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La privation de liberté en procédure pénale suisse:buts et limites

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La privation de liberté en procédure pénale suisse:buts et limites

HOHL-CHIRAZI, Catherine Sevim

HOHL-CHIRAZI, Catherine Sevim. La privation de liberté en procédure pénale suisse:buts et limites . Genève : Schulthess, 2016, 503 p.

URN : urn:nbn:ch:unige-948138

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:94813

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:94813

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Catherine Hohl-Chirazi

La privation de liberté en procédure pénale suisse : buts et limites

C G

Collection Genevoise

C G

Collection Genevoise

C atherine Hohl-C hirazi La priv ation de liber té en procédure pénale suisse : buts et limit es

www.schulthess.com

L’unification de la procédure pénale par l’adoption du Code de procédure pénale suisse (CPP) entré en vigueur le 1er janvier 2011 a indéniablement constitué un progrès pour notre ordre juri- dique. D’un bout à l’autre de la Suisse, nous parlons désormais tous la même langue procédurale, ce qui garantit – du moins en théorie – à tous les justiciables du pays un traitement juri- dique identique. Il faut donc saluer ce travail magistral. Toutefois, immanquablement dans pareille entreprise, le diable se cache dans le détail.

Etude systématique et critique de la procédure pénale suisse en matière de privation de liberté, conduite à la lumière des déve- loppements récents de la jurisprudence du Tribunal fédéral et de la Cour européenne des droits de l’homme, mais aussi plus ponctuellement de la quasi-jurisprudence et des observations du Comité des droits de l’homme, cette thèse, qui constitue un véri- table précis du droit de la détention, révèle sur plusieurs points l’absence de conformité de notre CPP au droit international et la nécessité de certaines modifications législatives. Elle ouvre par ailleurs aux personnes privées de liberté des perspectives supplé- mentaires sous l’angle des droits qui leur reviennent.

ISBN 978-3-7255-8618-9

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La privation de liberté en procédure pénale suisse :

buts et limites

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Collection Genevoise

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Catherine Hohl-Chirazi

La privation de liberté en

procédure pénale suisse :

buts et limites

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Thèse n° 912 de la Faculté de droit de l’Université de Genève

La Faculté de droit autorise l’impression de la présente dissertation sans entendre émettre par là une opinion sur les propositions qui s’y trouvent énoncées.

Références à jour au 30 septembre 2016

ISBN 978-3-7255-8618-9

© Schulthess Médias Juridiques SA, Genève · Zurich · Bâle 2016 www.schulthess.com

Diffusion en France : Lextenso Éditions, 70, rue du Gouverneur Général Éboué, 92131 Issy-les-Moulineaux Cedex

www.lextenso-editions.com

Diffusion en Belgique et au Luxembourg : Patrimoine SPRL, Avenue Milcamps 119, B-1030 Bruxelles ; téléphone et télécopieur : +32 (0)2 736 68 47 ;

courriel : patrimoine@telenet.be

Tous droits réservés. Toute traduction, reproduction, représentation ou adaptation intégrale ou partielle de cette publication, par quelque procédé que ce soit (graphique, électronique ou mécanique, y compris photocopie et microfilm), et toutes formes d’enregistrement sont strictement interdites sans l’autorisation expresse et écrite de l’éditeur.

Information bibliographique de la Deutsche Nationalbibliothek : la Deutsche Nationalbi-

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A mon père

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Remerciements

Je remercie très sincèrement mes deux directeurs de thèse, le Pr Robert Roth et le Pr Bernhard Sträuli, qui d’emblée m’ont fait confiance et ont accompagné mes travaux de leurs regards critiques toujours bienveillants, si vifs et si stimulants. Leur maestria est pour moi un exemple.

Je remercie également vivement Mme Christine Chappuis, Doyenne de la Faculté de droit, qui m’a permis de conduire ces recherches à côté de mon activité d’avocate et m’a fait l’honneur de présider le jury de soutenance de thèse.

Naturellement, je remercie aussi le Pr Alain Macaluso et le Pr Yvan Jeanneret qui ont accepté de siéger dans ce jury et dont les remarques ont été source d’émulation.

Enfin, je remercie Stéphane Hohl, mon mari. Par son soutien tendre et constant, ses observations toujours pertinentes, il a contribué de manière essentielle à la réussite de mes travaux.

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Avant-Propos

La présente contribution est une étude critique de la procédure pénale suisse en matière privation de liberté1. Elle a été principalement conduite à la lumière des développements récents de la jurisprudence du Tribunal fédéral2, mais également de la jurisprudence de Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH) relative à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 19503 (CEDH)4. Plus ponctuellement, il a été fait référence à la quasi-jurisprudence et aux observations générales du Comité des droits de l’homme (CDH) à propos du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 19665 (Pacte ONU II)6. Ces conventions internationales et les décisions et observations qui en sont issues portent en effet un regard extérieur indispensable sur les systèmes nationaux.

A ce titre, elles sont une source d’émulation de notre droit. Nous avons donc choisi dans une première partie du présent travail de les présenter de manière aussi didactique que possible, pour ensuite nous y référer dans la deuxième partie consacrée à l’étude de la procédure pénale en matière de privation de liberté chaque fois qu’il nous est apparu qu’elles pouvaient l’éclairer utilement.

Genève, septembre 2016 Catherine Hohl-Chirazi

1 Font l’objet de la présente contribution, les mesures privatives de liberté selon le code de procédure pénale suisse (RS 312.0), à l’exclusion des mesures de contrainte privatives de liberté en matière de droit pénal des mineurs, d’entraide internationale en matière pénale et de droit des étrangers.

2 Publiée au 30 septembre 2016.

3 RS 0.101.

4 En vigueur pour la Suisse depuis le 28 novembre 1974.

5 RS 0.103.2.

6 En vigueur pour la Suisse depuis le 18 septembre 1992.

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Sommaire

Première Partie : Droit à la liberté et à la sûreté ... 15

I. Sources conventionnelles et constitutionnelles ... 17

II. Applicabilité directe des traités internationaux ... 21

III. Hiérarchie des sources ? ... 23

IV. Droits et garanties issus de la Convention européenne des droits de l’homme ... 25

A. Protection de droits concrets et effectifs et obligations positives de l’Etat ... 25

B. Droit à la liberté et à la sûreté ... 27

C. Conditions d’une privation de liberté admissible ... 45

D. Droits de toute personne arrêtée et détenue ... 67

E. Droits des personnes arrêtées en lien avec une infraction pénale (art. 5 § 3 CEDH) ... 88

V. Droits et garanties issus du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ... 109

A. Droit à la liberté et à la sûreté ... 111

B. Conditions de la privation de liberté ... 112

C. Notification des motifs de l’arrestation et des charges ... 114

D. Droit à l’assistance d’un avocat dès l’arrestation ... 115

E. Contrôle judiciaire de la détention du chef d’une infraction pénale... 116

F. Droit à la liberté des accusés et principe de la proportionnalité ... 118

G. Durée de la détention avant jugement et proportionnalité ... 119

H. Droit d’introduire un recours pour obtenir la libération ... 120

I. Droit à réparation en cas d’arrestation ou détention illégale ou arbitraire ... 121

Deuxième partie : Code de procédure pénale suisse ... 123

VI. Mandat de comparution ... 125

A. Définition ... 125

B. Mandats de comparution des tribunaux, du ministère public et des autorités pénales compétentes en matière de contraventions (art. 201 à 203 al. 1 et 205 CPP) ... 127

C. Auditions sans mandat de comparution (art. 203 al. 2 CPP) ... 134

D. Mandats de comparution décernés par la police (art. 206 CPP) ... 137

E. Convocation des personnes à l’étranger et sauf-conduit ... 138

VII. Mandat d’amener ... 144

A. Définition ... 144

B. Mesure privative ou restrictive de liberté ? ... 144

(12)

C. Compétence ... 145

D. Conditions ... 145

E. Forme et Contenu ... 148

F. Procédure ... 149

VIII. Appréhension ... 153

A. Mesure restrictive ou privative de liberté ? ... 153

B. Mesure de contrainte pénale ou administrative ? ... 155

C. Cadre de l’appréhension pénale (art. 215 et ss CPP) ... 158

D. Buts et limites de l’appréhension pénale ... 159

E. Durée de l’appréhension... 164

F. Droits de la personne appréhendée ... 164

IX. Arrestation ... 178

A. Mesure privative de liberté ... 178

B. Durée de l’arrestation provisoire ... 178

C. Conditions de l’arrestation ... 179

D. Recours à la force ? ... 180

E. Procédure d’arrestation provisoire ... 182

X. Détention provisoire ... 224

A. Définition ... 224

B. Principe ... 225

C. Mise en détention provisoire... 226

D. Prolongation de la détention provisoire ... 324

E. Libération de la détention provisoire ... 339

F. Recours ... 348

XI. Détention pour des motifs de sûreté ... 366

A. Mise en détention pour des motifs de sûreté ... 366

B. Prolongation de la détention pour des motifs de sûreté ... 393

C. Libération de la détention pour des motifs de sûreté ... 399

D. Détention de sûreté après condamnation exécutoire ... 405

E. Détention pour des motifs de sûreté en cas de procédure judiciaire ultérieure indépendante ... 408

XII. Mesures de substitution ... 411

A. Place des mesures de substitution dans le CPP : illogisme ou volonté de mise en exergue ? ... 411

B. Obligation positive des Etats ? ... 413

C. Critère de choix des mesures de substitution ... 415

D. Catalogue de mesures de substitution ... 417

E. Autres mesures de substitution envisageables ? ... 431

F. Prononcé judiciaire des mesures de substitution ... 436

G. Contrôle périodique des mesures de substitution ... 438

H. Surveillance électronique des mesures de substitution ... 439

I. Révision et révocation des mesures de substitution ... 440

(13)

J. Violation du principe de la célérité et conséquences ? ... 442 K. Imputation de la durée de la mesure de substitution sur la peine ? ... 442 XIII. Exécution de la détention ... 444

A. Exécution anticipée de peines ou mesures entraînant une privation de liberté ... 444 B. Conditions matérielles de l’exécution de la détention ... 449

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Liste des principales abréviations

AARP Arrêt de la Chambre pénale d’appel et de révision de la République et Canton de Genève

ACEDH Arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme

ACPR Arrêt de la Chambre pénale de recours de la République et Canton de Genève

AP-CPP Avant-projet d’un Code de procédure pénale suisse, Office fédéral de la justice, Berne, juin 2001

ATF Arrêt du Tribunal fédéral suisse

BSK Basler Kommentar

CAT Comité contre la torture des Nations Unies

CEDH Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (RS 0.101) CrEDH Cour européenne des droits de l’homme

CP Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (RS 311.0) CNPT Commission nationale de prévention de la torture CPP Code de procédure pénale suisse (RS 312.0)

CPT Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants

CR-CPP Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse Cst. féd. Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril

1999 (RS 101)

DUDH Déclaration universelle des droits de l’homme proclamée par l’Assemblée générale de l’ONU le 10 décembre 1948

FF Feuille fédérale

JdT Journal des Tribunaux

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Ndla Note de l’auteur

Message Message relatif à l’unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005 (FF 2006 1057)

OTMC Ordonnance du Tribunal des mesures de contrainte de la République et Canton de Genève

Pacte ONU II Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 (RS 0.103.2)

Rapport AP-CPP Rapport explicatif relatif à l’avant-projet d’un code de procédure pénale suisse, Office fédéral de la Justice, Berne, juin 2001

RS Recueil systématique

SJ Semaine judiciaire

TF Tribunal fédéral suisse

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Introduction

La privation de liberté n’est définie ni par la CEDH, ni par le Pacte ONU II. La CrEDH et le CDH statuent au cas par cas, en examinant des critères semblables, à savoir notamment le genre de la mesure, sa durée, ses effets et ses modalités7. L’intérêt de définir la privation de liberté, et dès lors de la distinguer de la restriction à la liberté de circuler librement, est lié aux droits reconnus au justiciable selon que la mesure ressort de l’une ou de l’autre de ces catégories. Le justiciable privé de sa liberté se verra en effet reconnaître des droits plus nombreux que celui qui est uniquement restreint dans sa liberté de mouvement, au nombre desquels le droit de demander sa mise en liberté.

L’importance et la difficulté à définir parfois les cas de privation de liberté trouvent une illustration récente avec la décision rendue en janvier 2016 par le Groupe de travail sur les détentions arbitraires du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies en application du Pacte ONU II. Le Groupe de travail sur les détentions arbitraires avait en effet été saisi d’un requête l’invitant à se pencher sur le cas de M. Julian ASSANGE, cofondateur de WikiLeaks, groupe d’action à l’origine de la diffusion publique massive d’informations sensibles détenues par les Etats-Unis, notamment. Objet d’un mandat d’arrêt européen émis par la Suède qui souhaitait l’entendre dans le cadre d’une enquête pour viol, M. Julian ASSANGE, après avoir été arrêté durant dix jours en 2010 puis assigné à résidence et astreint à certaines obligations (une surveillance électronique et une obligation de s’annoncer à la police notamment), avait librement décidé de trouver refuge auprès de l’Ambassade d’Equateur à Londres, laquelle à sa demande lui avait accordé un droit d’asile. Il refusait depuis lors d’en sortir, craignant que son arrestation à la demande de la Suède ne conduise in fine à son extradition de ce pays vers les Etats-Unis, où il alléguait risquer une persécution politique et des traitements inhumains et dégradants. Depuis le 19 juin 2012, il était ainsi demeuré confiné dans les locaux de l’Ambassade. Lorsque le Groupe de travail sur les détentions arbitraires avait eu à statuer, en janvier 2016, la première des questions à résoudre était ainsi de déterminer s’il y avait privation de liberté dans une telle situation. Le Royaume-Uni et la Suède, appelés à se prononcer, plaidaient que non : M. Julian ASSANGE était entré volontairement dans les locaux de l’Ambassade d’Equateur et pouvait les quitter librement à tout moment. Il n’était qu’un fugitif, qui utilisait les locaux de l’Ambassade pour échapper à une arrestation, au même titre que le ferait un fuyard sur le territoire d’un Etat qui refuserait de l’extrader. Il n’y avait pas de privation de

7 Cf. infra n° 40 et ss et n° 353 et ss.

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liberté dans un tel cas. Le Groupe de travail sur les détentions arbitraires a été d’un avis contraire. Les locaux de l’Ambassade étant l’objet d’une surveillance policière constante du Royaume-Uni, si M. Julian ASSANGE devait en sortir, il serait immédiatement arrêté. De fait, le mandat d’arrêt européen avait ainsi déployé ses effets. M. Julian ASSANGE était donc bien privé de sa liberté. Il devait dès lors se voir reconnaître les droits d’une personne privée de sa liberté, donc celui essentiel d’être mis en liberté, c’est-à-dire de pouvoir quitter les locaux de l’Ambassade sans être arrêté. Audacieuse et politique diront certains, objective et juridique diront d’autres, la décision du Groupe de travail sur les détentions arbitraires8 ne manque pas de faire réagir. Elle met en tout cas en lumière l’importance de définir les situations de privation de liberté, vu leur incidence sur les droits des personnes détenues.

Si l’on considère notre Code de procédure pénale9 (CPP), la question de savoir s’il y a une situation de privation de liberté, en amont de l’arrestation et de la mise en détention, provisoire ou pour des motifs de sûreté, a également un intérêt à l’heure de définir les droits de la personne visée par la mesure.

L’appréhension au sens des art. 215 et ss CPP10 constitue-t-elle par exemple toujours une privation de liberté comme son classement systématique au sein du chapitre 3 du CPP pourrait donner à le penser ? Si oui, pourquoi le CPP ne prévoit-il pas de droits pour la personne appréhendée, identiques à ceux de la personne arrêtée ?11 Par référence aux critères issus de la jurisprudence de la CrEDH, et du CDH également, il faut en tout cas reconnaître une privation de liberté lorsque la liberté de mouvement est entravée de manière coercitive (ainsi en cas de conduite au poste de police), indépendamment de la durée de la mesure. La personne appréhendée bénéficie dans ce cas des droits des personnes privées de liberté, dont notamment le droit d’être informé des motifs de la privation de liberté, le droit à un examen médical, le droit d’informer ses proches et le droit à l’assistance d’un avocat, lequel est considéré par le Comité européen pour la prévention de la Torture (CPT) comme un moyen de prévention des mauvais traitements.

Définir les buts de la privation de liberté, c’est aussi fixer quelles doivent être ses limites. Si le Pacte ONU II et la Constitution fédérale12 (Cst. féd.) n’offrent pas de définition précise des buts admissibles de la privation de liberté, se contentant de faire référence aux « motifs », respectivement aux

8 Que le Royaume-Uni a refusé d’exécuter au motif qu’elle ne constitue qu’une opinion non contraignante.

9 RS 312.0.

10 Cf. infra n° 505 et ss.

11 Cf. infra n° 552 et ss.

12 RS 101.

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« cas », « prévus par la loi », il n’en va pas de même de la CEDH. En son art. 5

§ 1, la CEDH pose clairement la règle : nul ne peut être privé de sa liberté sauf dans les cas exhaustivement énumérés en ses let. a à f. Il en résulte qu’une privation de liberté n’est admissible que si elle peut être justifiée par l’un de ces motifs. A défaut, elle est illégale. La protection de la sécurité et de l’ordre publics ne constituant pas en tant que tels des motifs autorisant la privation de liberté selon l’art. 5 § 1 let. a à f CEDH, la jurisprudence de la CrEDH a parfois, bien que de manière fluctuante, la tentation de prendre en considération le but de la mesure dans la définition de la privation de liberté, pour mieux nier celle-ci, par exemple parce que la mesure ordonnée est dans l’intérêt de la personne qu’elle vise ou dans l’intérêt de la collectivité.13 Cette tentation est dangereuse car elle est susceptible d’ouvrir la porte à des abus14, particulièrement en des époques troublées comme nous les vivons actuellement du fait des menaces terroristes. Le fait que les Etats, soucieux de respecter le droit et leurs obligations conventionnelles, aient recours dans de telles situations à l’état d’urgence prévu par les art. 15 CEDH pour priver de liberté en dehors des cas de figure limitativement autorisés de l’art. 5 § 1 let. a à f CEDH illustre d’ailleurs la nécessité qui existe probablement que l’art. 5 CEDH soit un jour complété, pour que les situations de privation de liberté exorbitantes à cette liste soient clairement réglementées et les droits des personnes qu’elles visent respectés.

Garder à l’esprit quels sont les buts qui autorisent la privation de liberté selon l’art. 5 § 1 let. a à f CEDH autorise un regard critique sur notre CPP et la jurisprudence du Tribunal fédéral à son sujet. Que penser en effet de l’art. 231 al. 2 CPP qui permet le maintien en détention d’une personne acquittée ? Si l’on considère l’art. 5 § 1 let. a CEDH qui n’autorise, après jugement, le maintien en détention que des personnes condamnées, la disposition n’est à notre sens pas conforme à la CEDH.15 Quant au maintien en détention de la personne mise en liberté par le tribunal des mesures de contrainte du fait du droit de recours que le Tribunal fédéral a reconnu au ministère public, ne contrevient-il pas à l’art. 5 § 1 let. c et § 3 CEDH qui exige que le juge qui contrôle la légalité de la détention dispose du pouvoir d’élargir effectivement le prévenu s’il considère que la détention n’est pas justifiée ? A notre sens tel est le cas.16 Si dans ce cas de figure, le tribunal des mesures de contrainte ne dispose pas des qualités requises par les art. 5 § 1 let. c et § 3 CEDH, c’est l’autorité statuant sur le recours du ministère public qui doit alors se les voir

13 Cf. infra n° 56 et ss.

14 Cf. infra n° 63 et ss.

15 Cf. infra n° 1069 et ss.

16 Cf. infra n° 1015.

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reconnaître. Si tel est le cas, cela met toutefois en lumière un autre problème juridique : la nécessité selon l’art. 5 § 3 CEDH que le contrôle de la légalité de la détention intervienne « aussitôt ».17 Or, le contrôle de la légalité de la détention sur recours interviendra rarement dans les délais prescrits par la jurisprudence de la CrEDH, en principe de nonante-six heures au maximum dès le début de la privation de liberté. La détention sera donc dans ces cas de figure systématiquement illégale au-delà de ce délai. Ce qui précède souligne encore si besoin était la contravention de l’art. 231 al. 2 CPP à la CEDH et aux buts et limites qu’elle fixe.

Conformément à la jurisprudence de la CrEDH, les Etats ont non seulement l’obligation de ne pas porter d’atteinte illégale, non justifiée et excessive aux droits de leurs justiciables, mais également des obligations positives envers eux, issues de l’art. 1 CEDH.18 Les droits que protège la CEDH sont en effet non pas théoriques et illusoires, mais concrets et effectifs. La CrEDH a ainsi notamment reconnu que la première phrase de l’art. 5 § 1 CEDH doit être comprise comme imposant aux Etats l’obligation positive de protéger la liberté de leurs ressortissants, ce qui implique qu’ils sont tenus de prendre des mesures de protection effectives de leur liberté19. Ces mesures positives peuvent induire pour l’Etat d’avoir à légiférer, mais également à effectuer des actes matériels.

Les art. 237 et ss CPP qui imposent de renoncer à la détention lorsque des mesures de substitution permettent d’atteindre le même but que celle-ci constituent une mesure prise par l’Etat pour protéger la liberté de ses ressortissants. La question se pose toutefois de savoir si, à défaut que l’Etat n’accompagne sa loi d’actes matériels, la seule adoption des art. 237 et ss CPP suffit à respecter l’obligation positive à la charge de l’Etat.20 A cet égard, dès 2011, le Tribunal fédéral a rappelé aux cantons leur obligation de s’équiper de bracelets électroniques pour permettre la mise en œuvre de la mesure prévue par l’art. 237 al. 3 CPP21. L’inertie depuis lors des autorités à les utiliser pour permettre des mises en liberté, tout comme par exemple l’absence de planification de lieux de vie alternatifs à la prison permettant des assignations à résidence pour des personnes sans attaches en Suisse, questionne toutefois le respect de ses obligations positives par l’Etat. C’est particulièrement vrai si l’on considère l’état de surpopulation des prisons et les conditions de détention souvent inhumaines et dégradantes que cela induit. Tant la CrEDH

17 Cf. infra n° 1015.

18 Cf. infra n° 16 et ss.

19 ACEDH STORCK c. Allemagne du 19 septembre 2005 §101 et 102.

20 Cf. infra n° 1175 et ss.

21 TF 1B_447/2011 du 21 septembre 2011 c. 3.3.

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dans sa jurisprudence22, que les Recommandations européennes23, invitent en effet les Etats, lorsqu’ils ne sont pas en mesure de garantir des conditions de détention conformes à l’art. 3 CEDH à agir de sorte à réduire le nombre de personnes incarcérées, notamment en réduisant le recours à la détention provisoire et pour ce faire à inciter les procureurs et les juges à recourir aussi largement que possible aux mesures alternatives à la détention.

22 ACEDH TORREGGIANI et autres c. Italie du 8 janvier 2013 § 94 et 95.

23 Rec(2006)13.

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Première Partie :

Droit à la liberté et à la sûreté

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(25)

I. Sources conventionnelles et constitutionnelles

En Suisse, le droit à la liberté et son corollaire, le droit à la protection contre les arrestations et détentions injustifiées, sont essentiellement garantis par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 195024 (CEDH)25, par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 196626 (Pacte ONU II)27, ainsi que par la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) proclamée par l’Assemblée générale de l’ONU le 10 décembre 1948, la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 199928 (Cst. féd.) et enfin les constitutions cantonales29.

Depuis sa ratification, l’art. 5 CEDH est la source principale de protection du droit à la liberté personnelle contre les arrestations et détentions injustifiées.30 Sa teneur est la suivante :

« Art. 5 Droit à la liberté et à la sûreté

1 Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :

a) S’il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent ; b) S’il a fait l’objet d’une arrestation ou d’une détention régulières pour

insoumission à une ordonnance rendue, conformément à la loi, par un tribunal ou en vue de garantir l’exécution d’une obligation prescrite par la loi ;

c) S’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci ;

24 RS 0.101.

25 En vigueur pour la Suisse depuis le 28 novembre 1974.

26 RS 0.103.2.

27 En vigueur pour la Suisse depuis le 18 septembre 1992.

28 RS 101.

29 A Genève, par exemple, le droit à la liberté personnelle est ancré à l’art. 20 de la Constitution de la République et Canton de Genève du 14 octobre 2012 (RS/GE A 2 00).

30 Andreas AUER, Giorgio MALINVERNI, Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, Les droits fondamentaux, 3ème édition, Berne, 2013, p. 160, ch. 346.

1

2

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d) S’il s’agit de la détention régulière d’un mineur, décidée pour son éducation surveillée ou de sa détention régulière, afin de le traduire devant l’autorité compétente ;

e) S’il s’agit de la détention régulière d’une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d’un aliéné, d’un alcoolique, d’un toxicomane ou d’un vagabond ;

f) S’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulière d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours.

2 Toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu’elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle.

3 Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1.c) du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l’intéressé à l’audience.

4 Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.

5 Toute personne victime d’une arrestation ou d’une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation. »

Le Pacte ONU II protège également le droit à la liberté et à la sécurité. Son art. 9 offre des garanties similaires à celles de l’art. 5 CEDH tant au regard des conditions auxquelles la privation de liberté est admissible que des droits accordés à la personne privée de sa liberté.31 Sur certains points, les deux conventions comportent toutefois des différences qui ne sont pas insignifiantes. Ainsi, contrairement à l’art. 5 CEDH, l’art. 9 du Pacte ONU II n’énumère pas les motifs qui autorisent à priver une personne de sa liberté.

Par ailleurs, certains droits dont bénéficie la personne arrêtée ou détenue sont plus précisément protégés par le Pacte ONU II que la CEDH32.

31 Jacques VELU, Rusen ERGEC, Convention européenne des droits de l’homme, 2ème édition par Rusen ERGEC, Bruxelles, 2014, p. 307, ch. 294.

32 VELU, ERGEC, op. cit., 2014, p. 309, ch. 298 ; cf. infra n °359 et ss et 367 et ss, par exemple.

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Le texte de l’art. 9 du Pacte ONU II est le suivant :

« Art. 9

1 Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraires. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n’est pour des motifs et conformément à la procédure prévus par la loi.

2 Tout individu arrêté sera informé, au moment de son arrestation, des raisons de cette arrestation et recevra notification, dans le plus court délai, de toute accusation portée contre lui.

3 Tout individu arrêté ou détenu du chef d’une infraction pénale sera traduit dans le plus court délai devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires, et devra être jugé dans un délai raisonnable ou libéré. La détention de personnes qui attendent de passer en jugement ne doit pas être de règle, mais la mise en liberté peut être subordonnée à des garanties assurant la comparution de l’intéressé à l’audience, à tous les autres actes de la procédure et, le cas échéant, pour l’exécution du jugement.

4 Quiconque se trouve privé de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal afin que celui statue sans délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.

5 Tout individu victime d’arrestation ou de détention illégale a droit à réparation. »

La DUDH a quant à elle surtout une portée déclarative emblématique. Ses art. 3 et 9 qui proclament respectivement que « tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne » et que « nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ni exilé » n’ont donc pas de portée juridique obligatoire33, même si d’aucuns considèrent que la DUDH revêt un statut de règles coutumières de droit international, voire de « principes généraux de droits reconnus par les nations civilisées ».34

La Constitution fédérale (Cst. féd.) garantit elle aussi le droit à la liberté personnelle et en particulier celui d’aller et de venir librement. Son art. 10 al. 2, qui lui est dédié, est libellé comme suit :

« Tout être humain a droit à la liberté personnelle, notamment à l’intégrité physique et psychique et à la liberté de mouvement. »

33 Damien SCALIA, Des droits des prisonniers aux devoirs des Etats, 2015, p. 15, ch. 15.

34 Marc VERDUSSEN, La déclaration universelle des droits de l’homme, in Introduction aux droits de l’homme, sous la direction de Maya HERTIG RANDALL et Michel HOTTELIER, Genève, 2014, p. 232 ; Damien SCALIA, op. cit., 2015, p. 15, ch. 21.

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Son corollaire, le droit à la protection de la liberté contre l’arbitraire est quant à lui ancré à l’art. 31 Cst. féd. qui a été rédigé sur le modèle de l’art. 5 CEDH35. Sa teneur est la suivante :

«Art. 31 Privation de liberté

1 Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n’est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu’elle prescrit.

2 Toute personne qui se voit privée de sa liberté a le droit d’être aussitôt informée, dans une langue qu’elle comprend, des raisons de cette privation et des droits qui sont les siens. Elle doit être mise en état de faire valoir ses droits. Elle a notamment le droit de faire informer ses proches.

3 Toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d’être aussitôt traduite devant un ou une juge, qui prononce le maintien de la détention ou la libération. Elle a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable.

4 Toute personne qui se voit privée de sa liberté sans qu’un tribunal l’ait ordonné a le droit, en tout temps, de saisir le tribunal. Celui-ci statue dans les plus brefs délais sur la légalité de cette privation. »

35 AUER, MALINVERNI, HOTTELIER, op. cit., vol. II, 2013, p. 160, ch. 346.

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II. Applicabilité directe des traités internationaux

En Suisse, dès leur entrée en vigueur, les traités internationaux sont incorporés au droit interne et en font partie intégrante36. Leur validité est donc immédiate.

L’art. 190 Cst. féd. indique ainsi que le Tribunal fédéral et les autres autorités sont tenus d’appliquer les lois fédérales et le droit international.37

La question de l’applicabilité directe des dispositions d’un traité international est cependant distincte de celle de sa validité. Pour être directement applicable une disposition contenue dans un traité international doit avoir un contenu suffisamment clair et précis de sorte à respecter le principe de la légalité38 et servir de fondement à une décision.39 Elle doit en d’autres termes conférer par elle-même au particulier des droits et obligations dont il peut se prévaloir devant les autorités de l’Etat où cette règle est en vigueur40.

A contrario, une disposition d’un traité n’est pas directement applicable si elle ne règle une matière que dans ses grandes lignes à charge pour les Etats parties d’adopter les règles de droit interne correspondant aux engagements internationaux ainsi souscrits. Elle ne pourra donc devenir applicable en droit Suisse qu’après avoir été concrétisée et précisée par le législateur national.41

Les art. 5 CEDH42 et 9 Pacte ONU II, dont les textes sont suffisamment clairs et précis pour conférer par eux-mêmes des droits aux particuliers susceptibles d’être invoqués devant les autorités administratives et judiciaires et fonder une décision dans un cas d’espèce sont ainsi d’application directe.

36 FF 1974 I 1027 ; ATF 130 I 312 c. 4.1 ; David SZYMCZAK, Droits de l’homme et droit national, in Introduction aux droits de l’homme, sous la direction de Maya HERTIG RANDALL et Michel HOTTELIER, Genève, 2014, p. 130.

37 Andreas AUER, Giorgio MALINVERNI, Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. I, L’Etat, Berne, 3ème édition, 2013, p. 456, ch. 1344 ; Jean-François AUBERT, Pascal MAHON, Petit Commentaire de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999, Zürich, Bâle, Genève, 2003, p. 1454, ch. 4.

38 ATF 139 I 16 c. 4.3.2 = JdT 2013 I 167.

39 ATF 124 III 90 c. 3 a).

40 AUER, MALINVERNI, HOTTELIER, op. cit., vol. I, 2013, p. 464, ch. 1361.

41 ATF 119 V 171 c. 4b).

42 David SZYMCZAK, Droits de l’homme et droit national, in Introduction aux droits de l’homme, sous la direction de Maya HERTIG RANDALL et Michel HOTTELIER, Genève, 2014, p. 131.

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Les particuliers peuvent les invoquer devant les autorités administratives ou judiciaires du pays.43

43 Gérard PIQUEREZ, Alain MACALUSO, avec la collaboration de Laurence PIQUEREZ, Procédure pénale suisse, 3ème édition entièrement refondue et mise à jour en référence au CPP suisse, 2011, p. 87, ch. 266.

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III. Hiérarchie des sources ?

L’art. 5 al. 4 de la Cst. féd. stipule que : « la Confédération et les cantons respectent le droit international ». De la sorte, il rappelle le principe de la primauté du droit international sur le droit national,44 dont le fondement est l’engagement des Etats d’appliquer de bonne foi les engagements qu’ils ont souscrits (pacta sunt servanda) et l’interdiction qui leur est faite d’invoquer le droit interne pour justifier leur inobservation.45

Dès lors, si un conflit se révèle entre une norme de droit international et une loi fédérale46, celle-ci doit être interprétée de sorte à être en harmonie avec le droit international47 (principe dit de l’interprétation conforme).

Si le conflit ne peut pas être réglé par ce biais, l’autorité judiciaire ou administrative appliquera le principe de la supériorité des traités sur les lois fédérales, que celles-ci soient antérieures ou postérieures48. Cela signifie que les lois fédérales qui contreviennent à des dispositions directement applicables des traités internationaux ne sont pas appliquées49 même si leur lettre est claire, en particulier quand la règle internationale tend à la protection des droits de l’homme.50

La question peut paraître se poser en des termes différents en cas de conflit entre les traités internationaux et la Constitution fédérale. La Suisse est toutefois tenue par ses engagements internationaux et dans cette mesure sa Constitution doit respecter le droit international et en toute hypothèse ses

44 PIQUEREZ, MACALUSO, op. cit., 2011, p. 87, ch. 266 ; HOTTELIER Michel, La CEDH et les règles suisses de procédure – aspects historiques et développements récents, in Revue jurassienne de jurisprudence, 1/2005, p. 28, cf. également p. 31.

45 AUER, MALINVERNI, HOTTELIER, op. cit., vol. I, 2013, p. 456, ch. 1345 qui renvoient aux art. 26 et 27 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités, en vigueur pour la Suisse depuis le 6 juin 1990 (RS 0.111).

46 Etant précisé que les traités internationaux priment sur le droit cantonal et intercantonal, ainsi que sur les ordonnances du Conseil fédéral ; cf. AUER, MALINVERNI, HOTTELIER, op. cit., vol. I, 2013, p. 457, ch. 1348.

47 AUER, MALINVERNI, HOTTELIER, op. cit., vol. I, 2013, p. 458, ch. 1349 ; ATF 135 II 243 c. 3.1.

48 ATF 139 I 16 c. 5.1 = JdT 2013 I 167.

49 AUER, MALINVERNI, HOTTELIER, op. cit., vol. I, 2013, p. 460, ch. 1354 ; ATF 139 I 16 c. 5.1 = JdT 2013 I 167.

50 ATF 139 I 16 c. 5.1 = JdT 2013 I 167 ; ATF 125 II 417 c. 4 d.

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règles impératives (jus cogens) et les droits de l’homme.51 La Constitution fédérale le stipule d’ailleurs elle-même. L’art. 193 al. 4 Cst. féd. rappelle en effet que « les règles impératives du droit international ne doivent pas être violées » en cas de révision totale. Il en va de même en cas de révision partielle selon l’art. 194 al. 2 Cst. féd. L’art. 139 al. 3 Cst. féd. précise quant à lui que les initiatives populaires doivent également ne pas contrevenir aux règles impératives du droit international, sous peine que l’Assemblée fédérale ne les déclare nulles.

51 ATF 139 I 16 c. 5.1 = JdT 2013 I 167 ; AUER, MALINVERNI, HOTTELIER, op. cit., vol. I, 2013, p.

458, ch. 1352 et ss ; Nathanaël PETERMANN, Les obligations positives de l’Etat dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, Théorie, incidences législatives et mise en œuvre en droit suisse, Berne, 2014, p. 22, et les références citées.

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IV. Droits et garanties issus de la Convention européenne des droits de l’homme

A. Protection de droits concrets et effectifs et obligations positives de l’Etat

De jurisprudence constante, la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) a pour but de protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs.52 A teneur de l’art. 1 CEDH, les parties contractantes reconnaissent en effet à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis par la Convention.

Sur ce fondement, les Etats parties à la CEDH ont ainsi non seulement l’obligation de s’abstenir de toute ingérence injustifiée dans les droits et libertés garantis par la CEDH, mais également l’obligation positive d’adopter des mesures adéquates pour protéger les droits des justiciables.53

En matière de droit à la liberté et de détention, la Cour européenne des droits de l’Homme (CrEDH) a reconnu une obligation positive des Etats dans l’arrêt STORCK contre Allemagne du 16 juin 200554 :

« Selon la jurisprudence constante de la Cour, la responsabilité d’un Etat se trouve engagée quand la violation de l’un des droits et libertés définis dans la Convention dérive d’une infraction à l’art. 1, aux termes duquel il les reconnaît dans son droit interne à toute personne relevant de sa juridiction (…).

Eu égard à ces principes, la Cour considère que la première phrase de l’art. 5, § 1 de la Convention doit elle aussi être comprise comme imposant à l’Etat l’obligation positive de protéger la liberté de ses ressortissants. Conclure que tel ne serait pas le cas serait non seulement en contradiction avec la jurisprudence de la Cour, notamment sous l’angle des art. 2, 3 et 8 de la Convention, mais aussi créerait une lacune assez grande

52 ACEDH AIREY c. Irlande du 9 octobre 1979 § 24.

53 Frédéric SUDRE, Jean-Pierre MARGUENAUD, Joël ANDRIANTSIMBAZOVINA, Adeline GOUTTENOIRE, Gérard GONZALEZ, Laure MILANO, Hélène SURREL, avec la collaboration de Fabian MARCHANDIER et Caroline PICHERAL, Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, 7ème édition mise à jour, 2015, p. 22 ; Nathanaël PETERMANN, Les obligations positives de l’Etat dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, Théorie, incidences législatives et mise en œuvre en droit suisse, Berne, 2014, p. 31, 37 et 98 ; cf. également Nathanaël PETERMANN, Obligations positives de l’Etat fondées sur la Convention européenne des droits de l’homme, point de vue du praticien, in Revue de l’avocat, 11/12/2015, p. 475.

54 ACEDH STORCK c. Allemagne du 16 juin 2005 § 100 et ss, notamment 102.

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dans la protection contre la détention arbitraire, ce qui ne cadrerait pas avec l’importance que revêt la liberté individuelle dans une société démocratique. »

L’obligation positive de l’Etat de protéger de manière effective et efficace les droits garantis par la CEDH lui impose d’adopter toutes les mesures nécessaires à cette fin. Celles-ci peuvent être tant d’ordre normatif que matériel.55 Conformément à la jurisprudence de la CrEDH, l’ingérence

« passive » de l’Etat peut en effet résulter tant d’un obstacle de fait que d’un obstacle juridique.56

Par le biais des « obligations positives », c’est donc l’inertie des pouvoirs publics – quelle que soit l’autorité en cause (législative, gouvernementale, administrative, juridictionnelle) – qui est susceptible d’être sanctionnée.57

Le contrôle juridictionnel des obligations positives à la charge des Etats s’effectue essentiellement en application du principe de proportionnalité.58 « Le contrôle du respect de la proportionnalité en matière d’obligations positives visera à déterminer si l’Etat n’a pas été excessif dans son inaction ou trop lâche dans l’adoption des mesures protectrices attendues. Le contrôle de la proportionnalité s’effectue par la comparaison entre la mesure attendue (déterminée selon une norme de référence de manière abstraite) et celle mise en œuvre – ou pas – par l’Etat dans une situation concrète. »59 L’arrêt BRAND c. Pays-Bas du 10 novembre 2004 constitue un exemple intéressant du contrôle des obligations positives de l’Etat découlant du droit à la liberté garanti par l’art. 5 CEDH.

Après avoir procédé à une pesée des intérêts en présence60, la CrEDH a constaté une violation de l’art. 5 § 1 CEDH à la charge d’un Etat qui avait détenu pendant six mois en prison un condamné alors que le jugement rendu imposait qu’il soit détenu dans une clinique pénitentiaire. Si la CrEDH a reconnu que pour des motifs liés à une gestion publique efficace il pouvait

55 SUDRE, op. cit., 2015, p. 23 et 24 ; cf. également Nathanaël PETERMANN, Les obligations positives de l’Etat dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, Théorie, incidences législatives et mise en œuvre en droit suisse, Berne, 2014, p. 97.

56 ACEDH AIREY c. Irlande du 9 octobre 1979 § 25 : « Un obstacle de fait peut enfreindre la Convention à l’égal d’un obstacle juridique. ».

57 SUDRE, op. cit., 2015, p. 24.

58 Nathanaël PETERMANN, Les obligations positives de l’Etat dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, Théorie, incidences législatives et mise en œuvre en droit suisse, Berne, 2014, p. 158 et ss et 181 et ss.

59 Nathanaël PETERMANN, Les obligations positives de l’Etat dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, Théorie, incidences législatives et mise en œuvre en droit suisse, Berne, 2014, p. 181, et les références citées.

60 ACEDH BRAND c. Pays-Bas du 10 novembre 2004 § 65.

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exister une certaine friction entre les places disponibles et nécessaires dans les cliniques pénitentiaires, ce qui était inévitable et devait être acceptable61, l’importance du délai (six mois) pour que le condamné puisse être effectivement admis dans une clinique pénitentiaire ne l’était par contre pas.

Un tel délai avant que le détenu puisse être pris en charge affectait manifestement l’efficacité du traitement, vu la durée pour laquelle il avait été ordonné, et augmentait les chances qu’il doive être prolongé.62

Dès lors que le problème trouvait sa source dans un manque structurel de places dans les cliniques pénitentiaires de l’Etat concerné qui avait été identifié déjà près de dix ans auparavant, il ne s’agissait pas d’une situation exceptionnelle et imprévisible. Un délai de six mois avant que le condamné ne soit admis dans une clinique pénitentiaire correspondant au lieu de détention ordonné dans son jugement n’était, dans ces circonstances, pas acceptable :

« The Court cannot find that, in the circumstances of the present case, a reasonable balance was struck. Bearing in mind that the problem of the structural lack of capacity in custodial clinics had been identified by the Netherlands authorities as early as 1986, and having found no indication in the instant case that, at the material time, the authorities were faced with an exceptional and unforeseen situation, the Court is the opinion that even a delay of six month in the admission of a person to a custodial clinic cannot be regarded as acceptable. To hold otherwise would entail a serious weakening of the fundamental right to liberty to the detriment of the person concerned and thus impair the very essence of the right protected by article 5 of the Convention. »63

B. Droit à la liberté et à la sûreté

Selon l’art. 5 § 1, 1ère phase, CEDH : « Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté ». Cette disposition consacre le droit fondamental de l’être humain à être protégé contre les atteintes arbitraires de l’Etat64 à son droit à la liberté.65

En proclamant le droit à la « liberté », l’art. 5 § 1, 1ère phrase, CEDH vise la liberté individuelle dans son acception classique, c’est-à-dire la liberté

61 ACEDH BRAND c. Pays-Bas du 10 novembre 2004 § 65.

62 ACEDH BRAND c. Pays-Bas du 10 novembre 2004 § 65.

63 ACEDH BRAND c. Pays-Bas du 10 novembre 2004 § 66.

64 Que l’Etat commette une ingérence active ou passive, directe ou indirecte (i.e. liée à l’effet horizontal de la CEDH) ; cf. à ce sujet SUDRE, op. cit. 2015, p. 31 et ss.

65 ACEDH NADA c. Suisse du 12 septembre 2012 § 224 ; ACEDH JAMES, WELLS et LEE c. Royaume- Uni du 18 septembre 2012 § 187.

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physique de la personne d’aller et venir. Il a pour but d’assurer que nul n’en soit dépouillé de manière arbitraire.66

Le droit à la « sûreté » garanti par l’art. 5 § 1, 1ère phrase, CEDH n’a pas ici un sens indépendant de celui du mot « liberté ».67 L’expression le « droit à la liberté et à la sûreté » doit être entendue comme un tout. « Si le droit à la liberté garantit la personne contre l’arrestation ou la détention, le droit à la sûreté la protège contre les ingérences arbitraires de l’autorité publique dans cette liberté ».68 Le droit à la sûreté constitue en effet le fondement de l’exigence selon laquelle toute privation de liberté doit se conformer à la loi et en particulier au principe de la sécurité juridique.69

L’art. 5 § 1, 1ère phrase, CEDH confère le droit à la liberté et à la sûreté à

« toute personne », c’est-à-dire à toute personne physique, peu importe son âge.70 La garantie s’étend donc aussi bien aux mineurs71, qu’aux adultes. Elle vaut par ailleurs tant pour les personnes en liberté que pour celles qui sont détenues.

En effet, « Tout individu, en liberté ou détenu, a droit à sa protection, c’est-à-dire à ne pas être ou rester privé de sa liberté, sauf dans le respect des exigences du paragraphe 1 (5-1) et s’il se voit arrêté ou détenu, à bénéficier des diverses garanties des paragraphes 2 à 5 (art. 5-2, art. 5-3, art. 5-4, art. 5-5) dans la mesure où elles entrent en ligne de compte.» 72

Dans le cas de personnes détenues la garantie revêt ainsi la dimension du droit à la mise en liberté. Les personnes emprisonnées, quelle que soit la souplesse du régime de détention, ne sont en effet pas en liberté. Il en résulte d’ailleurs que les mesures disciplinaires dont elles feraient l’objet ne sauraient constituer une privation de liberté.73 C’est sous réserve qu’à l’instar des mesures disciplinaires susceptibles de viser les militaires, les restrictions

66 ACEDH ENGEL et autres c. Pays-Bas du 8 juin 1976 § 58.

67 Christoph GRABENWARTER, European Convention on Human Rights, Commentary, 2014, p. 64, ch. 3 ; Emmanuel DECAUX, Pierre-Henri IMBERT, sous la direction de Louis-Edmond PETTITI, La Convention européenne des droits de l’Homme, Commentaire article par article, 2ème édition, 1999, p. 190.

68 VELU, ERGEC, op. cit., 2014, p. 310, ch. 301.

69 GRABENWARTER, op. cit., 2014, p. 64, ch. 3.

70 GRABENWARTER, op. cit., 2014, p. 64, ch. 3.

71 ACEDH NIELSEN c. Danemark du 29 novembre 1988 § 58.

72 ACEDH WEEKS c. Royaume-Uni du 2 mars 1987 § 40.

73 VELU, ERGEC, op. cit., 2014, p. 313, ch. 33.

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qu’elles comportent s’écartent nettement des conditions normales de la vie en détention selon le régime ordinaire.74

Pour déterminer si l’art. 5 CEDH s’applique, la notion de privation de liberté est centrale. La jurisprudence de la CrEDH n’en offre aucune définition générale. Si elle préfère une approche au cas par cas, à la lumière de certains critères formulés au travers des cas d’espèce, elle a néanmoins circonscrit la privation de liberté comme comportant un aspect objectif et un aspect subjectif.75

1. Aspect subjectif

S’il est acquis que l’absence de consentement valable à la privation de liberté consacre celle-ci, la question est alors de savoir si le consentement de l’individu à la privation de liberté la soustrait du champ d’application de l’art. 5 CEDH.

A l’occasion de l’arrêt des vagabonds DE WILDE, OOMS et VERSYP76, la CrEDH a répondu par la négative :

« Le droit à la liberté revêt une trop grande importance dans une société démocratique au sens de la Convention, pour qu’une personne perde le bénéfice de la protection de celle-ci du seul fait qu’elle se constitue prisonnière. Une détention pourrait enfreindre l’art. 5 quand bien même l’individu dont il s’agit l’aurait acceptée. Dans une matière qui relève de l’ordre public au sein du Conseil de l’Europe, un contrôle scrupuleux, de la part des organes de la Convention, de toute mesure pouvant porter atteinte aux droits et libertés garantis, est commandé dans tous les cas. »

Dans cette affaire, la CrEDH avait considéré que le consentement implicite à l’internement avait pu être inspiré par la détresse ou une misère passagère77.

74 VELU, ERGEC, op. cit., 2014, p. 313, ch. 304.

75 ACEDH STORCK c. Allemagne du 16 juin 2005 § 74.

76 ACEDH DE WILDE, OOMS et VERSYP c. Belgique du 18 juin 1971 § 65.

77 M. Jacques DE WILDE avait passé une grande partie de son enfance dans des orphelinats. Adulte, il s’était engagé dans la Légion Etrangère. Devenu invalide, il percevait à ce titre une rente et exerçait à l’occasion le métier d’ouvrier agricole. Un matin d’avril, il s’était présenté à la police où il avait déclaré avoir cherché en vain du travail et n’avoir ni toit ni argent. La police avait considéré qu’il se trouvait en état de vagabondage. Il avait été privé de sa liberté de ce fait durant près de sept mois.

M. Franz OOMS avait quant à lui demandé à être placé comme vagabond à moins qu’un service social ne lui trouve une occupation où il pourrait être logé et nourri en attendant un travail régulier.

Il avait de ce fait été interné dans une maison de refuge. Lorsqu’il avait demandé à en sortir, sa 31

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En toute hypothèse, dans la mesure où elle avait joué un rôle, la volonté des intéressés ne pouvait ni « effacer ni masquer le caractère impératif et non contractuel des décisions incriminées ».78

Le droit à la liberté et à la sûreté constitue ainsi un bien juridique si précieux que la CEDH le soustrait à la libre disposition de ses titulaires. Quand bien même des adultes capables de discernement consentent à être privés de liberté, les tribunaux sont habilités à examiner si cette privation de liberté est légitime au regard de l’art. 5 CEDH.

Ce principe a été clairement réaffirmé à l’occasion de l’arrêt STORCK c.

Allemagne79. Mlle STORCK était majeure et n’était pas sous tutelle au moment où elle avait été admise en clinique psychiatrique. Elle était donc capable de consentir ou s’opposer à son admission et à son traitement.80 Malgré cela, la CrEDH réitère que : « Le droit à la liberté revêt une trop grande importance dans une société démocratique pour qu’une personne perde le bénéfice de la protection de la convention du seul fait qu’elle accepte d’être internée. »

Quant à la question du consentement à la privation de liberté de mineurs, elle s’est posée à la CrEDH à l’occasion d’un arrêt NIELSEN c. Danemark du 28 novembre 198881. Par cet arrêt, qui donnera lieu à plusieurs opinions

demande avait été jugée prématurée. D’un incident procédural à un autre, il demeura détenu pendant un an.

Quant à M. Edgar VERSYP, il s’était présenté à la police porteur d’une missive de l’Office de réadaptation social réclamant pour lui une nuit d’hébergement. Il avait été par la suite mis à disposition du gouvernement pour être enfermé dans un dépôt de mendicité pendant deux ans, sur décision du Tribunal de police. Il ne recouvrera la liberté qu’après un an, neuf mois et six jours d’internement.

78 ACEDH DE WILDE, OOMS et VERSYP c. Belgique du 18 juin 1971 § 65.

79 ACEDH STORCK c. Allemagne du 16 juin 2005.

80 La question de savoir si Mlle STORCK avait consenti à être internée en clinique psychiatrique était controversée. La Cour, qui relève qu’elle était majeure au moment de son admission et n’était pas sous tutelle, ne tranche pas clairement la question de savoir si le consentement a été donné. Elle relève que Mlle STORCK était capable de consentir ou de s’opposer tout en soulignant qu’elle n’avait pas signé le formulaire d’admission préparé par la clinique le jour de son arrivée. Elle semble retenir néanmoins comme un facteur plaidant en faveur du consentement à l’internement le fait qu’elle se soit rendue dans la clinique psychiatrique « par elle-même en compagnie de son père ».

81 Les parents non mariés de Jon NIELSEN se disputaient sa garde. L’enfant voulait vivre avec son père alors que la mère était seule titulaire des droits parentaux. C’est dans ce contexte que le père fut arrêté et l’enfant envoyé par les services sociaux, avec le consentement de sa mère, dans un département hospitalier de psychiatrie infantile. Deux mois plus tard, l’enfant s’enfuit et retourna vivre avec son père avec lequel il vécut « dans la clandestinité » pendant plus de trois ans. Le père 35

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dissidentes82, la CrEDH a examiné s’il y avait une privation de liberté en s’intéressant tant à l’aspect subjectif qu’à l’aspect objectif83 de celle-ci.

S’agissant de l’aspect subjectif, elle a considéré que si l’enfant avait été hospitalisé dans un pavillon psychiatrique, c’était à la demande de sa mère qui à l’époque était seule investie de l’autorité parentale d’après le droit danois.84 La CrEDH en a conclu que l’art. 5 CEDH n’entrait pas en jeu dans la mesure où il ne concerne que les privations de liberté opérées par les organes de l’Etat.85 Pour la CrEDH, dès lors, « l’hospitalisation incriminée ne constituait pas une privation de liberté au sens de l’art. 5, mais relevait de l’exercice, par une mère consciente de ses responsabilités, de ses droits parentaux dans l’intérêt de l’enfant. » 86

sollicita le transfert de la garde en sa faveur. La mère, qui plaida que l’enfant avait pâti d’une situation anormale avec son père, sur les conseils de la Commission de protection sociale et les recommandations de médecins de famille, sollicita l’admission de Jon, alors âgé de douze ans, au pavillon de psychiatrie infantile de l’hôpital public puisqu’il ne voulait pas rester avec elle. La Commission de protection sociale marqua son accord pour que le requérant fut placé en dehors de son foyer selon les vœux de sa mère.

82 Pour le juge CARRILLO SALCEDO : « Il s’agit de décider si le fait qu’un parent puisse légalement placer, sans aucun contrôle judiciaire, dans un pavillon psychiatrique un enfant dont il a la garde, constitue ou non une violation de la garantie de l’art. 5 par. 1. » Or, l’art. 5 CEDH a une structure très claire : « La première phrase du paragraphe 1 impose à l’Etat l’obligation positive de protéger la liberté des personnes soumises à sa juridiction par des lois et d’autres mesures tandis que la deuxième phrase du paragraphe 1, ainsi que les alinéas a) à f) protègent les individus contre des cas spécifiques de privation de liberté résultant des actes des autorités publiques. » Les exigences de la première phrase n’avaient pas été satisfaites car l’admission de l’enfant au pavillon psychiatrique avait été approuvée par le médecin chef du pavillon psychiatrique dans l’exercice de ses responsabilités professionnelles. L’Etat n’avait donc pas seulement toléré l’internement, il s’y était associé par l’action et le concours de ses organes et préposés. Par ailleurs, il n’existait pas en droit danois de procédure de contrôle judicaire suffisante concernant le placement d’un enfant en hôpital psychiatrique par le parent titulaire du droit de garde, lorsque, comme en l’espèce l’enfant en question n’était pas malade mental et qu’il existerait des divergences par rapport au droit de garde.

83 Recherchant si l’hospitalisation avait objectivement constitué une privation de liberté, la Cour a répondu par la négative. En résumé, elle a considéré que « les conditions de séjour du requérant ne se distinguaient donc pas, en principe, de celles que l’on rencontre dans beaucoup de pavillons hospitaliers pour enfants atteints d’affections d’ordre physique. » (§ 72).

84 ACEDH NIELSEN c. Danemark du 28 novembre 1988 § 63.

85 ACEDH NIELSEN c. Danemark du 28 novembre 1988 § 64.

86 ACEDH NIELSEN c. Danemark du 28 novembre 1988 § 72.

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