ENTRÉ SOUS LE N* «o,309
FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE
PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE 1900-1901 N° 65
EXOSTOSES M CONIDIT AIDITIF
THÈSE
POURLE DOCTORAT EN MÉDEÇ
Présentée et soutenue publiquement le 18
juillet 1901
PAR
Henri-Ernest-Adolphe-Léon SABROUX
Né à Azerables (Creuse) le 31 mars
1874.
' MM. PIÉCHAUD,professeur....Président
. , , , m.. \ MASSE,professeur
Examinateurs de la These: < VILLAR,agrège Juges
'
MOUHE,chargédecours...'
Le Candidat répondra aux questions quilui seront faites sur les
diverses parties
de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
G. GOUNOUILHOU, IMPRIMEUR DE
LA FACULTÉ DE MÉDECINE
II, RUE GUIRAUDE, II
/
/
19° i
FACULTE DE MEDECINE
ET DEPHARMACIE
DEBORDEAUX
M. DE NABIAS Doyen. | M. PITRES... Doyenhonoraire.
PROFESSEURS:
MM. MIGÉ \
DUPUY
Professeurs honoraires.
MOUSSOUS 1
Cliniqueinterne . . .
j
Clinique externe. . .
j
Pathologieetthérapeu¬
tique générales. . .
Thérapeutique. . . .
Médecineopératoire .
Cliniqued'accouchements.
Anatomiepathologique. .
Anatomie
Anatomie générale et histologie
Physiologie ...
Hygiène
MM.
PICOT.
PITRES.
DEMONS.
LANELONGUE VERGELY.
ARNOZAN.
MASSE.
LEFOUR.
COYNE.
GANNIEU.
VIAULT.
JOLYET.
LAYET.
MM.
Médecinelégale . Physique ....
Chimie
Histoire naturelle Pharmacie . . .
Matièremédicale.
Médecine expérimentale . Clinique ophtalmologique.
Cliniquedesmaladieschi¬
rurgicalesdes enfants . Clinique gynécologique Cliniquemédicale des maladies des enfants Chimie biologique . .
MORACHE.
BERGONIÉ.
BLAREZ.
GUILLAUD.
FIGUIER.
deNABIAS.
FERRÉ.
BADAL.
PIÉCHAUD.
BOURSIER.
A. MOUSSOUS.
DENIGÈS.
AGRÉGÉS EN EXERCICE:
section l»k médecine/PathologieinterneetMédecinelégale.) MM.CASSAET.
AUCHÉ.
SABRAZÈS.
MM. LeDANTEC.
IIOBBS.
Pathologieexterne.
section de chirurgie et accouchements
MM.DENUCÉ.
I VILLAR.
BRAQUEHAYE CHAYANNAZ.
Accouchements.(MM. CHAMBRELENT.
FIEUX.
Anatomie
Physique.
section des sciencesanatomiques et physiologiques
IMM.PRINCETEAU. I Physiologie . . . MM.PACHON.
'
( N... Histoire naturelle. BEILLE.
section des sciences physiques MM.SIGALAS.— Pharmacie . . .
COURS COMPLÉMENTAIRES
M. BARTHE.
Clinique des maladiescutanéeset syphilitiques MM.DUBREUILH.
Clinique desmaladies des voies urinaires Maladiesdu larynx, des oreillesetdu nez. .
Maladies mentales
Pathologie externe
Pathologie interne Accouchements Chimie
Physiologie Embryologie Ophtalmologie
Hydrologieetminéralogii Pathologieexotique
POUSSON.
MOURE.
RÉGIS.
DENUCÉ.
RONDOT.
CHAMBRELENT.
DUPOUY.
PACHON.
PRINCETEAU.
LAGRANGE.
GARLES.
LE DANTEG.
LeSecrétairede laFaculté: LEMAIRE.
Par délibération du 5 août 1879, la Faculté a arrêté que les opinions émises dans les 1 hèsesqui luisont présentées doivent être considérées comme propresà leurs auteurs, et qu'ellenentend leur donner niapprobationniimprobation.
" '
A M. LE Dr MOURE
CHARGÉ DU COURS DE LARYNGOLOGIE, D'OTOLOGIE ET DE RHINOLOGIE
A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX
A MON PRÉSIDENT DE THÈSE
M. LE D1
PIÉCHAUD
PROFESSEUR DE CLINIQUE CHIRURGICALE INFANTILE A LA
FACULTÉ
DE MÉDECINEDE RORDEAUX CHIRURGIEN DES HOPITAUX
OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
.
.
AVANT-PROPOS
La soutenance de la thèsemarquant lafin d'une étape, nous
nous sentons poussé par un sentiment bien naturel à con¬
sidérer le chemin parcouru, à jeter un dernier coup d'œil
vers le passé, que nous regrettons et qui nous semble mainte¬
nant peuplé de douces illusions que, probablement, la lutte
pour la vie ne tardera pas à détruire.
S'il nous permet d'entrevoir les quelques personnes qui, de
loin ou de près, partagèrentnos émotions, il nous dicte aussi
un devoir bien doux à remplir, puisqu'il consiste à adresser
des remerciements.
C'estvers toi, ma mère, que montera tout d'abord l'hom¬
mage de ma profonde affection pour le dévouement sans bornes et la tendresse que tu m'as toujours témoignés.
A tous les maîtres qui ont essayé de faire de nous un
médecin, bien imparfait, il estvrai, mais tout disposé à faire
germer le bon grain qu'ils ont semé, nous disons : merci.
Nous n'oublierons pas le trimestre, trop court, que nous
avons passé auprès de M. le Dr Moure, de ce maître incon¬
testé, qui sait si bien,par sa parole claireetprécise, simplifier
les éléments toujours ardus del'otologie et de la laryngologie,
C'est à lui que nous devons le sujet de notrethèse inaugurale.
M. le professeur Piéchaud a droit à notre reconnaissance
pour l'honneur qu'il nous fait en acceptant la présidence de
— 12 —
notre thèse. Son élève pendant six
mois,
nousgarderons le
souvenir du maître dont les leçons au
lit du petit malade
sont d'autant plus précieuses
qu'elles dérivent de la pratique
courante.
Nous adressons des remerciements
sincères à notre
cama¬rade et ami Sallet, qui nous a
aidé dans
nosrecherches
bibliographiques et
dans les traductions que nous avions
à faire.
Nous ne pouvons oublier que
MM. les docteurs Réperé et
Carrière nous ont fait un accueil favorable à
Gémozac
:qu'ils
reçoiventici l'assurance de notre
profonde reconnaissance.
EXOSTOSES
DU
CONDUIT AUDITIF
DÉFINITION
—INTRODUCTION
Lesexostoses, dont nous faisons
l'étude, sont des tumeurs
formées par une
production anormale et circonscrite de tissu
osseux à la surface du conduit auditif ou
de la caisse du
tympan.
Il nous arrivera, dans le cours denotre
travail, de confondre
quelquefois exostose et
ostéome. Ces deux néoplasmes cepen¬
dant, au point de vue de
l'anatomie pathologique, n'ont pas
exactement la môme définition, mais le
pronostic
etles
symptômes
auxquels ils donnent lieu étant identiques, il nous
a semblé logique de nepas
les différencier.
Nousdiviserons notre étude en quatre parties :
Au chapitre Ier nous ferons
l'historique de la question.
Le chapitre II sera
consacré à l'étiologie et à la pathogénie.
Le chapitre III, à la
symptomatologie et
audiagnostic
différentiel.
Au chapitre IV enfin nous exposerons
le traitement.
r;.- m
>• '
'
ni i
■ ■
.
4 I
■
wr
i
|J.
CHAPITRE PREMIER
HISTORIQUE
Le chapitre consacré à l'étude des exostoses est générale¬
ment très court dans les ouvrages que nous avons eus à notre disposition. Les manuels classiques les mentionnent à peine et
les traités plus complets qui s'occupent de la spécialité n'y
consacrent que quelques paragraphes, pour échapper, sans
doute, au reproche d'être incomplets. Ces néoplasmes, il est vrai, sont assez rares, etleur connaissancede date récente.
C'est, en effet, vers le milieu de notre siècle seulement que les exostoses du conduit auditif commencèrent à être étudiées.
En 1855, Troltsch découvre l'otoscope etalors ces tumeurs,
comme tant d'autres états pathologiques du méat externe et
du tympan, sont immédiatement reconnues, d'une façon assez exacte et décrites scientifiquement. Avant cette époque, quel¬
ques spécialistes del'oreilleparlent des excroissancesosseuses, mais ils ne les recherchent pas : on les rencontre par hasard accompagnant d'autres affections. Cependant en 1863 leur
existence fut contestée par Bonnafont et en 1875 par Von
Ehrhardt.
Le plus ancien cas d'exostose de l'oreille que nous ayons trouvé remonte à 1809 et est décrit par Autenriech dans
ReiVs Arcliiv. Il s'agit d'une femme de quarante ans, au crâne irrégulier, plus large du côté droit que du côté gauche. Les apophyses mastoïdes présentaient la même dimension, mais
le conduit auditif droit, dans sa partie osseuse, était obstrué
par une excroissance dure et nettement circonscrite. C'était
une exostose appartenant à la
variété des
exostoses spon¬gieuses. L'auteur
n'indique
aucuntraitement et considère
cette affection comme absolument incurable.
En 1821, Itard, dans son Traité des maladies
de l'oreille et
de l'audition, en exposant les principalescauses
du rétrécisse¬
ment du conduit auditif externe, range parmi elles l'hyper¬
trophie du tissu osseux, mais il se hâte
de déclarer qu'il n'a
jamais eu l'occasion d'observer «
le gonflement de la partie
osseuse du conduit auditif externe». La rareté de ce genre d'affection serait due à «l'extrême dureté de cettepartie ».
Kramer, en 1840, confondait les exostoses avec les polypes.
Lespolypes, dit-il, sontd'une dureté
cartilagineuse
et osseuse.« Une excroissancependait enforme destalactite de la
surface
supérieure du méat, très prèsde la membrane du
tympan,et
elle était d'une dureté osseuse et d'une densité telle qu'il était impossible de l'entamer avec
l'instrument le plus tranchant.
»Ce n'est qu'en 1840 que ce genre
d'affection fut bien décrit
par Toynbee; il en indique
absolument
tousles symptômes, et
nous n'avons pas trouvé dans les ouvrages nouveaux
de des¬
criptionsplus détaillées.
Pour Rokitansky, en 1855, les exostoses sont des tumeurs composées, de bonne heure, d'une
véritable substance
osseuse.Elles sont circonscrites, croissent dans une direction et se tiennent toujours parallèlement ou perpendiculairement
à
l'axe du conduit auditif.
Bonnafont, vers 1860, publie quatre cas d'exostose et s'oc¬
cupe de ces tumeurs d'autant plus sérieusementque,
quelques
annéesavant, il en avait nié l'existence. Le premier, il préco¬
nise un traitement actif, voire même curatif. Pour lui, il faut opérer seulement toutes les fois qu'on a la
certitude
quele
nerf auditif a conservé sa sensibilité normale, car il ne fau¬
drait point exposer le patient à de violentes douleurs sans qu'ilpût en tirer quelque profit. Pour établir ce diagnostic,
«il suffit d'appliquer la montre sur les différentes parties des parois du crâne. Si le tic-tac est entendu, on peut hardiment
annoncer au malade le rétablissement de l'ouïe pour peu
- 17 —
qu'on parvienne à franchir l'obstacle et à ménager une ouver¬
ture, si petite qu'elle soit,pour lepassage des sons, tandis que si la montre n'est nullement entendue, on peut, avec la même certitude, proclamer l'incurabilité de la maladie, c'est-à-dire
la surdité. Or, comme c'est toujours au point de vue de la guérison de cette infirmité que le malade consulte, le prati¬
cien pourra, dès lors, éviter des douleurs qui ne donneraient
aucunecompensation.»
A cette époque donc, les exostoses du conduit sont parfai¬
tement connues. Bonnafont les décrit, comme on les décrit aujourd'hui, et il indique assez nettement les raisons qui
doivent déterminer les chirurgiens à intervenir. Nous dirons
même que l'auteur cité par nous est moins arriéré sur cette question que certains spécialistes de nos jours. Nous voyons
en effet, en 1885, des praticiens s'opposer formellement à
l'ablation des exostoses et ayant l'habitude de prévenir les
malades atteints de cette infirmité qu'il est préférable de
rester sourds que de s'exposer aux risques d'une opération.
M. le professeur Tillaux lui-même, dans son Traité de Chi¬
rurgie clinique, exécute la question en quelques mots : « On
observe aussi dans le conduit auditif des exostoses contre
lesquelles nous sommes impuissants. »
Nous verrons dans les chapitres suivants que ces praticiens
sontloin de la vérité.
SABROUX
.JSS--P- JM
*
'
'
'• À
I
.
Hh'-<
■
■
■
i■' "y. '
' •
CHAPITRE II
ÉTIOLOGTE
—PATHO&ÉNIE
Nous avons eu l'occasion de parcourir de nombreuses
observations d'exostoses du conduit auditif externe, et ces observations ont montré que cette affection se rencontre beau¬
coup plus fréquemment chez l'homme que chez la femme. Du reste, sur ce point, tousles auteurs sont d'accord.
Une entente aussi parfaite est loin d'exister en ce qui
concerne l'étiologie. Très discutée, celle-ciest variable suivant chaque auteur, et tous ont peut-être eu le tort de soutenirtrop
exclusivement leurs théories, négligeant ou rejetant même
tout à fait celles des autres.
Nous ne ferons pas ici l'énumération complète des auteurs et des théories qu'ils ont doiïnées et cherché à établir. Nous
nous inspirerons seulement des travaux, très restreints
d'ailleurs, de ceux qui semblent avoir le plus fait pour cette question étiologique.
Nous considérerons, aupoint de vue étiologique, deux gran¬
des classes d'exostoses :
Exostoses dites congénitales;
Exostoses dites acquises.
Exostoses congénitales. — Cette qualification n'est faite évidemmentque pour masquer notreignorance:ellen'explique
rien et, par conséquent, nepeut satisfaire notre esprit.
Dans cette classe, nous comprenons tous les casque nous ne pouvons définir.
— 20 —
Un malade est atteint d'exostose, il ne se
souvient
pasde
l'origine de la tumeur,
il
atoujours éprouvé quelque malaise
du côté du conduitauditif: on
diagnostique exostose ((congéni¬
tale». Cette exsotose ne remonte
cependant
pasà la naissance.
L'embryologie, en
effet,
nousapprend
quele développement
du conduit auditif externe ne se fait que
très lentement; que
celte portion de
l'oreille est tout à fait provisoire chez le
nouveau-né, et que snn
ossification, qui
sefait tardivement, ne
survient pas avant
l'âge de sept
ans.Il est donc impossible que
les exostoses puissent
s'observer à la naissance ou dans les
premiers temps
qui suivent. Elles
sedéveloppent plus tard,
insensiblement, pendant la
période de transformation du
conduitauditif, voiremême
ultérieurement.
Mais, sous le titre d'exostoses
congénitales,
nousrangerons,
suivant les études de nombreux auteurs,
celles qui
se rencon¬trent auxpremiers temps
de la vie, quelle que soit du reste
leur cause.
Velpeau, le premier, en
1832, parle d'exostoses congénitales,
en s'appuyant sur un
double
casobservé
surle cadavre d'un
enfant de quatre mois.
Kramer est du même avis quand il
parle du rapprochement
des parois osseuses
du conduit auditif, rapprochement que, du
reste, il semble ne pas
avoir bien constaté ni attribué à sa
juste cause.
Rulos nous cite un exemple très
remarquable |d'exostoses
congénitales, etdans lequel l'hérédité paraît jouer un rôle
important. C'est une
famille dans laquelle la tare passe héré¬
ditaire par trois
générations. Elle
commenceà l'arrière-grand'-
mère et va, par les enfants,
affecter les petits-enfants. La tare
n'a pu être suivie
chez les arrière-petits-fils, morts jeunes,
mais chez lesquels les tumeurs
pouvaient déjà exister ou
auraient pu se manifester
plus tard.
Duplay, dans son
Traité de chirurgie, prétend qué la plupart
des exostoses sont congénitales, et il
table
sonopinion sur
Welcker et Seligmann. Ces
derniers ont observé
quecertaines
peuplades
anciennes du Nouveau-Monde avaient eu une prédis-
— 21 —
position particulière pour cette sorte de tumeur.
Seligmann»
en effet, sur six crânes de Titicaca a trouvé cinq fois cette
anomalie. Welcker, ayant eu l'occasion d'examiner quelques
crânes des Marquises, a constaté qu'ils présentaientdes exos- toses deux fois sur neuf. Blacke les signale dans une propor¬
tion de 25 0/0, et il se base sur l'étude de nombreux crânes de
« Mound Builders» dans la Tennessee. Sur un crâne péruvien,
artificiellement déformé, Turner a vu les deux méats fermés
par des excroissances osseuses, dures, éburnées; et des exos- toses multiples dans les deux oreilles d'un indien Chenoock à
tête plate.
Ces exemples confirmeraient pleinement les exostoses con¬
génitales et leurs théories, s'il était absolument démontré que
ces anomalies sont dues à certaines particularités de races et
non à l'irritation de l'organe produite par le port de très
lourds pendants.
C'est à l'âge de seize ans que l'on perforait dans l'ancien Pérou, au fils des Incas, le lobule de l'oreille, et comme orne¬
ment ony suspendait des boules d'argent de la grosseur d'une
orange. Le poids seul de l'objet était bien susceptible de porter atteinte à l'intégrité du conduit auditif. Mais ces exos¬
toses, à vrai dire, ne seraient plus alors des exostoses congé¬
nitales, et cette explication prouveraitplutôtquecette affection peut reconnaître pour origine une irritation quelconque ayant
son retentissement dans le conduit auditif. Le point de départ
de ces exostoses est donc manifestement dû à une déforma¬
tion artificielle. Mais les affections de l'preille se transmettent très facilement, et il est certain que les enfants hériteront des
tumeurs osseuses présentées par leurs parents ou y seront singulièrement prédisposés. C'est ainsi que Turner put
remarquer sur divers crânes péruviens trouvés ensemble des
rétrécissements du conduit auditif; ces crânes ne présentaient
aucune déformation ni naturelle, ni artificielle.
D'après Ostmann, qui examina 2,633 crânes, les Austra¬
liens et les Océaniens seraient les peuples chez lesquels le pourcentage serait le plus élevé pour les cas d'exostoses du
— 22 —
conduit auditif externe: sur 100 crânes, 6 seraient atteints;
puis viendraient les
Égyptiens.
Les nègres du continent afri¬cain, les Asiatiques et les Européens seraient les plus réfrac-
taires à l'affection.
Les individus présentant des malformations naturelles du
crâne sont, le plus souvent, porteurs d'exostoses. Cette simple
remarque a satrès grande importance, car la coexistence chez
un même sujet de ce néoplasme, d'une part, et d'un vice de conformation, d'autre part, constitue une présomption forte en
faveur de la communauté de l'étiologie.
Krakauer mentionne de nombreux cas d'exostoses multiples
du conduit coïncidant avec des déformations des os du crâne et de la face.
Rafin et Rougier citent l'observation d'un malade dont le
conduit auditif était oblitéré dans toute sa longueur et ne
pouvait admettre le simple passage d'un stylet. Ce malade présentait des apophyses mastoïdes développées plus considé¬
rablement que chez les sujets ordinaires.
Nous devons à M. le Dr Brindel l'observation très intéres¬
sante d'un enfant de treize ans qui, atteint d'exostose du
conduit auditif, était aussi porteur de plusieurs autres malfor¬
mations. Nous reproduisons en partie cette observation.
Observation I.
(Recueillie à la clinique otologique de la Faculté.)
Ce jeune homme était atteint d'une malformation congénitale du rocheret du conduit auditif externe du côté gauche, avec ecchondroses
etexostoses du pavillon de l'oreille, du conduit cartilagineux et osseux.
Il présentait, en outre, et présente encore une malformation de la boite crânienne, dont il est facile de serendre compte à la vueet au toucher.
Quand il se présenta pour la première fois à la clinique du Dr Moure,
le 13 août1897, voici les lésions quenous avons notées. Le pavillon de
l'oreille est fortement projeté en avant et en dehors. Il est d'aspect normal, de mobilité ordinaire, mais repose sur une sorte de cône tron¬
quédont labase seconfond avec lesportions fibreuses et écailleuses du temporal et dont le sommet correspond au méat auditif.
— 23 —
Lapalpationpermet de reconnaître au niveau de la conque, trois ou quatre petites saillies arrondies, très dures, adhérentes au cartilage, donnant la sensation de gros grains deplomb.
Le méat est lui-même obstrué à peu près complètement par une de
ces saillies,plusvolumineusesqueles précédentes, arrondie, blanchâtre,
très dure, adhérenteen arrière au pavillon, mobileavec lui.
La traction de cedernier laisse entrevoir une deuxième saillie qui se confondavec le rocher, dont il estimpossible de fixer le contour et qui
obstrue totalement le conduit auditif. Autour decette exoslosese fait un
petit suintement de pus fétide qui permet de soupçonner, enarrière de laportionobstruée du conduitauditif,une caissequi suppureetpeut-être
un antre malade. En arrière et au-dessous du pavillon, le rocher est
irrégulier àsa surface,bosselé,et offre de-ci et de-làde petitesoxostoses saillantes sous la peau.
L'examen fonctionnel de cette oreille offre les renseignements sui¬
vants : perception crânienne bonne partout; audition de la montre par voieaérienne, normale à droite, au contact à gauche; diapasonvertex, latéralisé au côté gauche; Rinne négatif du même côté et positif
à droite.
La voix parlée ordinaire est entendue à quelques centimètres seule¬
ment du méatauditif.
Cet examen permet deconclure à l'intégritédu nerflabyrinthiqueet de localiser la malformation au seul conduit auditifexterne.
Làne se bornent pas les anomalies observées cheznotre malade. En effet, il existe au niveau de la région frontale une asymétrie très mar¬
quée de la face.
Au lieu d'être arrondi et aplati, ou simplement convexe, le frontal est fortement proéminent sous forme de pointe; les fosses frontales sont effacées etil existe unearête saillante partant de la racine du nezet se
dirigeantobliquement endehors, unpeu à gauche de la suture des deux pariétaux. La lignequi constitue le sommet de cette arête estarrondieet parsemée de nodosités.
Au conformateur, voicice quenous adonné l'empreinte de la circon¬
férence céphalique prise horizontalement: Un peu au-dessus, la ligne
sourcilièreestnettement dessinée et la figure a assezbien l'aspect d'un cône à sommetantérieur.
A l'angle de réunion des deux pariétaux avec le frontal existe une nouvelle tuméfaction osseuse de 6 à 7 centimètres de diamètre, sorte de voussure de la boîte crânienne qui tranche nettement sur l'os avoisinant.
La difformité apparentede l'oreilleeût, à elle seule, justifiéuneinter¬
vention. L'écoulement purulent qui se faisait autour des oxostoses du
conduit la rendait indispensable, etcela d'autant plus que le patient se
plaignait de fréquents maux de tête du côté malade.
Nous pourrions multiplier les exemples, mais l'existence
des exostoses congénitales du conduit auditif externe nous semble suffisamment démontrée. Nous appelons donc ainsi
exostose congénitale toute exostose dont l'origine nous est inconnue, toute exostosesemblant transmise par l'hérédité, les
exostoses dont la présence coïncide avec le développement de quelques tumeurs ou de quelques malformations congénitales,
enfin toutes les exostoses marquant une race plutôt qu'une
autre (celle deTiticaca,par exemple) et dont le.s considérations anthropologiques .seraient d'un grand intérêt; il _ne nous
appartient pas de nous étendre sur un tel sujet.
Quoique nous nepuissions expliquer dans leurs causes ces
tumeurs congénitales d'une façon absolument parfaite, nous pensons cependant que la syphilis ne leur est pas étrangère.
Une cause purement mécanique peut aussi présider aux déformations du conduit auditif et, par là, entraîner la pro¬
duction d'exostoses. Telles, dans la vie intra-utérine, les com¬
pressions du pavillon de l'oreille par l'enroulement du cordon
autour de la tête fœtale. Dans ces malformations du conduit
auditif, de date intra-utérine, G. Brown a voulu établir qu'il
en existait ayantpour cause «des impressions psychiques».
Nous dirons seulement que l'action de ces impressions est
bien difficile à démontrer.
Exostoses acquises. — L'influence la plus commune
agissant sur le développement des exostoses spontanées est
bien certainement la syphilis. Nous rencontrerons aussi bien
ces manifestations dans l'hérédo-syphilis que dans la syphilis acquise. Dans le premier cas, nous avons des exostoses con¬
génitales, comme nous l'avons, dit précédemment; dans le
second cas, syphilis acquise, nous rencontrons l'exostose
commephénomène tertiaire de la diathèse.
Ce n'estcependant pas l'opinion detousles auteurs. Duplay,
— 25 —
entre autres, après avoir adopté la théorie congénitale, déclare
que rien n'autorise à rattacher les exostoses à la syphilis. Et pourtant tout porte à admettre qu'une exostose est bien de
nature syphilitique lorsque son développement est fortement
troublé par un traitement spécifique. Cette opinion de Duplay,
déclarant la non-spécificité des tumeurs exostiques, a été
combattue par de nombreux praticiens. Ainsi Triquet, en
1857, dans son Traité des maladies des oreilles, se basant
du reste sur les opinions admises d'une façon générale de son
temps, prétend que l'existence de ces tumeurs osseuses ne se rencontre que chez des sujets manifestement atteints d'infec¬
tion syphilitique. Mais cet auteur n'apporte à l'appui de sa thèse aucun fait, aucun cas observé personnellement.
Roosa, Politzer admettent eux aussi la théorie de l'origine syphilitique de l'exostose.
Nous savons que ces manifestations de l'hérédo-syphilis, quel que soit d'ailleurs le point où elles apparaissent, se mon¬
trent en général de préférence dans le jeune âge. (En général,
carla règle n'est pas absolue et supporte bien des exceptions.)
Nous nous demandons pourquoi ces phénomènes de syphilis
héréditaire n'évolueraient point dans l'oreille comme dans le
reste du corps. Jacquemart (d'Alger) est persuadé que c'est
sous forme d'exostoses qu'on les remarque le plus souvent
en.cet endroit.
Quant à la syphilis acquise, si untraitement prompt, éner¬
gique et longtemps continué n'est pas venu paralyser son cours, elle évoluera suivant ses lois; ses manifestations seront variées et, parmi elles, nous rencontrerons assez souvent des
exostoses. Fournier prétend justement que le conduit auditif
externe est un lieu d'élection pour ces sortes de tumeurs.
Nous voyons queToynbee avait obtenu des résultats positifs
par des applications locales de teinture d'iode et l'administra¬
tion à l'intérieur d'iodure de potassium. Nous pensons donc
que des tumeurs de ce genre, qui s'améliorent sousl'influence
d'un semblable traitement, doivent relever, au point de vue
étiologique, de la syphilis acquise ou héréditaire.
— 26 —
Nous citons le passage le plus typique de l'observation de Toynbee.
Il s'agit d'un ostéome de l'oreille droite. Considérable, il
occupe à peu près la totalité du méat, s'attachant à sa partie supérieure. « Il était recouvert de l'enveloppe dermoïde du
conduit auditif. Nous avons fait une application de teinture
d'iode à la surface de la tumeur et derrière l'oreille; à l'inté¬
rieur, nous avons donné 50 centigrammes d'iodure de potas¬
sium, trois foispar jour, pendant une période de deux à trois
mois. Il s'ensuivit une grande amélioration. Depuis lors, le
volume de la tumeur a diminué, l'acuité auditive s'est beau¬
coup améliorée; le conduit auditifa perdu sa sensibilité anor¬
male et la sensation désagréable de distension a complètement disparu. »
Noquet (de Lille) accuse lui aussi la syphilis; il la reconnaît
comme la cause plus ou moins discrète des exostoses du
conduit auditif.
Il a eu ainsi l'occasion d'examiner un cas dé ce genre chez
un homme ayant présenté des accidents syphilitiques dans sa
jeunesse. Nous reproduisons son observation.
Observation II (Noquet).
Le malade, âgé de cinquante-deux ans, se plaignait d'une surditépeu prononcée et accompagnée de bourdonnements légers. Cette surcHté
s'était établiedepuis quelque temps et sans écoulement. A l'examen, je
constatai, de chaque côté,dans lefond duconduit, des lésionsidentiques.
On voyait, à environ 20 millimètres du méat, deuxsaillies à surface un peu irrégulière, s'implantant, l'une surla paroi antérieure du conduit,
l'autre sur la paroi postérieure, par une base occupant àpeu près toute
la hauteur de la paroi. Ces deux saillies, qui avaient unvolume sensible¬
mentégal, se touchaientpar leursommet au niveau de l'axedu conduit
et nelaissaient, au-dessus et au-dessousd'elles, qu'un très petit espace libre. Elles avaient la coloration normale du conduit et étaient d'une duretéosseuse. La membrane du tympan était complètement invisible.
Atteint de syphilis à l'âge de vingt-trois ans, ce malade n'avait présenté que des accidents bénins; il s'était soigné régulièrementet
n'avait plus constaté aucune lésion spécifique depuis les premières
années qui avaient suivi l'infection.
— 27 —
L'iodure depotassiumneproduisitaucuneffetchez le malade
en question, résultat contraire à ceux obtenus par Toynbee.
Etcependant, ici, la tare était à peu près certaine. Il eût été
du reste intéressant de constater si un traitement mixte n'aurait pas modifié heureusement la tumeur, mais le malade
s'est toujours refusé à prendre du mercure.
Outre la diathèse syphilitique, nous devons mentionner dans ce cadre étiologique l'arthritisme et l'herpétisme, dia-
thèses presque équivalentes et très proches si l'on considère
leurs effets, enfin la diathèse goutteuse.
On trouverait des exostoses du conduit auditif comme on trouve des tophus.
Toynbee, le premier, exposa ce genre de pathogénie : « C'est principalement chez les individus à tempérament rhumatisant
et goutteux, dit-il, qu'on rencontre ces tumeurs osseuses.»
Noquet nous cite un cas d'exostoses bilatérales chez un
goutteux.
Jacquemart prétend, lui aussi, que tophus et exostoses vivent en assez bonne intelligence : « Ce n'est pas, dit cet auteur, que nous voulions confondre ces deux lésions quant à
la composition histologique de la chose. Il est évident qu'à ce
point devue, il y a une différence complète. Mais toutes deux
résultent de cette espèce de pléthore qui est le propre de l'arthritisme. Ainsi, quand, en examinant un conduit, nous découvrons quelqu'une de ces tumeurs osseuses faisant saillie
sous la paroi, notre pensée est de suite d'examiner si, sur les doigts ou même sur les bords despavillons auriculaires, nous
ne découvrons pas de tophus, signe des plus caractéristiques
de la diathèse. Ensuite, nous passons en revue les autres
causes possibles. Chezl'arthritique, l'existence d'une exostose du conduit auditif est le plus souvent spontanée, comme le tophus l'est d'ailleurs. Cependant, de même qu'il est reconnu quele tophus se développe plus rapidement sur une articula¬
tion contusionnée, de même croyons-nous que l'exostose,
chez le rhumatisant, prendra de préférence naissance sur un
point quelconque du conduit se trouvant par hasard meurtri. »
Ce passage, qui nous montre clairement que les goutteux et
les rhumatisants sont prédisposés aux exostoses, nous conduit
à parler de tumeurs semblables dont le développement est
consécutif àun traumatisme quelconque. Cependant, partrau¬
matisme, nous n'entendrons point parler surtout de ces frac¬
tures du rocher dont la ligne de brisure passe à travers le
conduit auditif perpendiculairement à son axe, ni même de
ces déchirures profondes fréquemment observées à la suite
de tentatives brutales faites pourextraire quelque corps étran¬
ger, mais bien de ces érosions très simples produites par l'usage du cure-oreilles.
Nombreuses sont les personnes, en effet, qui, pour calmer
des démangeaisons, quelquefois très vives, du conduit auditif,
ont la mauvaise habitude de se servir d'un instrument rigide.
Qu'une aspérité de l'instrument employé, ou qu'un mouve¬
ment un peu brusque du patient vienne déchirer légèrement
la paroi ou la contusionner, on verra alors la lésion, si faible qu'elle soit, devenir la cause déterminante d'exostoses, sur¬
tout sile sujet, en raison d'une diathèse arthritique ou gout¬
teuse ou syphilitique, est prédisposé à ces tumeurs.
L'étude que nous faisons ne nous permet point cependant
de négliger les exostoses qui peuvent se développer à la suite
de traumatismesplus sérieux, fractures du rocherpar exemple.
Toutefois, ces cas doivent être assez rares, car nous n'avons point rencontré d'observation s'y rapportant d'une façon
directe ou même indirecte. Mais il suffit que cette étiologie
soit possible pour que nous nous jugions obligé de lasignaler.
Nous avons vu successivement la syphilis, l'arthritisme, la goutte, facteurs principaux des exostoses. Mais en examinant
la question plus aufond, nous verrions qu'en général l'affec¬
tion ne doit pas être rapportée à la diathèse, mais à une mani¬
festation de cette diathèse. Un exemple expliquera mieux qu'un commentaire.
La syphilis, l'arthritisme, l'herpétisme peuvent donner lieu
à des phénomènes auriculaires qui se traduisent par de l'otite
externe, une affection eatarrhale des trompes d'Eustache, qui,
— 29 -
par action reflexe, provoquent des démangeaisons dans le
conduit auditif. Ces démangeaisons, très vives, sollicitent le
malade à intervenir, et alors c'est l'instrument résistant
employé, l'ongle parfois, qui, tout en apportant un apaise¬
ment plus ou moins passager, va érailler la paroi, ouvrant ainsi la marche desexostoses, commenous l'avonsdéjà signalé.
Étudions un peu la pathogénie de l'exostose née de la lésion produite par le grattage.
Le revêtement du conduit auditif est composé successive¬
ment : 4° d'un épiderme; 2° du derme; puis, sans transition,
3° d'un tissu conjonctif. Au-dessous de cette couche de tissu
conjonctif, c'est le périoste qui, en somme, n'est séparé du
derme que théoriquement, leurs fibres étant enchevêtrées,
confondues les uns dans les autres.
En poussantplus loin notre étude, nous arrivons à voir que toute causetraumatique ne peut devenir génératrice de l'exos¬
tose que par l'intermédiaire d'une inflammation de l'os circonscrite plus ou moins. Cette inflammationsera le point de départ de l'exostose. Il est donc logique de penser que l'exos¬
tose seraprécédée tout d'abord par une périostite circonscrite qui, par contact, donnera naissance à une ostéite.
Après les traumatismes, signalons encore une autre cause qui semble agir également par inflammation. Nous voulons
parler des furoncles etabcès du conduit, en place desquels il
n'est pas rare de voir se développer par la suite une de ces tumeurs osseuses.
Toynbee cite ce cas tout à fait typique.
Observation III (Toynbee).
Le Rév. J. D..., quarante-septans, me consultapour un écoulement continuel de l'oreille droite. Il raconte que,vingt ans auparavant, après
uneextraction violente d'un bouchon cérumineux de l'oreille droite, il a
éprouvé beaucoup de douleur, suivie d'un écoulement fétide qui a per¬
sistéjusqu'àprésent. L'examenmontreun polype volumineux, rougeet ferme, remplissantla totalitédu méat presquejusqu'àl'orifice. Ils'insé¬
raità laparoi du conduit, près de la membrane tympanale. Après son