavre. Pour
lui, la membrane
crico-thyroïdienne suffisait
pourpermettre chez l'adulte l'introduc¬
tion d'une canule
appropriée.
Nicaise, rapporteur, déposa des conclusions
enfaveur
de lalaryngotomie. Il
apratiqué l'opération et
aconstaté qu'une
canule ordinaire entrait facilement et
qu'elle n'arrivait
pas au contact de lapartie postérieure de la trachée ni du larynx.
Tandis que
Krishabér réhabilitait la laryngotomie inter- crico-thyroïdienne abandonnée
enFrance, cette opération était
entrée dans la
pratique de la chirurgie anglaise. Erie Erichsen,
dansson Traité de l'art
chirurgical, dit avoir pratiqué plusieurs
fois la
laryngotomie inter crico-thyroïdienne, et c'est d'après
3 Hirigoyèn.
— 18 -
les succès
qu'il
aobtenus
parl'emploi de
ceprocédé, qu'il
con¬seille de la substituer à la trachéotomie.
Comme il arrive
habituellement, Krishaber
provoque un mouvementscientifique, mouvement qui
setraduit
par un certain nombre d'interventionschirurgicales, telles qu'il les préconise et
pardes thèses inaugurales, celle de Choukry,
parexemple, où l'auteur s'attache principalement à la description
du manuel
opératoire et à l'utilité de l'emploi du thermo¬
cautère, la thèse de de Launay, etc.
Le silence se fait enfin encore une fois autour de cette ques¬
tion, lorsque récemment M. Richelot, à l'Académie de médecine
et à la Société de
chirurgie,
aprovoqué
unenouvelle discussion
dont voici le
compte rendu d'après la Semaine médicale.
Académie de
médecine, M. Richelot
: Latrachéotomie,
chez « l'adulte est une
opération dangereuse, aléatoire, à la-
»
quelle, ainsi
queplusieurs auteurs l'ont déjà fait
remarquer,» on devrait substituer la
laryngotomie inter crico-thyroï-
» dienne. Cette dernière
est,
aucontraire, des plus simples.
» On n'aà craindre la lésion d'aucun organe,
d'aucun vaisseau
»
important, inutile de placer des écarteurs, de disséquer
cou-» che par
couche;
aucunautre appareil instrumental qu'un
» bistouri et une canule à bec de
Krishaber;
aucuneinstalla-
» tion
spéciale du malade. On place l'ongle de l'index gauche
» au niveau du bord inférieur du
cartilage thyroïde,
surla
»
ligne médiane,
onle soulève
pouragrandir l'espace compris
» entre les
cartilages,
ou, cequi revient
aumême,
ondéfléchit
»
légèrement la tête
enramassant l'oreiller
sous la nuque,puis
» on
pratique
uneincision de 1 centimètre,
on ouvre ensuite» avec la
pointe du bistouri la membrane crico-thyroïdienne
» et ontermine par
l'introduction de la canule.
Il faut moins« d'une minute pour que
l'opération soit terminée.
» Une canule de 9 à 10 millimètres de diamètre suffit
large-
— J9 —
» mentà la
respiration. Je l'ai
vuefonctionner pendant de longs
»
mois; elle
atoujours été facilement tolérée, même chez les
» tuberculeux etles
cancéreux, dont les cartilages peuvent être
» ramollis ou fracturés ».
Société de
chirurgie (22 avril 1896), M. Richelot : Vous
m'avez
chargé de
vousprésenter
unrapport
ausujet d'un
mémoire de M.
Gouguenheim,
surla trachéotomie dans le
service
laryngologique de l'hôpital Lariboisière. Je ne m'arrê¬
terai que sur un
point de
cetravail. Notre collègue
apratiqué
une seule fois la
laryngotomie intercrico-thyroïdienne, et cette
intervention ne lui a pas
réussi. Je n'en persiste
pasmoins à
penser
que,chez l'adulte, cette opération devrait être substituée
à la trachéotomie et
je l'ai exécutée,
pour moncompte,
unequinzaine de fois, souvent dans de mauvaises conditions,
sanséprouver
aucundes ennuis
quedonne si fréquemment la tra¬
chéotomie. M.
Gouguenheim
pense quele séjour de la canule
entre les deux
cartilages peut avoir des inconvénients; à
cesujet, je
nepuis
querépéter
ce queje disais à l'Académie de
médecine : que
chez tous
mesopérés, la canule
atoujours été
bien tolérée.
Tuffier : Je suis très
partisan de la laryngotomie inter¬
crico-thyroïdienne, mais je crois qu'elle a ses indications et
ses contre-indications.
Ainsi, dans deux
casde
cancerdu larynx, ai-je
crudevoir
faire la trachéotomie etnon la
laryngotomie intercrico-thyroï¬
dienne, afin de m'éloigner le plus possible du foyer néoplasi-
que
et de protéger ainsi pendant longtemps la plaie contre l'en¬
vahissement du cancer.
Poirier : J'ai
fait plus de 150 fois,
surle cadavre, la laryn¬
gotomie intercrico-thyroïdienne et j'ai trouvé environ une fois
sur 30
l'espace intercrico-thyroïdien insuffisant pour la canule.
Donc, dans quelques
cas, onpourra rencontrer une certaine
difficulté dans
l'introduction de la canule.
Au
point de
vuede la technique opératoire, je crois
que,lorsqu'il n'y
a pasnécessité absolue d'intervenir
sansretard,
il estpréférable de faire l'opération
endeux temps.
Pozzi :
J'appuie complètement
ce que nous adit M. Richelot
au
sujet de la supériorité de la laryngotomie intercrico-thyroï-
dienne sur la trachéotomie.
J'ajouterai, cependant,
unpetit point de technique qui peut être très utile. Lorsque je pratique
la
laryngotomie intercrico-thyroïdienne, j'ai soin d'accrocher
avec un double crochet le bord inférieur du
cartilage thyroïde;
de cette
façon
onfixe
lelarynx et
ondonne à l'espace inter- crico-thyroïdien
sesplus grandes dimensions. Comme
M. Ri¬chelot, je crois qu'il faut
commencerparmettre
unetrès petite canule, et quelquefois je
mesuis servi simplement d'une sonde
en gomme, que
j'ai remplacée
par unecanule quelques heures plus tard.
Félizet : Pour faire entrer la
canule, la simple ponction de
la membrane ne suffît pastoujours et il est quelquefois néces¬
saire de débrider à droite et à
gauche. En
cequi
concernel'objection relative
auséjour de la canule entre
lescartilages, je puis citer l'observation d'un malade
quej'ai opéré il
y adeux ans et
qui tolère fort bien
sa canule.Quénu : Je m'associe à la réserve
qui vient d'être formulée
parM. Tuffîer. J'ai
vu, eneffet, dans le
service de M.Richet,
de nouveaux accidents survenir
quelques semaines après
unelaryngotomie intercrico-thyroïdienne pratiquée
pour un can¬cer de la base de la
langue.
Richelot : Je n'ai
rencontré,
sur15 opérations, qu'un
cas oùl'espace intercrico-thyroïdien était plus étroit qu'à l'ordi¬
naire. D'une
façon générale, je crois
quele débridement
laté¬ral est inutile et que,
si l'on défléchit suffisamment
latête,
ona
toujours
assezd'espace
pourintroduire la canule.
CHAPITRE II
On doit d'emblée éliminerl'intercrico-thyrotomie chez l'enfant, opération qui se fait par surpriseet tropfréquemment.
LesIndications ensont:
i l labase de la langue, i loTumeurs de < l'épiglotte.
. „ . I r l'orificesupérieur de l'œsophage.
1» Affections sus- I r
/ / de l'ataxie locomotrice,
laryngées et \ [
. x , 2° Spasmeerlot- \ des attouchementsdu larynx,
intra-laryngées: J /
j
tique )des néoplasmes comprimant les
| \
récurrents.
^ 3° Paralysie desdilatateurs.
2»Corps étrangers du larynx.
3°Rétrécissement dularynx.
4°Tumeurs duhypertrophie ducorps thyroïde.
Contre-indications:
1»Tumeurs malignesintra-larygées(Verneuil, Semon, Démons, Krishaher, etc.).
2°Intervention ultérieure plus complète.
Avant d'entrer
plus avant dans l'étude de notre sujet,
nous devonsreconnaître,
pour quenotre thèse soit présentée
sousson véritable
jour,
quel'intercrico-thyrotomie n'est
pasà faire
dans tous les cas. Il est
utile,
pensons-nous,de savoir quelles
sont ses indications
et, celles-ci étant nettement posées, il
noussera loisible de la comparer avec
la trachéotomie.
Et
d'abord,
nouséliminons d'emblée le premier procédé
chez l'enfant : cette
opération
sefait habituellement
par sur¬prise, et
cen'est
quetrop fréquemment;
oubien elle est
unprocédé appliqué d'une façon systématique; c'est à
peuprès
ce_ 22 —
que
faisait de Saint-Germain lorsque, fixant le larynx,
ponc¬tionnant d'emblée la membrane
crico-tliyroïdienne, il incisait
le cricoïde et les trois ou
quatre premiers
anneauxde la tra¬
chée.
Bien
exécuté,
ceprocédé est très bon. Pas d'hémorrhagie;
l'introduction de la canule est très
rapide et il est impossible (à moins d'une
syncope,accident très rare)
quel'enfant reste
sur la table. Mais on
peut lui reprocher d'amener,
enincisant
le
cricoïde, des troubles laryngés ultérieurs et d'allonger
un peule séjour de la canule. L'oedème sous-glottique et le che¬
vauchement des
aryténoïdes sont aussi des complications qui peuvent très bien survenir et
surlesquelles
nousinsisterons plus tard.
Il estévidentque
le cercle des indications de la trachéotomie
est
plus étendu
quecelui de l'intercrico-thyrotomie. La
pre¬mière
s'emploiera dans tous les
oasoù
unobstacle
au passage de l'airsiégera dans le conduit aérien
enquelque point
que ce soit. L'autre nes'emploiera
quedans des
casplus restreints.
Us
pourraient
serapporter à trois grands chefs
:1°Affections sus-laryngées.
Toutes les affections
sus-laryngées susceptibles de retentir
d'une
façon fâcheuse
sur l'ouverture de l'arbre aérien sontjusticiables d'une trachéotomie supérieure
oud'une laryngo¬
tomie
intercrico-thyroïdienne.
Les tumeurs à la base de la
langue, précisément
parleur
situation
anatomique et leur voisinage de l'épiglotte, peuvent produire de la gêne respiratoire
asseznotable.
Les tumeurs de
l'épiglotte elle-même sont également très susceptibles, parles rapports qu'elles contractent, d'amener de
lagêne respiratoire
aupoint de nécessiter
uneintervention.
Enfin onsait que
dans nombre de
casde
cancerdel'œsophage,
mais en
particulier de la partie supérieure de l'oesophage,
ona des
symptômes du côté des voies respiratoires
:La
toux,
quel'on
aattribuée à
uneaction réflexe, à
une irritation dupneumogastrique, à
uneperforation des voies aériennes, est fréquente
:quelquefois elle s'accompagne d'une dyspnée qui peut être suffisamment intense
pournécessiter la laryngotomie. Dans
sathèse inaugurale, Goisque (Paris, 1890),
s'est
précisément attaché à établir les indications de la tra¬
chéotomie dans le cancer de
l'oesophage.
Les spasmes
glottiques peuvent être
euxaussi d'intensité
telle
qu'ils nécessitent
uneintervention qui peut être facile¬
ment une
intercrico-thyroïdienne, tel le
spasmeproduit
par l'irritation directeprovoquée
surle larynx
parcertains topiques introduits volontairement dans cet
organedans
un butthérapeutique
:badigeonnages à l'acide chromique, nitrate d'argent, etc.
D'ordinaire cessortes de spasmes
ont
undébut très brusque
et sont
quelquefois précédés d'une sensation de chatouillement qui
provoque unetoux quinteuse
avecsérie d'expirations rapides, suivies d'une inspiration
sonoreet sifflante.
La face du
patient est. congestionnée, il
selève
sur sonséant, court à
unefenêtre les lèvres entr'ouvertes, cherchant
l'air
qui
nes'introduit plus dans
ses poumons.Pour
peu que cet état seprolonge, c'est l'asphyxie et quelquefois la mort qui
termine la scène.
Les crises
laryngées de l'ataxie locomotrice constituent
par elles-mêmes unecomplication sérieuse,
en ce sensqu'elles peuvent enlever rapidement le malade pendant
unaccès
de suffocation. Et les faits de ce genre ne
sont
pasrares.
M.
Munselima, dans
sathèse,
en35
surcomptait sept. Une
observation de Krishaber que nous
relatons plus loin, rapporte
qu'il dut pratiquer une intercrico-thyrotomie pour sauver son
malade d'une
asphyxie presque certaine.
Le spasme
d'ordre périphérique, celui produit par la com¬
pression des récurrents par des tumeurs malignes, anévrys-
males, etc., constitue une véritable gêne pour le malade
plutôt qu'il n'a une intensité suffisante pour mettre l'existence
en
danger
ounécessiter une intervention chirurgicale. Toute¬
fois le cas
échéant il pourrait très bien être justiciable d'une
intercrico-thyroïdienne ; or cette opération, pratiquée dans ces
conditions, donne des résultats que l'expérience a consacrés.
La
paralysie bilatérale des dilatateurs est toujours une affec¬
tion grave
à cause de la constance des troubles respiratoires
rendant
l'hématose insuffisante et de l'imminence toujours à
craindre de
paroxysmes dyspnéïques pouvant déterminer la
mort
rapide
parasphyxie. Chez un assez grand nombre de
malades, la dyspnée est longtemps peu accentuée, elle peut
même
décroître à
unmoment donné et disparaître définitive¬
ment au
moins
enpartie, grâce à l'atrophie des cordes vocales
et à la
généralisation de la paralysie aux différents muscles
périglottiques. Mais lorsque le cornage permanent est un peu
accentué, lorsqu'il augmente la nuit au point d'obliger le
malade
à
selever, et surtout lorsque les accès de suffocations
paroxystiques ont commencé à apparaître et se répètent, le pro¬
nostic
devient très
grave,et une intervention doit être faite
sans
plus attendre; l'intercrico-thyrotomie est tout à fait indi¬
quée dans ces cas et par la rapidité avec laquelle se fait cette
opération et par la facilité avec laquelle on la fait.
Il est
certains
corpsétrangers que les tentatives endo-laryn-
gées n'ont pas permis d'enlever, on doit les aborder par une
autre voieque
les voies naturelles et sans perdre de temps. On
sait,
eneffet,
quele calme qui peut succéder à la pénétration
du corps
étranger n'est, la plupart du temps, qu'illusoire ou
passager.
On doit alors ou
pratiquer la thyrotomie dont l'innocuité
habituelle à tous les
points de
vueest établie d'une façon cer¬
taine, et
enparticulier
aupoint de vue du développement, par
M. leDr
Brindel, dans
sonexcellente thèse de doctorat. Même
dans des cas
particuliers, il est bon, avant de faire cette opé¬
ration, qui est malgré tout considérable, il est prudent de ten¬
ter de saisir le corps
étranger
parl'incision de la membrane crico-thyroïdienne,
ceà quoi
onarrive assez souvent.
Dans les cas où l'on
pratique la dilatation lente du rétrécis¬
sement du
larynx,
commel'avait d'abord préconisé Liston et à
la
façon dont la pratiquait ensuite Schvcetter, il est nécessaire
d'ouvrir soit le
larynx, soit la trachée au-dessous du thyroïde.
On
sait,
eneffet, qu'après avoir habitué les parties à la pré¬
sence d'une
bougie,
onplace à l'aide d'un conducteur
undila¬
tateur, dont la partie inférieure est fixée à
unefenêtre de la
canule trachéale par une
petite pince et dont la supérieure est
maintenue par un
fil sortant
parla bouche. On comprend
aisément que
plus la canule
seraélevée et plus facilement
on exécutera la manœuvrequi consiste à dilater le larynx.
Il semble que
l'intercrico-thyrotomie soit plus spécialement indiquée
pourles affections du
corpsthyroïde, très nombreuses
et très
variées; elles peuvent, à
unmoment donné, nécessiter
une très
prompte intervention chirurgicale. Indépendamment
de la
question de rapidité (dont
nous nous occuperonsplus spé¬
cialement tout à
l'heure) qui est résolue
enfaveur de la laryn¬
gotomie,
ondoit
sedemander si l'on peut, en toute sûreté,
tenter de
pénétrer
versl'arbre aérien à travers un organe
extrêmement vasculaireet très
susceptible d'amener des hémor- rhagies redoutables. On peut toutefois objecter et avec une
apparencede logique qu'ouvrir le tube respiratoire au-dessus
de l'obstacle est un non-sens et
qu'on doit forcément
enarriver
à sectionner le corps
thyroïde
souspeine de faire une opération
4 Hirigoyen.
inutile. Peux observations que nous
rapportons à la fin de
notre
thèse, l'une de Krishaber, l'autre du docteur Breffeil,
médecin résidant à
l'hôpital Saint-André, répondent d'une façon
très
éloquente à cette objection. On peut toujours dépasser
l'obstacle
grâce à
unelongue canule et à défaut de celle-ci on
peut provisoirement, comme l'ont fait Krishaber et M. Breffeil
seservird'une sonde
œsophagienne
ouuréthrale.De cette façon,
deux des
conditions avantageuses qui doivent être l'apanage
d'uneouverturedu tube
respiratoire sont réalisées absolument:
la
rapidité et l'absence d'hémorrhagie
;l'une et l'autre peuvent
sauver la vie au
patient.
Quand
ondécide
uneintervention chirurgicale dans les
cas de cancer dularynx, il est
unprincipe capital dont on ne doit jamais s'écarter
ausujet du lieu d'élection de l'ouverture tra¬
chéale;
ondoit la pratiquer le plus bas possible Yerneuil
l'avait
déjà fait
remarquer.On ne sait jamais quelles sont les
limites exactes du
mal, et quand
onpratique l'intercrico-thyroto- mie,
on a,malheureusement très souvent, la désagréable
sur¬prise de tomber en pleine tumeur sur des surfaces bourgeon¬
nantes, saignantes et alors,
oubien
onne peut introduire la
canule ou bien les
bourgeons gagnent la partie du tube tra¬
chéal située au-dessousen
rétrécissant la lumière; l'observation
de Semon
(1884) est typique à cet égard; nous connaissons également tel de nos éminents maîtres à qui la chose est arri¬
vée dans sa
clientèle privée. Enfin, à l'hôpital, Krishaber eut
le même
désagrément; il n'en
ad'ailleurs pas publié la relation.
Nous sommes
également d'avis
quel'intercrico-thyrotomie
doit être
proscrite systématiquement dans les cas ou une inter¬
vention ultérieure
plus complète est à pratiquer
surle larynx
: Telle est lathyrotomie. Il est certain qu'un grand nombre
d'interventions
radicales ont été faites
sansouverture préala¬
ble du tube
trachéal. Pelletan
en1788, Maisonneuve
en1819,
Braners en
1833, Vital
en1838, Coates
en1864, Krishaber
en1869, Jonhson
en1870, Denucé
en1872, Péan
en1887, Godet
la même
année, Koeberlé
en1865, Périer
en1873
et en 1875 ont fait desthyrotomies
nonprécédées de trachéotomie,
sans fâcheux accident.Planchon, dans
sathèse inaugurale, déclare
que
l'ouverture préalable de la trachée
nedoit être
exécutée que pourdes indications très spéciales. Nous serions facilement plus timoré dans
uneintervention de
cettenature;
que cesoit
pourdes papillomes, des
corpsétrangers du larynx
outoute
autre cause nécessitant une
thyrotomie,
nousnousménagerions toujours
une soupapede sûreté,
car, en somme,la trachéoto¬
mie est une
opération relativement bénigne dans
cesconditions particulières et les complications à craindre de broncho-pneu¬
monie sont
évitées, grâce
auxmultiples précautions dont
onentoure les
opérés.
Si donc on a recours à cette
précaution,
ondoit
renoncer à l'intercrico-thyrotomie
:l'inconvénient
enest,
eneffet, de
toute évidence. Laproximité de la canule
et du lieu surlequel
on intervient est une cause de
gêne considérable
pourl'opéra¬
teur. Ce seul fait doit décider en faveur d'une
trachéotomie
basse etéloignée le plus possible du champ opératoire.
Enfin,
uneobservation de Guelliet,
que noustrouvons
citée dans la thèse de deLaunay, et
que nousrapportons plus loin,
établit que
le procédé de Vicq d'Azyr
ades inconvénients
lors¬qu'on l'emploie
surdes sujets qui ont dépassé l'âge adulte. En effet, chez les individus
un peuâgés où les cartilages ont perdu
de leur élasticité et
présentent quelques points d'ossification,
on
risque,
envoulant introduire
unecanule
parl'espace crico-
thyroïdien, de produire
unefracture simple,
passe encore, mais comminutive ducartilage cricoïde.
CHAPITRE III
Danslescas où elle estnettementindiquée,l'intercrico-tliyrotomieprésentesurla trachéo¬
tomie lesavantagessuivants:
Sûreté et rapiditéd'exécution dusà la
l
nonpénétration d'air dans lesveines.superficialité de la région grâce à
}
non hémorrhagie.laquelle
/
facilité derepération.Comparaison àcepoint de vue avec la trachéotomie.
Désavantages objectés :
1"Altèrela voix— non(cas de MoureetdeBoursier). La plupart des autresdésa¬
vantages seproduisent chez l'enfant.
2° Œdèmesous-glottique.
3°Chevauchementdesaryténoïdes.
4° Défautd'espacepour la canule.
5® Dyspliagie.
Tels
sont,
enrésumé, les
casdans lesquels la trachéotomie
et Tinter
crico-thyrotomie peuvent être de mise et les considé¬
rations que
comporte chacun de
ces casparticuliers selon que
l'on
emploie l'une
oul'autre de
cesinterventions. Nous allons,
maintenant, rechercher d'abord quelles peuvent être d'une
façon générale les avantages
oules inconvénients de la laryn¬
gotomie. Les premiers peuvent
serésumer à deux; la rapidité
et la
facilité
:la première étant d'ailleurs
sousla dépendance
de la deuxième.
On
sait,
eneffet,
quela membrane crico-thyroïdienne est
relativement
superficielle;
eneffet,
enpartant de l'extérieur,
on trouve la peau
qui est glabre, mince, très souple et très
— 29 —
mobile à cause de l'absence de
pannicule graisseux, chez les sujets
un peuamaigris; au-dessous
une couche sous-cutanéelamelleuse, qui contient dans
sonépaisseur quelques petites branches veineuses
et de fins rameaux nerveux sensitifs. C'est dans ce tissu cellulaire sous-cutanéqu'est contenu la
veinejugulaire antérieure, généralement volumineuse
chez les en¬fants en cas
d'asphyxie, et quelques ganglions lymphatiques;
au-dessous se trouve la couche musculaire
composée des
mus¬cles
sterno-hyoïdiens et sterno-thyroïdiens. Sur la ligne mé¬
diane,
ontombe
sur un intersticecelluleuxqui sépare les deux
sterno
hyoïdiens unis
par unelame aponévrotique. Lorsqu'on
a écarté les
muscles,
onaperçoit immédiatement
au-dessousl'espace crico-thyroïdien et la membrane.
En somme,l'espace
inter
crico-thyroïdien est très facile à
sectionner etbeaucoup plus
quela trachée;
eneffet, le canal aérien
a une direction fortoblique d'avant
enarrière, il s'enfonce
deplus
enplus
dans les tissus
et, selon les régions,
onest gêné,
ou parla pré¬
sence du corps
thyroïde dont
onsait les inconvénients,
ou par celle du troncbrachio-céphalique quand
onopère à
peude dis¬
tance au-dessus du bord
supérieur du sternum,
ou parcelle, enfin, du tissu prétrachéal dans lequel,
commeil
enexiste
desexemples, l'on enfonce quelquefois la canule.
D'autre
part,
onn'a
pas ou peuà redouter d'hémorrhagie.
Les vaisseaux sont peu
nombreux et il
n'existeguère à cet
endroit quel'artère laryngée inférieure qui, née de la thyroï¬
dienne
supérieure
auniveau de
sa terminaison dans le corpsthyroïde,
passe sousle
musclecrico-thyroïdien, s'anastomose
à
plein canal
aveccelle du côté opposé
pourconstituer
une arcadequi
reposele plus souvent
surla
membrane crico-thyroïdienne. Il peut arriver
quecette anastomose
sefasse plus
haut ou
plus bas,
commele montre Tillaux
sur uneplanche
de son anatomie
topographique. Dans
ce casparticulier et
- 30 —
exceptionnel, il eût été possible de faire sa laryngotomie sans hémorrhagie, à la condition d'introduire sa canule bien sur la
ligne médiane. Dans chacune de ses interventions, que nous
rapportons plus loin, le Dr Breffeil a dû, pour faire une hémos¬
tase absolue
suivant les principes, jeter deux ou trois petites
ligatures soit veineuses, soit artérielles.
On n'a pas non
plus, précisément à cause de cette superfi-
cialité du
lieu
surlequel
onintervient, à craindre le phénomène
qui
seproduit rarement cependant, même dans la région au-
dessous, de la pénétration si redoutée de l'air dans les veines.
Enfin une des
grandes conséquences de cette superficialité est
aussi la
faculté
aveclaquelle
onpeut
serepérer dans ces sortes
d'interventions. En effet,
onrecherche d'abord l'intervalle qui
sépare le thyroïde; on perçoit facilement, d'autre part, au-
dessous de ce
cartilage, la face antérieure du cricoïde. Il n'y a
dans ce cas aucune
difficulté à reconnaître la position de la
membrane
crico-thyroïdienne; si, au contraire, le malade qu'on
opère
ale
cougros, ou qu'une tumeur située dans la région
vienne à masquer
l'espace
eneffaçant les saillies, une légère
pression suffit pour mettre l'opérateur sur la voie. En effet le
tubercule
médian du bord inférieur du cartilage thyroïde sera toujours perçu malgré l'oedème ou la tuméfaction du cou. Le
tubercule
constitue
unpoint de repère infaillible, puisqu'on sait
que
la membrane crico-thyroïdienne est située au-dessous de
lui. Si la
tension du
couempêche
ougêne l'exploration, il faut
relever
doucement
satête de manière à relâcher les téguments
situés au devant
du larynx. On peut donc affirmer, d'une
manière
générale, que les points de repère n'échappent, dans
aucun cas,
à l'investigation à cause de la position superficielle
de la
région qu'aucune cause ne peut masquer absolument.
D'autre
part,
onobtient aisément la fixité absolue du larynx
en
embrassant le cartilage thyroïde entre le pouce et le médius
de la main
gauche, tandis
quel'ongle de l'index accroche
pour ainsi dire le tubercule médian de la face inférieure de ce carti¬lage. De cette manière le larynx est solidement maintenu dans
une
position fixe;
onn'a plus, de cette façon, à craindre les échappatoires qu'il est si facile
defaire
dans la trachéotomie.En somme,
sûreté, facilité et rapidité d'exécution, telles sont
les
qualités d'une intercrico-thyrotomie quand cette interven¬
tion est
indiquée.
A ces dernières on
peut
opposerles difficultés nombreuses
d'une trachéotomie:
hémorrhagies dont les conséquences
peu¬vent être
fatales; fixation difficile
de la trachée à cause de saprofondeur, temps perdu
parl'emploi du dilatateur.
Plus
particulièrement
la difficulté durepérage constitue
par¬fois un
désavantage énorme de la trachéotomie
enregard de l'intercrico-thyrotomie. Ainsi, dans certains
casd'asphyxie où
le cou est
énorme, les veines turgescentes, il n'y
aplus
moyen de chercher lespoints de repère,
parce quetoute compression
exercée dans ce but
augmenterait le danger. Si l'on intervient,
on va au hasard et on fait une incision à
l'aveugle
sanssavoir
où se trouve la trachée ni à
quelle profondeur. Dans
ces cas,la
seule
opération possible est l'intercrico-thyrotomie. En effet, le larynx est superficiel et
saposition est toujours
reconnue avecune certaine facilité.
Dans d'autres cas, comme
dans
l'observation que nouscitons plus loin de de Launay, des tumeurs viennent à comprimer et
à dévier un canal aérien au
point de lui faire faire,
comme dans ce casparticulier,
unangle droit
avecle larynx. Dans
ces
conditions,
unetrachéotomie
estimpossible et la laryngo¬
tomie
est, à
causede
laposition du larynx, seule possible,
Ces
avantages de l'intercrico-thyrotomie sont très sérieux
et
dignes d'être tous pris
engrande considération
;mais,
commeen
tout, il
yaurait la contre-partie, elle entraînerait
des— 32 —
inconvénients
nombreux dont l'un desprincipaux est l'altéra¬
tion de la voix.
L'intercrico-thyrotomie laisse-t-elle
ces suitesfâcheuses?
Nous ne le croyons pas
et l'observation
de Moure et Boursier que nousreproduisons plus loin paraît convaincante; de même
celle du
goitreux du docteur Breffeil, qui, grâce à
unœilleton percé dans
sacanule, peut parler et dont la voix, dans
ces con¬ditions, est la même qu'elle était
autrefois.Il est
incontestable
quesi l'on vient à
examiner aularyngos¬
cope un
malade récemment opéré,
on remarquera une rougeurlégère et superficielle des
cordes vocales sanstuméfaction
ni réaction fébrile. Lelendemain, le malade
accuse une douleurplus
oumoins intense
au niveau dularynx. En même temps,
le malade
peut éprouver
unedyspnée
assezforte qui disparaît
très
rapidement. Des
mucositéssécrétées
en abondance vien¬nent obstruer la canule
interne, etc., etc.; c'est la
suite de cettelaryngite; le malade
conservependant quelque temps la
raucité de la voix
qu'avait signalée Archambault
etqui,
en somme,n'est
quepassagère.
La
plupart des autres inconvénients objectés à l'intercrico- thyrotomie
seproduisent chez l'enfant; c'est d'ailleurs
enpartie
pour ces
raisons
que,de prime abord,
nous avonsdéclaré qu'il
était nécessaire de renoncer à cette
intervention quand il
nes'agit
pasde l'adulte.
Cruveilhier a décrit le
premier
une forme d'oedème dularynx à laquelle il donne
le nomd'œdème sous-glottique. Il
occupela partie inférieure du larynx située
au-dessous des cordes vocalesinférieures
: cette formedevenant chronique peut
amenerdes rétrécissements capables d'empêcher la déca-
nulation dularynx. Cette complication
est assezfréquente
chez
l'enfant; 3
casde
M. Moure en sont une preuvecertaine;
mais il est certain
qu'elle est exceptionnelle
chezl'adulte.
Même elle se
produit dans tout
autre cas quedans
uneinter-
crico-thyrotomie,
commeil
nous a été donné de l'observer deux fois chez des maladesopérés d'urgence
parM. Breffeil et
àqui il avait pratiqué
unetrachéotomie intéressant
les pre¬miers anneaux au-dessous du cricoïde. Mais il faut des condi¬
tions
pathologiques particulières, telles qu'une lésion
tubercu¬leuse du
voisinage. En revanche, le goitreux qu'il
arécemment opéré et qu'on peut
encoresurveiller
n'ajamais présenté
unsoupçon
de pareille complication.
Une
complication
nonsignalée jusqu'ici et qui d'ailleurs
ne seproduit
quechez l'enfant, aussi n'insisterons-nous
pas,est le
chevauchement desaryténoïdes
avectoutes
lesconséquences qui
endécoulent
aupoint de
vuerespiratoire et vocal.
Enfin,
on areproché à la méthode
deVicq d'Azyr d'être dan¬
gereuse,
hasardeuse
en ce sensqu'ouest très exposé à
ne pou¬voir pas
introduire
une canule dansl'espace intercrico-thyroï-
dien, celui-ci étant suffisant.
Nous abordons maintenant laquestion brûlante de
notresujet, c'est là la pierre de touche qui doit décider si la laryngotomie peut soutenir avantageuse¬
ment la
comparaison
avecla trachéotomie.
Dans son traité d'anatomie
topographique, filiaux décrit l'espace crico-thyroïdiende la façon suivante
:«Presque linéaire
sur les
côtés, cet
espace,variable suivant
lessujets, est
un peuplus grand
surla ligne médiane, où il
mesure en hauteur 5 à 6 millimètres ». Ilparle ensuite de l'étroitesse
de cet espaceoù
la canule entre à frottement.
Desprès et Nélaton
ont la mêmeopinion à
cesujet et
cedernier modifie l'opération
en section¬nant le cricoïde même chez l'adulte.
Quand le malade ala tête un peu
fléchie
surle
cou,il semble,
en
effet, qu'il n'y
a pas assezd'espace
pourqu'on
ypuisse intro¬
duire une
canule; mais si l'on installe
lepatient dans la posi¬
tion où il doit être
opéré et qu'on procède à des mensurations,
5 Hirigoven.
on constate que
la simple incision peut suffire et
quele cricoïde
bascule assez facilement sur le
thyroïde
pourqu'on obtienne
une
augmentation de 2 à 3 millimètres ainsi
quel'a démontré
Faraboeuf à la Société de
chirurgie
en1878.
Les recherches de de
Launay lui ont permis d'établir qu'en
moyenne,
l'espace crico-thyroïdien
mesure,chez
unadulte, de
10 millimètres à 10 millimètres
1/4 dans la demi-extension de
la
tête, et de 12 millimètres 1/2,
enabaissant le cricoïde.
Chez le
vieillard, 9 3/4
pourcette première position, et 11 à
11
1/2
pourle deuxième.
Quant aux
femmes, il
atrouvé
en moyenne,chez l'adulte, de
8 et 10 à 11
millimètres; chez les femmes âgées, de 8 à 10 1/2.
Nous ne pouvons
malheureusement
pasconfirmer
cesdon¬
nées par
des recherches personnelles
surle cadavre; mais
ennous
plaçant
aupoint de
vuepratique et clinique,
nous avons constatéqu'à chaque fois
quel'on
avoulu intervenir
parl'es¬
pace
crico-thyroïdien,
on atrouvé l'espace suffisamment large.
Des observations
personnelles et
uneautopsie, toutes choses
que nous
rapportons plus bas,
enfont foi. D'autre part, dans
la discussionà la Société de
chirurgie, M. Poirier
adéclaré
quesur 150 fois il n'a trouvé sur le cadavre
l'espace crico-thryroï-
dien insuffisant
qu'une seule fois
sur30
cas.M. Richelot,
sur15
opérations, n'a rencontré qu'un
casoù l'espace était plus
étroit
qu'à l'ordinaire.
Donc, l'espace
enquestion, s'il est trop étroit,
nel'est certai¬
nement que
d'une façon exceptionnelle et, le
caséchéant,
onpeut
sanstrop d'inconvénients sectionner hardiment le cri¬
coïde.
De ce fait tombe le
plus grand reproche qu'on ait
pufaire
à la
laryngotomie
: onpeut toujours introduire la canule. Elle
n'entre pasà frottement,
cequi, dit Tillaux, pouvait être
un inconvénient dans le cas où elle devrait resteren permanence.— 33 —
Et Richelot déclare
qu'une canule de 8 à 10 millimètres sulîit largement à la respiration
;il l'a
vuefonctionner pendant de
longs mois, elle
atoujours été facilement tolérée même chez
les tuberculeux et les cancéreux. M.
Félizet cite le
casd'un
maladequ'il
aopéré il
y adeux
anset qui tolère fort bien la
canule.
Du
fait, tombe également l'objection de quelques chirur¬
giens et de Desprès qui déclarent
quela présence do la canule
peut amener
des ulcérations du larynx et que cet accident dépend de la constriction exercée sur cette canule par l'ouver¬
ture
trop étroite de l'espace. Erischen, dont l'autorité en ce sujet fait loi,
a eu,dans
saclientèle, des malades qui ont porté
des canules
d'argent pendant
unnombre considérable d'années
sans que,
dans
aucun cas,elles aient amené d'irritation spéciale.
Il est
cependant évident qu'il peut survenir des rétrécisse¬
ments
pathologiques de cet
espace, parexemple, dans le cas
delaryngo-sténoses anciennes où les articulations crico- thyroïdiennes sont complètement enkylosées; dans le cas d'abcès
se
développant
surles côtés du larynx et venant faire saillie
au-dessous des cordes
vocales, enfin, dans certains œdèmes chroniques, dus souvent à la nécrose du cricoïde, mais ces exceptions d'ordre pathologique n'infirment pas la règle posée
plus haut.
Les mensurations de
l'espace crico-thyroïdien pratiquées
chez des
enfants,
nousfont admettre
quela laryngotomie
n'est pas
praticable chez
eux,faute de place.
D'après Chouky, à partir de 5 ans une canule ordinaire pour¬
rait traverser le
ligament, la membrane sans agrandissement
de l'incision.
De
Launay
repoussecette limite jusqu'à 12 et 13 ans.
Nous
adopterions volontiers cette manière de voir.
— 36 —
Une des
complications sérieusement objectées à la laryngo¬
tomie intercrico- thyroïdienne est la
dysphagie. Il est incontes¬
table
qu'on la retrouve chez la plupart des malades; elle
setra¬
duit par une
gêne
assezintense dans la
gorge,et qui empêche
le malade
d'avaler,
ou nelui permet la chose qu'avec de la diffi¬
culté et de la douleur. Même les aliments
liquides éprouvent
comme un
temps d'arrêt avant leur entrée dans
l'estomac. Maisce
phénomène est heureusement extrêmement
passageret dis¬
paraît habituellement
versle deuxième jour,
cequi veut dire qu'en
sommec'est
unecomplication secondaire qui
necontre¬
balance certainement pas
les avantages précités.
OBSERVATION I
Par Oct. Guelliot, internedeshôpitaux, Progrèsmédical, 1880.
Epithéliomadupharynx etdes ganglions cervicaux.—Compression de latra¬
chée.— Laryngotomieintercrico-tyroïdienne.—Fractureducartilage cri- coïde.
Le 30 avril 1880, entre dans le service de M. le professeur Gosselin, un
employé de chemin de fer, âgéde 37 ans, arrivé de la veille à Paris. Il est atteint d'une dyspnée extrêmement intense, et quoique la voix soit conser¬
vée, il est difficile d'avoir
beaucoup
de renseignements sur la maladie pourlaquelle
il est venu se faire traiter.De chaque côté du cou existe unegrosse tumeur dont le début remontait à six mois ; à ce moment, le malades'estaperçude la présenceau cou d'une grosseur indolente, dont le
développement
a été rapide. La respiration est devenue pénible, puis extrêmement gênée et,depuis
quatre oucinq jours,le décubitus dorsal est impossible. X... a passé ses dernières nuits debout
ou assis dans un fauteuil. Il nous a dit quedepuis quelque temps il a de la peine à avaler et que, depuis une semaine surtout, il ne s'estnourri que d'aliments