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1. Exécution du mandat d’amener

Selon l’art. 209 al. 2 CPP, le mandat d’amener doit être présenté à la personne qu’elle vise, de sorte à ce que celle-ci puisse comprendre qui l’appréhende et dans quel contexte s’inscrit cette conduite forcée devant l’autorité. Il s’agit là d’une mesure indispensable afin d’éviter toute situation de privation de liberté arbitraire, prohibée tant par l’art. 5 § 1 CEDH que par l’art. 31 al. 1 Cst. féd.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle lorsqu’elle exécute le mandat d’amener, la police doit en remettre une copie à la personne visée afin qu’elle soit dès cet instant en situation de comprendre ce qui se passe et de défendre ses intérêts (cf. art. 199 CPP).653

Si le mandat d’amener est décerné oralement vu l’urgence (art. 208 al. 1 in fine CPP), la police doit fournir verbalement à la personne qu’elle amène les indications qui lui seront ensuite confirmées par écrit.654

En règle générale, le mandat d’amener sera décerné afin que la police conduise la personne visée devant la direction de la procédure pour l’exécution d’un acte de procédure (audition, audience de jugement, transport sur place, etc.). L’ordre pourra cependant aussi être donné à la police d’appréhender la personne et de la conduire en ses locaux pour effectuer les premières investigations.655 Dans ce cas-là, la police agit sur mandat du ministère public.656

653 Dans le même sens, CHATTON, CR-CPP, 2011, ad art. 208, p. 967, ch. 2.

654 CHATTON, CR-CPP, 2011, ad art. 209, p. 975, ch. 6.

655 Message, p. 1202.

656 Selon l’art. 309 al. 1 let. b CPP, une instruction est ouverte dès que le ministère public ordonne des mesures de contrainte, ce qui est le cas du mandat d’amener. Dès l’ouverture de l’instruction, la police agit exclusivement sur mandat du ministère public (art. 312 al. 1 CPP).

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En toute hypothèse, afin de respecter le principe de la proportionnalité, la police – tout comme l’autorité qui a décerné le mandat d’ailleurs – veillera à ne priver de sa liberté la personne amenée que le temps strictement nécessaire à l’exécution de l’acte. L’art. 209 al. 2 CPP stipule ainsi que la police doit conduire la personne visée devant l’autorité « immédiatement ou à l’heure indiquée sur le mandat ».

Lorsqu’elle exécute le mandat d’amener, la police veille à le faire avec le maximum d’égards pour les personnes concernées (art. 209 al. 1 CPP). La police doit en effet respecter le principe de « la dignité des personnes impliquées dans la procédure », ancré à l’art. 3 al. 1 CPP.

Le mandat d’amener sera exécuté dans la mesure du possible de jour et durant les jours ouvrables. De manière générale, toutes les mesures devront être mises en œuvre afin que l’acte puisse être effectué de manière efficace, mais sans que la personne concernée ne soit stigmatisée ou rabaissée devant ses proches, son voisinage ou son employeur.657

Les égards dont la police doit faire preuve visent tant les personnes conduites de force devant l’autorité pénale que les membres de la famille de cette personne, notamment les enfants en bas âge658, et de manière générale toutes les personnes présentes lors de l’exécution du mandat.

L’art. 209 al. 1 CPP rappelle également le principe de la proportionnalité ancré à l’art. 197 al. 1 let. c et d CPP et l’art. 200 CPP selon lequel « La force ne peut être utilisée qu’en dernier recours pour exécuter les mesures de contrainte ; l’intervention doit être conforme au principe de la proportionnalité.»

En application de ce principe, la police devra commencer par présenter le mandat à la personne visée et l’inviter à l’accompagner, sa seule présence constituant déjà une mesure propre à atteindre le but visé, à savoir que la personne concernée la suive devant l’autorité pour l’exécution de l’acte de procédure. En d’autres termes, elle n’emploiera la force physique et ne fera usage de menottes ou autres liens pour exécuter le mandat que si cela est absolument indispensable et dans la mesure strictement nécessaire à l’accomplissement de l’acte.

2. Droits de la personne amenée

Selon l’art. 209 al. 3 CPP, l’autorité pénale informe la personne amenée, sans délai et dans une langue qu’elle comprend, du motif du mandat d’amener,

657 CHATTON, CR-CPP, 2011, ad art. 209, p. 974, ch. 5.

658 Message, p. 1202.

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exécute l’acte de procédure, et la libère ensuite immédiatement à moins qu’elle ne propose d’ordonner la détention provisoire ou la détention pour des motifs de sûreté.

Cette disposition consacre le droit à l’information de la personne amenée.

Elle reprend les principes similaires ancrés aux art. 5 § 2 CEDH et 31 al. 2 Cst.

féd. selon lesquelles toute personne privée de sa liberté a le droit d’être aussitôt informée, dans une langue qu’elle comprend, des raisons de cette privation (cf. supra n° 168 et ss).

Pour respecter ces obligations, lorsque la police exécute le mandat d’amener, elle doit présenter celui-ci à la personne visée art. 209 al. 2 CPP) ou, s’il n’y a pas de mandat écrit, lui expliquer la situation oralement, afin qu’elle comprenne le contexte dans lequel s’insère la conduite forcée devant l’autorité.

L’information doit en tous les cas être donnée au plus tard par l’autorité qui exécute l’acte de procédure. Celle-ci expliquera de manière claire et compréhensible à la personne visée quel est l’acte de procédure qu’elle va exécuter, dans quel contexte général il s’inscrit (objet de la procédure) et en quelle qualité elle entend la personne visée. L’art. 143 CPP le prévoit d’ailleurs expressément pour les auditions.

Cette information doit permettre à la personne visée de disposer de toutes ses facultés émotionnelles et intellectuelles en vue de l’exécution de l’acte de procédure. Il s’agit également de permettre à cette personne de mesurer la portée et la licéité du mandat d’amener et pouvoir faire valoir ses droits.659

Les informations qui doivent être fournies selon l’art. 209 al. 3 CPP devront être complétées selon le motif qui préside à l’émission du mandat.

Lorsqu’il est décerné en application de l’art. 207 al. 1 let. a à c CPP, le mandat d’amener induit en effet une privation de liberté « en vue de garantir l’exécution d’une obligation prescrite par la loi »660 au sens de l’art. 5 § 1 let. b CEDH.661 La personne visée bénéficie de ce fait des droits de l’art. 5 § 2, 4 et 5 CEDH662, ainsi que de l’art. 31 al. 1, 2 et 4 Cst. féd. Elle bénéficie également des droits inhérents à son statut procédural particulier (témoin, personne entendue à titre de renseignement, prévenu).

659 CHATTON, CR-CPP, 2011, art. 209, p. 979, ch. 21.

660 Le mandat de comparution induit en effet une obligation de comparaître (art. 205 al. 1 CPP) et les trois variantes de l’art. 207 al. 1 let. a à c CPP trouvent leur fondement précisément dans cette obligation de comparaître.

661 DECAUX, IMBERT, PETTITI, op. cit., 1999, p. 193.

662 A l’exclusion des droits de l’art. 5 § 3 CEDH ; cf. ACEDH EPPLE c. Allemagne du 24 mars 2005 § 42.

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Le cas de figure de l’art. 207 al. 1 let. d CPP, soit l’exécution du mandat d’amener à l’encontre d’une personne fortement soupçonnée d’avoir commis un crime ou un délit et à l’encontre de laquelle il y a lieu de présumer des motifs de détention est par contre une privation de liberté au sens de l’art. 5 § 1 let. c CEDH. Cette personne bénéficiera donc de toutes les garanties offertes par l’art. 5 CEDH et des droits de toute personne prévenue, dont ceux mentionnés à l’art. 158 CPP.

En toute hypothèse, dès le moment où la personne amenée se trouve sous la maîtrise des agents qui la privent de sa liberté, elle bénéficie par ailleurs des droits que lui garantit l’art. 3 CEDH, selon lequel nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.663 Dès qu’une personne est sous sa maîtrise, l’Etat a en effet l’obligation de veiller à sa sécurité physique et psychique.664

Une fois l’acte de procédure exécuté, la loi impose à l’autorité de libérer immédiatement la personne amenée (art. 209 al. 3 CPP). C’est sous réserve qu’elle ne propose d’ordonner la détention (provisoire ou pour des motifs de sûreté) de la personne visée, soit parce que les soupçons d’avoir commis un crime ou un délit qui ont conduit à l’émission du mandat (art. 207 al. 1 let. d) se sont confirmés ou renforcés, soit encore parce qu’ils sont apparus au cours de l’exécution de l’acte de procédure.

Dans ce cas de figure, l’autorité doit respecter le délai de quarante-huit heures imposé à l’autorité par la procédure de détention pour agir. S’il s’agit du ministère public, il doit respecter le délai de quarante-huit heures pour saisir le tribunal des mesures de contrainte d’une requête de mise en détention au sens de l’art. 224 al. 2 CPP. Si c’est la direction de la procédure du tribunal qui a décerné le mandat d’amener en application de l’art. 229 al. 2 CPP, c’est à elle que s’imposera ce délai de quarante-huit heures. Un délai similaire s’imposera à la direction de la procédure de la juridiction d’appel pour statuer si c’est elle qui a émis le mandat (art. 232 al. 2 CPP).

663 Hadrien MANGEAT, Olivier PETER, Katia VILLARD, Droits de la première heure contre les mauvais traitements, in RPS 132, 2014, p. 21.

664 MANGEAT, PETER, VILLARD, op. cit., 2014, p. 22 et les références citées.

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VIII. Appréhension