FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE 1899-1900 M° 7|
ÉTUDE
COMPARÉE
de
LA THORACENTESE
Avec ou sans Aspiration
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentéeet soutenue publiquement le 23 Février 1900
par
Marc-Paul-Jean-Marie JSAVIINT
Né à Poitiers (Vienne), le 2 Juin 1871
MM. PITRES professeur.... Président.
VERGELY professeur....1 PACHON agrégé
(
Juges.LE DANTEC agrégé )
Le Candidat répondra aux questions qui lui seront faites sur les diverses parties de l'Enseignement médical.
Examinateurs de la Thèse:
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI — PAUL CASSIGNOL
91 - rue porte-dijeaux — 91 1900
Facnltl de Médecine et de Plu
M. DENABIAS,doyen —
M. PITRES, doyen honoraire.
MM. MICÉ
)
DUPUY > Professeurs honoraires.
MOUSSOUS
)
LANELONGUE.
YERGELY.
ARNOZAN.
MASSE.
LEFOUR.
MM.
. 1 PICOT.
Cliniqueinterne...^ PITIII^S
. . , DEMONS.
Clinique externe Pathologie et théra¬
peutique générales.
Thérapeutique
Médecine opératoire.
Clinique d'accouche¬
ments
Anatomie pathologi¬
que
COYNE.
Anatomie CANNIEU
Anatomie générale et
histologie V1AULT.
Physiologie JOLYET.
Hygiène LAYET.
AGRÉGÉS BRU
skction de médecine(Pathologie
MM. CASSAET. '|
AUCHÉ.
SABRAZÈS.
section dechirurgie et accouchements /MM.DENUCÉ.
\ VILEAR Pathologieexterne) BRAQUEHAYE
( CHAVANNAZ.
Médecine légale Physique Chimie
Histoire naturelle ...
Pharmacie
Matièremédicale....
Médecine expérimen¬
tale
Clinique ophtalmolo¬
gique
Clinique desmaladies chirurgicales des en¬
fants
Clinique gynécologique Cliniquemédicaledes
maladies des enfants Chimiebiologique...
B3XEUCICE : interneet Médecine
MM. Le DANTEC.
HOBBS.
MM.
MORACHE.
BERGONIÉ.
BLAREZ.
GU1LLAUD.
FIGUIER.
de NABIAS
FERRÉ.
BADAL.
P1ÉGHAUD.
BOURSIER.
A. MOUSSOUS DEN1GÈS.
légale.)
Accouchements.(MM. CHAMBRERENT
FIEUN.
Anatomie
sectiondessciences a.natomiques et physiologiques
JMM. PR1NCETEAU |
Physiologie MM. PACHON.
••••( N. I Histoirenaturelle BEIDDE.
Physique.
section des sciencesphysiques MM. S1GALAS. | Pharmacie....
€©ftjsi& © sapa-a'îsa as m ï a 0 n Clinique desmaladiescutanées etsyphilitiques
Clinique desmaladies des voiesurinaires Maladies dularynx, des oreillesetdunez Maladies mentales
Pathologie interne Pathologie externe Accouchements Chimie
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HydrologieetMinéralogie
Le Secrétaire dela Faculté:
M. BARTHE.
SOft :
MM. DUBREU1LH.
POUSSON.
MOURE.
RÉGIS.
RONDOT.
DENUCÉ.
CHAMBRELENT.
DUPOUY.
PACHON.
N.
LAGRANGE.
CARLES.
LEMA1RÉ.
Par délibération du 5 août1879, la Faculté aarrêté que les opinions émisesdans >
Thèsesqui luisontprésentées doivent être considéréescomme propres à leurs auteuis, qu'elle n'entendleur donner niapprobation niimprobation.
A MON PÈRE ET A MA
MÈRE
A LA MÉMOIRE DE MON
GRAND-PÈRE
A. VAILLANTA MA GRAND'MÈRE
A MA SŒUR
A MES FRÈRES
MEIS ET A MICIS
A mon Maitre
MONSIEUR LE PROFESSEUR BOURSIER
PROFESSEUR DE GYNÉCOLOGIE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX CHIRURGIEN DES HOPITAUX
OFFICIER DE LlNSTRUCTION PUBLIQUE
A mon Président de Thèse
MONSIEUR LE PROFESSEUR PITRES
DOYEN HONORAIRE DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX PROFESSEUR DE CLINIQUE MÉDICALE
CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
OFFICIER DE I/INSTRUCTION PUBLIQUE
ASSOCIÉ NATIONAL DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE
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Il.'•
HÉP
INTRODUCTION
Lebutune fois atteint, chacun
de
nous sesurprend à jeter
un regard en
arrière, et les jours passés à le poursuivre
revivent uncourt momentdansla
mémoire
:les
uns,touffus
dejoies et de
satisfactions, les autres, de chagrins et de mé¬
contentement de soi-même.
Ûne instinctive crainte nous
empêche d'enfaire
undécompte exact. Nous préférons ne
pasêtre
fixé de
peur quel'espoir s'évanouisse de voir le
poids des
premiers l'emporter.
Cette rapide revue
rétrospective
ade plus l'avantage de
nous montrer que nous
devons autant à nos maîtres qu'à
nous-même d'être arrivé au terme.
Aussi est-ce un
plaisir vraiment grand pour l'élève de trou¬
ver l'occasion de leur adresser
publiquement
sessentiments
de déférence et de
gratitude.
J'ai contractéenvers M. le Prof. Boursier une
dette de
pro¬fonde reconnaissance, tant pour
tout le profit tiré de son
haut enseignement que pour sa
bienveillance inaltérable et
toutes les bontésqu'il a eues
à
monégard.
Pendant les mois trop
courts passés dans
sonservice, j'ai
pu, mieux qu'un autre
peut-être, apprécier la sollicitude dé
M. le Dr Baudrimont.
MM. les Prof, agrégés Le
DantecetPachon ont été des maî¬
tres préférés; ils ont
bien voulu être aussi des amis aux
conseils précieux.
J'ai mis àcontribution et sans compter le
savoir de
mon.- 8 —
cher ami, le Dr Verger, chef de clinique médicale. Ses avis éclairés seretrouvent àchaque pagedece travail dont il m'a donné l'idée.
Que tous reçoivent mes remercîments émus.
Je remercierai aussi très vivement M. le Prof. Pitres pour l'honneur qu'il me fait en acceptant la
présidence
de maThèse,et pour avoir misson service
d'Hôpital
et son labora¬toire à monentière
disposition.
CHAPITRE PREMIER
HISTORIQUE
Hippocrate
ouvrait
un espaceintercostal
parle
«fer ou le
feu »ou bien térébrait une côte et laissait la plaie béante jusqu'àce quele
liquide fût complètement évacué,
sansten¬
dance à se reformer.
Disons toutde suite qu'il
n'opérait
queles pleurésies
puru¬lentes, de môme que tous
les autemrs qui suivent, et
que cen'est guère qu'au milieu du xixe
siècle qu'on ponctionna les
épanchementsséreux.Galien suivit le même manuel opératoire en y
ajoutant
l'emploi d'une seringue qui s'ajustaità
unelongue canule et
aspirait le liquide : l'appareil senommait pyulque.
Celse a presque oublié la
thoracentèse; les médecins
grecset romains n'en parlent pas; c'est à
peine si,
au moyenâge,
les médecins arabes, Sérapion et
Rhazès,
yfont
unetimide
allusion.
Il faut arriver jusqu'au xvie
siècle
pourla voir renaître
avecA. Paré; Fabrice
d'Aquapendente
seplaint de lavoir
tombée en désuétude, et la pratique. Vers
le même temps,
Bartholin referme la plaie pour éviter
le contact de l'air.
Auxviiesiècle, Jérôme Goulu, Jean de Vigo,
Zacutus Lusi-
tanus, Willis, Lower, Bontius, Scultet
pratiquent la
para¬centèsede la poitrine, les uns avec, les autres sans
pyulque.
Drouyn,
le premier, préconisel'emploi du trocart, substitué
au bistouri et au fer rouge.
Au xvme siècle, Lourde suit l'exemple de Drouyn
et
con-— 10 -
seille de fermer la canuleavec le doigt à chaque inspiration
et de la laisser ouvertependant l'expiration.
Déjà l'entrée
del'air dans la cavité
pleurale
estregardée
comme undanger.
Mais c'est surtout au xix° sièclequecette
crainte s'exagère,
àtel point
qu'elle
apportedes modifications importantes dans
l'instrumentation.
Le trocart est définitivement
adopté,
et son calibre,fort
engénéral, importe peu. puisque
Audouard
soutient, en 1808,que
l'évacuation
même subite de l'épanchement n'a point lesinconvénients supposés, et qu'il n'était point utile de se con¬
former à la vieille règlede n'évacuerque peu
à
peule liquide quel qu'il fût.La découverte de l'auscultation ne fit pas faire un pas à la thoracentèse; cependant les étrangers semblent avoir eu plus de confiance dans l'opération que Laënneclui-même,
dont la grande découverte les éclaira par ses nouveaux moyens d'investigation. C'est ainsi que Becker en Allema¬
gne,Schuh et Skoda en Autriche, Damisen en Angleterre, la pratiquèrent avec succès, malgré qu'elle fût encorebien
diversement acceptée. A tel point que Dupuytren, atteint
de
pleurésie, refusa de se laisseropérer:
« J'aime mieuxmourirde la main de Dieu que de celle deschirurgiens. »
Il ne fallut rien moins que toute l'autorité de Trousseau6
pour mettreen lumière la valeur thérapeutique de la thora¬
centèse et la vulgariser, non sans lutte d'ailleurs, en Fronce
et àl'étranger.
L'instrument dont se servait Trousseau aida du reste
beaucoup
à cettevulgarisation;
c'était la fameuse canule in¬ventée en 1827 parReybard12, chirurgien de Lyon, et
dont la
vogue dura tout un demi-siècle. Cette canule avait 81 milli¬
mètres delongueur etla grosseur d'une sonde de gros
cali¬
bre; « une extrémité portait un boyau de chat, ou mieux un
morceau debaudruchepréparéeavec le boyau de cet
animal
et d'une longueurde 3 pouces environ »; un trocart
jouait
dans la canule, et
lorsque
la ponction était faite, onavait
soin, en retirant la lame, de faire suivre la baudruche préa-
— 11 -
lablement
ramassée
surla canule. Les liquides s'écoulaient
facilement, et
dès qu'une inspiration se produisait, la bau¬
druche-soupape se
plissait,
sesparois venaient en contact et
obturaient l'ouverture
de telle sorte
quel'air ne pouvait pé¬
nétrer dans la cavité
pleurale.
Lesmédecins de marine
remplacèrent la baudruche par
un boyau
frais de poulet qui remplissait le môme but13.
Schuh, Bouvier,
Récarnier, Stanski firent connaître des
appareils visant
aumôme but, mais si embarrassants, si
compliqués et si incommodes que leur usage ne se répandit
pas etque
leurs auteurs eux-mêmes les abandonnèrent.
En 1836,
l'Académie de médecine discute longuement l'uti¬
lité de
l'opération de l'empyème,
« sagravité, sa valeur, les
dangers
qu'elle entraîne, l'influence de la pénétration de l'air
dans la poitrine,
la valeur des procédés opératoires, de l'in¬
cision, de la ponction et
de l'utilité des évacuations successi¬
ves ». Elle conclut que la
thoracentèse
nedevait être
« qu'une
dernièrô
ressourceaprès toutes les autres », et
qu'on ne devait y
recourir
quelorsque le malade allait mou¬
rirétouffé par son
épanchement.
En Angleterrecependant,
Hamilton Roc10 (1844) ne s'occupe
guère de l'entrée de l'air
dans la poitrine,
nonplus que Ed¬
wards Gock et
Hughes11
quiemploient pourtant des trocarts
fins dont la canule n'avaitqu'un
douzième de
poucede dia¬
mètre.
Nouvelle discussion, en 1865,sur
la thoracentèse,
ouplutôt
thoracocentèse, selon
l'expression employée alors. L'Acadé¬
mie de médecine y consacre
huit séances mouvementées.
J. Guérin16 yfait
connaître l'application de
saméthode sous-
cutanée à la thoracentèse. Il se servait d'un gros
trocart
courbe et plat dont
la canule pouvait
sevisser sur une
pompe portant deux
robinets,
un pourl'aspiration, l'autre
pour l'évacuation.
Il nous dit que « le
liquide
nesort, point
parl'effort du vide
de la pompe, mais il pousse en
quelque façon de lui-même
le piston que l'on tiresans le
moindre effort
».Le piston suit
— 12 --
le mouvement d'expansion du poumon « sans le provoquer
au delà deson développement », car il veut opérer de bonne heure pour éviter de se trouver en face de brides pseudo¬
membraneuses.
Piorrv14 tout en reconnaissant que la pompe de J. Guérin
a du bon, sans être toutefois une nouveauté, pas plus que la méthode sous-cutanée qu'avait préconisée Th. Bell
(1796)
près d'un siècle auparavant, donne lapréférence
à la canule d'un trocart munie d'une « sonde en caoutchouc formantsiphon », dont l'extrémité inférieure plonge dans un vase rempli d'eau.
Blachez 18, en 1868, présente à la Société des hôpitaux de
Paris un trocart capillaire pour pratiquer la thoracentèse qui ne satisfit personne à couse de la lenteur désespérante
avec laquelle se faisait l'écoulement.
Enfin, en 1869, la thoracentèse entre dons une nouvelle phase. A la séance de l'Académie de médecine du 2 novembre
Dieulafoy21 présente son appareil aspirateurà « vide préala¬
ble » armé desonaiguille capillaire. L'idée de Blachez et ses très fins trocarts reçoivent une application pratique. Aussi
les aspirateurs de tous systèmes sortent-ils de chez les fabri¬
cants. Dieulafoy nous en donne une liste
incomplète
cepen¬dant, encoreque fortlongue :
L'aspirateur à encoche de
Dieulafoy,
L'aspirateur à crémaillère de Dieulafoy, L'aspirateur de Iiamon,L'aspirateur
dePotain 20,L'aspirateurdeSmith (Londres),
L'aspirateur de Rassmussen
(Copenhague), L'aspirateur
de Weïss,L'aspirateur superposéde Weïss, L'aspirateur de Castiaux 24, L'aspirateur de Regnard 19, L'aspirateurde Leiter, L'aspirateur deThénot,
L'aspirateur
à vapeur deFleuret.— 13 -
Le double aspirateur
de Dieulafoy,
L'aspirateurde Debove.
La plupart
arrivant
auvide à l'aide de
pompes,d'autres
par la
condensation de la
vapeurd'eau (Regnard), d'autres
enfin par
des combinaisons chimiques (Thénot). Le détail de
chacun serait aussi fastidieuxque
long
etsemblerait vouloir
rajeunirunarsenal démodé qui n'a
saplace aujourd'hui
que dansles vitrines d'un musée.Detous, deux seuls, les plus
parfaits
assurément, ont sur¬vécu en«'acquérant
la faveur unanime,
cesont
:l'aspirateur
à encoche de Dieulafoy et celui
de
M.Potain.
Lesdécrire
seraitsuperflu, toutle
monde les connaît, les
a vus oufait
fonctionner. Leur emploi mit la
tlioracentèse à la
portéede
tous, c'est leur plus beau titre de
gloire.
Malgréleurs perfectionsces
aspirateurs
nesatisfirent
pas tous les désirs. On rêva plus simple, etce rêve seréalisa par l'apparition du siphon ordinaire.Dès1870, Douglas Powel2 fait connaître à la Société clini¬
que de Londres son instrument pour la
paracentèse
duthorax. «Mon instrument, dit-il, intelligemment construit
par M. I-Iawksley, de Blenheim street, Bond street, se com¬
pose d'un trocart jouant dans une canule pourvue d'une branche latérale unique; celle-ci reçoit une petite
pièce
mobile à laquelle s'ajuste un tube de caoutchouc. La canule porteun chapeau garni à l'intérieur decuirgras qui,par une vis de serrage, arriveencontact intime avec le trocart sans gêner songlissement, de telle façon que cette
partie de l'ap¬
pareil est parfaitement étanche. Le tube d'écoulement
ajusté
parune extrémité à la petite pièce mobile porteunraccordde métalen T dans sa continuité. La troisième branche duT est continuée par un autre tube de caoutchouc qui se rend à un manomètre à mercure. L'appareil doit être soigneusement rempli d'eau avantd'ajuster le trocart au tube dont l'extré¬
mitéinférieure plongera dans un bassin contenant de l'eau.
»I1 est peut-êtrebon d'ajouter que le point de jonction du tubeet du manomètre sera autant quepossible sur le même
niveau que
l'ouverture de la poitrine
pourenregistrer la
pressionintra-pleurale exacte
; pourla connaître à chaque
moment de l'opération il
suffira de pincer le tube d'écou¬
lement au-dessous du raccord enT. Ilest clair que le
degré
depuissancedu
siphon employé dépendra du niveau où
seraplacé
le bassin etde la longueur du tube d'écoulement
».Douglas Powel fait suivre sa
description de deux observa¬
tions d'épanchements
pleuraux évacués
avec soninstru¬
ment sans aucun accident et terminés parla guérison.
LeProf. Eichorst, de Zurich, s'exprime ainsi : « Dans ces derniers tempson a souvent
recommandé de
seservir de la
méthode du siphon. Nous nous servons
de l'aiguille
creuse que nous mettons encommunication
avec untuyau herméti¬
quement clos. On place un petit
entonnoir à l'extrémité
ouverte du tuyaude caoutchouc. On remplit le tout avecune solution d'acide salicylique et on fixe tout près de
l'aiguille
creuse unevis depression qui empêche le liquide de
sortir.
L'aiguille creuse est introduite dans la cavité pleurale,
le
petit entonnoir est abaissé, la vis de pression estenlevée,
leliquide s'écoule à l'extérieur. »
Le Prof. Naunyn (de Strasbourg) emploie un trocart
de
Potainlégèrement modifié par l'adjonction d'un robinet et
d'un ajutage latéral auquel se trouve adapté unlong
tube
en caoutchouc muni d'un indexen verre.L'instrument estdésin- fectédansune solution d'acidephonique à 50/0 oudesublimé
à 10/00 avant de servir. On remplitensuite le tube de caout¬
choucavec unesolution phéniquée faible, on presse sur
la
partie libre dutube de caoutchouc pour éviterl'écoulement
du liquide. La ponction faite,on abaisse le tube etonlelaisse plonger dansun récipientcontenantun peudeliquide
phéni-
qué; l'écoulement se fait ainsi très simplement et peutêtre
arrêté ou modéré en pressant sur le tube de caoutchouc.
Quelquefois on adopte à l'extrémité libre du tube un enton¬
noir en verre.
Depuis 1881,M. le Prof. Pitres1
emploie,dans
sonservice à
l'hôpitalSaint-André,
un siphonpour évacuer lesépanche-
— 15 —
ments pleuraux.
Ce siphon faisant spécialement l'objet de ce
travail, jeneledécrirai qu'ultérieurement.
A la séance du 30juillet
1887,
M.Albert Ruault3 fait
une communication à la Société deBiologie
«Sur
unemodifica¬
tion dumanuel
opératoire de la thoracentèse
paraspira¬
tion,
permettant de régler l'aspiration pendant toute la
duréede
Vopération et d'éviter les accidents dus
cll'abaisse¬
ment trop
grand
outrop brusque de la pression intra-pleu-
rale ». Je rapporte
les
proprestermes de cette communica¬
tion : «Dans tous lescas oùon a observéles accidentsconsé¬
cutifs à lathoracentèse (syncope,
expectoration albumineuse, hémothorax), la pression intra-pleurale donnée
par un manomètre était inférieureà— 10ou— 15 millimètres de Ilg.On doitdonc arrêter l'opération
dès
quele manomètre indi¬
quede telles
pressions. Aussi les Prof. Potain 20 et Pitres 1
re¬commandent-ils l'emploi du
manomètre, mais cet instru¬
ment ne passera
jamais dans la pratique. Il faut donc
trouver un appareil qui
puisse
ysuppléer.
»Prenonsun bouchon decaoutchouc demoyen
calibre
sus¬ceptible de s'appliquer sur une
bouteille ordinaire. Ce bou¬
chon, percéde deux trous, sera
traversé
pardeux tubes de
verre parallèles à son axe et
environ deux fois et demi
ou trois foisplus longsque lui. Al'extrémité supérieure de l'un
de ces tubes de verre ajustons un tube
de caoutchouc, long
d'environ 60centimètres,surle trajet duquel,au
voisinage de
son extrémité libre, sera interposé un
robinet. Cette extré¬
mité libre de ce tube de caoutchouc est destinée à être ajustée à un trocart de
l'appareil Potain. A l'extrémité supé¬
rieure du second tube de verre, ajoutons un
second tube de
caoutchouc, long d'environ lm 30centimètres. A l'extrémité
inférieure(cellequi,le bouchon étant
placé
sur unebouteille,
regarde la cavité de la bouteille) de ce
même tube de
verre, ajoutons un second tube de caoutchouc, assez long pourplonger jusqu'au
fond de labouteille-. Voilà notre appareil
construit.
»Supposons maintenant que nous
veuillions faire la thora-
centèse. Nous plaçons
près
du lit dumalade,
surla
tablede nuit par exemple, la bouteilleremplie d'eau
auxdeux
tiersenviron. Nous laissons tomber le plus grand tube de caout¬
chouc aufond d'un bocal
placé à
terre etdestiné à
recueillir le liquidepleural. Soufflons ensuiteparl'extrémité
libre du tube de caoutchouc de 60 centimètres : nous amorçons ainsile siphon formé par les deux autres tubes decaoutchouc, réunis par un tube de verre. Laissons alorscouler ainsi une certaine quantité d'eau de façon que
l'extrémité
du grand tube se recouvre d'une nappe de liquide. Fermons alors le robinet. L'eau continued'abord à s'écoulerdans le bocal par le siphon, mais de plus en pluslentement, et enfin l'écoule¬ment s'arrête. (En se
servant
d'un litre et en opérant dansune salle deshôpitaux deParis, où les meublesont sensible¬
mentla même hauteur, avec
l'appareil
que je présente ici,l'écoulement cesse au moment où la pression de la cavité de la bouteille, au-dessus de l'eau, estinférieure à la pression
atmosphérique
d'environ 6 centimètres de Hg). Notre appa¬reil est alors prêt à fonctionner.
» Il suffitd'ajuster le trocart, de ponctionner et d'ouvrirle robinet, le liquide pleural coule dans la bouteille et se mélange à l'eau qui y est contenue. Mais, dès que la
quantité
de liquide augmente dans la bouteille, la pression
augmente
au-dessus dece liquide et le siphon se réamorce. Le
liquide
s'écoule dans le bocal et il continue
d'y
couler jusqu'àla fin
de l'opération. Si le bocal est assez large pour que les
diffé¬
rences de niveau s'y fassent peu sentir, la pression dans
la
bouteille aspiratrice reste sensiblement constante
pendant
toute la durée de l'opération.
» L'aspiration se fait avec une force toujours égale.
Cette
aspiration mesuréepar6 centimètresde Hg environ, estplus
que suffisantepour assurer l'écoulement du liquide
dans
tous les cas, même
lorsqu'une
secousse de toux inattendue exagère momentanément de beaucoup l'amplitude desoscil¬
lations respiratoires.
»Onauraaisément la mesure approximative de la
pression
- 17 —
intra-pleurale, à
unmoment donné, si elle devient négative,
carle liquide
pleurétique
cesserade couler lorsque cette pression intra-pleurale
serasensiblement égale à la pression
de la chambre à air de la bouteille aspiratrice. Or,
celle-ci
varie en raison dela longueur de la grande
branche du si¬
phon. On pourra
donc la faire varier facilement
enplaçant
le bocal plus ou
moins bas au-dessous du niveau du liquide
dans la bouteille et l'évaluer
approximativement à
un mo¬ment donné. De mêmequ'on peut
régler l'aspiration,
onpeut
également réglerl'écoulement
enouvrant plus
oumoins le
robinet voisin du trocart etéviter ainsi les
décompressions
pleurales brusques». M.Ruault donne à
sonappareil le
nom d'« aspirateur automatique »,et termine
enmontrant les
avantages qu'il a :
l'opérateur peut
se passerd'aides, l'écou¬
lement se fait sans interruption et en
toute sécurité, quelle
quesoit la quantité de liquide
évacuée.
Avantagesbien réels,
maisqu'un appareil plus
simple, le siphon ordinaire,
pos¬sèdeaussi.
Danssa thèse, soutenue en 1892,
Decourt4 décrit
l'appa¬reil aveclequel M. Duguet pratique
la thoracentèse dans
son service à Lariboisière. « Il se compose, dit-il:a) d'un
trocart,b)
d'un tube d'écoulement en caoutchouc terminé ounon parun petit entonnoir.
»a) Le trocart est formé d'une canule munie d'un robinet à
clefetd'une lame à laquelle est adapté un
obturateur de la
canule appelé« boite à cuirs ». Cette lame est plus volumi¬
neuse à sonextrémité perforante,
de façon qu'en la retirant,
après la ponction, elle ne puissesortir de l'obturateur. Une
fois cette lame retirée et arrêtée dans la boite à cuirs,
on peut alors tourner la clef de la canule sans crainte d'émousser sa pointe. La clef du robinet étant
alors
tournéeen travers on est assurécontre toute introduction del'air, et l'onenlève, se tenant ensemble, la lame et la boîte à cuirs.
»Le calibre du trocart adopté parM. Duguet estcelui de l'ai¬
guillen° 2 de Polain (1 millim. 1/2
de diamètre extérieur)
etsurtout le no 3 (2 millimètres de
diamètre).
S- 2
- 18 -
» b) Le
tube d'écoulement est
encaoutchouc et a i'n10
en¬viron de longueur, de façon que,
tenant compte de la
cour¬bure inhérente à son adaptation,
le malade étant opéré dans
ledécubitus dorsal, ce tube ait une
portion verticale de 1 mè¬
tre de hauteurenviron. Un indexenverre, situé à quelques centimètres deson extrémité supérieure,
permet de voir si
le tube est amorcé ou si le
liquide s'écoule, et
sanature. A
une desextrémités de cetuyau
de caoutchouc est adapté
un robinet métallique muni d'uneclef qui sert à l'amorçage du
tube. Ce robinet est destiné à pénétrer
dans l'extrémité de la
canule demeurée béante après l'ablation
de la lame du
trocart, ce qui met, les deux
clefs (celle du tube et celle de la canule)
étant ouvertes,la canule et le tube d'écoulement
en communication directe.» A l'autre extrémité du tube est adapté, si
l'on veut,
un petit entonnoir enmétal,
verre ouébonite, qui facilite l'amor¬
çage du tube, comme nous
le
verronsplus bas.
^Enfin, à cet appareil est
annexé
unmandrin
oudébou-
choir, afin de pouvoir désobstruer la canule
dans le
casoù,
pendant l'opération, une fausse membranel'obturerait.
» Tel est l'appareil,voyons son fonctionnement.
»On commence paramorcer le tubeen
leremplissantd'eau
parl'entonnoir, puis on ferme lerobinet.
Onflambe le trocart et on pratique la ponction au
lieu
d'élection, c'est à dire, puisqu'on
opère
dans ledécubitus dor¬
sal,au point d'intersection: 1° d'une lignehorizontale
partant
du mamelon, et 2«d'une ligne verticale partant du
bord
an¬térieurde l'aisselle sil'épanchement est
très abondant (5°
es¬pace intercostal),ou du milieu du creux axillaire si
l'épan¬
chement est moins abondant
(6e
espaceintercostal).
» On retire alors la lamejusqu'à ce qu'elle s'arrête
d'elle-
même, on ferme la clef de la canule eton enlève à la fois
la
lame etl'obturateur ou «boîte à cuirs ». On adapte
ensuite à
la canule le tube amorcé, on ouvreles clefs du trocart et
du
tube et leliquidese met à couler. Si par hasard
l'écoulement
s'arrête, on arme la boite à cuirs du débouchoir, on ferme
'î
— 19 —
lesdeux clefs, puis 011
enlève
letube d'écoulement.
On montel'obturateur sur la canule dont 011 ouvrela clef, on fait fonc¬
tionner le déboucliôir et on le retire. On referme la clef de la canule et on enlève ensemble boite à cuirs et débouclioir;
le tube d'écoulement est remis à leur place, les deux clefs sont ouvertes etde nouveau le liquide s'écoule. »
Il ajoute que l'écoulement se fait « par une sorte d'aspi¬
ration modérée et régulière... C'est, qu'en effet, dans tous les cas que nous avons observés (que
l'écoulement
aitétéra¬pide ou
lent),
M. Duguet est arrivéà
obtenir l'un des deux phénomènes sur lesquels il s'appuie pour arrêter l'évacua¬tion dans les tlioracentèseS qu'il pratique depuis
longtemps
avec l'aspirateur, soit la toux ou le besoin
impérieux
de tousser, soit une sensation d'écrasement thoracique qu'é¬prouve le malade. »
M.Duguet attend toujoursl'apparitiond'unde cesdeux
phé¬
nomènes pour arrêter l'opération, quelleque soit la quantité
duliquide restant dans la plèvre;c'estpourlui le point limite d'innocuité de la thoracentèse qu'il ne faut pas dépasser
sous peine de voir survenir de plus graves accidents.
A l'heure actuelle, l'instrumentation de la thoracentèse se résume, je crois, ainsi : d'un côté l'aspirateur, de l'autre le siphon. Beaucoupse servent du premier, un petit nombre seulement emploie le second. Pourquoi? Celui-la est-il telle¬
ment supérieur que celui-ci ne puisse se mettre en ligne?
Non, car, à notre avis, ce dernier est préférable à tous égards.
Mais la méthode aspiratrice fut, pour ainsi dire, imposée, grâce ou bruit des controverses brillantes qui
marquèrent
sa mise aujour et la firent connaître ou monde entier, ton¬
dis que le siphonage prit naissance de façon plus
modeste, n'ayant,
en aucune manière,la prétention derévolutionner
la
thérapeutique
des pleurésies. Il estrestépeu connu,telle
estla seule raison de son usage peu répandu.
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CHAPITRE II
Etude
critique et comparative de l'aspiration
et du
siphonage.
1 I.
Pathogénie
etmécanisme des accidents de
la thoracentèse.
Au cours ou à la suite de la thoracentèse, on a vu se pro¬
duire desaccidents, lesuns bénins, d'autresgraves, d'autres enfin mortels.
Outre la pénétration de l'air dans la poitrine,
la
suppura¬tion de la plaie et quelques fistules, on lui a
reproché aussi
la blessure du poumon, le pneumothorax et
l'expectoration
albumineusequ'on croyait
consécutifs à celle-ci; la transfor¬
mationpurulente de Tépanchement;
la congestion pulmo¬
naire, l'œdème aigu du poumon,l'asphyxie lente ou
brusque,
la syncope,
l'hémiplégie,
l'apoplexie, la mort plus oumoins
rapide.Lesblessures du poumon, outre que les
observations
en sont excessivement rares, n'ont jamais eu deconséquences graves,etle pneumothorax, qu'on prétendait leur être fatale¬ment consécutif, ne s'est jamais produit
à
leur suite. Pas plus qu'elles nesont la cause del'expectorationalbumineuse qu'on pensait être le liquide pleural passant par la blessurepulmonaire,
envahissant l'arbre bronchique et rejeté au dehors.L'analyse
chimique a démontré que la compositionde l'uneet de l'autre n'étaitpas
identique
:quelques éléments
22
sont différents etceux qui sont communs aux deux n'y en¬
trent pas dans les mêmes proportions.
La transformation purulente, qui pouvait
s'expliquer
au¬trefois, n'est plus guère
compréhensible aujourd'hui
avec les procédés aseptiques etantiseptiques.Du reste, d'après
Dieulafoy 21,
certainespleurésies
« bis-tologiquement hémorragiques
» seraient destinées à suppu¬rer,justementsuivant leur teneuren globules rouges.
« Une goutte de liquide pleural, dit cet auteur, est placée
sousle
microscope
et soumise àl'examen, la numération des globules n'étant faite que quelques minutes plus tard, afin delaisser aux globules le temps de se placer.» Ces observations, souvent répétées, me permettent de croire que tout épanchement aigu quinecontient pas au delà de 3.000 globules rouges par millimètre cube, est générale¬
ment une pleurésie simple, qui a peu de tendance à la sup¬
puration, tandis que les chiffres qui dépassent 5.000 globules rouges par millimètrecube peuvent être un indice de la fu¬
turepurulence du liquide pleural. »
Dieulafoy
pense que la plèvre, comme les autres organes atteints de phlegmasie, passe par troispériodes, hypéré-
mie, engouement, purulence, et que l'évolution phlegmasi-que peut s'arrêter avant le dernierstade.
« Eh bien ! ajoute-t-il, si l'on ponctionne la pleurésie
à
la première phase de son évolution, et si l'on se contente d'un examen superficiel du liquide, on croit avoir affaire à unépanchement de lionne nature,
transparent
etcitrin ; puis, sil'on ponctionnedenouveau à une époque plus éloignée, on accuse à tort la thoracentèse d'avoir rendu purulent un liquide séreux,sans voir qu'on atout
simplement
ponctionné lapleurésieà deux phases deson évolution. »Quelquefois,
aussitôtou peu après la thoracentèse,on a vu des malades pris detoux quinteuse, suivie del'expectoration
dune petite quantité d'un liquidespumeux, albumineux.Au bout de quelques instants, ces symptômes
disparaissent
ettout rentre dansl'ordre.
Dans d'autres cas,
l'anxiété est plus grande, la toux plus
opiniâtre et la quantité de liquide expectoré plus abondante :
30grammes
(Woillez 28), 250 grammes (Vulpian), 1 litre (Des¬
nos). 2
litres (Moutard-Martin l7) et ce n'estqu'après plusieurs
heures, une
demi-journée, vingt-quatre heures, que le calme
revient.
Enfin, rarement
il est vrai,
«je n'en connais que six obser¬
vations »
(Dieulafoy), les accidents ont éclaté avec tant d'in¬
tensité, une dyspnée
si terrible,
quela mort par asphyxie
s'en estsuivie et même rapidement •:
10 minutes (Girard29),
un quart d'heure
(Gombault),quelques minutes (Legendre30),
très
rapidement (Dumontpallier31),
en4 heures (Béhier et Liouville32),
en 2heures (Bouveret33).
Ona aussi observé la syncope,
bien
queTrousseau ait dit
:« Depuis que
je pratique et
queje vois pratiquer la thoracen-
tèsedans les cas depleurésie,
je n'ai jamais entendu citer,
nilu d'observations où cettecomplication
soit mentionnée.
»Rares sont les observations où
l'hémiplégie, l'apoplexie,
des crises épileptiques ont
suivi l'opération. Jeanselme 37
cite un malade atteint de gangrène
pulmonaire, chez lequel,
à la suite d'une ponction
exploratrice,
onvit survenir
une paralysie alterne transitoire, avechémianesthésie, embar¬
ras delàparole et cécité
complète. Et Jeanselme ajoute
: «La
déchéance organique qui accompagne
toute pleurésie, et
particulièrement lespleurésies
septiques, joue probablement
un rôle dans la production de ces
accidents,
parsuite de la
résorption des produits septiques. Letraumatisme
neserait
que le prétexte qui mettrait en
mouvement les actions
réflexes. »
Cette explication de ces troubles nerveux est
peut-être la bonne,
mois n'est encore malheureusement qu'une hypo¬thèse.
Sans m'attarcler au mécanisme des outres accidents, en somme bénins, voyonsquel est
celui des deux plus
graves, 1expectoration albumineuseet la syncope.Laissant de côté
tous les casoù l'autopsie a démontré que
la pleurésie était
- 24 —
compliquée :pleurésie double
(Gombàult),
rhumatisme aigu généralisé(Girard), broncho-pneumonie
tuberculeuse ( Bé- hier),etc., etc.,nous voyons quel'expectoration
albumineuse s'est montrée aussi dans des casoù lapleurésie
n'était point associée.En analysant ces derniers, on remarqueque cet accident s'est produit toujours après une extraction
rapide
et brus¬que d'un
épanchement
pleural abondant.On en a étudié le mécanisme ( Pinaud u, Despine 35, Woillez28, Marotte
38),
eton l'a diversementinterprété
(Ter-rillon 27, Foucart 39, Mercier 3G, Lereboullet
40),
jusqu'à en accuser la blessure du poumon ; nous avons vu que cetteinterprétation
étaiterronée.Ce qu'il faut accuser, c'est la congestion rapide, l'œdème aigu du poumon.
Il est évident qu'un poumon comprimé depuis
longtemps
pardu
liquide,
réduit à un moignon, recroquevillé vers le sommet du thorax et tassé sur son hile, ne peut revenir à sa forme et à sa dimensionpremières,
d'un seul bond,sans que sa structure et son fonctionnement n'en souffrent.
Depuis des jours, sesgros vaisseauxsont peu perméables
ausang,ses moyens à peine, ses petits pas du tout, affaissés qu'ils sont sous l'effort de la compression; ses alvéoles sont ratatinés,
atélectasiôs,
presqu'à l'état de vie latente, si je puis dire. D'un coupbrusque,
on enlève l'obstacle qui entra¬vait la circulation et on supprime le fardeau qui pesaitsur les fins alvéoles. Sans
transition,
le sang se précipite dansles
vaisseaux,
l'airenvahit les alvéoles. Une congestion in¬tense remplacetout d'un coup un degré d'anémie
profond,
en même temps qu'une dilatation forcée succède à l'atélec- tasie. L'œdème aigu du poumon est constitué, une véritable pluie séreuse inonde les bronches de tous calibres, et l'ex¬
pectoration albumineuse s'ensuit. Elle sera
bénigne
ou grave, peut-être même mortelle, si le malade n'arrive pasà
rejeterau dehors le flot quil'asphyxie.
La syncope a eu pour cause la piqûre de la paroi
thoracL
— 25 —
que par le trocart, et
Besnier 44
nous encite
un cas.Il est
vrai
qu'il
opérait unmalade atteint de pleurésie cancéreuse, déprimé
ettrès cachectisé.
M. le Prof. Vergely
42
a trouvé uncaillot cardiaque,
Fou-cart 39 un caillot pulmonaire , Chaillou
43
unephlébite
et thrombose, à l'autopsie de pleurétiquesemportés
par une syncope aprèsla thoracentèse.Surabondammentexpliquée dans les
faits de Besnier, de
M. le Prof. Vergely, de Foucart et de
Chaillou, la
syncope peutêtre aussi, je crois, provoquée parl'extraction brusque
de répanchement.
M. le Prof. Pitres1 nous a appris
(Communication
auCongrès de Montpellier,
avril 1898) quel'ectopie cardiaque
dans la pleurésie, loin d'être un danger, est « un
procédé
providentiel deprotection
». La pressionintra-thoracique,
augmentée du fait de répanchement, repousse le
médiastin
et
l'organe
central de la circulation est «refoulé
en niasse » et ne subit point de mouvement de rotation sur son axe.«L'agent efficace delà protection ducœur estle péricarde, solidementattaché enhaut eten bas. Lorsque
Pépanchement
se produit, il abaisse lediaphragme; le diaphragme abaissé
entraîne le péricarde, qui se tend et prend une
position
ver¬ticale, refoulantainsi lecœur,qui se trouve de la sorte dans
une atmosphèreà pression normale, permettant aux oreil¬
lettesde fonctionner. Dans les cas d'exsudat bilatéral, cette actionprovidentielle ne se produit pas,d'où la
gravité
de ces pleurésies bilatéralesagissant par un mécanisme analogueacelui que réalise la péricardite aiguë et qui a été démontré par
François-Franck
49. »Le cœur n'est donc pas gêné dans ses mouvements; ajou¬
tons, du
moins,
lorsque le malade ne se couche pas sur le côté sain. Dans cette position, én effet, le liquide, se dépla¬çant, ne pèse plus autant sur le diaphragme. Celui-ci se
relève, ne tend plus le péricarde, et le cœur, qui n'est plus protégé, subit directement la pression del'exsudat. Ses oreil¬
lettes,
comprimées, nechassent dans les ventriculesqu'une— 26 -
quantité inoindre de sang.
Ces derniers
ne peuvent rendre plus qu'ils ne reçoivent, aussil'ondée
sanguine est-elle plus faible ei vient s'insçrire au tracésphygmographique
avec peud'amplitude (Dr
Verger»).
Cecas particulier mis
à
partetle malade, instinctivement,segarde bien deseplacer dans de telles conditions, le cœur fonctionne sans trop souffrir, accommodé qu'il a été, pour ainsi dire, peu à peu par l'augmentation progressive de l'épancliement. Mais, quel'obstacle quilemaintenait dans sa situation nouvelle soit enlevé tout à coup, il est possible que l'organe se trouve insuffisant et que, succombant, la syn¬
cope soit la traduction légitime de ce changementimmédiat d'équilibre.
§ II.
L'aspiration
ne met pas à l'abri de ces accidents.Comment les éviter?
A la méthode aspiratrice revient l'honneur d'avoir mis au service de tous les praticiens un traitement prompt, suret pratique des épancliements; j'entends, les épanchements séro-fibrineux et non point les pleurésies purulentes pour
lesquelles l'intervention de choix est l'opération de l'em- pyème. « Quand voustrouvez du pus (dans la
plèvre),
il fautinciser largement et drainer, autrement dit faire « l'opéra¬
tion de l'empyème » (Lejars 47, in Traité de
Chirurgie d'ur¬
gence).
Avec elle, en effet, semblaient disparaître tous les dangers que l'ancienne méthodetraînait à sa suite : plus de plaie
qui
trop souvent suppurait; plus de fistules intarissables, plus d'entrée, d'air possible dans la poitrine, plusd'opération:
tous reproches qu'on adressait, à justetitre, aux gros tro-
carts de Reybard et de Guérin, dont l'emploi
effrayait
au¬tant l'opérateur que le malade et auquel celui-là n'avait
Communiqué d'un travail actuellement sous presse, quiparaîtra dans
leJournal de Physiologieetde Pathologiegénérale»
recours quelorsque
celui-ci n'avait plus
quele dernier
sou¬pir
à rendre.
Aussi,dèsquel'usage
des fines aiguilles devint facile,
grâceau vide préalable,
le plus modeste médecin put intervenir
efficacement etsans crainte dansdescasoù quelques années plus
tôt les grands maîtres eux-mêmes hésitaient à risquer
leur réputation.
L'engouement fut énorme, et le
nombre des appareils
inventés en fait foi.
L'abus de la thoracentèse naquit de
l'aspiration, et la fa¬
veur immenseavec laquelleon accueillit la
nouvelle méthode
risqua fort de la tuer.Bientôt, en effet, des mécomptes vinrent
jeter quelque
froid. C'est que,si quelques
inconvénients
ontdisparu, les
dangers restaient les mêmes, etdes accidents semblables àceuxqui se produisaient avec le
Roybard
nemanquèrent
pas desurvenir et, avec eux, les attaques
les plus vives
se mirent àpleuvoir dru sur la nouvelle méthode.Alors Dieulafoysl, pour répondre à ces
violentes attaques
et donneren même temps des règles fixes et
définitives à
l'opération, écrivit son Traité del'aspiration.
Il démontra sans peine que la plupart
des reproches
étaient mal fondés. Quantaux autresaccidents, l'aspiration
n'en est pas la seule cause, puisqu'avant elle on
les avait
déjàobservés,
et mêmeplus«ombreux.« Ce n'est pas l'aspiration, dit-il, qui est mauvaise, c'est la
façon
dont on en fait usage », et la thoracentèse pratiquéeavec sonaide estdevenue bénigne: mais « il faut savoir ma¬
nier le vide » et ne pas s'en servir en aveugle.
C'est à dire : 1°qu'on ne doit employer que de
très fins
tro- carts, et 2° nejamais retirer plus d'un litre de liquideà
la fois.Avec cette manière deprocéder tout danger est écarté, car dans les casoù ont eu lieu des accidents, alors que la pleu¬
résie n'était accompagnée d'aucune complication, pulmo¬
naire ou