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Article pp.11-28 du Vol.3 n°1 (2005)

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Expérimentations de la visioconférence dans l’enseignement supérieur

Nouvelles relations entre université et territoire et modèles d’industrialisation de la formation

Roxana Ologeanu-Taddei

Groupe de Recherche sur les Enjeux de la Communication, Université Grenoble 3 Laboratoire de Recherche sur le Langage, Université Clermont-Ferrand 2 IUT de Montluçon

Avenue Aristide Briand F-03100 Montluçon

roxana_ologeanu@libertysurf.fr

RÉSUMÉ. Cet article présente les conditions qui ont rendu possibles les expérimentations de la visioconférence dans l’enseignement supérieur durant les années 1990. Nous montrons comment les collectivités locales et les entreprises partenaires sont intervenues dans le domaine de l’enseignement supérieur, mettant en œuvre ces expérimentations, proposant, en fonction de leurs objectifs propres, des modèles différents de changement, allant (ou non) dans le sens d’une industrialisation de la formation. Les utilisations effectives de la visioconférence par les acteurs de l’enseignement supérieur ont permis de tester d’autres modèles de changement de l’enseignement supérieur, plus conformes au mode de fonctionnement des organisations universitaires.

ABSTRACT. This paper presents the conditions which made possible the experimentations of videoconferencing in higher education during decade 1990. We show how local communities et partner companies intervened in the higher education field, implementing these experimentations, proposing, according to their own purposes, alternative models of change, on the way (or not) of industrialization of learning. Effective uses of videoconferencing by the higher education’s actors enabled to test other models of change of higher education, more in consonant with the mode of working of the university organizations.

MOTS-CLÉS : université, organisation, collectivité locale, visioconférence, innovation technique, industrialisation de la formation, aménagement du territoire, télécommunications, technologies de l’information et de la communication.

KEYWORDS: university, organization, local community, videoconferencing, technical innovation, industrialization of learning, territory development, telecommunications, information and communication technologies.

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Introduction

Durant les années 1990, les principales expérimentations de la visioconférence dans l’enseignement supérieur français sont mises en œuvre dans le cadre de partenariats entre collectivités régionales, universités et entreprises. Trois régions sont concernées : Bretagne, Ile-de-France, Lorraine. Celles-ci attribuent le financement majoritaire des infrastructures de visioconférence pour l’expérimentation de l’enseignement à distance sur la période 1994-1998, couvrant celle des contrats de plan Etat-Région (CPER). Ces CPER posent le cadre politique et institutionnel des partenariats que nous appelons dispositifs expérimentaux1 afin de souligner la cohérence (bien que relative) des actions menées par les acteurs partenaires sur le territoire régional.

Partant de ce nouveau contexte institutionnel où les dispositifs expérimentaux sont constitués, nous présenterons brièvement ces dispositifs et leurs objectifs liés à ceux de l’acteur dominant – collectivité locale ou entreprise fournisseur de matériel.

Nous nous intéresserons ensuite aux utilisations mises en œuvre par les acteurs de l’enseignement supérieur et aux objectifs poursuivis à travers ces utilisations. Nous chercherons à montrer que, à travers les objectifs des dispositifs expérimentaux et des utilisations de la visioconférence, les acteurs extérieurs et ceux du système d’enseignement supérieur proposent des modèles différents de changement de l’enseignement supérieur2, dont nous faisons l’hypothèse qu’ils relèvent de l’industrialisation de la formation (Mœglin, 1998a ; 1998b), selon des scénarios que nous tenterons d’identifier.

Nous nous appuyons ici sur les résultats de notre thèse de doctorat (Ologeanu, 2002), dans le cadre de laquelle nous avons mené une enquête, reposant principalement sur des entretiens semi-directifs, auprès des acteurs des dispositifs expérimentaux.

Etat, Régions et Universités : acteurs d’un contexte politique complexe

A travers la constitution des dispositifs expérimentaux se manifeste l’intérêt des collectivités locales pour l’enseignement supérieur, auquel elles portent une attention toute particulière depuis les années 1970-1980. Deux phénomènes majeurs marquent cette implication des collectivités locales dans le secteur de l’enseignement supérieur.

1. A l’intérieur de chaque dispositif expérimental sont menées, comme nous le verrons, plusieurs expérimentations dans chaque établissement participant.

2. Nous n’analysons pas ici les stratégies et les conflits entre les différentes catégories d’acteurs participant aux expérimentations (responsables de projet, techniciens audiovisualistes et informaticiens, enseignants, responsables administratifs) au sein des universités. Pour cette analyse, se rapporter à notre recherche de doctorat (Ologeanu, 2002).

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Le premier phénomène concerne les relations entre l’Etat, les collectivités locales et, indirectement, les universités, à travers la mise en œuvre des lois de décentralisation au début des années 1980, qui marquent un changement du cadre d’intervention des collectivités territoriales (Filâtre, Manifet, 2003, p. 78). Bien que l’enseignement supérieur et la recherche demeurent de la seule compétence de l’Etat, les contrats de plan Etat-Région permettent aux collectivités locales d’intervenir dans ce domaine. Celles-ci manifestent un tel intérêt pour le développement de l’enseignement supérieur comme vecteur de développement local qu’elles dépassent même les compétences qui leur sont attribuées, en décidant la création d’antennes dites sauvages (Musselin, 2001 ; Filâtre, Manifet, 2003), régularisées a posteriori lors du programme Université 2000. Cette situation révèle les relations complexes entre Etat et collectivités locales, celles-ci pouvant « influencer les politiques nationales et le processus de décision des politiques publiques qui prennent réalité sur leur territoire de la même manière qu’elles peuvent initier des politiques dans les domaines réservés à l’Etat » (Filâtre, Manifet, 2003, p. 85).

Le second phénomène a trait aux relations entre l’Etat, les universités et, indirectement, les collectivités locales. Nous faisons référence à l’augmentation massive du nombre d’étudiants, depuis les années 1960-1970, donnant lieu à un essaimage universitaire dans le cadre de la politique d’aménagement du territoire menée par l’Etat. La création des IUT (en 1966), celle des antennes universitaires délocalisées dans les villes moyennes (années 1980) et celle d’universités nouvelles (années 1980-1990) renforcent ce processus de densification de la carte universitaire française (Filâtre, Manifet, 2003, p. 81).

Or, dans les années 1990, une tendance différente semble s’imposer : de plus en plus confronté aux remises en cause de son fonctionnement bureaucratique et donc de son manque d’efficience, l’Etat commence à mettre en avant la réduction des coûts de l’enseignement, dont une des modalités passe par l’utilisation des TIC, notamment la visioconférence, pour des cours se tenant entre différents centres universitaires.

C’est dans ce contexte que s’inscrit le rapport « Vers un enseignement supérieur sur mesure », largement diffusé et commenté dans les universités, dont l’auteur, Maryse Quéré, propose l’utilisation de la visioconférence dans un but d’aménagement du territoire, pour les « publics à effectifs petits ou dispersés » (Quéré, 1994). Il s’agit des publics des préparations aux concours d’enseignement ou de certains DEA – ce qui permet à Maryse Quéré de préconiser la cohabilitation de DEA – et de ceux des antennes universitaires.

Ces préconisations témoignent des relations complexes entretenues par les universités et le ministère : celui-ci fixe un cadre politique tout en encourageant l’autonomie des universités, régie notamment par les lois Faure (1969) et Savary (1984), en prenant le risque de l’injonction paradoxale (Darréon, 2003, p. 12).

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Dispositifs expérimentaux : les universités, acteurs des politiques locales

Cependant, si la constitution des trois dispositifs expérimentaux dont il est question dans cet article témoigne de l’intérêt des collectivités locales pour l’enseignement supérieur, elle se réalise au départ de manière indirecte, comme service (contenu) pour les nouveaux réseaux techniques (Numéris, Renater, ATM3, IP) financés dans le même but d’aménagement du territoire.

Le cadre d’action est ici donné par les préconisations des rapports portant sur le développement des infrastructures de télécommunications et de leurs services (Théry, 1994 et surtout Breton, 1994). Il est significatif à cet égard de noter que les financements des équipements de visioconférence pour ces trois dispositifs expérimentaux, au travers des CPER, sont inscrits dans les lignes d’action

« recherche et innovation » portant sur les infrastructures techniques régionales (pour les trois dispositifs expérimentaux) et dans le financement des infrastructures du Pôle Universitaire Européen (en Lorraine).

Les Conseils Régionaux des trois régions concernées (Bretagne, Ile-de-France, Lorraine), principaux financeurs, assignent à ces expérimentations un objectif d’aménagement du territoire par la mise en réseau de différents organismes publics d’enseignement supérieur et de recherche (respectivement Oxalis, Visio-Université Ile-de-France et Réseau lorrain de visio-formation). Dans ce but, les Conseils Régionaux signent des conventions de partenariat avec une entreprise fournisseur de matériel de visioconférence, censée équiper les universités expérimentatrices appelées à participer aux politiques locales. Les acteurs en présence, dans ce système d’action élargi, ne poursuivent pas les mêmes objectifs et leurs intérêts peuvent entrer en opposition.

C’est ce que nous montrerons en présentant, pour chaque dispositif expérimental, les objectifs des acteurs partenaires4 et ceux assignés au dispositif expérimental en fonction des rapports de force entre les acteurs. A partir des entretiens que nous avons réalisés avec les acteurs, nous mettrons en évidence comment ces objectifs renvoient à des visions différentes de l’enseignement supérieur et à des modèles différents de sa transformation, allant ou non dans le sens de l’industrialisation de la formation.

3. L’ATM (Asynchronous Transfer Mode) est une technique de multiplexage et de commutation dite à large bande, élaborée majoritairement par le Centre National d’Etudes des Télécommunications en 1982.

4. Nous n’ignorons pas que chaque acteur peut poursuivre plusieurs objectifs, certains contradictoires. Pour une analyse plus détaillée des multiples objectifs et logiques portés par un même acteur, voir Ologeanu, 2002.

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Visio-Université Ile-de-France : d’un club d’utilisateurs captifs au « syndicat d’usagers »

Le dispositif expérimental Visio-Université Ile-de-France associe le CRIF (Conseil Régional Ile-de-France), l’entreprise fournisseur d’équipement Citcom (Centre d’Ingénierie des Technologies de la Communication) et sept établissements d’enseignement supérieur et de recherche5 (dont trois, suite à un appel public à propositions lancé par le CRIF, en 1995). Citcom se situe à l’origine de ce dispositif expérimental, à la fois fournisseur de matériel de visioconférence et prestataire de formation aux systèmes informatiques au sein de France Télécom. S’appuyant sur son double métier, il cherche à constituer un Réseau de Services de Formation à Valeur Ajoutée (RSVA), c’est-à-dire un club d’universités et organismes de formation utilisateurs de la visioconférence où il assurerait la fonction d’intermédiation ou de courtier de formation. L’accès au club, et par conséquent aux cours par visioconférence en direct et enregistrés, est conditionné par l’achat de l’équipement de visioconférence qu’il commercialise. Ainsi, cherche-t-il à créer un cercle vertueux entre la commercialisation de ses terminaux de visioconférence propriétaires6 et le développement de contenus de formation exigeant ces terminaux.

De cette manière, plus il commercialiserait de terminaux de visioconférence, plus les cours par visioconférence augmenteraient, et plus d’utilisateurs s’équiperaient de ses terminaux pour avoir accès aux contenus. Pour créer cette banque de cours formatés par et pour ses terminaux de visioconférence, il cherche à imposer aux universités la mise en forme des cours selon des normes proches de celles utilisées pour la télévision (par exemple, le minutage des séquences d’enregistrement). Dans le même temps, il espère diffuser en masse les cours par visioconférence entre les établissements membres du RSVA.

Se trouvent ainsi mêlées des références à des modèles différents, existant dans les industries culturelles : le modèle du courtage7 (Mœglin, 2003), le modèle éditorial (Miège et al., 1986), par l’enregistrement des visioconférences susceptibles d’être reproduites et utilisées en tant que ressources vidéo, et le modèle du club8 (Lacroix, Tremblay, 1991), club envisagé par Citcom comme celui d’utilisateurs captifs d’une stratégie de fidélisation de la clientèle.

5. Dans l’ordre chronologique d’équipement, il s’agit de l’Université de Marne-la-Vallée, de l’Ecole Nationale Supérieure de Cachan, de l’Université Paris 6, du Muséum d’Histoire Naturelle, de l’Université Paris 13, de l’Université Paris 3 et de l’Université Paris 7.

6. Ce qui signifie qu’un utilisateur de ce type de terminal ne peut utiliser ses potentialités qu’avec d’autres utilisateurs possédant les mêmes dispositifs techniques.

7. Pour caractériser ce modèle, « La référence la plus explicite (…) est celle du modèle de l’agence immobilière, la fonction de l’intermédiaire consistant à favoriser la mise en relation d’offreurs et de demandeurs » (Combès, 2004, p. 97).

8. « Le modèle du club, propre au club de livre ou au câblo-opérateur, se réfère à la mise à disposition forfaitaire d’une offre « packagée » pour l’usager qui s’engage à payer un forfait mensuel » (Combès, 2004).

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Pour le CRIF, qui convertit l’appellation de RSVA en « Visio-Université Ile-de- France », l’utilisation éducative de la visioconférence est envisagée comme un contenu pour les réseaux à haut débit déployés en Ile-de-France afin de favoriser l’aménagement du territoire, sans idée précise sur la manière dont la formation universitaire peut répondre à cet objectif. Initialement, des utilisations de la visioconférence pour délocaliser des formations (enseignements transmis de l’Université de Marne-la-Vallée vers l’Université de Reims-Champagne-Ardenne, de l’ENS Cachan vers son antenne de Ker Lann, par exemple) sont encouragées, semblant aller dans les deux directions souhaitées par Citcom et le CRIF.

Cependant, le fait de centrer le projet Visio-Université sur les usages éducatifs des infrastructures techniques offre une marge de liberté aux établissements équipés, renforcée par la création par le CRIF d’un comité de pilotage du projet Visio- Université Ile-de-France avec les universités équipées9 représentées par leurs responsables de projets d’usage de la visioconférence et leurs responsables techniques (personnels IATOSS). Dans cette optique, le CRIF encourage, au sein de l’AURIF (Association des Utilisateurs des Réseaux Informatiques en Ile-de-France), la création d’un groupe Visio-Usages comprenant les représentants des établissements membres de Visio-Université et ayant pour but la concertation, la coordination technique et la capitalisation des compétences des établissements équipés afin de développer les usages éducatifs de la visioconférence. L’une des questions débattues dans le cadre de Visio-Usages, qui intéresse le CRIF car il y voit un frein aux usages, est celle de savoir comment mettre en œuvre les diplômes

« diffusés » sans instaurer de hiérarchie entre les établissements émetteurs et récepteurs. L’action du CRIF pour développer les usages éducatifs de la visioconférence ne peut pas aller plus loin : le Conseil Régional n’intervient pas directement dans les établissements.

Leur marge de liberté est employée par les représentants des établissements pour réclamer la normalisation10 des terminaux. Pour Citcom, cette question technique représente un enjeu de taille : la normalisation donnerait aux utilisateurs le moyen de réaliser des visioconférences avec d’autres établissements que ceux de Visio- Université, dans le cadre de projets portés par les enseignants-chercheurs au gré de leurs propres réseaux et collaborations. Par la suite, les représentants des établissements retenus en réponse à l’appel à projets du CRIF exigent même la

9. Initialement l’Université de Marne-la-Vallée, l’ENS Cachan et l’Université Pierre et Marie Curie - Paris 6, rejointes par les autres établissements équipés successivement.

10. La normalisation réside dans l’intégration des normes internationales qui spécifient les caractéristiques techniques des dispositifs techniques pour la transmission du son, de la vidéo et des images informatiques sur un même réseau technique (Numéris, IP, ATM) afin d’assurer les services de communication indépendamment des terminaux utilisés.

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possibilité – qu’ils obtiennent en mettant fin à la convention qui lie le CRIF à Citcom – de faire appel à un autre fournisseur de matériel, dans le cadre d’un appel d’offres public11.

Pour faire respecter leurs exigences par Citcom, les représentants des établissements12 s’associent dans un réseau horizontal, informel, « greffé » sur un réseau formel, Visio-Usages. Ce réseau informel est à la fois un groupe de pression vis-à-vis de Citcom et un groupe de conseil et d’expertise (à l’intérieur du réseau Visio-Université et pour tout autre établissement d’enseignement supérieur souhaitant s’équiper en dispositifs de visioconférence). Ce groupe instaure une

« forme officieuse d’harmonisation. En l’occurrence, celle-ci est assurée par les responsables des différents programmes, et la structure qui les favorise est le groupe qu’ils ont constitué et qui se réunit régulièrement pour confronter les expériences et en opérer le suivi » (Mœglin, Tremblay, 1999, p. 111). Il présente les caractéristiques de ce que Pierre Mœglin appelle un « syndicat d’usagers » : il est à la fois « groupe de pression, structure de conseil à usage interne et structure d’expertise à usage externe (…) », « émane directement des usagers et, chaque fois que nécessaire, se propose de faire valoir leurs intérêts auprès des promoteurs spatiaux [de dispositifs de visioconférence, dans notre cas], éventuellement contre eux » (Mœglin, 1994, p. 220).

Le projet de club de prestataires de formation et usagers captifs de ses dispositifs techniques, régi par Citcom, n’a donc pas abouti. Les établissements d’enseignement supérieur utilisateurs de la visioconférence intègrent celle-ci dans leurs propres dispositifs de formation, dont ils restent les acteurs centraux, selon une logique de club (le droit d’entrée se limitant au versement des frais d’inscription).

Réseau lorrain de Visio-enseignement : projet d’un club régional d’émetteurs et récepteurs de cours par visioconférence

Parallèlement au déroulement des expérimentations dans le cadre du dispositif expérimental Visio-Université Ile-de-France, le Pôle Universitaire Européen de Nancy-Metz, réseau institutionnel associant les établissements lorrains d’enseignement supérieur, dont le mandat porte sur la fédération de ces établissements pour mettre en œuvre des projets communs et donner plus de visibilité à leur offre de formation, lance en 1994 un projet d’enseignement par visioconférence intitulé Réseau lorrain de formation, labellisé en 1996 « projet

11. Suite à un tel appel d’offres, l’Université Paris 3 choisira finalement un équipement fourni par Citcom, mais à la condition d’être normalisé.

12. Il s’agit notamment des porteurs de projets de visioconférence dans les Universités Paris 13 et Paris 3, rejoints dans leurs revendications par les représentants des autres universités équipées.

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d’intérêt public » suite à l’appel à propositions du programme Autoroutes de l’information (sur lequel nous reviendrons).

Ce Réseau regroupe cinq sites universitaires de la région (à Nancy, Metz et Epinal) dans un objectif de délocalisation des formations à effectifs réduits ou dispersés : quatre des cinq sites sont uniquement équipés en matériel de réception, un seul site disposant de la possibilité de diffusion13. Les équipements, fournis par Citcom, sont censés être mutualisés par les établissements lorrains d’enseignement supérieur.

Cependant, cette configuration introduisant une hiérarchie entre le site émetteur et les sites récepteurs, ceux-ci demandent, et obtiennent, l’équipement d’émission.

Dans ce Réseau, l’acteur principal reste l’établissement de formation, qui gère lui-même, selon une logique du club, le dispositif de formation intégrant la visioconférence.

Projet OXALIS : club d’expérimentateurs d’outils de télé-activités

Le dispositif expérimental OXALIS (AudiO, teXte, imAge et visueL sur numérIS et ATM) est constitué par le Centre National d’Etudes des Télécommunications (CNET) de Lannion (1994), centre de recherche et développement de France Télécom. Initialement, avec le soutien financer du Conseil Régional de Bretagne, intéressé par le développement de nouvelles infrastructures facilitant l’aménagement du territoire, le CNET associe les établissements bretons d’enseignement supérieur et de recherche, premiers expérimentateurs du terminal de visioconférence que le CNET a développé en 1989. Le CNET associe par la suite, dans le cadre d’Oxalis, les établissements expérimentateurs des deux autres dispositifs expérimentaux, ainsi que Citcom14, les écoles du Groupement des Ecoles des Télécommunications (GET)15, l’ARCNAM (l’Association Régionale du CNAM des Pays de la Loire, responsable du Centre de Télé-enseignement de Nantes) et des partenaires industriels (Prescom, Matra Communications et la société AXISA). Le CNET poursuit un double objectif :

– stabiliser un dispositif technique de visioconférence, en essayant de répondre à deux questions principales. La première concerne l’intégration de l’audiovisuel, que

13. Le site permettant la diffusion de cours est le site « neutre » du siège du Pôle, à Nancy.

Les quatre sites équipés pour la réception sont ceux de l’Institut National Polytechnique de Lorraine (INPL) à Nancy, de l’Université Nancy 2, de la Maison du Pôle à Metz et de l’antenne de l’Université Nancy 1 à Epinal.

14. Citcom cherche à se positionner comme intégrateur, compte tenu du fait que la place d’intégrateur est un maillon manquant pour passer d’un prototype à un dispositif technique industrialisé (Bonizec, Combès, p. 27, p. 97).

15. Nous avons présenté les expérimentations de la visioconférence dans les Ecoles du GET dans notre thèse de doctorat (Ologeanu, 2002).

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l’opérateur des télécommunications ne maîtrise pas encore, exigée par la convergence multimédia dont la visioconférence constitue une des modalités de concrétisation. Pour trancher, le CNET teste plusieurs prototypes (Télé-Amphi, Visio-Amphi, Visiocentre) qui intègrent la vidéo (Visio-Amphi et Visiocentre) ou non (Télé-amphi)16. La seconde question porte sur le choix entre l’intégration des standards technologiques (notamment les normes permettant l’interopérabilité des équipements), avec une valeur ajoutée à trouver, et le développement de dispositifs techniques propriétaires susceptibles de devenir un standard commercial (Bonizec, Combès, 1997, pp. 5-6). Alors que Citcom teste la seconde solution, aussi bien dans Oxalis que dans les deux autres projets que nous avons étudiés ci-dessus, le CNET opte plutôt pour la première solution, en mettant l’accent sur la normalisation de ses dispositifs techniques. La valeur ajoutée provient de l’assemblage dans un ensemble mobilier de composantes techniques standard qui existent de manière séparée sur le marché : moteur, mobilier, périphériques, « packagés » par des logiciels adaptables selon la cible visée (Bonizec, Combès, 1997, p. 97). Le CNET veut aboutir à un dispositif technique standard déclinable sur ce qu’il identifie comme des marchés de niche, dans différents secteurs professionnels, qu’il désigne par le terme de télé- activités (télé-médecine, télé-enseignement, télé-administration…) ;

– définir une stratégie commerciale. A long terme, il mise sur la collaboration avec les chercheurs universitaires. A court terme, il teste le dispositif technique avec des utilisateurs pilotes du secteur éducatif, avec une double visée : mobiliser les utilisateurs qui pourraient devenir des prescripteurs pour susciter la demande éducative, et comprendre les obstacles et les leviers des usages afin de décliner le dispositif dans les différents secteurs professionnels.

Par la mise en œuvre de ce projet, le CNET, centre de recherche et de développement de l’opérateur historique de télécommunications, cherche à se positionner sur le marché des réseaux et terminaux de visioconférence en valorisant ses compétences spécifiques (fonctionnalités avancées de commutation sur les réseaux techniques, en particulier sur les réseaux à haut débit Numéris et ATM) et en intégrant des compétences informatiques (pour le développement des logiciels de packaging, des logiciels de travail coopératif et de partage d’applications), tout en s’aventurant sur le terrain de l’audiovisuel (par le biais de l’intégration de la vidéo).

L’enjeu essentiel pour France Télécom, et donc pour le CNET, ne se situe pas tant dans le développement commercial de dispositifs de visioconférence dédiés aux télé-activités que dans le développement d’un « réseau universel capable de véhiculer des informations de toute nature, et en particulier du multimédia » (Théry, 1994, p. 25) susceptible de constituer l’autoroute française de l’information.

16. Télé-amphi est un dispositif d’audioconférence, permettant la transmission bidirectionnelle de données informatiques, de pages-écrans et de son en bande élargie ; il est fondé sur la normalisation des couches réseaux. Visio-Amphi et Visiocentre intègrent aussi la transmission bidirectionnelle de la vidéo.

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Vue sous cet angle, la visioconférence représente un service d’appel pour les fonctionnalités de ce réseau technique. Le déploiement d’un tel réseau permettrait de relancer le marché des télécommunications et donnerait à l’opérateur historique des atouts à valoriser lors de la déréglementation du secteur des télécommunications et de la concurrence avec les acteurs de la filière informatique, dont est issu le réseau Internet.

Face à cet enjeu, le gouvernement décide de mener une politique volontariste, en lançant le 25 novembre 1994 un appel à propositions relatif aux expérimentations des nouveaux services des autoroutes de l’information, pour mettre en œuvre les préconisations des rapports élaborés par Gérard Théry et Thierry Breton. Gérard Théry avait particulièrement insisté dans son rapport sur l’importance de l’expérimentation des services, des contenus et marchés pour les autoroutes de l’information en même temps que le déploiement de réseaux, notamment du réseau ATM en fibre optique (Théry, 1994). Dans le cadre de cet appel, le projet Oxalis est labellisé en 1996 « projet d’intérêt public » par le Comité Interministériel sur les Autoroutes de l’Information17.

Les collectivités locales et les entreprises partenaires : acteurs de l’enseignement supérieur

En appelant les universités à s’impliquer dans l’aménagement du territoire via l’enseignement par visioconférence, dans le cadre des dispositifs expérimentaux que nous avons présentés, les collectivités régionales et leurs entreprises partenaires se posent du même coup comme acteurs de l’enseignement supérieur18. Notre hypothèse est que ces acteurs proposent des modèles différents d’industrialisation de la formation, que nous allons tenter d’identifier.

Avant d’aborder ce point, il convient de présenter succinctement ce que nous entendons par industrialisation de la formation.

Partant du constat que le champ de la formation (incluant la formation initiale et continue, la formation parascolaire et l’enseignement scolaire) connaît des transformations dont le développement des TIC est à la fois un vecteur et un révélateur, les approches de l’industrialisation de la formation s’attachent à saisir ces transformations, en faisant l’hypothèse que celles-ci relèvent d’un processus industriel.

17. Par notification du Ministère délégué à la Poste, aux Télécommunications et à l’Espace.

18. Bien que cette implication se manifeste surtout par le financement des dispositifs techniques, les discours associés et le soutien aux groupes d’échange et conseil tels que

« Visio-U », et non par une intervention directe auprès des enseignants-chercheurs dans les établissements.

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Pour saisir ce processus, ces approches empruntent l’appareil conceptuel et méthodologique de deux groupes des théories :

– les théories des industries culturelles (Miège et al., 1986 ; Miège, 1989), la question de l’industrialisation de la formation revêtant alors la forme de l’industrialisation des biens-supports de la prestation éducative ;

– les théories de l’industrialisation des services (Gadrey, 1996), en abordant la formation sous l’angle d’un service réalisé par l’enseignant pour l’usager-apprenant.

La question est de savoir comment l’industrialisation des services peut se traduire dans le monde de la formation.

L’ouvrage paru en 1998, sous la direction de Pierre Mœglin, « L’industrialisation de la formation. Etat de la question » offre un aperçu de ces approches, qui peuvent être classées en deux catégories selon l’acception donnée au terme « industriel », en mettant l’accent :

– sur les critères de la technologisation, de la rationalisation et de l’idéologisation19, en prenant comme repère les définitions aronienne du stade industriel (Aron, 1964) et weberienne de la rationalisation ;

– sur les critères de l’intensité capitalistique, de l’organisation rationnelle du travail et de la présence des machines, selon le modèle des industries culturelles (Lacroix, 1998, Miège, 1998, Tremblay, 1998).

Nous adoptons ici le premier type d’approche, qui nous semble mieux convenir à l’étude des transformations du système d’enseignement supérieur pris comme organisation rationnelle bureaucratique, penchant de l’organisation industrielle taylorienne-fordiste dans le service public de formation, avec des spécificités françaises (Musselin, 2000).

Modèles d’industrialisation de la formation

Dans les trois dispositifs expérimentaux présentés, les Conseils Régionaux mettent en avant l’aménagement du territoire, à travers deux finalités :

– celle, principale, d’expérimenter des réseaux techniques à haut débit, en vue de leur déploiement, et leurs applications, dont l’enseignement supérieur. Cette finalité est présente dans tous les projets, et notamment dans le projet Oxalis ;

19. Critères que Pierre Moeglin présente comme suit : « Processus complexe que cette industrialisation, alimentée par trois séries de phénomènes interdépendants : la technologisation (…) s’accompagnant (…) des mécanismes de substitution tendancielle du capital au travail ; la rationalisation, qui induit le recours à des méthodes de gestion et de planification calquées sur celles des secteurs où prévalent l’organisation scientifique du travail et les activités tertiaires les plus industrialisées ; l’idéologisation, qui produit cet esprit industriel dont les expérimentateurs se réclament (…) » (Mœglin, 1994, p. 226).

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– celle de réaliser des économies d’échelles20 par la délocalisation de l’enseignement via l’utilisation de la visioconférence. Cette finalité21 est présente dans les projets Visio-Université Ile-de-France et Réseau lorrain de Visio-formation.

Cette dernière finalité suppose la rationalisation de la formation, et plus précisément la rationalisation gestionnaire ; celle-ci s’inscrit dans la continuité de la rationalité bureaucratique22, au sens webérien du terme, constitutive du service public (Weber, 1995, p. 293) et renforcée par le management public visant à augmenter l’efficacité et l’efficience du service public (Santo et Verrier, 1993, p. 67)23. Avec une différence : dans le cas des expérimentations de la visioconférence, elle n’est pas mise en œuvre directement par l’Etat mais par les Conseils Régionaux.

Les Conseils Régionaux proposent ainsi un modèle d’industrialisation de la formation spécifique : la constitution de télé-services de formation (Mœglin, 1998, pp. 226-227). Dans ce modèle, l’établissement d’enseignement supérieur reste l’acteur central. C’est la raison qui explique, selon nous, le fait que ces télé-services ne sont pas véritablement mis en œuvre, à l’échelle envisagée par les Conseils Régionaux, car ils introduisent une hiérarchie entre établissements émetteurs et récepteurs contraire à l’un des principes fondateurs du système d’enseignement supérieur actuel, d’égalité et d’uniformité, selon lequel « une université en vaut une autre et il n’existe pas de hiérarchie entre les diplômes selon l’établissement qui les a délivrés » (Friedberg, Musselin, 1993, p. 15).

Cependant, les Conseils Régionaux ne sont pas les seuls acteurs dominants des dispositifs expérimentaux à même d’imprimer leurs objectifs et, par ce biais, de développer une vision propre de l’enseignement supérieur. Lorsque les entreprises partenaires tiennent la place d’acteurs dominants, elles orientent les dispositifs expérimentaux en fonction de leurs propres intérêts et représentations de l’enseignement supérieur.

Ainsi, Citcom poursuit la constitution d’un club d’utilisateurs captifs où il garderait la fonction de courtier entre l’offre et la demande de cours par visioconférence. De cette façon, il cherche à industrialiser la formation universitaire selon le modèle des industries culturelles. C’est ce modèle que Citcom cherche à imposer dans le dispositif Visio-Université Ile-de-France, où il détient une position dominante avant la rupture de la convention avec le CRIF.

20. Nous ne discutons pas ici du bien fondé de cette finalité ni du degré de sa mise en pratique.

21. Nous ne cherchons pas ici à évaluer la contribution réelle de l’utilisation de la visioconférence à la réduction des coûts de formation et à l’aménagement du territoire (ce qui supposerait de réaliser des bilans investissements/bénéfices), mais à montrer quels sont les arguments mobilisés dans les discours des acteurs.

22. Que Pierre Mœglin considère comme un modèle (quasi) industriel des origines de l’appareil de formation (Mœglin, 1998b, p. 212).

23. Sans rechercher, à la différence des entreprises, la rentabilité économique.

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Bien que fournisseur de matériel de visioconférence, et également filiale de France Télécom, le CNET ne poursuit pas les mêmes objectifs que Citcom : son objectif est la production, non de modules de formation, comme dans le cas du RSVA, mais de dispositifs techniques de visioconférence dédiés aux télé-activités, c’est-à-dire à la fois normalisés et adaptés aux secteurs professionnels cibles, dont celui de la formation. Lorsque le CNET est maître du projet, comme dans le cas du dispositif Oxalis, c’est donc ce modèle qui prime, les universités étant associées moins en qualité d’organismes de formation que d’organismes de recherche. Le système d’enseignement supérieur apparaît ainsi comme un lieu d’innovation technique, étape essentielle du processus d’industrialisation des outils de communication, et comme un secteur professionnel cible pour les dispositifs de visioconférence dédiés aux télé-activités.

Utilisations de la visioconférence pour l’enseignement universitaire Modèles d’industrialisation de la formation

Acteurs dominants

Ð

Modèles d’industria-

lisation Î

Industries

culturelles Télé-services Innovation technique

Citcom

Projet RSVA pour Visio-Université Ile-de-France

CNET Oxalis : télé-activités

Collectivité locale

Visio-Université Ile-de-France Réseau lorrain de Visio-formation Ministère

Etablissements d’enseignement supérieur

Enseignement vers les antennes Cohabilitation de diplômes Profession

Utilisations auto- référentielles

Tableau 1. Dispositifs expérimentaux (1994-1998) : acteurs dominants et modèles d’industrialisation

A la lecture de ce tableau, il apparaît clairement que le modèle d’industrialisation de la formation le plus radical (dans le sens où la place centrale n’est plus tenue par l’établissement d’enseignement), projeté par Citcom, ne possède aucun relais dans le

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système d’enseignement. En revanche, le modèle des télé-services, proposé par les collectivités locales, trouve un relais au sein du système d’enseignement supérieur, auprès de la tutelle, qui tend vers la mise en place de ce modèle en incitant au développement de la délocalisation des cours dans les diplômes cohabilités et les diplômes des universités multipolaires.

Le projet Oxalis propose un modèle d’innovation technique comme étape de l’industrialisation d’outils de la communication, que nous retrouvons dans les utilisations auto-référentielles mises en œuvre par la profession universitaire (dans certains domaines et dans les formations professionnalisées). Celle-ci est « enrôlée » (Latour, 1989) en faisant appel aux compétences des chercheurs, donc à la mission de production de connaissances des universités.

En revanche, la profession n’est pas mobilisée dans la formation délocalisée. Il HCWFTCKV CNQTU UOKPVGTTQIGT UWT NC RÃTGPPKUCVKQP FG EG EQPVGZVG FOWVKNKUCVKQP .C SWGUVKQP POGUV RCU PQWXGNNG UK NOQP VKGPV EQORVG FW HCKV SWG NOQTICPKUCVKQP universitaire repose sur la confrontation, voire le conflit, entre la rationalisation gestionnaire portée par l’administration bureaucratique et la logique professionnelle portée par les enseignants-chercheurs (Mintzberg, 1996).

Figure 1. Modèles d’industrialisation : missions et logiques de l’enseignement supérieur

(15)

Si l’on tient compte de la tension entre ces deux logiques qui sous-tendent le fonctionnement du système d’enseignement supérieur, et si l’on envisage en même temps la double mission des universités, la production de connaissances nouvelles et la transmission de connaissances – dans le sens où l’Université est un conservatoire des connaissances (Touraine, 1996) –, on peut représenter les deux modèles que nous avons identifiés, celui des télé-services et celui de l’innovation technique, par le schéma ci-dessus.

Orientés par l’exigence de rationalisation bureaucratique, les télé-services de formation se placent au croisement de la logique administrative et de la mission de transmission des connaissances. Relevant surtout de l’idéologisation de la formation, comme critère de l’industrialisation de la formation, le modèle de l’innovation technique se situe au croisement de la logique professionnelle et de la mission de production de connaissances.

Conclusion

Dans les années 1990, et plus précisément dans la période 1994-1998, qui fait l’objet de notre étude, les Conseils Régionaux, comme les fournisseurs de matériel, amènent les universités à intervenir dans les politiques d’aménagement du territoire (dans le cadre de partenariats visant à expérimenter la visioconférence) et se posent de fait comme des acteurs de changement de l’enseignement supérieur. Leurs intérêts et les modèles de changement sous-jacents trouvent ou non un relais au sein du système de l’enseignement supérieur, que ce soit sous la forme des préconisations et politiques du ministère de tutelle et/ou par les actions initiées par les enseignants- chercheurs. Ainsi, le modèle de transformation de l’enseignement supérieur en industrie de la formation (sur le modèle des industries culturelles), porté par une entreprise partenaire (Citcom), ne trouve pas de correspondant à l’Université.

En revanche, l’innovation technique envisagée par le CNET, autre entreprise partenaire, est relayée par les enseignants-chercheurs, même si, contrairement au CNET, ils ne l’envisagent pas comme une étape nécessaire à l’industrialisation d’outils de communication. Ils mettent en œuvre des utilisations de la visioconférence inédites, que nous avons qualifiées d’auto-référentielles, et ce faisant, participent surtout à une dimension de l’industrialisation de la formation, l’« idéologisation », que nous considérons comme intériorisation de l’esprit d’une société (néo-)industrielle reposant sur la culture numérique et celle de l’innovation.

Nous nous demandons dès lors dans quelle mesure ce type d’utilisations sera amené à être généralisé, non seulement pour la visioconférence mais, de manière plus générale, pour les TIC : en ce sens, la politique européenne en matière de e-learning

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encourage la diffusion de la culture numérique en préconisant la formation aux TIC par les TIC24.

La rationalisation, autre dimension de l’industrialisation de la formation, étant absente des utilisations auto-référentielles, nous ne pouvons parler d’un modèle d’industrialisation de la formation véhiculé par ces utilisations. Elle est par contre présente dans les utilisations de la visioconférence projetées par les collectivités locales, à travers la délocalisation de la formation, et par le ministère de tutelle, qui soutient cette délocalisation ainsi que la cohabilitation de diplômes (dont certains cours peuvent être délivrés par visioconférence). Les collectivités locales et le ministère proposent ainsi un modèle d’industrialisation de la formation spécifique : la production de télé-services de formation.

A l’heure où des campus numériques régionaux sont constitués, on peut se demander dans quelle mesure ils reprennent et réalisent effectivement la finalité d’aménagement du territoire25 et d’économies d’échelles qu’on a identifiée lors de la constitution des dispositifs expérimentaux de visioconférence.

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24. Voir à ce sujet le Plan d’action elearning. Penser l’éducation de demain, publié en 2001 par la Commission Européenne.

25. En même temps que le plan ministériel « Université 3ème millénaire » prend le relais de

« Université 2000 ».

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