FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE
DE BORDEAUX
ANNÉE 1895-96 5
TRAITEMENT
(Ligature et Suture Latérales)
TKESE POUR LE DOCTORAT M IEDECIIE
PRÉSENTÉE ET SOUTENUE PUBLIQUEMENT LE 5NOVEMBRE 1895 *
PAR
ÉLÈVE DU SERVICE DE SANTE DE LA MARINE
4k
3Vo ù RocUcfort-sur-iMer (Charente-Inférieure), le 22 A-"vril lS'î'4
EXAMINATEURS OE I,A THÈSE
MM. DEMONS, professeur, président
PIÉCHAUD, professeur, \
VILLAR, agrégé, Juges
BRAQUEHAYE, agrégé,
Le Candidat répondra aux questions qui lui seront f ûtes sur les diverses parties de l'enseignement médical,
BORDEAUX
IMPRIMERIE ET LITHOGRAPHIE GAGNEBI N 72, Rue du Pas-Saint-Georges, 72
FACULTÉ DE MÉDECINE k DE PHARMACIE DE BORDEAUX
M. PITRES Doyen.
PROFESSEURS : MM. MICE.
AZAM
Professeurs honoraires.
Clinique interne Cliniqueexterne
Pathologie interne ..;
Pathologieet thérapeutiquegénérales Thérapeutique
Médecine opératoire Clinique d'accouchements
Anatomiepathologique o
Anatomie
Anatomiegénérale et histologie Physiolo gie
Hygiène
Médecinelégale Physique
Chimie
Histoirenaturelle Pharmacie Matièremédicale
Medecine expérimentale ' Cliniqueophtalmologique
Cliniquedesmaladieschirurgicales des enfants.
CliniqueGynécologique
MM.
AGRÉGÉS EN EXERCICE SECTION DE MÉDECINE '
Pathologie interneet Médecinelégale
SECTION DE CHIRURGIE ET ACCOUCHEMENTS
Pathologie externe Accouchements.
PICOT.
PITRES.
DEMONS.
LANELONGUE.
DUPUY.
VERGF.LY.
ARNOZAN. - MASSE.
MOUSSOUS.
COYNE.
BOUCHARD.
VIAULT.
JOLYET.
LAYET.
MORACHE.
BERGONIÉ.
BLAREZ.
GUILLAUD.
FIGUIER.
deNABIAS.
FERRÉ.
BAI3AL.
PIÉCHAUD.
BOURSIER.
MESNARD.
CASSAET.
AUCHÉ.
SABRAZÈS.
LE DANTEC.
VILLAR.
BINAUD.
BRAQUEHAYE.
RIVIERE.
CHAMBRE LENT.
Anatomie. MM. PRINCETEAU.
CANNIEU.
SECTION DES SCIENCES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES
Histoirenaturelle. M. BEILLE.
Physiologie. M. PACHON.
SECTION DES SCIENCES PHYSIQUES
Physique ' SIGALAS.
Chimie et Toxicologie DENIGÈS.
Pharmacie BARTHE.
COURS COMPLEMENTAIRES Clin, interne desenfants
Cîi». d#smalad.cnlan. etsyphil...
Clin, des malad. des voies urin....
Mal. da larynx, des oreillesetdunes
Maladies mentales
. A.MOUSSOUS DUUREUILH.
POUSSON.
MOURE.
REGIS.
Pathologie externe MM. DENUCÉ.
Accouchements RIVIÈRE.
Chimie DENIGÈS.
Le Secrétaire de laFaculté, LEMAIRE.
Par délibération du 5 août 18"<9, la Faculté a arrêté que les opinions émises dans les thèses qui lui son présentées doivent être considéréescomme propresà leursauteurs et qu'elle n'entend leur donnerni approbation improbation.
A MON PÈRE ET A MA MÈRE
A MON FRÈRE PAUL
Licencié es-sciencesphysiques.
MA TANTE ET A MES COUSINS
A MES AMIS
A MES MAITRES DES ÉCOLES DE MÉDECINE NAVALE
DE ROCHEFORT ET BORDEAUX
A MES CAMARADES DE LA MARINE ET DES COLONIES
A mes Maîtres des Hôpitaux,
Monsieur le Docteur ARNOZAN Professeurde Thérapeutiqueà la faculté deMédecine
de Bordeaux. —Médecin des Hôpitaux.
Officier d'Académie.
■ Monsieur le Docteur PICOT Professeur de CliniqueMédicale à la
Faculté de Médecine de Bordeaux Lauréat de VInstitut(Prix Monthyon) Membre Correspondant de VAcadémie deMédecine.
Monsieur le Docteur VILLAR Professeuragrégé à la faculté de Médecine de Bordeaux
Chirurgien des Hôpitaux Officier d'Académie.
Monsieur le Docteur BINAUD
Professeur agrégé à la faculté de Médecine de Bordeaux.
Chirurgien des Hôpitaux.
A mon Président de Thèse,
Monsieur le Docteur DEMONS Professeur de CliniqueChirurgicale à la faculté de
Médecinede Bordeaux
Officier de la Légion d'honneur Officier de l'Instruction publique
Membre Correspondant de VAcadémie de Médecine.
AVANT-PROPOS
Le traitement des plaies des gros troncs veineux est une
question qui est encore loin d'être résolue de nos jours.
Deux procédés tendent aujourd'hui à s'introduire de plus en
plusdans la pratique chirurgicale, ce sont la ligature et la
suture latérales. Quelques observations de ligature latérale
s'étant présentées àlaclinique chirurgicale de M. le
Professeur^
Démons, M. le Docteur Binaud, alors chefde clinique de ce
service, nous adonné l'idéed'étudier dans notre travail inau¬
gural l'un et l'autre de ces procédés. A la même époque, M.
le Docteur Villaravait aussi chargé un deses élèves d'étudier
ce sujet. Nous le remercionsd'avoir bien voulu nous donner les indicationspour ce travail.
Nous avons entrepris cette étude, mais nous nous doutons bien que nous n'auronspas fait faire un grandpas à cette ques¬
tion encore si controversée. Notre modeste ambition serait d'avoir réuniun certain nombre d'observations de l'un et de l'autre de ces procédés et de déduire de ces observations l'indication ou la contre-indication de chacun d'eux.
Nous avons fait également quelques expériences de suture veineuse sur les animaux avec le précieux concoursde M. le
professeuragrégé Villar, qui voudra bien accepter ici l'as-
a B
— 10 —
surance de notre profonde reconnaissance, pourl'intérêt qu'il
nous a porté.
Nous avons donc essayé de faire une étude critique de la ligature et de la suture latérales des gros troncsveineux. Pour
cela nous avons divisé notre travail de lafaçon suivante :
Dans un premier chapitre nous étudions succinctement
les différents modes de traitements employés pour les plaies
veineuses sauf la ligature et la suture latérales;
Dans le deuxièmechapitre nous étudions la ligature latérale
et nous en donnons quelques observations;
Dans le troisième nous faisons l'étude expérimentale de la
suturelatérale ;
Dans le quatrième, l'étude clinique de ce procédé, avec les
observations que nous avons pu recueillir;
Dans le cinquième, le technique de la suture ; Dansle sixième, l'anatomie pathologique.
Dansun dernier chapitre enfin nous donnons nos con¬
clusions.
Avant de quitter cette Faculté, qu'il noussoit permis de re¬
mercier ici tous nos maîtres de la Faculté et des Hôpitaux qui
nous ontappris à connaîtreetà aimer la médecine.
Que M. le Professeur Picot veuille bien recevoir le témoi¬
gnage de notre profonde gratitude pour les bonnes et saines leçons qu'il n'a cessé de nous prodiguer pendant l'année que
nous avons eu l'honneur de passer dans son service comme externe.
Nousn'oublierons pas non plus la bonne année d'externat
quenous avons passée dans le service de M. le professeur
Démons que nous remercions en outre du très grand honneur qu'il nous fait en acceptantla présidence de notrethèse.
— 11 —
TRAITEMENT
DES
PLAIES LATÉRALES DES HISSES VEINES
(Ligature et Suture Latérales)
CHAPITRE PREMIER
Divers modes de traitement des plaies veineuses
Lesplaies des veines, loin d'être aussi redoutables, que les plaies des grosses artères, n'en sont pas moins une complica¬
tion extrêmement sérieuse d'un bon nombre d'opérations chi¬
rurgicales. Dans cette étude, nous ne nous occuperons en effet
quedesplaies veineuses chirurgicales, celles-ci étant de beau¬
coup les plus fréquentesetaussi biensouventles plus gênantes.
Nous ne dirons donc qu'un mot des plaies accidentelles des petites veines superficielles, plaies dont la thérapeutique
courante est facile et connue de tous les praticiens. Ces trau-
matismes veineux qui le plus souvent consistent en une simple piqûre, quelquefois sous-cutanée, ou en une petite déchirure,
— 12 —
cèdent en général aux moyens suivants que nous trouvons ainsi classés dans lathèse d'agrégation de Nicaise:
10 La compression, qui peut être soit médiate, soit immédiate.
Ce moyen réussit le plus souvent, et étaitnotamment très em¬
ployé à l'époque où la saignée était en honneur. Si la simple compression digitale ne suffît pas, on peut mettre en usage le tamponnement avec astringents et coagulants.
20 Cautérisation.
30 Ligature de l'artère collatérale du membre [moyen peu
employé du reste et que Nicaise condamne absolument.
Tels sont les moyens qui réussissent le plus souvent, pour ainsi diretoujours, dans les hémorragies des petites veines. Il n'en est pas de même pour les plaies des grosses veines, et
en particulier pour les plaies latérales. Je mets eneffetde côté les sections totales contrelesquelles on n'a guère qu'un moyen
thérapeutique, la ligature totale, compliquée parfois de liga¬
ture de l'artère correspondante du membre. Ces plaies laté¬
rales des veines qui consistent soit en une simple piqûre soit
en une sectionlongitudinale ou transversale, sont presque tou¬
jours chirurgicales, soit que la veine soit adhérente à une tumeur que l'on enlève et se déchire par la simple traction
sur la tumeur, soit que le bistouri ait été porté imprudem¬
ment dans une région un peu dangereuse. Ces plaies sont surtout fréquentes aux veines jugulaires (extirp. de gan¬
glions) à l'axillaire (curettage de l'aisselle) à la fémorale,
veine cave inférieure ( Schède) etc. Il est inutile d'insister sur
le danger de pareils traumatismes, ils sont redoutables : in¬
troduction de l'air dans les veines du cou, hémorragies con¬
sidérables, primitives ou secondaires, etc.
Lapremière idée qui vient à l'esprit du chirurgien, en pré¬
sence de ces traumatismes, est évidemment la ligature du vaisseau blessé ; c'est bien là le meilleur moyen d'arrêter
riiémorragie, mais il n'est pas toujours sans danger. Bien
que Trzebicky et Karpinskyaient affirmé, à la suite de leurs
expériences, que le rétablissement de la circulation collatérale après la ligature totale, légitimait la ligature pure et simple
du tronc veineux crural, il n'en est pas moins vrai, que dans
bon nombre
d'observations,
on constate un œdème plus ou moinsconsidérable, qui, il est vrai finit par se résorber à lalongue, mais qui néanmoins prouve que la circulation se
rétablit trèsdifficilement. On a pu enfinobserver quelques cas rares il est vrai, de gangrène du membre inférieur à1a. suitede la ligature de la veinecrurale. Sur 9 cas de ligature rapportés
par
Chmolzow,
la gangrène est survenue une fois.Enfin, il est certaines veines dontl'oblitération amène fata¬
lement la mort du malade, ce sont, par exemple, les veines
caves inférieure et supérieure, la veine porte, dont la liga¬
ture totale n'auraitcertes pas pu sauver de la fintragique que tout le monde sait, l'infortuné Président Carnot.
Quels sontdonc les moyens auxquelsnous devonsrecourir?
Ces moyenssont assez nombreux, mais deuxseulement offrent
un véritable intérêt pratique. Parmi ceux qui ont été proposés,
et parfois employés avec succès, nous citerons avec Nieber- gall (1893) :
1° La compressionou
tamponnement,
que nous signaleronsà peine, ce mode d'action n'étant applicable avec quelque
chancede succès que dansles petites piqûres deveines super¬
ficielles et reposant sur un plan suffisamment résistant pour qu'elles puissent être comprimées (plaie de la saignée au pli
du coude). Nicaise rapporte deux cas où ce procédé fut em¬
ployé avec un réel succès. Dans lepremier, dû à
Chalmetée,
il s'agissait d'une blessure de la jugulaire externe qu'il parvint à guérir en faisant comprimer la région blessée, pendant trois jours avec les doigts des aides.— 14 —
Le même procédé fut suivi sur un prince d'Orange pour la
même blessure, d'après le conseil de Léonard Botal.
2° Niebergall préconise le pincement latéral de la veine en
laissant momentanément l'instrument en place. Ce procédé,
très simple en apparence, consiste à saisir la plaie veineuse
avec une pinceà forci-pressure, et à laisser ainsi la pince à
demeure pendant vingt-quatre heures ouplus. On la retire alors
et, d'après cet auteur, il n'y aurait plus à craindre d'hémorra- ' gie secondaire. A l'appui de sa méthode, Niebergall rapporte
cinquante-trois cas de guérison de blessures de gros troncs
veineux traitées par application de la pince à demeure. Mais,
dans un autre travail (Arch. f. Klin. Chirurg. n° 43), Max
Schede condamne absolument ce procédéet le regardecomme très dangereux. En effet, quand on retire les pinces, aubout de vingt-quatre heures, comme lerecommande le promoteur de
la méthode, ou plus tard même, peut-on être certain quel'a¬
dhésion des lèvres de la plaie soit assurée? Certes, au bout de vingt-quatreheures il aura pu se former un caillot assez so¬
lide pour assurer l'hémostase immédiate, mais n'est-il pas à
craindre que les tractions quelque minimes soient elles que nécessite l'extraction des pinces, le moindre effort en un mot, puissent détruire cettecoalescence si fragile, qu'on amis sipeu de tempsà obtenir,et ne viennent ainsi produire une hémor¬
ragie secondaire extrêmement redoutable, peut-être même
mortelle? Sans compter que ces manipulations successives auxquelles ont est obligé de se livrer sont autant dechances de
contamination de la plaie par des microbes pathogènes qui >
viendront alors produire les accidents si redoutables alors que la méthode antiseptique n'avait pas encore vu lejour la : phlé¬
bite, l'érysipèle, la gangrène, la pyhémie. C'est pour toutes
ces raisons que, nous appuyant sur les objections qui nous
paraissent bien fondées, de Max Schède, nous mettonsde côté
— 15 —
lapince à demeure pourle
traitement des plaies latérales vei¬
neuses et que nouspréférons avoir recours
à des procédés qui
maintenant ont fait leurs preuves aussi bien au point de vue clinique qu'au point de vue
expérimental, la ligature latérale
et la suture latérale. Ce sont ces deux procédés que nous allonsétudier maintenant, et dont nousallons essayer de dis¬
cuter lavaleur réciproque, en nous appuyant à
la fois
surdes
observations cliniques et sur des faits expérimentaux, trop
heureux si dans notre modeste travail, nous arrivons à fixer
d'une façon assez nette s'il faut
employer l'un
oul'autre de
ces procédés, et dans quelcasprécis il faut les employer.
— 16 —
CPAPITRE II
Ligature
latérale.Dans les plaies qui n'intéressent qu'une faible partie de la circonférence de la veine c'étaitavec peinequ'on était obligé de
se résoudre à faire une ligature totale, surtout à une époque où l'antisepsie n'étaitpas encore connue et où cette opération était le plus habituellement suivie
d'œdème,
de phlébite, de throm¬bose ou d'embolie. Aussi l'idée de fermer latéralement cette
petite plaie veineuse à l'aide d'une simple ligature netarda pàs
àse fairejour; aussi l'on vit au commencement de ce siècle plusieurs chirurgiens tenter cette opération, avec bien peu de succès, il est vrai.
C'esten 1816 que Travers l'employa pour la première fois,
dans un cas de plaie latérale de la fémorale. Cette tentative n'eut du reste aucun succès, le malade mourut d'hémorragie.
Quelques chirurgiens suivirent son exemple, mais dans les premiers temps les succès ne furent pas fréquents, c'est ainsi
que Roux perdit deux malades à la suite de la chute préma¬
turée des fils. Cependant Nicaise, dans sa thèse
d'agrégation,
cite quelques heureux cas :
« Guthrie a fait avec succès cette ligature sur la jugulaire interne, Blandin et Bérard sur l'axillaire, P. Boyer sur la fémorale, enfin un cas de Bégin et un cas de Delore. »
P^^FiF^:-^m-[t-";--••'•-*• ÏÇt##ïï-
— 17 —
Il rapporte encore un cas de Listèr qui aurait obtenu une
guérison complète dans un cas de ligature latérale de
l'axillaire.
Ce sont là les seuls résultats heureuxqu'ila eu à enregistrer
et encore fait-il une restriction pour le cas de Guthrie, dont l'observation, fait-il observer, manquede détail : « Il s'agit d'un
malade qui, dans une tentative de suicide, s'était effleuré la
carotide et blessé la jugulaire interne. Le chirurgien fit une
ligature latérale. Une hémorragie artérielle emporta le blessé
le neuvièmejour; à l'autopsie, la jugulaire fut trouvée libre,
sans aucune trace qui indiquât où la ligature avait été appli¬
quée. Il semble bien dans ce cas que la jugulaire 11b fut pas
comprise dans la ligature. » Certes, cette observationest loin
d'être absolument concluante, et il peut bien se faire en effet
que dans ce cas particulierune branche collatérale coupée
aura été prise pour une blessure de la veine elle-même. Du
reste beaucoup d'autres chirurgiens partagent l'opinion de
Nicaise et rejettent de parti pris la ligature latérnle.En France
Nélaton et Malgaigne, en Allemagne Langenbenck et Braun en sont les détracteurs les plus autorisés.
Pour la condamner ils s'appuient sur ce fait, éminemment important, qu'elle expose à des hémorragies secondaires par la chute dufil du cinquièmeau septièmejour, et peut-être plus
que toutautre moyen à la phlébite à la thrombose et aux em¬
bolies. Il est certain que si l'on considère les statistiques pu¬
bliées jusqu'ici, on ne peut s'empêcher de constaterqu'elles paraissent peu favorables.En effetBraun(Arch.Klin. Chirurg.
31) donne pour 41,6 0/0 de succès; 58,4 0/0 d'insuccès.
Depuis la période antiseptique,onrelève encoredansl'article
de René Duzea dans le dictionnaire Dechambre la statistique
suivante :
Fischer 7 cas, 5 morts ;
— 18 —
Lister 1 cas (veine axillaire), guérison;
Macquardt 1 cas, (jugulaireinterne), guérison;
Blasius 100 cas, 41 morts 59 guérisons ; Pilchev 9 cas de guérison.
Ce qui fait sur 118 cas, 46 morts; soit 38,9 pour 100 d'in¬
succès. Cette statistique est déjà plus rassurante.
Deplus, depuiscetteépoquenous avons purecueillir plusieurs
observations nouvelles, et nous mêmes nous avons vu le pro¬
fesseur Démons employer ces méthodes avec un plein succès.
Certes il ne faut pas dire que ce procédé soit exempt de
tout danger; ce n'est paslà notre opinion; mais il nefaut pas le
condamner de parti pris sans seulement chercher à examiner quels sont ses défauts, et quels sont les cas, peut-être plus
nombreux qu'on ne croit, qui peuvent légitimer son emploi.
Quellessont donc les causes les plusfréquentes de l'insuccès
de cette méthode? La plus importante, et peut-être même la seule, c'est la chute du fil, et par conséquent l'hémorrhagie
grave qui en résulte.
D'où vient cette chute si fréquente du fil ? Il est facile de
s'en rendre un compte exact : elle vient de l'extrême tension qui existe dans la paroi veineuse après qu'on l'a eu saisie dans
la ligature. Cette ligature a en effet besoin pour tenir de com¬
prendre une partie assez grande de la paroi, et a par consé¬
quent pour effet d'opérer une traction assez intense sur le pourtour de la plaie; cette tension exagérée fait alors glisser
assez facilement le catgut, d'où l'hémorrhagie secondaire.
Nous avons pu du reste constater une fois cette tension extrême dans une expérience que nous avons faite avec M. le professeur Villar. Ayant ouvert la veine fémorale d'un chien,
nous avons réuni la plaie, qui était très petite (à peine
avions-nous enfoncé l'extrémité du bistouri) à l'aide d'une liga¬
ture latérale; pour ce faire, nous avons saisi la plaie avec une
pince à forcipressure et nous avons lié au-dessous avec une
petite soie. Une fois cette ligature faite, la tension de la paroi
et le rétrécissement du calibre du vaisseau, augmentés par le
fait même du tiraillement de la paroi, étaient si intenses que le
courant sanguin n'a pas paru se rétablir au niveau du point
rétréci. — Cinq jours après le chien a eu une hémorrhagie
assez considérable par la plaie. Cette hémorrhagie a cédé, il
est vrai, grâce au tamponnement, et le chiena guéri sans autre
accident. Il n'en est pas moins vrai que le fil de soie a dû glisser, grâce à l'extrême tension de la paroi. De plus il est
à remarquer que dans ce cas le rétrécissement du calibre pouvait être extrêmement favorable à la production d'un
caillot par stase sanguine, et aussi d'une thrombose consé¬
cutive.
De plus si, pourfaire cette ligature latérale, on emploie le catgut, n'y a-t-il pas lieu de craindre que lecatgut se résorbe,
avant que le caillot soit assezrésistantpour opposer une bar¬
rière sérieuse à l'hémorrhagie? Certainement un très grand
nombre d'insuccès doivent être attribués selon nous à cette cause. En effet, si l'on considère les observations des premiers chirurgiens qui ont tenté la ligature latérale, ceux en un mot qui ont eu le plus d'insuccèson remarque que presquetoujours l'hémorrhagie secondaire survenait du cinquième au sixième jours ; durée juste suffisantepour que le catgut ait pu se résor¬
ber, avantque le caillot ait eu lui-même le temps de s'orga¬
niser d'une façon assez complète.
Enfin, si jusqu'alors on a eu tant de déboires en employant
cette méthode, c'est que certainement elle a été souvent em¬
ployée dans bien des cas où son emploi n'était pas justifié, ,
c'est-à-dire dans des cas où la plaie était trop vaste pour .
qu'elle puisse être efficacement fermée par la ligature.
Nicaise trouve son emploi légitime dans les plaies oceu-
— 20 —
pant environ le tiers de la circonférence de la veine, que la plaie soit longitudinale ou plus ou moins transversale. Certes
nous ne nions pas que dans beaucoup de cas, des plaies de
cette dimension, surtout dans des cas où les veines n'étaient pas très volumineuses, aient pu être réunies avecsuccès; mais
sur une grosse veine où le tiers de la circonférence, offre en
core une dimension relativement considérable, laréunion doit
offrir beaucoup de difficulté, et entraîner bien des déboires.
Que dirai-je alors des plaies régulières, offrant encore une
plus grande dimension une entaille de 0,01 centimètre par
exemple. Dans ce cas il ne faudra plus songer du tout à la ligature latérale. Celle-ci d'ailleurs serait bien difficile à exé¬
cuter au moment même del'accident;et deplusaurait-on réussi
au prix des plus grands effortsa enserrer la totalité de laplaie
dans une ligature serrée, on aurait encore à craindre un acci¬
dent presque inévitable dans ce cas, la chute du fil, ou peut-
être même, par suite de la tension extrême de la paroi, une déchirure de cette paroi.
De tout ceci, il résulte que la ligature latérale doit être évitée dans les plaies veineuses offrant une étendue de plus du
tiers de lacirconférencede la veine; que danscecas,elleexpose presque inévitablement â l'hémorragie secondaire par chute
du fil ; elle n'est absolument légitimeque dans les toutes petites plaies qui peuvent être pincées avec facilité, et qui peuvent être réunies sans diminuer trop considérablement le calibredu vaisseau et sans opérer une trop violente traction
surla paroi. Où elle est sans contredit, le meilleur procédé
c'est dansles cas de simple piqûre ; làil n'y a, pour ainsi dire
pas de froncement de laparoi; il n'ya pasà craindre de chute
du fil ; nul doute que ce soit dans ces cas que l'on a obtenu presquetous les succèssignalés.
Depuis les statistiques publiées dans la thèse de Nicaise et
— 21 —
dans le dictionnaire de Dechambre (article de René Duzea )
nous avons pu recueillir quelques observations où la ligature
latérale a été employé avec un plein succès; nous les don¬
nons ici, elles augmentent un peu le nombre des succès à
l'actif de la ligature latérale et montrent bien que lors qu'elle
est faite dans de bonnes conditions elleest sans danger et pré¬
senteau contraire de réels avantages.
OBSERVATION I (Résumée)
Ernest FRA.ZER— The Lancit 1893
Jeune fille anémique, 27 ans, rentreà Métropolitain-Hôpital,le27 mars.
Amas de ganglions de lagrosseurd'un petitœufde poule derrière lessterno- cleido-mastoïdien aux quels ils sont adhérents. Les ganglions menaçant de suppurer on se décide à les enlever.
Incision : les masses superficielles sont facilement énuclées,mais à
a partie interne la jugulaire externe fut entraînée, saisie et divisée lLorsqu'on enleva latumeuril yeut un flot de sang alarmant venantde la direction de la veine jugulaire interne. La veine fut saisie immédiate¬
ment avec une pince à forcipressure et l'hémorragie contrôlée, on com¬
prima alors au dessuset au dessous et la plaiefut examinée. On remarqua
uneincision d'environ un centimètre sur la veine dans une direction transversaledespinces furent placées de chaque côté de cette incision et uneligature latérale futappliquée très serrée avec une fortesoie.
Laplaie fut alors débarrassée de toute la masse ganglionnaire, asep¬
tisée et fermée, la malade étant mis au lit avec le cou dans un pansement aussi serré quepossible, fléchi et fixéentre descoussins de sable.
Laplaie fut réunie parpremière intention,les suturesenlevées au bout d'une semaine.
Le lendemain del'opération on avait noté quela pupille droite était
pluspetite que la gauche, puis unpeu plus tard un léger ptosis du côté droitqui était fonctionnel et secondaire à la contraction dela pupille.
L'application de laligature comprimait tant de tunique veineuse que le vaisseau devinttendu, etla traction marquée à telpointque la tête dût
être fléchieaussitôt que possible, procédé qui immédiatement diminua la tension.
Durant le séjour de ce malade h l'hôpital, il n'y a eu aucune- raison de supposer que la lumière du vaisseauavait été obturée.
Cette observation est intéressante àrapporter. En effet dans
ce cas il s'agissait d'une plaie considérable, un demi-pouce.
L'auteur indique bien que la tension fut extrême et qu'il fallut
absolument pour la diminuer fléchir la tête. Une excellente
pratique fut également faite : c'est l'immobilisation complète
du cou. En effet si ces sages mesures n'avaient pasété prises,
il est très probable, presque certain que le fil aurait glissé.
Du reste à la fin de son observation, M. Frazer, fait part des craintes qu'il a eu à ce sujet et rapporte une statistique de Walshamprise dans une note lue devant M. et Chir. Society
en 1888. « Dans cette note il est relaté 16 cas de ligature laté¬
rale des veines. Un des malades mourut de causes indépen¬
dantes do la plaie veineuse et trois d'hémorragie secondaire
par chute de la ligature ».
OBSELVATION II
Chavannaz. — Journal demédecine,Bordeaux, juin 1895
Le malade dont nous rapportonsici l'observation, était entré le 28 Mai dernier dans le service de M. le professeurDémons.
Agé de 43 ans, exerçantle métier de cultivateur,ses antécédentsétaient absolumentnuls et on ne trouvait en particulier chez lui aucune trace de tuberculose oude syphilis.
Cesujet jouissait doncd'une excellente santéquand, en 1893, il décou¬
vrit dansson aine droite une tumeur du volume d'une noisette et absolu¬
mentirréductible. A plusieurs reprises, depuis cette époque, le malade ressentit des coliquesassez vives accompagnées de vomissements.
Le 12 mai 1895, latumeur augmente brusquementde volume et prend
lesdimensions d'une grosse noix, enmêmetemps les douleurs intestinales deviennentplusvives.
Le médecin consulté prescrit le repos au lit avec applicationslocales d'onguent napolitain.
Au moment de l'entrée à l'hôpital,il existe dans l'aine droite une tu¬
meurdu volume d'une grosse noix, à grand axe parallèle à l'arcade de
Fallope. Les téguments glissent facilement sur la tumeur, qui est elle-
même fort mobile sur les plans profonds. Les doigts peuvent en quelque
sortel'embrasseret l'attirer en avant. Cependant, par une palpationatten¬
tive, M. leprofesseur Démons trouve une sorte de corde dure partant de
la grosseur etse prolongeant vers la fosse iliaque. Latumeurest mate à la percussion absolument irréductible, elle ne subitaucune modification dans la station debout, l'effort etlatoux. Dans son voisinage, existe un cha¬
pelet ganglionnaire pouvant trouver son origine dans l'irritation cutanée consécutive à l'applicationprolongée d'onguent napolitain.
M. leprofesseur Démons portele diagnostic d'épiplocèle adhérente et décide une intervention.
Le 30 mai, après les précautions d'usage, incision parallèle à l'arcade de Fallope. Les planssuperficiels franchis, ontombe sur une masse arron¬
die,jaune, brunâtre, qui présente les rapports de la hernie crurale com¬
mune. La tumeur, coupée Sur place, est formée d'une masse graisseuse
trèsdense,renfermant en son centre unecavité remplie de3 ou4grammes d'unliquide brun foncé. Cette cavité se continue avec un infundibulum extrêmementétroit, admettant unesonde cannelée, dont les parois pren¬
nent rapidementl'aspect du péritoine etau fond duquel on aperçoit avec
beaucoup de peine une toutepetite frange épiploique adhérente. Cepédi¬
cule estsectionné après ligatureen chaîne et la cure radicale decette her¬
nie cruraleest pratiquée.
Pendant la suture de l'aponévrose pectinéale à l'arcade, bien que tou¬
joursportéede dehors en dedans, l'aiguille de Reverdin perfore la veine fémorale: Une pinceestimmédiatement placée sur laperforation, qui est étreinte par une ligaturelatérale au catgutfin. Suture des plans superfi¬
ciels, pansement compressif.
Suitesopératoiresextrêmement simples,pas d'élévationdetempérature ; pas d'oedème du membreinférieur. Le malade quitte l'hôpital le 16juin.
Nous n'avons pas eu évidemment affaire ici à une hernie graisseuse, maisà un sac déshabité trausformé en pseudo-kysteet entouré d'un lipome herniaire, dont Ambroise Paré et Bernutz ontmontré l'importanceau point
de vuede la guérison spontanée des hernies.
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En ce qui concerne l'intervention, nous nous permettons d'insister sur la blessure de la veine fémorale. Cet accidentest arrivé également à M. le professeur Bergeret, de mêmeque dans notrecas, n'a été suivi d'aucune complication.
Cette questiondu traitement des plaiesdesgrosses veinesest, on le sait,
loin d'être résolue etdemande encore des documents. C'est surtout à ce
titre que nouspublions aujourd'huicette observation.
Laligature latérale doit probablement pouvoir en appeler de la con¬
damnation de Malgaigne et, à partle cas que nous rapportons ici, nous l'avons déjà vuréussir une autrefois entre les mains de M. le professeur Démons, pour une plaie de la jugulaire interne.
OBSERVATION III.(Communiquée par M. le D1' Binaud.)
M. Pierre, 43 ans, boulanger; se présente avec une adénitetubercu¬
leuse du creux axillaire gauche.
Comme antécédents personnels, a eu fièvre typhoïde à22 ans. Ses anté¬
cédents héréditaires se bornent â unepleurésie qu'eut sa mère à l'âge de
trente ans.
Il y a quinze mois, s'est aperçu qu'il avait une petitetumeur aumilieu
du creux de l'aisselle. Cetts tumeur de la grosseurd'unpois, était indolore
mais elle ne tarda pas à grossir et à devenir douloureuse. Depuis elle a
perdu sa mobilité sur les plans sous-jacents. Le malade a beaucoup mai¬
gri etprésentait surtout la nuit des sueurs profuses. Diarrhéeabondante.
Etatactuel. — La tumeur est très nette, mamelonnée. La peau est mobile surles tissus sous-jacents, sans coloration anormale. L'estimation de son volume est assez difficile, car la tumeurest applatiesur le thorax, s'enfonçantdans le creuxaxillaire, au-dessous du grand pectoral, de sor^e que ses limites sontassez indécises. La saillie principale se trouve sur le
côté du thorax aumilieu de l'espace compris entre le sommet de l'aisselle
etla ligne horizontalepassantpar les mamelons. L'état général du malade
est assez mauvais. Grand abattement. Appétit nul. Fièvre avec frissons,
sueurs^abondantes. Ladiarrhée persiste. Rien de particulier du côté de l'appareil respiratoire.
Opération le 16janvier1893. — Chloroforme. Antisepsie du champ opératoire. Serviettes phéniquées chaudes. Iucision verticale passant par lesommetde la tumeur. On dégage le centre de la tumeur qu'onsaisit