KACUI/Jt I E MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
.A. ISTNÉE 1902-1903 •'J 50
ÉTUDE CRITIQUE DE L'INSTRUMENTATION
II TliBAGE ET M TIIttOllIE
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentée et soutenue publiquement le 19 Décembre 1902
Jean-Vincent-Gaston BOYMIER
Né àSainte-Foy-la-Grande (Gironde),le 11 juillet 1873.
MM. DEMONS, professeur... Président.
i,i tiî i LEKOIJH, professeur...
l'-xaiiiinaleiiis île la llie.se '
POUSSON, agrégé ^ .luges.
ANDÉR0D1AS, agrégé
Le Candidatrépondraaux questions qui luiseront faites surles diven parties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE Y. CADORET
17 —
IIUK POQUE1.IN-MOUÈRE — 17
1902
FACULTÉ
DEMÉDECINE
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LeSecrétaire de laFaculté: LEMAIIIE.
Tardélibérationdu 5 août1819, la I^acultèaarrêtéqueles opinions émises dansles
sont présentées doivent être considérées comme propres à leursauteurs, et qu'elle nene
donner ni approbation ni improbation.
A mon Président de Thèse,
Monsieur le Docteur DEMONS
Professeurde Clinique chirurgicale à la Faculté de Médecine de Bordeaux, Officier de la Légion d'honneur.
Officier de l'Instruction publique,
Membrecorrespondant de l'Académie de Médecine, Membrecorrespondant de la Sociétédechirurgiede Paris.
AVANT-PROPOS
Au moment, determinernosétudesmédicales, c'est pour nous
un bien doux plaisir de remercier nos maîtres
qui, soit
àla
Faculté, soit à l'hôpital au chevet du malade, nous ont
instruit
de leur exemple et soutenu de leurs
conseils.
Nous remercierons d'abord MM. lesprotesseurs Pitres, Arno-
zan et Picot de la Faculté de Bordeaux, pour la bienveillance qu'ils ont toujours montrée à notre égard.
C'est à Paris, dans le service de M. le professeur agrégé
Nélaton et dans celui de M. le D'' Guinon, que nous avons passé
la plus grande partie de notre stage hospitalier.
Puissions-nous
nous montrer digne, dans notre carrière médicale, de ce qu'ils
nous ont enseigné avec tant de maîtrise.
Merci à mes excellents camarades de la Charité 1900-1901 et de Bicêtre 1901-1902 pourl'inoubliable sollicitude avec
laquelle
ils m'ont permis de partager leur existence d'interne.
Merci à MM. les Drs E. Faureet A. Tissot pourlesmille témoi¬
gnages d'amitié qu'ils n'ont cessé de nous prodiguer durant
notre vie si accidentée d'étudiant.
Mes excellents amis G. Froin et G. Renon, internes des hôpi¬
tauxde Paris,m'ont fourni les éléments de ce travail, et permis
de le mener à bonne fin. Ce qu'il y a de meilleur dans cette
thèse est d'eux. Je les en remercie du fond ducœur.
Enfin que M. le professeur Démons, qui nous a fait le
grand
honneur de présider cette thèse et qui, au cours de nos
études,
na cessé de nous donner des preuves de son indulgente bonté,
reçoive icil'hommage respectueux denotreprofonde
reconnais¬
sance et de notreinaltérable dévouement,
ÉTUDE CIUTIQUE DE L'INSTRUMENTATION
POUR
li; TUIIA&B ET IÀTRACHÉOTOMIE
INTRODUCTION
La découverte du sérum antidiphtérique, par MM. Roux et Behring (1), en nous donnantun mode de traitement curatif de ladiphtérie, a, par répercussion, modifié le traitement palliatif
des accidents laryngés de cette affection.
Pour éviter la trachéotomie, vulgarisée par Bretonneau au commencementdu siècle dernier, Bouchut avait eu, dès 1858,
lidée de pratiquer le tubage du larynx; cest à 0 Dwyer
que revient le mérite d'avoir introduit cette méthode dans la
pratique
(1885-1887),
mais ce sont les résultats thérapeutiques certains, obtenus par lesérumantidiphtérique et surtout larrêtde la marcheenvahissante des fausses membranes par ce sérum, quiontvulgariséle tubagedularynxau détrimentde la trachéo-
(1)Behring, Bulletin médical, 1894.—Roux,Commun, auVIIIe Congrès intern.
dHygièneetdeDémographie.Budi-Peslh, septembre 1894.
— 12 —
tomie. Nous ne voulons pas discuter l'emploi cle ces deux
méthodes qui, loin d'être antagonistes, se complètent l'une l'autre; cela a été fait avecautorité pardes maîtres compétents,
Sevestre (1), Josias (2), mais si de la théorie nous passons à l'application pratique de ces méthodes, on est
véritablement
effrayé par la quantité et lavariété des instruments proposés àcet effet.
Beaucoup de ces instrumentations, et nous avons surtout le tubage en vue, sont prônées pardes auteursqui semblent
avoir
voulu plutôtinnoverque perfectionner C'esten suivant
pendant
plusieurs mois le service de M. le Dr Guinon, affectéspéciale¬
ment à la diphtérie, à l'hôpital Trousseau, que nous avons été appelé ci nous faire une opinion sur la valeur des instruments
de tubage, et c'estce que nous avons vu qui nous aengagéà
traiter cette question dans notre thèse inaugurale.
Notre étude comprendra deux parties : la première sera con¬
sacrée au tubage et, comme telle, sera la plus importante;
la
seconde àla trachéotomie.
(1) Seveslre, In Traité des maladies de l'enfance de Grancher, Comby-Merfan,
t.I, p.702.
(2) Josias, Bulletin dethérapeutique, 1897.
PREMIÈRE
PARTIECHAPITRE PREMIER
du tubage
Pour apprécier la valeur des instruments proposés pour l'intubation du larynx, nous devons exposer, tout d'abord, quelles sont lés conditions que doit remplir le tube que l'on va laisser à demeure dans le larynx et l'instrument destiné à l'y porter.
A. Ce que doitêtre une bonne instrumentation.
Toute instrumentation de tubage se compose d'un tube et
d'un introducteur. Voyons donc à quelles règles doivent obéir,
et le tube organe essentiel et l'introducteur organe secondaire.
1°Le tube.—Le tube doit être largement perméable à 1 air et
ne doit pas, par
conséquent, se laisser obstruer facilement. 11
doit être stable. Telles sont les deux conditions primordiales à exiger de cetinstrument.
a) Forme du tube. — C'est à O'Dwyer que revient incontesta¬
blement le mérite d'avoir
imaginé la forme nécessaire à un tube
pour séjourner dans le larynx. Après cinq années de patientes recherches, il a donné aux tubes la formetypeque l'on retrouve dans tous les
instruments, si modifiés soient-ils. Le tube se
— 14 -
compose d'un corps légèrement renflé en olive, surmonté d'une tête, le tout creusé d'une lumière.
L'auteura établi ce type en se basantsurl'étude de moulages laryngés, ce qui donne une grande valeur à la forme adoptée:
la tête, empêchant absolumentle tube de descendre dans la tra¬
chée; le renflementolivaire,se trouvantau niveau du vestibule
sous-glottique et ne pouvant repasser à travers la glotte que
sous une pression, légère, il est vrai, mais suffisante pour qu'il
ne soit pas expulsé dans les accès de toux. O'Dwycr (1) ne fit
d'ailleurs connaître cette instrumentation qu'après l'avoir expé¬
rimentée dans 806cas.
b) Le calibre et la lumière. — Le calibre du tubedoit, néces¬
sairement, être proportionné à la capacité du larynx qui doitle
recevoir. C'est encore O'Dwyer qui a établi les dimensionsque devaient avoir les tubes selon l'âge des sujets.
MM. V ariotet Glover (2)ont faitremarquer quelacapacité du larynx était proportionnelle plus à la taille du sujet qu'à son âge. Dans la pratique, on tient compte de cette remarque juste entubantunenfantaveclenuméro qui correspondnonpasà
son âge réel mais à celui qu'il parait avoir. Quant à la lumière,
elle doit être le plus large possible, le tube doit constituer un obstacle minimum et il faut, d'autre part, quecet instrumentne s'obstruepas facilement.
c) La matière des tubes. — Le tube doitêtre léger, cependant
suffisamment résistant et il ne doit pas s'oxyder facilement. Ce
sont les tubes en métal doré qui réalisent le mieux ces condi¬
tions. Nous verrons plus loin que l'on a proposé des tubes en
métauxplus légersou des tubesençbonite. Nous les discuterons
au chapitre de la critique des instrumentations.
2°L'introducteur.—Cetinstrumentapourbutde porter le
tube
àl'orifice supérieur du larynx où l'attend l'index gauche
qui
doit seul l'y propulser. L'introducteur doit donc remplirdeux conditions, exercer une prise solide sur le tube cpi'il
conduit et
(I) O'Dwyer,communicationà la StateMédicalSociety, 1887.
(2} \ aiiotetGlover, Bulletin de l'AcadémiedeMédecine, 1893.
— 15 —
pouvoir l'abandonner avec une grande facilité. Ce doit être un
instrument bienenmain, à maniementaiséet ànettoyage facile.
C'est dire que l'on devra absolument prohiber les instruments délicats, à pièces multiples, comportant des pas de vis, des articulations, des ressorts, etc.
Nous montrerons tout à l'heure que les instruments qui n'ont
pas tenu compte de ces principes essentiels, toutoriginales que
paraissent être les modifications qu'ils présentent, n'ensontpas moins à rejeter.
B. Des instruments actuels.
Nous n'avons pas la prétention de passer en revue tous les tubes ou introducteurs qui ont été successivementproposés. La majeure partie en est tombée dans l'oubli et cela à juste titre.
Pourdonner une idée de la fertilité d'invention dont ont fait preuve médecins et constructeurs, nous nous bornerons à en
faire une énumération rapide.
lu Instrumentation de Bouchut, 1858, imparfaite et rudimen- taire.
2° Instrumentation de O'Dwyer, 1885.
5° Instrumentation de
Mount-Bleyer,
1885. Cet auteur pro¬pose des tubes en caoutchouc.
4" Instrumentation de Stoerk, 1887. Tubes triangulaires.
o" Instrumentation deWaschal, 1887. Tubes à épiglotte arti¬
ficielle.
fi' Instrumentation de Escherich, 1890. Simplifie les instru¬
ments de
O'Dwyer.
7' Instrumentation de Egidi, 1891. Fait passer le tubage
ouvertavec mandrin.
8 Instrumentation de Baer, 1892.
fi Instrumentation de Dillon-Brown, 1892. Extraction digi¬
tale.
10 Instrumentation de
Colliri-Bayeiix
Sevestre, 1893.11°12 Instrumentation de Ferroud, 1894. Supprime le mandrin.
Instrumentation
de Fisher, 1895. Tubes en caoutchouc.— 4G -
13° Nouvelle instrumentation de Egidi, 1895.
14° Instrumentation de Tsakiris, 1895.
15° Instrumentation de Bauer, 1897. Tubes courbes.
16° Instrumentation de Ferez Avendano, 1897. Pas de man-
d rin.
17° Instrumentation de Rabot, 1897.
18° Instrumentation de Bayle,1899.
19° Instrumentation de Collet, 1901.
20° Troisième instrumentation de Egidi, 1901. Pas de man¬
drin.
21° Instrumentation de G. Froin, 1901.
22° Instrumentation de Trumpp, 1901. Tubes en durite élas¬
tique.
23° Instrumentation de Deguy et Benjamin Weill, 1901.
24° Instrumentation de Dionisio, 1901 (1).
De cette longue liste d'instrumentation, nous ne retiendrons
que ceux qui constituent véritablement des types, les autres
n'en étant que des imitations avec desmodifications ne portant
pas surles organes essentiels. Pour pouvoir discuter avec
fruit
ces divers instruments, il est nécessaire de les envisager dans
leur disposition générale. Une première division s'impose.
C'est
celle en :
1° Instruments avec mandrin.
2° Instruments sans mandrin.
1° Instruments avec mandrin.
Dans cette classe se rangent :
a) Les instruments d'O'Dwyèr, dont dérivent les autres mo¬
dèles.
b) Instruments de Collin dont le tube a été
successivement
modifié par Bayeux et par Sevestre.
(I) Pour cet historique,consulter Perez Avendano, Intubation du larynx,Pari»,
19u2, chez Naud.—Bonain, Traitéde l'intubation du larynx, Paris,1902,Alcan.
<?) Instruments de Deguy et de Benjamin Weill dont les mo¬
difications portent surtoutsur l'introducteur.
a) Instrumentation d'O'Dwyer. — Le tube, dans ses lignes générales, est conforme au type que nous avons déjà décrit d'après O'Dwyer lui-même. Ajoutons que c'est un tube long
àparois épaisses, à section elliptique. C'est donc un défilé long
etétroit que l'air, les mucosité et les débris membraneux ont à franchir.
L'introducteur est à mandrin et possède unpropulseur qui agit sur le tube au moyen d'un ressort à boudin qui se trouve
surle manche de l'instrument.
Ce tube est trop long et plonge trop bas dans latrachée. Il
est aussi trop lourd. Son poids était d'ailleurs voulu par
O'Dwyer, cpii pensait qu'il tiendrait mieux ainsi dans le larynx.
L'introducteur est beaucoup trop compliqué et son ressort à boudin est vraiment un organe imparfait, ne fonctionnant pas
toujours bien, fragile et surtout très difficile à nettoyer.
h) Instruments de Collin. — M. Collin, frappé deces derniers inconvénients, a construit un introducteur dont les caractéristi¬
ques sont les suivantes : suppression du ressort à boudin, substitution, pour le fixage du mandrin, d'un verrou à la vis
d'O'Dwyer. 11 possède un levier propulseur mobile actionné
parle pouce :mécanismetrèsingénieuxmaisqui constitue « un levier de force qui supplée trop souvent à l'index pour faire descendre le tube et il en résulte des décollements des cordes vocales etdes fausses routesque signalent tous lesauteurs» (1).
Ajoutons enfin que cet introducteur se compose de quatre piè¬
ces eny comprenant le mandrin, que son démontage est com¬
pliqué et par conséquent son nettoyage et sa stérilisation diffi¬
ciles : ce n'est pas un instrumentsimple.
c) Instrumentsde BayeuxetSevestre.—Cesinstruments com¬
prennent 1introducteur de Collin et des tubes modifiés par ces deuxauteurs et dont les caractéristiques sont :
(1) Froin, Tubagedularynxettrachéotomie.Pressemédicale, 1901,n.30.
Boymier 2
— 18 —
Brièveté du tube (Bayeux) (1).
Baccourcissement du mandrin qui d'articulé devient rigide;
effilement de l'extrémité inférieure du tube (Sevestre).
Ce raccourcissement du tube a été une bonne réaction contre la longueur de ceux d'O'Dwyer; mais ce qu'ils ont perdu eti poids, ils l'ont aussi perdu en stabilité et nous croyons qu'ilne faut employer des tubes ni trop longs, ni trop courts. Lamodi¬
fication de Sevestre, qui consiste à avoir effilé l'extrémité infé¬
rieure desontube pour que la continuitéavecl'extrémité débor¬
dante du mandrin soit plus complète, ne noussemble pas abso¬
lument justifiée : caril est à remarquer, étant donnée la briè¬
veté de ce mandrin, que le propulseur commence à agirsurle
tube dès que celui-ci a atteint l'orifice supérieur du larynx: c'est donc un tube vide, à bords tranchants, qui parcourt la glotte, d'où des dégâts possibles.
Pour remédier à la perte destabilité que ses tubes doivent à
leur diminution de longueur, Bayeux a été obligé d'en aug¬
menter le volume, de sorte que son tube, au lieu de reposer
sur l'extrémité supérieure du larynx,y est engagé àfrottement; d'où la compression de tissus par leur texture môme délicats et qui, dans le cas particulier, sontencore plus sensibles.
d) Instruments de DeguyetBenjamin Weill (2). —En voici
la
description d'après les auteurs :« Ils diffèrent desautres sur quatre points :
» 1° Suppression du déclancheur;
» 2° Substitution d'un verrou court à pivot au verrou à
glis-
» sière pour la fixation du mandrin;
» 3° Choix d'un mandrin de calibre sensiblement uniforme
» sur toute sa hauteur.
» 4° Possibilité de transformation del'introducteur en extrac-
» teur etparsuite suppression de l'extracteur, appareil indépen-
» dant...
(1)Bayeux,Ladiphtérie. Thèsede Paris, 1899.
(2)Deguyet Benjamin Weill, Manuelpratiquedu traitement de ladiphtérie.Paris, 1902, chez Masson.
— 19 —
» L'introducteur estconstituéparunetige rectiligne ou'mieux
■:curviligne vissée sur unepoignée etdont la tranche est denii-
» cylindrique. Cette tige se termine par une extrémité élargie
» et mousse percée d'une fenêtre quadrangulaire où viendra
» s'adapter le mandrin.
» Un peu en arrière de cettefenêtre, la tige est perforée d un
» pas de vis.destiné à recevoir la vis de fixation du verrou. Le
» verrou lui-même forme une courte lame parallèle à la tige
» dans laposition de repos etcapable de rotation surl'axe formé;
» par lavis. Quand onl'écarté de sa position, on découvre com-
» plètement la fenêtre destinée au mandrin qui peut alors s'y
»introduire et la déborder; en ramenant leverroudans sa posi-
» tion primitive, son extrémité antérieure se loge dans l'échan-
» mire du mandrin et le fixe.
» Laplus longue branche du verrou, c'est-à-dire son extré-
» mité postérieure, forme ressort et se fixe par un cran d'arrêt
» qui se loge dans une petite dépressionde la tige ».
Avant d'aborder la discussion détaillée des- particularités décrites, d'une façon un peu confuse, par MM. Deguy et Benja¬
min Weill, nous ferons une critique générale de l'instrument.
Si nous prenons en main un introducteur muni de son tube,
ou sinousconsidérons, à sondéfaut, lafigure n°20de la page83
de leur manuel, on estétonné de voir un instrument laryngien présenter une telle courbure. Alors que tous les auteurs qui se sont occupés de l'explorationet surtoutdu cathétérisme laryngé
se sont ingéniésà modeler leurs instrumentssurles dispositions anatomiques de l'organe et leur ont donné pour cela une cour- hure adoucie, MM. Deguy et Benjamin Weill ont imprimé, au
contraire, à leurinstrument une courbure dont on se demande
envain laraison. Ce tube monté fait, avec le manche de l'intro¬
ducteur, un angle aigu ouvert en bas et enavant, de sorte que
sonsommet vient continuellement buter surla face antéro-infé- rieure du voile du palais, et que la direction du tube et du larynxne se correspondentnullement.
Dans une figure à allures anatomiques (fig. 35, page 102), on
se demande comment on peut vraiment arriver à extraire le
— 20 —
mandrin de son tube, alors qu'il y est encore presque entière¬
mentinclus, etque cependant son extrémité supérieure menace déjà de heurter l'apophyse basilaire.
Quant auxtubes, ils en ont, à la suite d'auteurs comme Fer- roud, Froin, Avendano, agrandi la lumière et excavé la tête.
Si maintenantnous passons à la critique détaillée de l'intro¬
ducteur, nous n'y voyons que fenêtres, pas de vis, verrous, échancrures, dépressions et crans d'arrêt, toutes choses qui
n'ont que faire avecla simplicité de fonctionnement et de net¬
toyage absolument nécessaire à un instrument moderne.
Collin avait fixé son verrou d'une façon simple et solide :la
substitution à ce verrou d'un verrou court à pivot nous
semble
mauvaise, car il forme une lame fragile et peu solide. C'est
donc une complication inutile.
Nous avons à dessein négligé de parler du mandrin;
c'était
pour y revenir et en faire une critique complète.
Voici d'abord les raisons des auteurs qui persistent à
vouloir
conserver le mandrin.
il assure la fixité du tube pendant l'introduction.
11 déborde le tube à son extrémité inférieure afin d'éviterla
blessure de la muqueuse.
Ce sont les seuls arguments que font valoir les partisans
du
mandrin, en ajoutant toutefois que ce dernier, en
obturant la
lumière du tube, fait faire un tubage fermé, et par
conséquent
facilite la dilatation de la glotte. Nous verrons plus loinquun
mandrin n'est nullement nécessaire pourfaire un tubage
ferme,
dont nous sommes d'ailleurs partisan, sans toutefois en exa¬
gérer l'importance.
Bien plus sérieuses sont les critiques que l'on peut
formuler
contre les appareils à mandrin.
Au sujet de la communication de Froin, à la Société
de
Paediatrie de Paris, M. Guinon prit la parole et dit :
« Le mandrin de l'introducteur est évidemment une source
» de difficultés; il est fréquent qu'on retire le tube du
larynx
» en voulant retirer le mandrin seulement; c'est un accident
» particulier auxcommençants,
mais qu'il vaudrait mieux
ren-» dre impossible ».
Voici l'opinion de Tsakiris (1) : « Le mandrin, qui a déjà été
» supprimé par Ferroud, ne répond qu'à des vues absolument
» théoriquesque lapratique n'apas, pensons-nous,suffisamment
«justifiées. Son rôle principal était, de l'avis même d'O'Dwyer,
» de garder l'intérieur du tube absolument libre, au moment
» où,le mandrin rapidement extrait, se produit la première ins-
» piration ».
Perez Avendano (2) est pour « la suppression du mandrin,
» pièce métallique dangereuse qui rend extrêmement difficile le
» déclanchement du tube engagédans le larynx ».
Froin (3) dit : « Pour l'introduction des tubes, le maniement
» des appareils à mandrin est assez difficile, et certainement,
» quant on sait tuber, l'opération est plus rapide et plus sûre
» avecles introducteurs qui n'ont pas de mandrin ».
De l'avis des partisans du mandrin, cette pièce servirait tout d'abord à assurer la fixité du tube. Si l'on songe que dans les
introducteurs sans mandrince tube est fortementmaintenu par l'écartement des branches de l'instrument, cette fixité est tout
aussi bien réalisée avec ces derniers appareils, et cela sans
1adjonction d'une pièce inutile.
Quant à prétendre que le tube introduit sans mandrin peut
tourner pendant l'intervention, cela est dénué de tout fonde¬
ment : parsaforme, letube s'accommodeà la cavitélaryngienne
etontrouve toujours la tête du tube en position régulière. Les
nombreux détubages pratiqués en témoignent surabondam¬
ment. Dans les rares cas où on a trouvé le tube en position inversée, cela s'explique par uneerreurde technique, ainsi que
nousle verrons plus loin.
(1)Isakiris,Instruments anciens etnouveaux pour l'intubation du larynxdans le croup.ThèsedeParis, 1895.
(2)Avendano,lococitato.
(3) Froin,id.
Oïl croyait, en outre, que le tube descendait dans le larynx
avec son mandrin et c'était dans le but d'empêcher le tube
d'être obturé pendant sa descente parles fausses membraneset les mucosités qu'O'Dwyer avait créé le mandrin. Mais en réalité
ce dernier abandonne toujours le tube bien avant qu'il ne soit ï
en place, et si avec le tube long- d'O'Dwyer le passageinter- glottique pouvait à la rigueurêtre parcouru parle mandrin, cela i
n'arrivejamais avec les tubes courts, qui toujours descendent
seuls dans la glotte, ce qui prouve bien l'inutilité du mandrin
dans ce but.
Le tube descend donc à vide et il aborde les cordes vocales par son extrémité inférieure qui a déjà abandonné le mandrin.
Pour que cela ne se produise pas, il faudrait un mandrin ayant
le« double » de lalongueur dutube, ce quien rendrait l'extrac¬
tion extrêmement difficile.
2<> Instruments sans mandrin.
a) Instruments de Ferroud(I ). — C'est à Ferroud que revient
le mérite d'avoir le premier présenté unintroducteursansman¬
drin. Il futguidé dans cette idée par une double raison :
faire
un tubage ouvert; avoir un seul et même instrument servant à
la fois d'introducteur et d'extracteur.
Les tubes de Ferroud rappellent la forme générale deceux d'O'Dwyer, mais ilssonttaillés enbiseauaux dépens de leur
face
droite; « la forme donnée au bec de ces tubes ne nous parait
» pas heureuse » (Sevestre),elle est en elfet beaucoup trop
effi¬
lée et menace les parties molles.
Quantà l'introducteurquiestaussi unextracteur,son
principe
n'est pas mauvais, niais l'exécution en a été défectueuse,
caria
fixité du tube est assurée par l'écartement des deux
branches
terminales de l'introducteur, écartement qui se produit à
angle
aigu et non parallèlement et sur lequel on agit avec trop
de
force.
(1) Ferroud, L'intubation du larynx chez l'enfant etl'adulte, thèse de Lyon,189t.
— 23 -
En résumé, tubes mauvais, tout le monde est d'accord à ce
sujet,inlroducteur sans
mandrin,
cequi
estunréel progrès, maismal exécuté.
b) Instruments de Tsakiris. — Le tube présente trois parti¬
cularités originales. Il est en aluminium, sa pointe possède une
anse analogue à celle de la canule trachéale de Krishaber et
enfin il possède une tête triangulaire munie à sa partie posté¬
rieured'un crochet destiné à l'extraction.
Nousavons vuessayer ces tubes dans le service de M. Guinon
etnous avons été frappé de leurs inconvénients : ils sont trop
gros, leur tête est trop petite. Enfin Sevestre a déjà fait le pro¬
cès des tubes en aluminium. Nous n'en retiendrons qu'une chose, c'est leur anse terminale.
L'introducteur est une simple pince à crémaillère et à mors s'ouvrant transversalement:soninconvénient réside dans lamau¬
vaisepriseque l'on a de l'instrument qui ne possède point de
manche bien en main, mais des anneauxdans lesquels seuls les doigts sont engagés.
c) Instruments de Froin. — Froin a fait construire des tubes
en maillechortdoré, creusés d'une « large »lumière qui s'évase
en entonnoir sur la tête de ces tubes.
fig. 1.
Le pourtour de cette tête est creusé à la partie postérieure
dun orifice servant àl'extraction et présente àsa partie gauche
un second orifice beaucoup plus petit pour le passage du fil de
sécurité si on veut l'employer. Enfin cette tête porte gravé
1ége de 1enfant auquel convient le tube.
24
Il présente la même tête, la même bague dilatatrice que ceux d'O'Dwver et se termine par un renflement trachéalassez court que prolonge une anse. C'est l'anse imaginée parTsakiris.mais
droite et non inclinée latéralement comme l'a faite cet auteur, L'extrémité de l'anse n'est pas arrondie, mais aplatie.
L'introducteur (fîg. 2) ne comprend que « deux » pièces ou tiges glissant l'unesur l'autre en queue d'aronde.
Fig. 2.
La pièce inférieure fixe comprend le manche de l'instrument
lisse mais taillé à facettes longitudinales et se continue par une branche se recourbant à angle droit et se terminant par une tige de prise avec stries horizontales.
La pièce supérieure mobile glisse en queue d'aronde sur la précédente au moyen d'une poussette légèrement excavéc et
lisse. Le reste de la pièce reproduit exactement la sous-jacente,
si bien que lorsqu'on agit sur la poussette, les deux tiges de prise s'écartent parallèlement l'une à l'autre dans le sens
antéro-postérieur et viennent ainsi prendre un point d'appui large et solide par toute leur hauteur sur la face interne du
tube.
Ajoutons que les tiges de prise ne se continuent pas
directe-
ment avec la portion verticale de I instrument, mais en sont
isolées par un point d'arrêt pour
le tube qui lui
sert en même temps de couvercle. Cettedernière disposition
permet de fairele tubage fermé, mais il existe un modèle d'introducteur avec
undemi couvercle permettant le tubage ouvert.
MANUEL OPÉRATOIRE
Au point de vue théorique, ces instruments nous paraissent,
par leur simplicité et par les dispositions particulières du tube, répondre parfaitement à nos desiderata. Aussi allons-nous
exposer d'une façon assez complète ce que nous avons entendu
etvu préconiser à l'hôpital Trousseau au sujet du manuel opé¬
ratoire du tubage. Par là, nous mettrons en relief d'une façon plus frappante, en nous appuyant sur les faits, lesavantages de
l'instrumentation de Froin et nous exposerons aussi certaines
idées originales sur le tubage, telles que nous les avons vues
mettre en pratiquepar cet auteur et son maître, M. Guinon.
Les préparatifs sont simples : l'introducteur démonté et les
tubes doivent toujours, dans un service de diphtérie, être sté¬
rilisés et prêts à servir.
Le montage est très rapide; il suffit de faire glisser les deux
branches l'une sur l'autre; on saisit le tube approprié à l'âge
de 1enfant et la pulpe du pouce vient s'appliquer naturelle¬
mentsur lapoussette, l'entraîne en avant,fait glisser la portion horizontale de latige mobile sur celle qui estfixe, et, en écar¬
tantdu même coup leurs portions verticales exerce une prise
solide surle tube. Celui-ci est donc bien plus solidement fixé
que dans les appareils à mandrin : il est recommandé, pour
ces appareils, delubréfierle mandrin pour en faciliter l'extrac¬
tion etle tube n'estmaintenu que parle fil que l'ondoit toujours
tenirtendu, source de gêne et de difficultés.
Onpourraitobjecter quela prise peutlâcherletube et tomber
dans 1œsophage. Cet inconvénientne peut pas se produire tant
que le pouceagit; cela n'arrive que sil'opérateurfait descendre
le tube avec son index gauche avant d'être certain qu'il est
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clans le larynx; c'est clone un accident quinepeutarriver qu'aux
débutants ou à ceux qui ne savent pas tuber, et, clans ces cas
là, le tube porte un petit orifice destiné à user du fil : fil de
sûreté non tendu et non fil de prise.
Une seconde objection est la nécessité où l'on peut être de
retirer le tube aussitôtqu'il estplacé (obstruction pardesmuco- cités, etc.), de là l'avantage du fil.
Mais, outre que cet accident est rare, nous avons à notredis¬
position l'extraction digitale (on doit, eneffet, lorsque l'on tube,
avoir son index droit armé); mais encore l'introducteur peut
tout aussi bien servir d'extracteur.
Voici une première et importante simplification : facilité de
maniement de l'appareil, rapidité d'exécution deux fois plus grande.
Nous ne sommes pas partisan, comme Ferroud, de tuber
sans ouvre-bouche. Nous ne comprenons pas nonplus
pourquoi
MM. Deguy et Benjamin Weill ont modifié l'ouvre-bouche de
Denhard (fig. 3) qui est excellent à tous les points de vue.
Fig. 3.
On vadonc introduire le tube. C'est àcemoment
qu'intervient
le temps le plus important du tubage : le toucher
intra-pharyn-
gien, la reconnaissance de l'orifice supérieur du larynxavec
l'index gauche. Combiende fois avons-nous entendu répéter a
M. Guinon : Exercez-vous d'abord à reconnaître le larynx,
met¬
tez-en la « sensation dans votre doigt » (Sevestre), et ce n
est
que lorsque votre indexse reconnaîtra parfaitement
dans cette
région que vous pourrez tuber et vous serez alors
étonné de la
simplicité de l'intervention.
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Voici donc un principe que l'on ne devra jamais perdre de
vue, et ce n'est que lorsque, avec son index, on aura senti et
pour ainsi dire vu l'orifice supérieur du larynx, que l'on devra
y amener le tube. Celui-ci y arrivera naturellement, et, dès qu'il seraintroduit, l'index gauche qui 1 attend vient appuyer
sur satête en même temps qu'il refoule la branche mobile de l'introducteur. Le tube est libéré et propulsé en même temps.
De ce fait queles tubes de Froin sont des tubes demi longs, longueur qu'ils doivent surtout à leur anse en biseau, il suit
que c'est le tube encore armé qui se présenteaudéfilé glottique
et cela parunesurface étroite mais plane : la partie inférieure
de son anse; il le force donc aisément et si on saperçoit, dans l'introduction, de l'obstacle produit par le spasme, en laissant
le tube en place sans effort, l'asphyxie menaçante fait faire à l'enfant une largeinspiration etle tubedescend. Voilà
pourquoi
nous sommes partisan du tubage fermé.
Dans les appareils à mandrin, rien de pareil. Le tube court franchit la glotte sous la pression du propulseur ou du doigt,
par conséquentlorsqu'il a déjà en partie abandonné son man¬
drin et il présente aux cordes vocales une surface ovalaire et
coupante.
Jamais nous n'avons vu le tube prendre une mauvaise direc¬
tion, cequel'absence dumandrin fait craindreà sesdétracteurs.
Du moment
que le tube est introduit dans le larynx, où pour¬
rait-il descendresinon dans la trachée?Quant àsaposition, nous
avons vu qu'elle était commandée par saforme. Ilne peutdonc
tourner sur lui-même.
iNous sommes ainsi en
possession d'une méthode de tubage
« rapide, facilitée
beaucoup
parle double biseau du tube » (Gui- non) et qui surtout n'est pas inutilement compliquée par lacraintede retirer le tube soit avec le mandrin, soit avec le fil.
Le tube une fois en place, celui ci est parfaitement toléré, sa
large lumière livre un passage facile à l'air, sa cavité évasée en haut en permet l'extraction aisée, enfin son anse inférieure en
diminue1obstruction dans une proportion considérable.
d) De quelques autres instruments. — O'Dwyer a fait cons-