MT241. Cours no 13, vendredi 8 novembre 2002.
Chapitre 4. Rappels d’alg`ebre lin´eaire
4.1. Espaces vectoriels
Pour “fabriquer” un espace vectoriel, il faut d’abord se donner un ensemble E (dont les ´el´ements seront appel´es vecteurs), puis donner deux op´erations, l’addition des vecteurs d’une part, et d’autre part la multiplication des vecteurs par des nombres ap- pel´es scalaires; on suppose que ces donn´ees v´erifient les axiomes des espaces vectoriels, que nous ne rappellerons pas ici ; l’ensemble des scalaires doit ˆetre un corps, appel´e le corps de basede l’espace vectoriel E ; ce corps sera not´eK. On se limitera le plus souvent dans ce cours au cas o`u K=R ouK=C; le corps K pourra ˆetre aussi un sous-corps de C, par exempleK=Q. Strictement parlant, on devrait dire “l’espace vectoriel (E,+, .)”
mais l’usage courant est de dire simplement “l’espace vectoriel E”.
Pour tout entiern≥1, l’espace vectorielKn est l’ensemble desn-uplets (a1, . . . , an) d’´el´ements de K, muni des op´erations usuelles d’addition et de multiplication par les
´el´ements de K (les “scalaires”). Nous associerons souvent `a un ´el´ement x de Kn une matrice colonne X pour pouvoir appliquer le calcul matriciel,
x= (a1, . . . , an)∈Kn, X =
a1 a2
... an
.
Labase canoniquede l’espace vectorielKnest form´ee des vecteurse1 = (1,0, . . . ,0), e2 = (0,1,0, . . . ,0), jusqu’`aen= (0, . . . ,0,1). Dans cette base le vecteurxci-dessus peut s’´ecrire x=a1e1+· · ·+anen.
Sous-espaces vectoriels et applications lin´eaires D´efinitions.
4.1.1. Sous-espace vectoriel. Soit E un espace vectoriel sur K; on dit qu’un sous- ensemble F de E est un sous-espace vectoriel de E si les trois conditions suivantes sont v´erifi´ees :
a. Le vecteur nul 0E de E appartient `a F, c’est `a dire 0E∈F b. Pour tous vecteurs x, y de F, on a x+y∈F
c. Pour tout vecteur x ∈F et tout λ∈K, on a λx∈F.
4.1.2. Application lin´eaire. Soient E1 et E2 deux espaces vectoriels sur K; on dit qu’une application u: E1 →E2 est uneapplication lin´eaire de E1 dans E2 si
a. Pour tous vecteurs x, y ∈E1, on a u(x+y) =u(x) +u(y) b. Pour tout vecteur x ∈E1 et tout λ∈K, on au(λx) =λu(x).
Exemples.
0. On d´esigne par E l’ensemble des fonctions f de classe C∞ sur I =]−a, a[ telles que
f00− 2
3f0+ 1
3f = 0.
C’est un espace vectoriel pour les op´erations usuelles d’addition des fonctions et de multiplication par un scalaire.
On montre aussi par r´ecurrence que si M est un majorant de |f| et de |f0| sur [−r, r]⊂I, alors |f(n)| est major´e par M sur [−r, r] pour tout n, en commen¸cant par
|f00(x)| ≤ 2
3|f0(x)|+ 1
3|f(x)| ≤ 2
3M + 1
3M = M.
Il en r´esulte que toutes les fonctions de E sont d´eveloppables en s´erie enti`ere sur I.
1. Les ensembles{0E} et E sont des sous-espaces vectoriels de E.
2. Pour tout vecteur x∈E non nul, on peut consid´erer la droite vectorielle Kx={λx:λ∈K}.
C’est un sous-espace vectoriel de E. Dans le cas o`u K= R, le sous-espace vectoriel Rx correspond vraiment `a une droite au sens usuel, de vecteur directeur x et passant par le point origine 0E. Dans le cas complexe (si K =C), le lecteur devra bien comprendre qu’une “droite complexe” ne correspond pas `a l’id´ee g´eom´etrique usuelle de droite.
Si K =Z/5Zet E =K2, l’espace a 25 points et les droites ont 5 points!
Soit u∈ L(E,F) une application lin´eaire ; le noyau de u est l’ensemble des vecteurs x∈E tels queu(x) = 0F; c’est un sous-espace vectoriel de E et on le note keru.L’image de u est l’ensemble u(E) des ´el´ements de F qui sont l’image d’au moins un ´el´ement de l’espace E ; c’est un sous-espace vectoriel de F.
Rappel.Une application lin´eaireu∈ L(E,F)est injective si et seulement sikeru={0E}.
Exemples d’applications lin´eaires.
1. L’application identiquede E ou identit´e de E, qui sera not´ee IdE dans ces notes, et qui est d´efinie par IdE(x) = x pour tout x ∈ E, est ´evidemment une application lin´eaire de E dans E. On appelle endomorphisme de E toute application lin´eaire de E dans lui-mˆeme.
2. On associe `a chaque fonction f de l’exemple E l’´el´ement b(f) = (f(0), f0(0)) de R2. L’application b est lin´eaire deE dans R2. Si f ∈ E, on a la relation de r´ecurrence
f(n+2)(0) = 2
3f(n+1)(0)− 1
3f(n)(0)
obtenue en d´erivant n fois l’´equation diff´erentielle qui d´efinit les ´el´ements de E. Si f ∈ kerb, cette relation de r´ecurrence montre `a partir de f(0) = f0(0) = 0 que f(n)(0) = 0 pour tout entier n≥0. Puisque f est d´eveloppable en s´erie enti`ere, on en d´eduit que
f(x) = X+∞
n=0
f(n)(0)
n! xn = 0
ce qui montre que la fonction nulle est le seul ´el´ement de kerb, donc b est injective.
De plus b est surjective de E sur R2: en effet, pour toute donn´ee (y0, y1) on peut r´esoudre la r´ecurrence pr´ec´edente et trouver une suite (an) telle que
an+2 = 2
3an+1− 1 3an
pour tout n ≥ 0, et a1 = y1, a0 = y0. On montre comme avant par r´ecurrence que si M = max(|a0|,|a1|), alors |an| ≤M pour tout M. Il en r´esulte que la fonction
f(x) =
+∞X
n=0
an
n! xn
est d´efinie pour tout x, en particulier pour |x| < a, v´erifie l’´equation diff´erentielle, donc f ∈ E; de plus b(f) = (y0, y1), ce qui montre que b est surjective. L’application b est donc une bijection lin´eaire de E sur R2: l’espace E est isomorphe `a R2; en particulier il est de dimension 2.
4.2. Dimension
Base d’un espace vectoriel
Un syst`emee = (e1, . . . , en) de vecteurs de E est unebasede E s’il est `a la fois libre et g´en´erateur pour E. Cela revient `a dire que tout vecteurv de E admet une repr´esentation unique de la forme
v=λ1e1+· · ·+λnen
o`u λ1, . . . , λn∈K.
Th´eor`eme 4.2.2.Si E poss`ede une base form´ee denvecteurs, toutes les bases de Eont n vecteurs. Le nombre n s’appelle la dimension de E, et on le note dim E.
Matrice d’une application lin´eaire
On suppose donn´eeu: E→F une application lin´eaire,e= (e1, . . . , em) une base de E etf = (f1, . . . , fn) une base de F. Pour chaque j = 1, . . . , msoit Yj le vecteur colonne de Kn form´e des coordonn´ees dans la base f (`a l’arriv´ee) de l’image u(ej) du ji`eme vecteur ej de la base de d´eparte,
Yj =
a1,j
... an,j
, avec u(ej) =a1,jf1+· · ·+an,jfn.
La matrice M = mat(u,e,f) de u par rapport aux bases e et f est alors M = ( Y1 Y2 . . . Ym)
matrice de taille n×m (c’est `a dire n lignes, m colonnes) dont les colonnes successives sont Y1, Y2,. . ., Ym. Si X est le vecteur colonne des coordonn´ees de x∈E dans la base e, le vecteur colonne Y = MX obtenu par produit avec la matrice M est le vecteur des coordonn´ees de y =u(x)∈F dans la basef.
Exemple.
Soit e = (e1, . . . , en) une base d’un espace vectoriel E et soit IdE l’application identique de E ; la matrice de IdE en prenant la base e au d´epart et `a l’arriv´ee est la matrice identit´ede dimension n
In =
1 0 . . . 0 0 1 . .. ...
... . .. ... 0 0 . . . 0 1
, In = mat(IdE,e,e).
Rappel important. Produit d’applications lin´eaires et produit de matrices. Si u: E→F et v: F→G sont deux applications lin´eaires, e une base de E, f une base de F et g une base de G, la matrice de l’application compos´ee v◦u par rapport aux bases e et g est
´egale au produit des matrices de v et de u,
mat(v◦u,e,g) = mat(v,f,g) mat(u,e,f).
Si u est inversible, mat(u−1,f,e) est la matrice inverse de mat(u,e,f).
Rappel. Changement de base.
On consid`ere deux bases e = (e1, . . . , en) et f = (f1, . . . , fn) pour le mˆeme es- pace vectoriel E de dimension n. Pour un endomorphisme u de E, d´esignons par Ae
et Af les matrices de u relatives aux bases e et f respectivement, Ae = mat(u,e,e) et Af = mat(u,f,f). Consid´erons par ailleurs la matrice V = mat(IdE,f,e) de l’application identique de l’espace E, avec la base f au d´epart et la base e `a l’arriv´ee. La matrice V est inversible et son inverse V−1 est la matrice de l’application inverse, qui est encore l’application identique, mais avec la base e au d´epart et f `a l’arriv´ee. On a d’apr`es les principes g´en´eraux sur la matrice d’une composition d’applications
Af = V−1AeV.
Par d´efinition de la matrice d’une application lin´eaire par rapport `a deux bases, lamatrice de passage V contient dans sa colonne j les coordonn´ees du vecteur fj de la base f calcul´ees par rapport `a la base e.
Chapitre 5. R´eduction des endomorphismes d’un espace vectoriel de dimension finie sur un sous-corps de C
Dans ce chapitre, E est un espace vectoriel surK, o`uKsera le plus souvent un sous- corps de C (par exemple : Q, R, C). Consid´erons deux exemples. Soit u l’application lin´eaire de R2 dans R2 d´efinie par
u(x1, x2) = (−3
2x1+x2, x1) ;
on voit que dans la base (f1, f2) de R2 d´efinie par f1 = (1,2), f2 = (2,−1), la matrice de u est diagonale. En effet on au(f1) = 12 f1 etu(f2) =−2f2. On dit que f1 et f2 sont des vecteurs propresdeu, et que les scalaires 12 et−2 sont des valeurs proprescorrespondant
`a ces vecteurs propres. Une des questions fondamentales de ce chapitre est d’´etudier la possibilit´e de trouver une base de E form´ee de vecteurs propres d’un endomorphisme u donn´e. On dira dans ce cas que u est diagonalisable.
Si on d´efinit l’endomorphisme v de R2 par la formule v(x1, x2) = (x1 +x2, x1), on voit que la seule valeur propre possible pourvest 1, et les seuls vecteurs propres possibles sont de la forme (x1,0), donc on ne peut pas trouver une base deR2 form´ee de vecteurs propres dev. Il existe donc des endomorphismes non diagonalisables, et nous donnerons des crit`eres de diagonalisabilit´e.
Valeurs propres, vecteurs propres
D´efinitions 5.1.2. Soient E un espace vectoriel de dimension finie sur K et u ∈ L(E) ; un vecteur x∈E est vecteur propre de u si x6= 0E et si u(x)∈Kx.
Si x est vecteur propre de u il existe donc λ ∈ K tel que u(x) = λx. Un ´el´ement λ∈K est valeur propre deu s’il existe un vecteur x6= 0E dans E tel que u(x) =λx.
Proposition 5.1.2. Soient E un espace vectoriel de dimension n > 0 sur K, u un endomorphisme de E et A la matrice de u dans une base de E; le nombre λ est valeur propre de u si et seulement si λ ∈K et det(A−λIn) = 0.
D´emonstration. Supposons que λ∈K soit valeur propre de u. Alors il existe un vecteur x6= 0E tel que (u−λIdE)(x) = 0E, doncu−λIdE n’est pas injectif, donc pas inversible, ce qui implique det(A−λIn) = 0. Inversement si det(A−λIn) = 0, l’endomorphisme u−λIdE n’est pas inversible donc pas injectif d’apr`es la proposition 4.2.1, donc il existe x6= 0E tel que u(x) =λx.
Exemple. Pour l’application lin´eaire u de R2 dans R2 dont la matrice dans la base
canonique est µ
−32 1
1 0
¶
l’´equation des valeurs propres estλ2+32λ−1, dont les racines sont 1/2 et−2; en r´esolvant (A− 12 I2)X = 0 on trouve le vecteur (1,2) pour vecteur propre.