• Aucun résultat trouvé

Droits et garanties issus du Pacte international relatif aux droits

E. Droits des personnes arrêtées en lien avec une infraction pénale

V. Droits et garanties issus du Pacte international relatif aux droits

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques465 (Pacte ONU II) a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée générale des Nations Unies le 16 décembre 1966. Avec la Déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948, il contribue à former la « Charte internationale des droits de l’Homme »466. « Il s’agit d’un instrument de protection des droits de l’homme complémentaire à ceux institués par la Convention européenne des droits de l’homme. »467

Approuvé par l’Assemblée fédérale le 13 décembre 1991, le Pacte ONU II est entré en vigueur pour la Suisse le 18 septembre 1992. Il fait donc partie intégrante du droit suisse et, vu la précision des droits et obligations qu’il contient, est d’applicabilité directe devant les tribunaux du pays (cf. supra n° 8 et ss).

Le Pacte ONU II protège plusieurs droits de façon plus large que la Convention européenne des droits de l’Homme468 (CEDH) et certains droits qu’il consacre ne sont pas assurés par la CEDH.469 En ce qui concerne spécifiquement le droit à la liberté et à la sécurité, l’art. 9 du Pacte ONU II garantit des droits qui sont souvent plus étendus que ceux protégés par la CEDH.470

En pratique, il est beaucoup plus souvent fait référence à la CEDH car elle donne lieu à une interprétation juridictionnelle. En effet, la CEDH prévoit en son art. 19 une Cour européenne des droits de l’Homme (CrEDH) fonctionnant de façon permanente afin d’assurer le respect par les Etats de leurs engagements et dès lors la possibilité pour les particuliers et organisations non gouvernementales de la saisir de requêtes individuelles, une fois les voies de recours internes à leur pays épuisées (art. 34 et 35 CEDH). La procédure est

465 RS 0.103.2.

466 Laquelle comprend en outre le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (Pacte ONU I) et les deux protocoles facultatifs.

467 Gérard PIQUEREZ, Alain MACALUSO, avec la collaboration de Laurence PIQUEREZ, Procédure pénale suisse, 3ème édition entièrement refondue et mise à jour en référence au CPP suisse, 2011, p. 100, ch. 299.

468 RS 0.101.

469 PIQUEREZ, MACALUSO, op. cit., 2011, p. 100, ch. 300.

470 VELU, ERGEC, op. cit., 2014, p. 309, ch. 298.

343

344

345

346

alors contradictoire (art. 38 CEDH). Les arrêts rendus par la CrEDH ont force obligatoire et le Comité des Ministres en surveille l’exécution (art. 47 CEDH).

Les mécanismes de mise en œuvre du Pacte ONU II sont différents471. Conformément à l’art. 40, les Etats parties se sont engagés à soumettre à intervalles réguliers des rapports sur les mesures qu’ils ont adoptées afin de rendre effectifs les droits reconnus par le Pacte. Ils doivent également rendre compte dans ces rapports des progrès réalisés aux fins de la jouissance par leurs justiciables de ces droits. C’est le Comité des droits de l’Homme (CDH) composé de 18 membres ressortissant des Etats parties (art. 28 Pacte ONU II) qui a pour mission d’évaluer les rapports des Etats parties (art. 40 al. 4 Pacte ONU II). Il remet également aux Etats ses propres rapports et surtout « toutes observations générales qu’il jugerait appropriées » (art. 40 al. 4 Pacte ONU II). Les Etats parties peuvent déclarer reconnaître la compétence du CDH pour recevoir et examiner des communications par lesquelles un Etat partie prétend qu’un autre Etat partie ne respecte pas ses obligations (« communications étatiques ») (art. 41 Pacte ONU II). 472

Enfin, conformément au premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte ONU II entré en vigueur le 23 mars 1976, le CDH peut être saisi de requêtes individuelles, soit de communications émanant de particuliers qui se prétendent victimes d’une violation de l’un quelconque de leurs droits garantis par le Pacte ONU II par un Etat partie, une fois les voies de recours interne épuisées.473 De la sorte, le CDH a développé une « quasi-jurisprudence, très riche, qui au fil de plus de mille affaires, a permis au Comité d’appliquer et d’interpréter les droits garantis dans le Pacte. »474

Devant les juridictions suisses, il est malgré cela relativement peu fait référence au Pacte ONU II. Cela s’explique peut-être parce qu’à ce jour la Suisse n’a pas ratifié le premier Protocole facultatif autorisant les requêtes individuelles bien qu’il n’y ait aucun obstacle juridique à cette adhésion, au motif que les particuliers placés sous sa juridiction peuvent s’adresser à la CrEDH (sic)475. Par ailleurs, contrairement à la CrEDH, le CDH n’est pas une juridiction et, au contraire des arrêts de la CrEDH, ses constats sur le fond

471 Pour un exposé détaillé de ces mécanismes, cf. Emmanuel DECAUX, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, in Introduction aux droits de l’Homme, Ed. Maya HERTIG RANDALL et Michel HOTTELIER, 2014, p. 259.

472 Le 11 mai 2010, la Suisse a reconnu cette compétence pour une durée de cinq ans à compter du 16 avril 2010 (RO 2010 2987).

473 S’il a été ratifié par 115 Etats, ce Protocole ne l’a à ce jour pas encore été par la Suisse.

474 DECAUX, Le pacte ONU II, op. cit., 2014, p. 264.

475 Cf. Observations finales du CDH, Suisse, CCPR/C/CHE/CO/3, 27 octobre 2009, p. 2, ch. 5.

347

348

349

n’ont pas autorité de chose jugée, raison pour laquelle l’on parle à leur sujet de

« quasi-jurisprudence ».476

Il n’en demeure pas moins que les droits et obligations garantis par le Pacte ONU II sont d’applicabilité directe (cf. supra n° 8 et ss) et doivent être pris en considération par le juge interne. Afin d’aider les Etats parties à remplir leurs obligations, le CDH a adopté, conformément à l’art. 40 al. 4 du Pacte, des

« Observations générales » sur la plupart des droits, lesquelles tiennent comptes des conclusions de ses rapports et de la quasi-jurisprudence477 rendue en lien avec les requêtes individuelles. Ces Observations générales ont ceci de particulier que les Etats parties, de même que des organismes de défenses des droits humains et des organisations non gouvernementales sont consultés et participent à leur élaboration, notamment en soumettant des prises de positions écrites (commentaires). Elles sont par ailleurs dynamiques en ce sens qu’elles sont réactualisées si besoin. Ainsi, l’Observation générale n° 8, adoptée en 1982, qui a trait à l’art. 9 Pacte ONU II, a été remplacée le 16 décembre 2014 par l’Observation générale n° 35478, après une procédure de consultation et de commentaires du projet initiée en 2013, à laquelle la Suisse a d’ailleurs participé.

A. Droit à la liberté et à la sûreté

L’art. 9 § 1 première phrase du Pacte ONU II stipule que « Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité et sa personne. » Dans ses remarques d’ordre général à l’appui de son Observation générale n° 35, le CDH a souligné que « La liberté et la sécurité de la personne sont précieuses en elles-mêmes et aussi parce que la privation de la liberté et la négation du droit à la sécurité de la personne ont de tous temps été les moyens d’entraver la jouissance des autres droits. »479

La liberté de la personne ne signifie pas une liberté d’action générale, mais le droit au non-enfermement physique.480 Le droit à la sécurité de la personne protège quant à lui les individus contre toute atteinte corporelle ou mentale

476 DECAUX, Le pacte ONU II, op. cit., 2014, p. 264.

477 Http://juris.ohchr.org.

478 CCPR/C/GC/35.

479 CCPR/C/GC/35, p. 1, ch. 2.

480 CCPR/C/GC/35, p. 1, ch. 3.

350

351

352

intentionnelle, « que la victime soit détenue ou ne le soit pas »481. Ces droits sont garantis à « tout individu ».482

Le droit à la liberté garanti par l’art. 9 du Pacte ONU II est distinct du droit de circuler librement, défini à l’art. 12 du Pacte ONU II. La privation de liberté représente en effet une restriction plus sévère et dans un espace plus étroit que la simple interférence avec la liberté de déplacement consacrée à l’art. 12 du Pacte ONU II.483 Une restriction à la liberté de mouvement peut toutefois relever selon les circonstances de la privation de liberté, selon la nature, les effets et le mode d’exécution de la sanction.484 Ainsi, la définition de la privation de liberté selon le Pacte ONU II est similaire à celle consacrée par la jurisprudence de la CrEDH. L’art. 9 s’applique à tous les cas de privation de liberté, qu’ils résultent d’infractions pénales ou d’autres situations (contrôle de l’immigration, mesures disciplinaires militaires, maladies psychiatriques, vagabondage, toxicomanie).485 Selon l’Observation générale n° 35, « des exemples de privation de liberté sont la garde à vue (...), la détention provisoire, l’incarcération après une condamnation, l’assignation à résidence, l’internement administratif, l’hospitalisation sans consentement (…), le maintien dans une zone circonscrite d’un aéroport, ainsi que le transfert d’une personne contre son gré. »