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Oncologie : Article pp.169-175 du Vol.4 n°3 (2010)

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ARTICLE ORIGINAL /ORIGINAL ARTICLE DOSSIER

Psychothérapie de la dignité : une intervention pour réduire la détresse psychologique chez les personnes en soins palliatifs

Dignity therapy: an intervention to diminish psychological distress in palliative care patients

P. Gagnon · H. M. Chochinov · J.-P. Cochrane · J. Le Moignan Moreau · R. Fontaine · L. Croteaua

Reçu le 9 juin 2010 ; accepté le 10 juillet 2010

© Springer-Verlag France 2010

RésuméCette étude visait à tester la faisabilité de l’introduc- tion d’une nouvelle intervention, la psychothérapie de la dignité (PTD), dans un contexte de soins palliatifs et à vérifier la satisfaction des participants. L’intervention a été administrée à 33 personnes francophones fréquentant un centre de soins palliatifs de la région de Québec. Les résultats ont confirmé qu’il s’agit d’une intervention pertinente qui est associée à un haut taux de satisfaction des participants et de leur famille.

Mots clésIntervention · Soins palliatifs · Dignité · Psychothérapie · Détresse

AbstractThis study examined the feasibility of the introduc- tion of a new intervention, dignity therapy, in a palliative care setting and evaluated the satisfaction of the participants regar- ding this intervention. This intervention was administered to 33 French-speaking persons attending a palliative care center in Quebec City. Results confirmed the relevance of this intervention and showed that it is associated with a high- level of satisfaction for participants and family members.

Keywords Intervention · Palliative care · Dignity · Therapy · Distress

Introduction

La notion de mourir avec dignité guide souvent la façon dont les professionnels de la santé accompagnent les personnes vers la mort. Cette notion est d’autant plus importante que la perte de dignité est souvent une raison évoquée au cours des débats entourant les souhaits de mort avancée, incluant les demandes d’euthanasie et de suicide assisté, qui demeu- rent par ailleurs illégales au Canada [1,3,21,29,30]. Des étu- des antérieures portant sur la dignité et les soins de fin de vie ont démontré une forte association entre la perte de dignité et : la dépression, l’anxiété, le désir de mourir, la perte d’espoir, le sentiment d’être un fardeau pour ses proches et une faible qualité de vie [7–10]. De plus, les préoccupations universelles de nature existentielle concernant la mort, la recherche de sens et le sentiment de contrôle sur sa propre vie constituent souvent la principale source de souffrance selon plusieurs études [16,28]. En tant que discipline, la médecine palliative a développé un large éventail d’inter- ventions ayant pour cible la réduction de la détresse physique, et, bien que dans une moindre mesure, la réduc- tion de la détresse psychologique [14]. L’un des plus grands défis auquel est confrontée cette discipline aujourd’hui concerne le développement de méthodes efficaces pour sou- lager la souffrance existentielle chez les personnes en fin de vie, plus particulièrement chez les personnes très angoissées,

P. Gagnon (*)

Faculté de pharmacie, Pavillon Ferdinand-Vandry, 1050, avenue de la Médecine, université Laval, Québec, Québec G1V 0A6, Canada

e-mail : pierre.gagnon@crhdq.ulaval.ca

P. Gagnon · J.-P. Cochrane · J. Le Moignan Moreau Centre de recherche en cancérologie de l’université Laval Centre hospitalier universitaire de Québec,

l’Hôtel-Dieu de Québec 11, Côte-du-Palais, Québec, Québec G1R 2J6, Canada

P. Gagnon · H. M. Chochinov · J.-P. Cochrane · J. Le Moignan Moreau

Équipe de recherche de la Maison Michel-Sarrazin 9, rue McMahon, Québec, Québec G1R 2J6, Canada H. M. Chochinov

CancerCare Manitoba, université du Manitoba, 3017-675 McDermot Avenue, Winnipeg, Manitoba, Canada, R3E 0V9 R. Fontaine

Maison Michel-Sarrazin, 2101, chemin Saint-Louis, Québec, Québec G1T 1P5, Canada

aAu moment de l’étude : Centre de recherche en cancérologie de l’université Laval - Centre hospitalier universitaire de Québec, l’Hôtel-Dieu de Québec, Qc, Canada - Équipe de recherche de la Maison Michel-Sarrazin, Québec, Qc, Canada.

DOI 10.1007/s11839-010-0267-1

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celles qui sont suicidaires et celles qui désirent mourir hâtivement [22,24–26]. Bien que cette forme de détresse soit bien documentée, peu ou pas d’interventions empiriques de type psychothérapeutique ont été mises sur pied pour y faire face chez les personnes en fin de vie [6,13,15,22].

Il apparaît clairement que les interventions dans le domaine de la médecine palliative doivent avoir une visée plus grande que le simple contrôle de la douleur et des symptômes et ainsi être davantage en mesure de répondre aux besoins exprimés par les patients.

Une intervention psychothérapeutique, laDignity Therapy, a été spécifiquement conçue afin de répondre à cet objectif [11]. LaDignity Therapyest une nouvelle approche psycho- thérapeutique brève basée sur un modèle de la dignité chez les personnes en fin de vie validée empiriquement [7,10].

Concrètement, elle vise à construire chez la personne malade la conscience du ici et maintenant et la sensibilité à l’expé- rience immédiate. Elle tente également d’aider la personne : à se reconnaître, à trouver un sens à sa vie, à utiliser son potentiel, à avoir le sentiment de se développer et à croire en certaines valeurs ; tout en l’encourageant dans la réalisa- tion de ses derniers projets. Cette intervention a fait l’objet d’une étude visant à vérifier sa validité et son acceptabilité dans un contexte de soins palliatifs [11]. À la suite de la publication de ces résultats, notre équipe de recherche a développé une adaptation francophone de cette intervention, la psychothérapie de la dignité (PTD). Les objectifs de cette étude étaient de tester la faisabilité de l’introduction et de l’évaluation de cette intervention dans un contexte de soins palliatifs auprès d’une population canadienne francophone et de vérifier la satisfaction des participants.

Méthodes

Adaptation francophone de l’intervention et des instruments

L’adaptation de l’intervention a été effectuée selon un processus de retraduction rigoureux, selon les normes recommandées [17]. Elle a été conduite par une équipe de cliniciens et de chercheurs en psycho-oncologie et en soins palliatifs en collaboration étroite avec le fondateur de l’approche, Dr Harvey Chochinov.

Intervention

La PTD se déroule sous la forme d’une entrevue individuelle et est effectuée par un psychothérapeute spécifiquement formé pour cette intervention. Elle consiste en une série de questions explorant l’histoire personnelle du participant, le sens de sa vie, ses espoirs et l’héritage spirituel qu’il entend laisser de son passage (Annexe 1). Habituellement, une à deux sessions

enregistrées d’une heure sont nécessaires, suivies de deux à trois rencontres de 30 à 60 minutes pour éditer le texte créé et remettre le document final au participant. Celui-ci pourra décider de confier ou non le document à ses proches.

Formation des thérapeutes

Le groupe de thérapeutes était composé de trois travailleurs sociaux ayant une expérience significative en soins palliatifs et au site du déroulement de l’étude. En Amérique du Nord, les travailleurs sociaux détiennent une formation universi- taire en relation d’aide et sont souvent responsables des soins psychosociaux dans les établissements de santé. Une formation de deux journées complètes a été effectuée, pré- sentée par le fondateur de l’intervention, le Dr Chochinov, ainsi que par le co-investigateur local, le Dr Gagnon. Ceux- ci sont demeurés disponibles tout au long de l’intervention pour répondre aux interrogations des thérapeutes.

Site

Le recrutement a été effectué dans un centre de soins pallia- tifs de la région de Québec, la Maison Michel-Sarrazin (MMS), et à son centre de jour (CDJ). La MMS comprend 15 lits destinés aux personnes atteintes de cancer recevant des soins terminaux et provenant de la ville de Québec et ses environs. Les personnes admises à la MMS doivent être en phase terminale d’un cancer et avoir un pronostic de vie de moins de deux mois. Le CDJ, pour sa part, offre des services aux personnes atteintes d’un cancer en phase avancée ou recevant des traitements à visée palliative.

Critères d’inclusion et d’exclusion Patients

Les critères d’éligibilité à cette étude étaient les suivants :

être atteint d’un cancer en phase avancée ou terminale ;

être âgé dau moins 18 ans ;

parler français ;

un engagement à recevoir de trois à quatre rencontres sur une période de sept à dix jours ;

pas daltération cognitive, basée sur un consensus clinique ;

lobtention d’un consentement verbal et écrit.

Familles

Les critères d’éligibilité pour ce volet de l’étude étaient les suivants :

être âgé dau moins 18 ans ;

parler français ;

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être disponible pour une rencontre avec un intervenant et pour une passation d’instruments psychométriques de six à neuf mois suivant le décès du proche ;

lobtention d’un consentement verbal et écrit.

Procédure de recrutement

Le recrutement s’est effectué sur une période de deux ans, et les patients étaient référés par les intervenants cliniques (travailleurs sociaux, infirmières, médecins) selon les critè- res d’inclusion décrits plus haut. Pendant la période de recru- tement de deux ans, 749 patients ont été admis à la MMS.

Cette faible proportion de participation s’explique de plusieurs façons. En effet, les politiques de la MMS font que le recrutement d’un participant doit s’effectuer obligatoi- rement par le biais du personnel clinique. Souvent surchargé, il a été difficile pour le personnel d’être systématique dans sa collecte de données, rendant inutilisables les données recueillies à ce niveau. De plus, il a été observé que le per- sonnel soignant, dans certaines circonstances, ne souhaitait pas informer les patients du projet de recherche par crainte de les accabler et d’ajouter à leur fardeau, et ce, malgré le fait qu’il jugeait la PTD pertinente. Cette envie de protéger le patient a donc créé une situation dans laquelle les patients ne pouvaient pas bénéficier de la PTD, et cela a contribué à ralentir le recrutement pour l’étude. De plus, en raison de problématiques diverses (delirium, incapacité de donner son consentement, incapacité de communiquer, sédation pharmacologique, etc.), les patients présents au centre n’étaient pas systématiquement rencontrés par le personnel puisqu’ils n’étaient pas tous admissibles à l’étude. Il est estimé que plus de 50 % des personnes admises à la MMS sont en delirium à un moment ou l’autre de leur séjour. En outre, une proportion de patients a refusé de prendre part à l’étude après que celle-ci leur fut présentée, et ce, pour de multiples raisons (entre autres : fatigue, manque de concen- tration, manque d’intérêt). Cette proportion ne peut pas être évaluée avec précision compte tenu du mode de recrutement à partir des cliniciens. Tous ces facteurs ont contribué à un recrutement plus lent que prévu.

Échantillon Patients

Trente-trois patients ont accepté de faire partie de l’étude. De ce nombre, sept personnes (21,2 %) sont décédées avant d’avoir complété la totalité de l’étude. La moyenne d’âge des participants était de 64,5 ans (variant entre 45 et 87 ans ; écart-type de 9,3 ans), et 76,9 % étaient des femmes. Trente et un pour cent des participants étaient atteints d’un cancer du poumon, 15 % d’un cancer du pancréas, 15 % d’un

cancer de l’intestin, 12 % d’un cancer de l’ovaire, 12 % d’un cancer du sein et 13 % d’un cancer autre. Quarante- six pour cent des participants avaient une scolarité égale ou inférieure à 12 années d’étude, 46 % avaient une scolarité supérieure à 12 années d’étude et égale ou inférieure à 17 années d’étude et 8 % avaient une scolarité supérieure à 17 années d’étude et égale ou inférieure à 22 années d’étude.

Quatre-vingt-neuf pour cent des participants s’identifiaient en tant que catholiques et 11 % en tant qu’athées.

Familles

Vingt-trois familles ont accepté de prendre part à l’étude.

Sept familles n’ont pas pu être rejointes au suivi. Seize famil- les ont complété la totalité de l’étude. La moyenne d’âge des répondants pour la famille était de 52,5 ans (variant entre 32 et 72 ans ; écart-type de 13,1 ans). Quarante-quatre pour cent des répondants étaient l’époux ou le conjoint du patient, 19 % étaient le frère ou la sœur, 19 % étaient un enfant, 6 % étaient la mère ou le père, 6 % étaient un ami et 6 % étaient la belle-mère. Douze pour cent des répondants avaient une scolarité égale ou inférieure à 12 années d’étude, 69 % avaient une scolarité supérieure à 12 années d’étude et égale ou inférieure à 17 années d’étude et 19 % avaient une scolarité supérieure à 18 années d’étude et égale ou infé- rieure à 22 années d’étude. Quatre-vingt-huit pour cent des répondants s’identifiaient en tant que catholiques, 6 % en tant que protestants et 6 % en tant qu’athées.

Procédure Patients

Les patients éligibles étaient recommandés aux travailleurs sociaux chargés d’administrer la PTD. L’intervenant expli- quait l’étude au patient ; si celui-ci acceptait, il était invité à compléter le formulaire de consentement ainsi qu’une série de questionnaires immédiatement et à désigner un répondant qui recevrait le legs conçu pendant l’intervention. Les huit questionnaires complétés à ce moment comprenaient :

léchelle dévaluation des symptômes d’Edmonton [4], un instrument contenant huit questions et mesurant un large éventail de sources communes de détresse chez les patients en fin de vie ;

léchelle de qualité de vie [20] évaluant la qualité de vie et la satisfaction face à la qualité de vie courante ;

linstrument items simple sur le deuil [30], un question- naire de sept items évaluant la dignité, le désir de mourir, la souffrance, le désespoir, la dépression, les idées suici- daires et le sentiment d’être un fardeau ;

léchelle de dépression et d’anxiété en milieu hospitalier [27], un questionnaire de 14 questions permettant de vérifier

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la comorbidité entre le désir de mourir et les autres symp- tômes causant de la détresse chez les gens en fin de vie ;

linventaire de la dignité en soins palliatifs [12], un ques- tionnaire de 25 questions déterminant quels sont les fac- teurs qui influencent le sentiment de dignité du patient (Annexe 2) ;

le test élémentaire de concentration d’orientation et mémoire [18], un questionnaire de six questions mesurant les aptitudes cognitives des patients ;

le FACIT-Sp [23], un questionnaire de 12 items mesurant le degré de spiritualité du patient ;

un questionnaire de données sociodémographiques.

Lors de la deuxième rencontre, l’entrevue de la PTD était réalisée selon le canevas présenté en annexe (Annexe 1). Un verbatim de l’entrevue était alors produit par un assistant de recherche et était, par la suite, édité afin d’en faire un docu- ment pouvant être utilisé comme legs pour les proches du participant. Le document était présenté au participant qui pouvait y faire des remaniements afin d’y inclure de nou- veaux éléments ou d’en retirer. Lors de la dernière rencontre, les questionnaires complétés lors de la mesure de préinter- vention étaient complétés à nouveau, à l’exception du questionnaire de données sociodémographiques qui était remplacé par un questionnaire de satisfaction.

Familles

Le répondant désigné par le patient était rencontré par un travailleur social qui lui expliquait le déroulement de l’étude ; s’il acceptait de participer, il était invité à compléter le for- mulaire de consentement ainsi qu’une série de questionnai- res immédiatement. Ces deux questionnaires étaient :

un questionnaire de données sociodémographiques ;

linventaire de dépression de Beck [2], un questionnaire évaluant l’état dépressif.

Dès la fin de l’intervention, le répondant recevait le legs réalisé.

De six à neuf mois suivant le décès du patient, le répon- dant était contacté à nouveau par téléphone afin de répondre à une seconde série de questionnaires. Ces questionnaires étaient :

linventaire de dépression de Beck [2] ;

linventaire du deuil complexe [5], un questionnaire évaluant les réactions au deuil ;

léchelle du deuil, un questionnaire évaluant les symptô- mes du deuil ;

léchelle FAMCARE [19], un questionnaire évaluant la satisfaction des familles face aux soins reçus pour les personnes atteintes d’un cancer en phase avancée ;

un questionnaire de satisfaction de la famille face à la PTD.

Résultats

Patients

Au plan quantitatif, des analyses de type testtpour échantil- lon dépendant ont été réalisées sur les instruments psycho- métriques utilisés dans l’étude. Les analyses effectuées n’ont révélé aucune différence significative.

Quant à la satisfaction, les résultats obtenus sont similai- res à ceux recueillis dans l’étude de Chochinov et al. (2005).

Des 26 patients qui ont complété l’étude, 88 % des partici- pants ont trouvé que la PTD les a aidés (ont indiqué être fortement en accord ou en accord à la question) et 96 % ont trouvé la PTD satisfaisante. Pour 76 % des participants, la PTD leur a donné le sentiment que leur vie avait plus de sens. La PTD a également augmenté : le sentiment d’être utile (72 %), le sentiment de dignité (64 %) et le désir de vivre (52 %). Déjà quelques jours après l’intervention, 88 % des participants affirmaient que la PTD avait aidé ou pourrait aider leur famille et 56 % que la PTD pourrait changer la façon dont leur famille les perçoit.

Plusieurs commentaires recueillis viennent ajouter au poids des données obtenues par le questionnaire de satisfac- tion. Un patient s’est exprimé en disant : « Elle (la PTD) m’a libéré. J’ai pu m’exprimer à quelqu’un qui était réceptif, et il m’a aidé à porter mon fardeau que je ne veux pas faire subir à mes enfants ». Une participante ajoute : « Elle (la PTD) m’a apporté la paix intérieure, et ce que je laisserai à mes enfants est extraordinaire ». Une dernière personne commente :

« On a vécu ce moment ensemble. Ça ne s’est pas fait par téléphone, mais bien entre deux êtres humains. Je ne me suis pas sentie écrasée, mais valorisée et digne de faire l’activité ».

Familles

Au plan quantitatif, des analyses de type testtpour échantil- lon unique ont été réalisées afin de repérer des différences significatives dans les instruments psychométriques admi- nistrés. Des différences ont été recensées dans deux des trois sous-échelles du questionnaire Core Bereavement Items [5], soit les sous-échelles de séparation (p= 0,003) et de deuil (p < 0,001), et ont révélé des valeurs significativement inférieures à ce que la littérature prédisait.

Quant à la satisfaction, des 16 familles ayant participé au projet, 75 % ont trouvé que la PTD avait aidé le membre de leur famille ; 75 % ont considéré que la PTD avait permis au membre de leur famille d’augmenter son sentiment que sa vie avait un sens ; 69 % ont estimé que la PTD a contribué à augmenter le sentiment de dignité du membre de leur famille ; 81 % ont évalué que la PTD avait permis au

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membre de leur famille à se préparer à la mort ; 81 % ont affirmé que la PTD avait été un élément important des soins apportés au membre de leur famille, au même titre que les autres types de soins et 56 % ont jugé que la PTD avait favorisé la réduction de la souffrance du membre de leur famille.

Un répondant a commenté : « Son anxiété diminuait. Elle (mère du répondant) était plus ouverte à parler de la mort et des symboles associés à la mort. » Une répondante a ajouté :

« Elle (mère de la répondante) a vu qu’elle avait la possibilité de vivre le restant de sa vie ».

De plus, 63 % des répondants estimaient que le document de la PTD les avait aidés (et/ou leur famille) durant la période de deuil ; 63 % jugeaient que le document de la PTD continuerait d’être une source de réconfort pour eux et leur famille et 75 % recommanderaient la PTD à d’autres patients ou à d’autres familles qui doivent s’adapter à une maladie en phase terminale.

Un répondant affirmait : « Sans cela (la PTD), je crois que je ne serais pas passé au travers (le deuil). Ça m’a aidé énor- mément ». Un répondant ajoutait : « Je trouve que ça (la PTD) aide beaucoup au niveau du support moral. Je trouve ça important ».

Deux événements potentiellement négatifs ont pu être observés suite à l’administration de la PTD. Cependant, il s’agissait de familles où existaient déjà des conflits qui se sont une fois de plus exprimés lors de l’intervention de la dignité.

Les situations ont été gérées efficacement par l’équipe de soins psychosociaux de la MMS ; et dans les deux cas, la source du problème était une situation familiale particulière préexistante que la PTD a simplement fait ressortir.

Discussion

En résumé, la PTD est une nouvelle approche psychothéra- peutique brève basée sur un modèle de la dignité chez les personnes en fin de vie, validée empiriquement [7,10]. Les objectifs de cette étude, qui étaient de tester la faisabilité de l’introduction et de l’évaluation de cette intervention dans un contexte de soins palliatifs auprès d’une population canadienne francophone et de vérifier la satisfaction des participants, ont été atteints.

Les patients et les familles ont très bien collaboré et ont exprimé un haut degré de satisfaction face à l’intervention.

Aucune réaction négative des patients ou de leur famille n’a été observée en ce qui concerne le nombre, la longueur ou le sujet des questionnaires utilisés dans l’étude, même si ceux-ci abordaient des sujets sensibles sur la mort et la qualité de vie.

En ce qui concerne l’évaluation, la PTD étant une appro- che novatrice, plusieurs dimensions de la qualité de vie et de la dignité ont été évaluées afin de détecter les sphères influencées par cette intervention. Cependant, la puissance statistique de cette étude ne permettait pas de détecter des différences mais de confirmer l’acceptabilité des mesures par les patients et les familles.

Les personnes rencontrées laissent entrevoir une transfor- mation de leurs valeurs et de leurs priorités. Elles ont égale- ment le sentiment de mettre à profit leurs compétences, leurs ressources, de se sentir utiles, de fournir une contribution et de donner un sens à leur vie.

Chez les membres de famille, les différences significati- ves répertoriées sur les sous-échelles de séparation et de deuil du Core Bereavement Items [5] laissent présager que la PTD puisse diminuer les symptômes de deuil et les effets de la séparation liée au deuil chez les familles des patients.

La satisfaction des familles est fortement ressortie des analyses effectuées. Les taux observés viennent appuyer l’acceptabilité du traitement pour les familles des patients et viennent démontrer l’intérêt qu’elles ont pour celui-ci.

Un répondant accompagnant son parent dans sa démarche s’est exprimé en disant : « Je n’aurais pas passé au travers sans cela (la PTD). C’est merveilleux ! J’ai été là 24 heures sur 24 et j’ai vu des moins bons côtés qui m’ont beaucoup affecté. Cela (la PTD) m’a aidé à passer au travers. On (la famille du défunt) a pu remarquer à quel point on est une belle famille unie ».

Les deux effets potentiellement adverses observés indiquent que, comme toute intervention, il peut y avoir des risques associés aux psychothérapies et que celles-ci doivent être administrées par des professionnels bien formés et expérimentés.

Conclusion

Peu d’interventions non pharmacologiques sont spécifique- ment conçues pour réduire la souffrance et la détresse exis- tentielle souvent vécues par les personnes en fin de vie. La PTD est une approche novatrice développée spécifiquement afin de réduire la détresse existentielle. Elle s’avère une intervention très pertinente dans le milieu canadien français et est associée à un haut taux de satisfaction des patients et des familles. Malgré un faible recrutement dans un contexte de recherche, il est raisonnable de croire que l’administration de la PTD dans un contexte clinique ne serait pas confrontée à cet obstacle. Aucun obstacle à l’intégration de cette appro- che à la pratique d’un intervenant n’a été recensé lors de cette étude. De plus, ce succès permet de laisser présager que la PTD pourra être modifiée afin de refléter la réalité d’autres cultures.

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Remerciements Aux participants, à M. Gérald Nickner, thérapeute, à Mme Marianne Olivier D’Avignon, thérapeute et professionnelle de recherche, à Mme Nicole Melançon, infirmière-chef, attitrée au recrutement, au personnel, aux patients et aux familles de la Maison Michel-Sarrazin.

Conflit d’intérêt : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt.

Annexe 1

Questionnaire d’entrevue de la psychothérapie de la dignité

Parlez-moi un peu de votre histoire personnelle : particu- lièrement les épisodes qui vous ont le plus marqués, ceux dont vous vous souvenez le plus ? Quand vous êtes-vous senti le plus vivant ?

Y a-t-il des choses particulières que vous aimeriez que votre famille sache sur vous ou des choses particulières dont vous voulez qu’ils se souviennent ?

Quels sont les rôles les plus importants que vous avez joués dans votre vie (rôles familiaux, vocations, rôles dans votre communauté ou au travail, etc.) ? Pourquoi ces rôles étaient-ils importants pour vous et que croyez- vous avoir accompli dans ceux-ci ?

Quels sont vos accomplissements ou vos réalisations les plus importants et de quoi vous sentez-vous le plus fier ?

Y a-t-il des choses en particulier que vous croyez devoir dire aux membres de votre famille ou des choses que vous voudriez prendre le temps de leur dire une fois de plus ?

Quels sont vos rêves et vos espoirs concernant les mem- bres de votre famille ?

Quavez-vous appris de la vie que vous voudriez que d’autres sachent ? Quels conseils ou avis voudriez-vous partager avec les gens importants dans votre entourage ?

Y a-t-il des paroles ou des instructions que vous aimeriez offrir à votre famille pour leur apporter du réconfort ou les consoler ?

Avant de terminer cet enregistrement, y a-t-il d’autres choses que vous aimeriez inclure ?

Annexe 2

Inventaire de la dignité en soins palliatifs

Pour chacun des énoncés, la personne doit répondre selon l’échelle suivante :

pas un problème ;

un léger problème ;

un problème ;

un problème important ;

un problème accablant.

1. Être incapable d’effectuer les tâches de la vie quoti- dienne (ex. : faire à manger, m’habiller).

2. Être incapable de m’occuper seul(e) de mes besoins hygiéniques de base (ex. : me laver, aller à la toilette).

3. Ressentir des symptômes affligeants physiquement (tels que la douleur, être à court de souffle, la nausée).

4. Sentir qu’à cause de ma maladie, le regard que les gens posent sur moi a changé significativement.

5. Me sentir déprimé(e).

6. Me sentir anxieux(se).

7. Me sentir incertain(e) face à ma maladie et à mes traitements.

8. Être inquiet(ète) à propos de mon futur.

9. Être incapable de penser clairement.

10. Être incapable de continuer ma vie habituelle au quotidien.

11. Sentir que je ne suis plus qui j’étais.

12. Me sentir inutile ou sans valeur.

13. Ne pas être en mesure de remplir des rôles importants de la vie (ex. : conjoint[e], parent).

14. Croire que la vie n’a plus de sens ou de but.

15. Sentir que je n’ai pas laissé ma marque ou que je n’ai pas réalisé de contributions significatives durant ma vie.

16. Sentir que je n’ai pas terminé ce que j’aurais voulu réaliser dans ma vie (ex. : choses non dites ou incomplètes).

17. Avoir l’impression que ma vie spirituelle est vide de sens.

18. Sentir que je suis un fardeau pour les autres.

19. Sentir que je n’ai pas de contrôle sur ma vie.

20. Sentir que ma maladie et les soins qu’on m’apporte ont réduit mon intimité.

21. Ne pas me sentir soutenu(e) par mon entourage (mes amis et ma famille).

22. Ne pas me sentir soutenu(e) par mon équipe soignante de l’hôpital.

23. Sentir que je ne suis plus capable mentalement d’affronter ma maladie et les défis qu’elle apporte.

24. Être incapable d’accepter les choses telles qu’elles sont.

25. Être traité(e) avec irrespect et incompréhension par les autres.

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