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Géographie Économie Société : Article pp.205-237 du Vol.15 n°3 (2013)

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Géographie, économie, Société 15 (2013) 205-237

doi:10.3166/ges.15.205-237 © 2013 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

géographie économie société géographie économie société

La centralité d’affaires parisienne face au desserrement des emplois

Un examen par le biais de la localisation d’activités

« témoins » (1993-2008)

The Paris CBD facing jobs sprawls:

an analysis through the location of economic activities (1993-2008)

Laurent Terral

a*

et Miguel Padeiro

b

a Université Paris-Est, Laboratoire Ville, Mobilité, Transports (LVMT), UMR T-9403, IFSTTAR, École des Ponts ParisTech, UPEMLV

b Centro de Estudos Geográficos (CEG), Instituto de Geografia e Ordenamento do Território (IGOT), Universidade de Lisboa, Portugal

Résumé

La recomposition économique des métropoles françaises a posé au cours des dernières décennies la question de l’attractivité et de la puissance des centres d’affaires. Dans le cas parisien, les travaux récents suggèrent que les pertes d’emplois du centre se traduisent par un relâchement de la centralité parisienne et par un desserrement urbain relativement généralisé. Cet article constitue une contribution au débat actuel. À partir d’un découpage spatial original des communes franciliennes, de la définition de secteurs d’activités témoins et d’indicateurs de croissance, de poids et de spécialisation/différencia- tion, plusieurs hypothèses sont mises à l’épreuve : celle du fléchissement de la centralité économique du quartier d’affaires parisien, celle de son élargissement à travers la diffusion des activités témoins dans les communes proches, celle enfin du rapprochement entre les profils économiques des com-

*Adresse email : laurent.terral@enpc.fr

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munes péricentrales et des quartiers centraux. Les résultats de cette approche nuancent quelque peu la lecture généralement pessimiste de l’évolution des quartiers centraux et soulignent le maintien actuel des forces centripètes dans la géographie économique de la région francilienne.

© 2013 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

Summary

During the last decades, the economic reshaping of major French cities has put forward the issue of the attractiveness and power of central business districts. In Paris, recent works suggest that the decline of employment in the city centre is leading to the slackening of the Parisian centrality attri- butes, causing a relatively widespread urban sprawl. This article is a contribution to the current debate. Based on an original spatial slicing of Île-de-France municipalities, on the definition of control economic sectors and on growth, weight and specialization / differentiation indicators, seve- ral hypotheses are tested. First, is the economic centrality of the Paris central business district really declining? Second, is it on the contrary enlarging by the dissemination of control activities within the nearby municipalities? Finally, are the economic profiles of pericentral municipalities and central neighbourhoods being increasingly similar? Our results moderate the generally pessimistic reading of the evolution of central business districts and emphasize the current maintaining of centripetal forces in the economic geography of Paris Region.

© 2013 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

Mots clés : desserrement de l’emploi, centralité d’affaires, Paris, croissance intra-métropolitaine.

Keywords: employment deconcentration, central business district, Paris, intra-metropolitan growth.

Introduction

La métropole parisienne enregistre depuis quelques décennies, une profonde recompo- sition de son espace économique, exprimant deux logiques qui, sans être forcément liées, sont concomitantes. La première, unanimement constatée dans toutes les grandes métro- poles occidentales, se caractérise par une transformation considérable du tissu produc- tif, marquée par l’élimination progressive des activités manufacturières et par un niveau supérieur de tertiarisation, lié principalement à la concentration des services à la pro- duction. La deuxième logique à l’œuvre se manifeste dans le desserrement de l’activité économique (et de l’emploi) ; on assiste à un redéploiement de grande envergure des lieux d’emploi, dirigé principalement vers les banlieues de première et de deuxième couronne, qui traduit un glissement de la croissance du centre vers sa périphérie. Ce dernier schéma est désormais habituel dans les métropoles marquées par une forte périurbanisation des populations résidentes.

En matière de localisation de l’activité économique, l’intensité du desserrement a tou- jours suscité des questions, voire des inquiétudes, quant à la vitalité de l’espace central et à son pouvoir organisateur. L’espace économique intra-métropolitain s’est historiquement ordonné à partir d’un lieu central et c’est en fonction de la distance à ce centre unique que l’expansion urbaine se structurait, que les densités d’emplois et de population, ainsi que la rente foncière, se différenciaient (Alonso, 1964). Sans que ce schéma se soit com-

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plètement effacé, on constate avec l’évolution actuelle que les localisations peuvent obéir à d’autres logiques, que les rapports entre centre et périphérie se recomposent, que le pouvoir d’attraction qu’on prêtait traditionnellement au centre nécessite d’être repensé, et que parler de centralité n’est plus aussi simple que par le passé (Gaschet, Lacour, 2002 ; Bourdeau-Lepage et al., 2009). Pour ce qui est de l’emploi, les analyses empiriques montrent généralement un espace central peu dynamique, parfois en déclin ; certains sec- teurs économiques autrefois attachés au quartier d’affaires historique (Central Business District) tendent désormais à le délaisser au profit de localisations plus périphériques.

Cette évolution annonce-t-elle pour autant le recul de la centralité d’affaires des espaces qui, historiquement, lui étaient dédiés ? La réponse est loin d’être claire, notamment quand on l’aborde par le biais de l’évolution des marchés fonciers (Anas et al., 1998 ; Chapain, Polèse, 2000 ; Gaschet, Pouyanne, 2011 ; Li, 2011), ou encore par le biais des échanges téléphoniques (Halbert, 2007). Les examens réguliers de la déconcentration de l’activité indiquent la diversité des situations d’un contexte urbain à l’autre, entre métropoles d’un même continent (Dijst, Vasquez, 2007), ou bien d’un même pays (Glaeser et al., 2001 ; Bogart, 2006 ; Shearmur et al., 2002).

La métropole parisienne voit depuis trente ans les effectifs d’emploi de la ville-centre se réduire (Gilli, 2009 ; Halbert, 2005). Ce déclin de l’emploi dans la capitale – perte d’en- viron 300 000 emplois dans le dernier quart du siècle passé – n’est sans doute pas étran- ger à certaines décisions politiques visant à déconcentrer activités et résidents, comme l’aménagement de La Défense (Piercy, 1999) ou la création des villes nouvelles, dont il semble toutefois exagéré de dire qu’elles ont réellement attiré les services métropolitains les plus centraux (Shearmur, Alvergne, 2003). Ces différentes opérations sont intervenues à l'époque où la domination économique du centre et de la ville-centre dans l’aggloméra- tion était telle qu’elle devenait source de tensions et de dysfonctionnements. Aujourd’hui, et c’est tout le paradoxe, c’est la situation inverse qui inquiète et incite au débat sur les risques d’un affaiblissement trop important de Paris dans l’espace économique métropo- litain. Certains, à ce propos, mettent en doute la capacité de Paris à satisfaire le besoin de centralité des entreprises (Davezies, 2006).

Pour comprendre les difficultés qui affectent l’espace économique central parisien, il est nécessaire de les remettre dans le contexte de l’évolution générale des localisa- tions intra-urbaines de l’emploi, puis de se demander si les arbitrages dont serait victime l’espace d’affaires parisien sont bien le signe d’un affaiblissement de sa centralité écono- mique et, par conséquent, de la concurrence des nouvelles localisations, plus lointaines, en périphérie. Cette question pousse inévitablement à discuter des formes prises par le desserrement de l’activité économique, même si ce n’est pas l’objectif principal de notre réflexion ; ce type d’approche, comme nous essaierons de le montrer, peut poser dans le contexte parisien certains problèmes d’interprétation. Les analyses conduites dans ce papier sont donc une manière de participer au débat engagé sur l’évolution de la centralité d’affaires parisiennes, et à celui plus abstrait qui cherche à identifier des schémas expli- catifs. Les réponses apportées sont le fruit d’un examen du desserrement de l’emploi sur une période de quinze ans (1993-2008) par le biais de secteurs témoins, et à partir d’un découpage spatial original. Pour commencer, nous revenons sur vingt ans de desserre- ment dans les métropoles françaises et sur son interprétation (1). Après avoir exposé le cadre méthodologique (2), nous analysons tour à tour l’hypothèse d’un affaiblissement de

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la centralité du quartier d’affaires à l’aune de secteurs d’activité préalablement définis (3), celle de l’élargissement de la centralité parisienne (4). Nous comparons enfin les profils économiques des communes péricentrales et des quartiers centraux, dans le but d’évaluer la tendance au rapprochement fonctionnel des communes péricentrales par rapport au quartier d’affaires parisien (5).

1. Le desserrement de l’activité économique dans les métropoles françaises 1.1. Emplois marqueurs de la centralité d’affaires

En l’espace d’une quinzaine d’années, l’analyse des recompositions de l’espace écono- mique au sein des métropoles françaises a constitué un solide corpus de travaux. Avec la tendance des lieux d’emplois à se diffuser en dehors des villes-centres et la dimension prise par ce desserrement partout où la croissance urbaine était constatée, les examens empi- riques se sont multipliés en cherchant, pour la majorité d’entre eux, à répondre à une inter- rogation principale : les processus à l’œuvre reconfigurent-ils en profondeur la structure des espaces économiques intra-métropolitains et transforment-ils les hiérarchies internes entre les lieux d’activités (Alvergne, Shearmur, 1999 ; Guérois, Le Goix, 2000 ; Aguilera, 2002 ; Gaschet, 2002, 2003 ; Baumont et al., 2003 ; Gilli, 2005a ; Halbert, 2005) ? Une ten- dance commune à tous ces travaux, est d’observer comment le sommet de cette hiérarchie – le centre – parvient à demeurer le pôle par excellence des services métropolitains, le lieu où la centralité d’affaires s’exprime encore le mieux.

Cette manière d’aborder la structure de l’espace économique – par le biais de la « cen- tralité d’affaires » - renvoie à un type bien particulier d’approches, qui n’est pas exempt de tout biais, et qui nécessite quelques éléments de cadrage. Nous ne reviendrons pas ici sur la centralité en tant que telle1, en revanche, se pose la question de notre positionnement quant à la dimension à la fois économique, spatiale et historique de la centralité d’affaires dans le contexte européen en général, et parisien en particulier. Au plan économique, la centralité d’affaires sera ici adoptée dans son acception sectorielle, en ce sens définie par la nature (secteur d’activités), la quantité et la concentration (absolue et relative) des emplois prédo- minants. Les deux autres dimensions procèdent de l’indissociabilité des caractères symbo- lique et historique de la centralité d’affaires vis-à-vis de son caractère économique : la spé- cificité des grandes villes européennes et de certaines villes nord-américaines réside encore dans la coprésence, en leur centre, des valeurs de prestige résidentiel et de rayonnement économique. Qualité esthétique du cadre urbain ancien et dense, (re)valorisation récente du centre-ville, mais également influence de la gentrification résidentielle sur la localisation des entreprises de services (Naud et al., 2009) concourent à une telle association.

Or, l’identification des emplois marqueurs de la centralité tend à ignorer en partie le rôle de ces éléments d’urbanité, et à se laisser guider par une priorité de recherche liée à la recomposition économique des régions urbaines, à l’affirmation de la ville transac- tionnelle, à l’émergence de pôles d’emplois suburbains. Ces emplois présentent de hauts

1 La notion continue de faire l’objet de maints débats quant à son contenu économique, social, politique ou encore symbolique, quant à ses critères quantitatifs (seuils de densité, d’accessibilité ou d’interactions). Pour une revue complète, le lecteur se référera à Lévy (1994), Anas et al. (1998), Gaschet et Lacour (2002), Pumain et al. (2006), Bourdeau-Lepage et al. (2009).

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niveaux de concentration à la fois dans les métropoles (par rapport aux autres ensembles urbains) et au centre de celles-ci (par rapport aux espaces péricentraux ou périphériques), au sommet de la hiérarchie intra-urbaine, et l’essentiel des fonctions métropolitaines les plus importantes transite par ces dernières. Leur concentration et leur co-localisation sont à la fois le résultat de leur capacité à supporter les coûts tout en occupant une faible superficie, de leur rôle de moteur et/ou de soutien aux interactions, à l’innovation et au face-à-face (Gad, 1979), et surtout de leur propension à s’agglomérer pour bénéficier des économies d’urbanisation et de localisation. En termes de contenu, les services dits supé- rieurs (high order services), incluant services à la production (publicité, informatique, conseil en gestion et management, activités juridiques, services d’ingénierie et scienti- fiques, comptabilité), services financiers, assurance et immobilier (Coffey et al., 1996), cabinets d’architectes, prestation temporaire et placement de personnel, sécurité, crédit, recouvrement, secrétariat, reproduction (Naud et al., 2009), font figure de principaux marqueurs de la centralité, en raison du caractère marchand et exportables de ces ser- vices et de leur rôle dans l’investissement et la croissance économique (Coffey, Polèse, 1989 ; Coffey, Drolet, 1993). Les services aux entreprises ou business and professional services (O hUallacháin, Reid, 1993 ; Gong, Wheeler, 2002) peuvent également inclure les transports et télécommunications (Halbert, 2004a), des activités de nettoyage et de sécurité des bâtiments (Aguiléra, 2003), le traitement du courrier, les activités de repro- duction et de secrétariat, ces deux derniers pouvant présenter, plus que tous les autres sec- teurs d’activités, une concentration particulièrement élevée dans le CBD (Gong, Wheeler, 2002). Ce faisant, nous n’échappons pas malgré tout au caractère parfois arbitraire des secteurs sélectionnés, et en ne retenant en général que des services liés, par extension, à la sphère productive, on exclut des activités qui accompagnent pourtant le processus de métropolisation, et dont l’offre de services dépasse l’horizon de la seule demande interne.

Au-delà de contraintes méthodologiques sur lesquelles nous reviendrons, une défini- tion de la centralité mobilisant les fonctions métropolitaines (Bourdeau-Lepage, Tovar, 2012) ou encore les emplois métropolitains supérieurs (FNAU-DATAR, 2004 ; Gaschet, Lacour, 2007), est certes efficaces mais ne laissera aucune place aux activités faiblement intellectuelles, comme l’hébergement et la restauration, ou bien aux emplois du secteur culturel, pourtant très concernés par la centralité urbaine. D’une manière générale, les fonctions métropolitaines, tout comme les advanced services producers ou les knowledge intensive business services (KIBS), qui réduisent selon les auteurs l’univers des secteurs considérés (Miles et al., 1995 ; Shearmur, Doloreux, 2009), tendent à occulter les activi- tés plus standardisées et celles dédiés à la consommation. Or au sein même de l’espace francilien, l’exercice consistant à distinguer des secteurs spécifiquement parisiens, non plus par rapport aux autres aires métropolitaines françaises, mais par rapport à l’espace régional, peut donner des résultats surprenants. Fleury et al. (2012) rappellent ainsi que la notion de centralité est intimement liée aux localisations du commerce et des services, elles-mêmes résultantes de logiques de rente foncière, de spécialisation et de hiérarchies (Berry, 1971). Les hiérarchies commerciales au sein de l’espace urbain sont à prendre en considération lorsque sont convoquées les notions de centralités d’affaires (Delage, 2011 ; Fleury et al., 2012). Cette approche territorialisée est celle adoptée par Van Puymbroeck et Reynard (2010) qui, pour identifier les fonctions métropolitaines, s’appuient sur les types d’emplois que les principales aires urbaines françaises concentrent. L’application

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d’une telle approche à l’échelle intra-métropolitaine pourrait ouvrir à d’autres catégories sectorielles les emplois marqueurs de la centralité ; le meilleur moyen de s’en convaincre consiste à partir des représentations réelles de la distribution des emplois dans l’espace métropolitain, et du besoin de centralité de chacun. C’est l’approche que nous défendons dans ce travail pour définir la centralité d’affaires.

1.2. Interprétations du desserrement de l’emploi

L’idée selon laquelle on assistait à un tournant dans l’organisation spatiale des éco- nomies métropolitaines est initialement venue d’observations effectuées sur les villes nord-américaines à partir des années 1980. À ce moment-là, la déconcentration des services supérieurs y est plus avancée que dans les villes européennes car les forces centrifuges, liées à la dégradation de l’espace central et à la prédominance de l’auto- mobile, y sont beaucoup plus fortes (Anderson, Bogart, 2001 ; Glaeser, Kahn, 2001).

Elle a eu pour conséquence d’entraîner la formation en périphérie de pôles d’activi- tés tertiaires dynamiques, riches en services supérieurs et en activités commerciales (Cervero, Wu, 1997 ; Forstall, Greene, 1997). Dès la fin des années 1980, de nombreux travaux ont cherché à décrire ces évolutions dans leur diversité et à préciser le pou- voir d’organisation que ces nouvelles centralités périphériques jouaient au sein des métropoles (Leinberger, Lockwood, 1986 ; Hartshorn, Muller, 1989 ; Cervero, 1989 ; Stanback, 1991 ; Garreau, 1991 ; Giuliano, Small, 1991 ; Harrington, Campbell, 1997 ; McMillen, McDonald, 1998). Le constat prédominant est que l’espace économique central perd progressivement son caractère unique, en tant que lieu où les affaires se traitent et où les services experts nécessaires à la prise de décisions interagissent. Cette interprétation souligne également les limites du modèle monocentrique pour expliquer la nouvelle réalité urbaine et entérine l’idée que les emplois ne s’étalent pas de manière indifférenciée au sein de l’espace suburbain ; cette prise de conscience a encouragé la recherche d’un nouveau cadre analytique plus à même d’appréhender les nouvelles règles de localisation.

En France, les débats récents ont émergé au moment où plusieurs signes attestaient d’un desserrement de nature relativement semblable. D’abord, les villes-centres des grandes métropoles perdent de leur attractivité. Les analyses sur les transferts d’établissements réa- lisées au début des années 1990 montrent à quel point les couronnes périurbaines sont les grandes bénéficiaires des mouvements en cours, au détriment de villes-centres dont l’acti- vité a plutôt tendance à péricliter (Delisle, Lainé, 1998 ; Lainé, 2000). La périphérie attire non seulement des activités commerciales et des services aux ménages, mais également une partie des activités de bureau et de services aux entreprises : dans le cas de ces dernières, une telle évolution est plus inhabituelle dans le sens où elle concerne des activités centrales par nature. Si elle s’explique par la montée en puissance de l’économie immatérielle, par de nouvelles divisions du travail reflétant le besoin croissant de flexibilité de la part des entreprises, elle fait aussi évoluer le système de localisation vers des formes plus incertaines et vers un fonctionnement plus complexe que par le passé. L’hypothèse la plus couram- ment testée trouve son origine, précisément, dans les travaux nord-américains : celle d’une évolution multipolaire de l’espace économique intra-métropolitain, avec l’émergence en périphérie de nouvelles concentrations d’activités spécifiques.

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Le contexte métropolitain français est pourtant relativement différent et invite à une certaine précaution, les mêmes causes ne produisant pas forcément les mêmes effets sur les deux terrains (Boiteux-Orain, Huriot, 2002). En France, l’intervention des agents publics, la petite taille des métropoles (en dehors de Paris), les différences historiques de densités du bâti, de compacité des agglomérations et de représentation des distances, et surtout la répartition inverse des aménités urbaines – autrement dit un centre généra- lement plus valorisé que sa banlieue – ont produit un autre type de suburbanisation et des arbitrages d’une autre nature, le modèle urbain monocentrique semblant présenter, en France, une résistance plus élevée (Boiteux-Orain, Guillain, 2004). La décentralisa- tion des activités ne coïncide pas toujours avec un déclin du centre traditionnel, comme on a parfois pu le confondre (Bogart, 2006), les deux tendances étant bien distinctes.

Ces premières vagues de desserrement, bien qu’elles aient modifié en profondeur les paysages urbains, n’ont pas ôté au quartier central des affaires son rôle et la place qu’il occupait au cœur des métropoles (Boiteux-Orain, Huriot, 2002). En matière économique, l’hypercentre continue à exercer un pouvoir spécifique et à se spécialiser dans les fonc- tions économiques centrales (Gaschet, 2003 ; Bourdeau-Lepage, Tovar, 2012). Si la ten- dance à la suburbanisation des services métropolitains est réelle, les facteurs explicatifs ne sont pas liés au déclin des externalités générées par le centre traditionnel, c’est un autre enseignement qu’on peut dégager de l’exemple français (Buisson et al., 2001). Les pôles de banlieues sont d’ailleurs parfois moins considérés comme concurrents de l’hy- percentre que comme des espaces économiques complémentaires, composés d’activités moins demandeuses de centralité (Aguilera, 2002 ; Baumont et al., 2003). Ces résultats invitent à considérer l’ancrage différent des activités selon les aménités « historiques » du CBD traditionnel. Enfin, du point de vue de leur composition économique, les parties centrales rivalisent encore avec les nouveaux espaces économiques de banlieue pour l’ac- cueil des secteurs spécifiquement métropolitains, y compris dans des métropoles réputées pour leur polycentrisme (Leslie, O hUallacháin, 2006). L’interrogation principale, dans le cas français, consisterait donc plutôt à se demander comment, aux côtés de centres aussi puissants et à l’intérieur d’agglomérations aussi compactes, peuvent s’organiser des formes de polarisation nouvelles en mesure de faire évoluer le schéma urbain vers une organisation différente. Plus qu’une simple différence de point de vue, cette interrogation soulève de nouvelles questions de recherche et plaide dès lors en faveur de l’élaboration d’un cadre analytique mieux adapté au contexte régional et porté, un peu moins peut-être, sur l’obsession de la métropole multipolaire.

Il est d’autant plus nécessaire de le faire que certaines études ont, à côté de la multi- polarité, remarqué d’autres formes de recomposition spatiale. La dispersion généralisée des emplois, y compris stratégiques (Shearmur et al., 2007), et les configurations chao- tiques (« post-modernes ») liées à un certain empirisme urbanistique, au rôle des flux et des communications (Dear, Flusty, 2001) ou encore, ainsi que le souligne Ascher, (1995), à l’urbanisme libéral, invitent à une grande prudence vis-à-vis des modèles en vogue.

La détection des pôles d’activités périphériques, comme objectif majeur des recherches sur les structures métropolitaines (Boiteux-Orain, Huriot, 2002), sous-tend l’idée que les forces d’agglomération, indépendamment de leur localisation, présideraient seules aux recompositions de l’espace économique intra-métropolitain. Sans remettre en cause l’émergence de nouvelles centralités, et le rôle que les externalités d’agglomération

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continuent de jouer dans ce processus, force est d’admettre que ce type d’approche ne renseigne en général qu’une dimension. Au vu de la part que l’emploi dit « polarisé » représente dans les économies métropolitaines, on peut même douter qu’elle soit la plus structurante. En schématisant ainsi la croissance des espaces économiques de banlieue, on court le risque de passer à côté de formes plus dispersées de développement et d’exagérer les distorsions spatiales produites par l’agglomération d’entreprises et leur recherche de proximité géographique réciproque. D’autres critiques avancent que les structures poly- centriques ne constituent qu’un stade intermédiaire de la recomposition économique des métropoles ; à moyen terme, la nouvelle répartition de l’emploi, comme celle de la popu- lation auparavant, mène vers des schémas beaucoup plus dispersés qu’on ne le prétend (Fujii, Hartshorn, 1995 ; Gordon, Richardson, 1996). D’une certaine façon, les résultats de Lang (2003, 2009) abondent dans le même sens, en relativisant considérablement la place que tiennent les edge cities dans l’offre métropolitaine d’espaces à bureaux. Le développement des surfaces immobilières non résidentielles progressent bien au-delà des frontières des edge cities, et le système de localisation génère dans le tissu métropolitain beaucoup moins de discontinuités que Garreau ne l’avait envisagé au départ. Les plus récents travaux de Shearmur et al. (2007) sur la répartition de l’emploi dans les villes canadiennes appuient l’idée d’une variété de tendances, à la fois favorables à la concen- tration et à la dispersion, et on aurait tort de les opposer car elles coexistent et structurent chacune à leur façon les localisations récentes.

La littérature existante propose un certain nombre de pistes explicatives possibles au desserrement : nous en mentionnerons trois. Une première lecture assigne un rôle majeur à certains agents. D’un côté, les acteurs publics ont cherché depuis plusieurs décennies à organiser (voire favoriser) le desserrement urbain des activités : comité de décentralisation, développement des villes nouvelles (Nappi-Choulet, 2005), politiques d’agréments pour les bureaux (Crouzet, 2001a), Schéma Directeur (SDRIF) de 1994 constituent des exemples significatifs d’une telle tendance. De l’autre, les logiques des acteurs de l’immobilier (spé- culation, investissements) se surimposent désormais aux habituels facteurs de localisation des entreprises. Cela est d’autant plus remarquable que ces dernières tendent à être de moins en moins propriétaires de leurs locaux, ce qui donne au produit immobilier une autonomie dont ne bénéficiaient pas les locaux d’activités plus traditionnels (Crouzet, 2001b, 2003) et permet une restructuration de la géographie des bureaux même dans un contexte de suroffre et de ralentissement de la construction (IAURIF, 2002 ; Diziain, 2009).

La deuxième piste envisage la question du desserrement sous l’angle des externalités métropolitaines (Bourdeau-Lepage, Huriot, 2005 ; Ghorra-Gobain, 2010), dans la mesure où l’accumulation de capital humain, dans les plus grandes agglomérations urbaines, permet aux entreprises de s’affranchir des contraintes et des déséconomies liées aux localisations centrales tout en continuant de bénéficier des externalités positives liées à l’agglomération. Cette forme d’avantage métropolitain (Halbert, 2010) refléterait à la fois la corrélation entre augmentation de la taille urbaine et rendements croissants (Gaschet, Lacour, 2007) ainsi que celle liant l’élargissement/chevauchement des bassins de main- d’œuvre (en particulier hautement qualifiée) et la relocalisation des emplois.

Une troisième grille d’interprétation, d’inspiration plutôt néo-classique et liée à la Nouvelle Géographie Économique, souligne le rôle des arbitrages individuels entre coûts liés aux localisations centrales (coûts fonciers et de congestion, entre autres)

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et externalités de coordination (de réseau, informationnelles) (Vicente, 2002). De ce point de vue, la suburbanisation d’une partie de l’activité économique a pu constituer une réponse logique à l’expansion urbaine dans la mesure où, en plus d’un foncier moins onéreux et d’un accès à de plus grandes superficies de terrains, les entreprises trouvaient à l’extérieur des parties centrales non seulement une nouvelle clientèle et de nouveaux bassins de main-d’œuvre qualifiée, mais également des possibilités d’interac- tions soulignant l’importance des contacts face-à-face ainsi que le besoin de proximité géographique des entreprises, en particulier celles des secteurs économiques les plus dématérialisés (services cognitifs et d’investissement immatériel) (Gaspar, Glaeser, 1998 ; Hoogstra, van Dijk, 2004). Une autre hypothèse liée à cette grille de lecture tient à la diminution des coûts de communication, au lien entre le développement des NTIC et la recomposition des dynamiques d’agglomération, dans un contexte régio- nal marqué par de fortes tensions du marché foncier de l’hypercentre. S’il est vrai que les transformations techniques ne sont qu’un élément d’évolutions plus larges, il n’en demeure pas moins qu’une relocalisation à faible distance, notamment du centre d’affaires vers le péricentre, de fonctions ne nécessitant pas d’interactions directes et régulières avec le client, pourrait expliquer l’existence de stratégies d’évitement des territoires centraux et le moindre intérêt pour La Défense, par ailleurs saturée. Ce type d’hypothèse, fréquemment validé à l’échelle internationale sur la base de l’échangea- bilité des services et de l’externalisation à l’étranger d’une partie des fonctions et des services marchands (Abramovsky, Griffith, 2006), a certes souffert des excès du dis- cours sur la fin de la ville puis de leur négation en bloc. Elle manque à présent d’une validation empirique plus systématique à l’échelle intramétropolitaine et sur des dis- tances courtes (centre-péricentre notamment). Le lien entre TIC et séparation spatiale des activités de front-office géographiquement centrales vis-à-vis d’activités de back- office plutôt suburbaines a pourtant été reconnu, à la fois à travers leur rôle dans les politiques d’aménagement et de développement local (Chiabaut, 2002 ; Jonas, 2005) et via la relocalisation des tâches et fonctions standardisables (Ota, Fujita, 1993 ; Savy, 2005), ce qui, dans le secteur financier, de l’assurance et de l’immobilier, englobe les activités supports et le back-office travaillant sur des produits standards (Pohl, 2004 ; Capelle-Blancard, Tadjeddine, 2007).

Au-delà de ces trois modes interprétatifs, la question de la réorganisation spatiale des activités et celle de l’évolution de la centralité économique met en jeu deux réflexions plus fondamentales, qu’il convient de mentionner ici bien que l’approche proposée dans cet article ne permette pas d’y répondre. D’abord, la recomposition à l’œuvre traduit-elle une baisse de l’attractivité du centre d’affaires ou au contraire signale-t-elle une concur- rence exacerbée pour l’espace central ? Ensuite, reflète-t-elle une compétition entre l’es- pace des entreprises et l’immobilier résidentiel ? La fonction résidentielle (notamment de luxe) dans les « beaux quartiers » – au cœur même du quartier central des affaires –tend en effet à se renforcer et peut générer des revenus plus réguliers que l’immobilier d’entre- prise. Ces pistes explicatives ne doivent pas faire oublier l’objet central de cet article : une relecture de la géographie de l’emploi et des formes spatiales qui la caractérisent. Il s’agit de se demander comment la centralité d’affaires parisienne réagit au desserrement de l’emploi, indépendamment des facteurs explicatifs du desserrement, dont l’approfon- dissement relève plutôt d’une autre méthodologie que celle proposée ici.

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1.3. Le desserrement de l’emploi parisien : entre monocentrisme persistant et polycentrisme hésitant

Le desserrement de l’emploi parisien, un temps négligé, a reçu beaucoup plus d’atten- tion au cours de la dernière décennie, d’une part pour en préciser la dimension, et d’autre part pour en déterminer la forme particulière. La manière de l’analyser reprend en règle générale la trame développée pour les villes nord-américaines et pose sensiblement les mêmes questions : assiste-t-on à un déclin du centre ? Le desserrement encourage-t-il plutôt la re-concentration de l’activité en périphérie ou bien sa dispersion ? L’espace éco- nomique devient-il plus polycentrique, et auquel cas, quel rôle sont amenées à jouer les villes nouvelles ? Les dynamiques de localisation montrent un espace économique en transition, soumis à une variété de tendances qui s’entrecroisent.

Une certitude cependant, l’organisation initiale très centralisée de cet espace continue d’exercer un pouvoir structurant sur les localisations actuelles de l’activité, peu importe les approches et l’objet d’étude considéré : distribution des gradients de densité (Guillain, Le Gallo, 2008), répartition des services d’intermédiation (Halbert, 2005), spécialisation dans les services avancés à la production (Shearmur, Alvergne, 2002 ; Boiteux-Orain, Guillain, 2004 ; Halbert, 2006) et prévalence du centre parisien pour les activités du sec- teur culturel (Baumont, Boiteux-Orain, 2005). Le quartier d’affaires central parisien n’en connaît pas moins des difficultés : son poids économique relatif décline, et ce n’est pas seulement en raison de la croissance supérieure des zones environnantes. Il s’agit d’un espace que l’on délaisse, comme le prouve le solde négatif des transferts d’établissements des dernières années (Gilli, 2007 ; Thiard, 2010).

Dans un tel contexte, la réponse à la question du polycentrisme de l’aire urbaine parisienne nécessite de prendre certaines précautions. La recomposition de l’espace économique francilien indique bien le renforcement de pôles d’activités périphériques, qu’il est ensuite possible de hiérarchiser selon leur composition économique, selon les relations qui s’établissent entre pôles nourriciers et pôles spécialisés, ou bien encore selon les flux d’actifs (Gilli, 2005b, 2007 ; Berroir et al., 2007). Les villes nouvelles ont joué un rôle prépondérant dans ce processus, polarisant une grande partie de la croissance d’emploi dans les couronnes, quelle que soit la période considérée. Ceci étant dit, les observations récentes constatent également qu’avec le desserrement, les emplois à l’extérieur de Paris se sont pour moitié dispersés dans des zones qui n’appa- raissent ni comme pôles majeurs ni comme centres secondaires (Gilli, 2009). La dis- persion de l’activité est aussi une réalité en région parisienne, au même titre que peut l’être la multi-polarisation. Enfin, si on considère, comme cela fut le cas pour les villes américaines avec les concepts d’edge city ou de suburban downtown, que le polycen- trisme implique une duplication du CBD à bonne distance de ce dernier, alors parler de métropole polycentrique dans le cas parisien serait exagéré ; les structures émer- gentes ne satisfont pas toutes les exigences en général retenues pour la désigner comme telle. Dans le cas parisien, la « distance entre les centres », dimension sur laquelle plu- sieurs travaux insistent, fait défaut (Sarzynski et al., 2005). Si certains pôles, comme La Défense, possèdent effectivement tous les attributs d’un deuxième centre, ils sont aussi adjacents au quartier central des affaires, partagent avec lui le même marché du travail ou presque, et n’organisent pas l’espace économique de la métropole de manière

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séparée avec celui-ci. Plus éloignées du centre, les principales centralités secondaires ont un rayonnement plus local, et doivent leur existence à la présence d’un ancien noyau urbain désormais intégré à la métropole ou bien au développement d’un projet d’aménagement spécifique (pensons aux villes nouvelles ou bien à la zone de Roissy- CDG, par exemple).

À titre de bilan de ces observations, et à la lumière de la diffusion de faible portée des services à plus forte valeur ajoutée, l’idée défendue par certains du débordement de l’espace central sur les zones environnantes offre une perspective d’analyse intéressante à bien des égards (Halbert, 2005 ; Berger et al., 2006). La question qu’elle pose est de savoir si, en région parisienne, la centralité d’affaires n’aurait pas tendance à se recomposer en investissant les zones directement alentour du centre, en privilégiant la contiguïté territo- riale. Cette approche invite certainement à réinterroger le périmètre des interactions, celui des processus d’agglomération, dans une période aussi où s’est démocratisé l’accès aux nouvelles technologies d’information et de communication. En minimisant l’éloignement au centre, les objectifs peuvent être multiples. Dans une étude sur treize métropoles espa- gnoles, Arauzo-Carod et Viladecans-Marsal (2006) suggèrent que la préférence des entre- prises des secteurs de services, traditionnellement ancrés dans les centres métropolitains, demeure une liaison rapide et aisée au centre. Ces localisations péricentrales constituent alors une alternative intéressante pour qui cherche à bénéficier des externalités positives de la ville-centre, tout en évitant ses coûts. Dans un tel contexte, doit-on parler d’un déclin de la centralité quand la proximité à l’espace central est à ce point recherchée ? Et ce

« polycentrisme de proximité » repéré par plusieurs auteurs n’explique-t-il pas plutôt la résistance du pouvoir structurant d’un seul centre ? En plus de s’interroger sur le maintien de la centralité d’affaires dans son espace initial, notre contribution cherche donc à savoir si l’hypothèse du débordement de l’espace central trouve une validation empirique dans la période récente (1993-2008) et ce qu’elle pourrait signifier.

2. Méthodologie 2.1. Données

Les données exploitées comptabilisent l’ensemble de l’emploi salarié privé entre 1993 et 2008. Elles sont issues des déclarations annuelles envoyées par les entreprises franciliennes à Pôle Emploi : seules sont incluses les activités du secteur privé, le secteur public n’entrant pas en ligne de compte dans les déclarations obligatoires. Ces données sont localisées au lieu de travail et à la commune. Elles sont disponibles annuellement mais nous ne retenons que quelques années, 1993 pour la plus ancienne disponible, 2008 pour la plus récente, et 1996, 2000 et 2004 pour constituer des intervalles. Le choix de ces derniers reflète relativement bien l’évolution du taux de croissance du PIB à l’échelle nationale : l’année 2000 représente un pic (+5,3 % par rapport à l’année antérieure), les deux autres années représentant deux autres petites charnières2.

2 Les données, issues des comptes nationaux de l’INSEE, sont consultables à cette adresse : http://www.

insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&id=159. Il est certain que le choix de l’année 2003 aurait été préfé- rable à 2004, mais cela aurait inutilement déséquilibré les périodes considérées, pour un gain d’interprétation peu significatif.

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Ce jeu de données présente plusieurs avantages ; en décomposant l’évolution en plu- sieurs périodes successives, il permet notamment de séparer plus facilement les effets proprement conjoncturels, des dynamiques plus tendancielles ; la période couverte permet d’avoir également un avant/après de l’accès au réseau Internet. Par ailleurs, plusieurs modalités de la classification NAF Rév. 2 sont disponibles ; pour nos besoins, celle désa- grégeant l’activité en 38 secteurs constitue un bon compromis. L’inconvénient de ces don- nées est qu’elles obligent à recourir à des découpages fondés uniquement sur les secteurs économiques et rendant impossible tout croisement avec les qualifications : une analyse fondée sur une grille structurale fonctionnelle de l’emploi (Beckouche, Damette, 1993 ; Halbert, 2005), ou sur les fonctions métropolitaines (INSEE, 2009 ; Bourdeau-Lepage, Tovar, 2012) apporterait certainement plus de certitudes en approchant plus précisément les spécificités de la centralité métropolitaine, en affinant les catégories économiques utilisées et en tenant mieux compte des réalités de l’organisation des entreprises. Elle permettrait notamment de caractériser des dynamiques plus fines, notamment par la dis- tinction au sein de chaque secteur entre des tâches standardisées et d’autres relevant spé- cifiquement des fonctions supérieures. Les données fournies par la base Unistatis rendent impossible de telles approches.

2.2. Le découpage de l’espace métropolitain : zoom sur l’espace péricentral

Les découpages les plus communs – Paris, première et deuxième couronnes, ou bien les nomenclatures spatiales de l’INSEE pour les aires urbaines – manquent de souplesse pour apprécier pleinement l’évolution du desserrement de l’emploi. Les méthodes ana- lysant la déconcentration de l’emploi en fonction de la distance au point le plus central (Fouchier, 2003 ; Gilli, 2009) ou bien en utilisant des anneaux de distance (Shearmur, Alvergne, 2002) ont le désavantage de ne pas considérer les variations du développe- ment métropolitain selon leur quadrant géographique. Or à distance donnée du centre, on peut rencontrer des tissus économiques de nature fort différente. Notre approche, de nature volontairement empirique et fondée sur notre connaissance du terrain francilien, cherche à tenir compte de ces variations tout en proposant un découpage original, sinon à rebours, du moins différent de périmètres strictement définis par une méthodologie uniforme. En premier lieu, nous ne concevons pas ici les zones géographiques sous la forme de pôles. D’autre part, la multiplicité de critères apporte précisément une flexibilité à même d’épouser les contours des grands secteurs géographiques : à un traitement strictement identique entre pôle central et couronne périphérique visant à l’identification de pôles, nous optons pour une méthode flexible qui n’en demeure pas moins rigoureuse (Carte 1 et Annexe A) :

1) le quartier central des affaires (QCA), dans Paris, a été défini sur la base d’un certain nombre de critères présentés dans la prochaine section (2.3) ;

2) tous les arrondissements parisiens excluant ceux du quartier central des affaires for- ment le secteur Paris-Est. La distinction entre le quartier central des affaires et le reste des arrondissements est basée sur des critères d’emplois, comme nous le verrons plus loin, et aboutit à un découpage pertinent et relativement similaire à d’autres travaux ;

3) ce que nous appelons « espace péricentral » inclut les 29 communes limi- trophes de Paris et 28 autres communes directement adjacentes à ce premier cercle.

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L’ensemble se trouve, à vol d’oiseau, à une distance maximale de 12 km du cœur du quartier central des affaires. Cette zone dense a ensuite fait l’objet d’une subdivi- sion pour tenir compte de sa diversité territoriale. L’agrégation de communes s’est faite par contiguïté spatiale, et dans un souci de constituer des entités territoriales partageant une certaine unité socio-économique et historique : celle-ci se traduit par un cadre urbain différencié en fonction des héritages à la fois économiques et urba- nistiques, comme l’opposition entre communes anciennement industrielles et com- munes de l’ouest tertiaire ; strictement économiques, faisant intervenir les secteurs d’activités prédominants ; sociales et historiques se reflétant dans la structure sociale de la population résidente (Préteceille, 2003). La séparation de l’espace péricentral en plusieurs blocs répond au souci d’améliorer des découpages souvent calés sur les limites départementales (Aguiléra et al., 2009 ; Gilli, 2009), et pour cela même très discutables, sans pour autant nous en tenir à une analyse communale. On retrouve ainsi à l’ouest les secteurs de la Défense, Boucle de la Seine et Boulogne, un sec- teur Nord-Est, à l’origine plus industriel et aujourd’hui en reconversion, le secteur Vincennes à l’est, et enfin le secteur Ivry au Sud ;

4) les villes nouvelles, au nombre de cinq, sont incontournables lorsque l’on travaille sur la recomposition des dynamiques d’emplois en Île-de-France (Halbert, 2004b ; Padeiro, 2012), et nécessitaient par conséquent d’être distinguées des autres. Composées pour l’essentiel de communes situées en deuxième couronne, ces villes nouvelles (Saint- Quentin-en-Yvelines, Cergy-Pontoise, Evry, Sénart et Marne-la-Vallée) constituent des opérations d’aménagement planifiées et des espaces en forte croissance ;

5) un ensemble de communes localisées en banlieue et ayant en commun d’être des zones de polarisation de l’emploi. Il s’agit des communes les plus susceptibles d’accueil- lir des activités du secteur productif et donc d’avoir profité du desserrement ;

Carte 1 : Découpage spatial des communes franciliennes.

Nord

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6) la dernière catégorie réunit la grande majorité des communes restantes, et se compose d’espaces essentiellement périurbains dominés par la fonction résidentielle. Les deux dernières catégories proposées sont fondées sur les emplois et les navettes quotidiennes3, une méthode largement utilisée par ailleurs (Shearmur, Coffey, 2002 ; Berger et al., 2006 ; Thiard, 2010).

2.3. Définir la centralité d’affaires et le périmètre du quartier central des affaires (QCA) : le recours aux « secteurs témoins »

Le périmètre du quartier central des affaires ne fait pas consensus dans la littérature récente. Si de nombreuses études incluent trois arrondissements historiques du « Paris des affaires » – IIe, VIIIe, IXe – (Boiteux-Orain, Guillain, 2004 ; Halbert, 2004 ; Thiard, 2010), d’autres travaux élargissent le périmètre. Ainsi, Guillain et Le Gallo (2008) ajoutent les Ier et XVIIe arrondissements. Notre analyse débutant en 1993, à un moment où la décon- centration de l’activité économique est déjà bien avancée, nous proposons d’identifier les secteurs « témoins » de la centralité d’affaires, puis de tracer les limites du CBD parisien en fonction de la concentration relative de ces secteurs dans Paris. Cette méthode vise à partir des dynamiques observées empiriquement pour qualifier ce qui caractérise le tissu productif des arrondissements. Elle se décompose en trois étapes :

i) identification des secteurs-témoins en fonction de leur représentation absolue (nombre d’emplois) et relative (part dans l’emploi total parisien) ;

ii) identification, parmi les secteurs-témoins, de « secteurs-témoins co-localisés », à partir d’une matrice de corrélation ;

iii) découpage géographique de la ville-centre basé sur la spécialisation des arrondis- sements parisiens dans les secteurs-témoins co-localisés.

Le périmètre constitué doit donc inclure tous les arrondissements qui combinent, au sein de l’espace parisien, une spécialisation dans l’accueil de ce groupe de secteurs, et que les effectifs sectoriels classent dans les 50 % mieux dotés à l’échelle de la capitale : ce sont donc ceux dont la localisation indique une préférence (absolue et relative) pour les localisations parisiennes en début de période (tableau 1). Autrement dit, les secteurs témoins sont utilisés pour l’analyse, et ceux d’entre eux qui, en plus d’être « témoins », sont également co-localisés, servent également à la définition du périmètre du QCA.

Le classement obtenu, sans présenter de grandes surprises dans le sens où les secteurs traditionnellement centraux sont bien ceux qu’on retrouve en tête de liste, signale néan- moins quelques spécificités qu’on ne peut ignorer4 : le bon classement du secteur héberge- ment et restauration rappelle une facette incontournable de l’économie parisienne. Nous retenons comme « secteurs témoins » les activités présentes dans les deux classements (et

3 La définition des zones d’emplois est basée sur un seuil minimum du total d’emplois dans la commune (E) et sur le taux emplois/population active hors navettes quotidiennes vers Paris (EPA). Cette dernière condition nous oblige à utiliser les données du recensement le plus proche de la première année disponible dans les don- nées Unistatis (1993) : le Recensement de 1990 présente en effet l’avantage, pour la description de la polarisa- tion spatiale, de proposer non seulement le nombre d’emplois total (y compris l’emploi public) mais encore les trajets domicile-travail. Une commune peut être considérée comme une zone d’emplois à la double condition suivante : E > 5 000 ; EPA > 1. Cette méthode a permis de retenir 69 communes.

4 Au premier rang pour la part d’effectifs dans Paris, la présence de l’industrie textile & habillement a fort probablement à voir avec le secteur du luxe et de la mode dont l’attachement au centre est bien connu, et dont Paris est une des capitales mondiales.

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surlignées en gris). Il s’agit pour l’essentiel d’activités tertiaires ayant pour marché principal la prestation de services à d’autres entreprises. En plus de ces secteurs, nous ajoutons à notre liste les activités informatiques & services d’information qui viennent au troisième rang des activités les plus dynamiques sur la période mais qui, en raison de la faiblesse des effectifs en 1993, n’apparaissent pas dans le premier classement – c’est le seul secteur à se trouver dans ce cas. Il serait possible d’analyser le cas de l’industrie culturelle, qui fait partie d’un ensemble d’activités nouvelles, motrices en termes de créations d’entreprises. L’industrie culturelle, dont le rapport à la centralité est déjà bien documenté (Baumont, Boiteux-Orain, 2005), est ici englobée pour une bonne partie dans le secteur Édition, audiovisuel et diffu- sion. Les auteures ici mentionnées y incluaient également les activités liées au patrimoine, qui relèvent surtout du secteur public (non présent dans les données Unistatis), ainsi que l’architecture, ici intégrée aux services aux entreprises.

Naturellement, tous ces secteurs n’ont pas des comportements de localisation identiques, ni le même poids économique. Ils ont simplement en commun d’être très parisiens à une date donnée. Le secteur hébergement et restauration n’est certainement pas le plus caractéristique des économies métropolitaines, mais sa présence se justifie par le fait qu’il participe, par bien des aspects, à construire une type de centralité qui n’est pas sans lien avec le monde des affaires.

Pour tracer les limites du quartier central des affaires, nous cherchons maintenant à savoir, parmi ces secteurs, lesquels ont tendance à se co-localiser. Précisons que la recherche d’une adresse parisienne peut poursuivre différents objectifs. Dans le cas de certaines entreprises, ce choix peut fort bien s’expliquer par une stratégie de regroupe- ment géographique entre activités complémentaires liées à la nécessité d’échanger des informations et des connaissances sur une base régulière. Autrement dit, ce choix se jus- tifie autant par la volonté de mieux satisfaire un niveau d’interaction élevé avec d’autres entreprises que par le lieu en soi. Cette dimension est à l’origine même de la centralité d’affaires. L’analyse de corrélation est ici mobilisée pour estimer le niveau de co-présence de tous ces secteurs : elle permet de sélectionner uniquement les secteurs présentant entre eux un coefficient de corrélation supérieur à 0,2, significatif au seuil de 10 %. Quatre secteurs sont ainsi identifiés, dont le destin, en matière de localisation, semble étroitement

Proportion d'effectifs strictement parisiens

(75) des secteurs d'activité franciliens (%) Activités les plus pourvoyeuses d'emplois

salariés dans Paris (75) En

milliers Textile, habillement, cuir & chaussures 69,3 Activités financières et assurances 188,2 Activités financières et assurances 61,9 Commerce ; répar. automobile & motocycle 187,7 Edition, audiovisuel et diffusion 60,5 Act. de services administratifs & soutien 165,4

Activités immobilières 54,4 Hébergement et restauration 101,4

Hébergement et restauration 53,6 Act. juridique, comptabilité, gestion, arch., ing. 91,1

Télécommunications 52,8 Autres activités de services 55,2

Enseignement 49,3 Édition, audiovisuel et diffusion 54,9

Act. de services administratifs & soutien 48,6 Construction 51,4

Act. juridique, comptabilité, gestion, arch., ing. 46,9 Activités immobilières 39,1 Administration publique 45,9 Autres act. spécialisée, scientifiques et tech. 35,5

Emploi Total 35,7

Tableau 1 : Classement des secteurs d’activité les plus parisiens en IDF en 1993.

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lié : Édition, audiovisuel et diffusion / Finances et assurances / Activités immobilières / Activités juridiques, comptabilité, gestion, architecture et ingénierie (tableau 2). Ils sont ceux que nous retenons pour tracer les limites du quartier central des affaires.

L’espace d’affaires, sur la base des critères retenus, dépasse ainsi largement ses limites historiques. Aux arrondissements originaux (Ier, IIe, VIIIe, IXe) s’ajoutent en 1993 les arrondissements voisins du sud-ouest parisien (XVe, XVIe et VIIe) et du XVIIe arron- dissement, au Nord-ouest. Cette nouvelle géographie, marquée par un glissement vers la partie sud-ouest de la capitale, va dans le sens d’autres observations annonçant déjà l’extension de l’espace d’affaires métropolitain dans cette direction (Halbert, 2005).

Tableau 2 : Matrice de corrélation (co-présence) des secteurs témoins (calculée sur les Communes > 10 000 emplois en 1993 (n=77))

3. Le desserrement des secteurs témoins coïncide-t-il avec un fléchissement de la centralité d’affaires du quartier central ?

La première série de résultats porte sur la situation spécifique de l’espace central.

L’affaiblissement du rôle tenu par le quartier historique des affaires est un sujet récurrent depuis quelques années à Paris ; il vient en général avec une autre crainte, celle d’une muséification des lieux. À l’épreuve des données d’emploi, que peut-on en dire ? Cet espace est-il encore attractif pour les activités dites centrales ? Intéressons-nous dans un premier temps au poids du QCA dans l’espace économique métropolitain.

L’évolution de l’emploi dans le QCA entre 1993 et 2008 ne laisse planer aucun doute sur sa position moins prédominante dans l’espace métropolitain (tableau 3). Tous les secteurs sans exception y sont relativement moins localisés en 2008 qu’en 1993. Si cette érosion ne surprend pas, dans la mesure où elle confirme une tendance déjà amorcée dans le dernier quart du siècle passé, elle montre dans le détail une accélération au pas- sage de l’an 2000. En effet, pour au moins cinq des sept secteurs témoins, c’est à partir de cette date que l’emprise relative du QCA se réduit plus significativement. C’est vrai pour l’emploi total également. Les reculs les plus forts sont enregistrés par la finance et assurances (-9,1 points entre 2000 et 2008), les activités de services administratifs et de soutien (-5,2 points entre ces deux dates), les activités juridiques, comptabilités, etc. (-5 points), l’activité informatique & services d’information (-4,1 points) et enfin l’hébergement et la restauration (-2,1 points). Parmi les hypothèses possibles expli-

1.00000 0.20475 0.40267 0.31972

0.0741 0.0003 0.0046

1.00000 0.27502 0.32094

0.0155 0.0044

1.00000 0.43330

<.0001 1.00000 Act. juri., compta.,

gestion, arch., ingé.

Édition, audiovisuel et diffusion

Finance et assurances

Activités immobilières

Act. juri., compta., gestion, arch., ingé.

Édition, audiovis. et diffusion

Finance et assurances

Activités immobilières

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quant ces fortes diminutions, trois seront ici invoquées, bien qu’à manier avec précau- tion. La première, difficile à capter avant l’année 2000, concerne la démocratisation de l’accès aux nouvelles technologies d’information et de communication, en particulier Internet, entre 2000 et 2008, et donc la possibilité de reconfigurer et segmenter à nou- veau la chaîne de production, en recherchant de nouvelles localisations périphériques pour les fonctions banales. Les deux premiers secteurs finance et assurances et activi- tés de services administratifs et de soutien, a priori les plus concernés, sont d’ailleurs ceux dont le poids central s’abaisse le plus. Cette hypothèse rejoint les observations de (Capelle-Blancard et al., 2007), qui soulignent en outre que ce sont surtout les activités les plus standardisées (OPCVM et auxiliaires financiers en gestion de portefeuille) qui portent ces transferts. Ensuite, si la part des activités témoins localisées hors du QCA augmente, il est aussi possible qu’elle soit liée à la progression de nouveaux marchés dans les espaces de banlieue et le périurbain. Enfin, une autre hypothèse vraisemblable tient à la financiarisation à la fois des entreprises et des logiques d’offre immobilière (Marty, 2006). Accompagnant la disjonction entre fonctions immobilières et entreprises utilisatrices des bureaux, la montée en puissance de la filière de l’immobilier d’en- treprise a poussé le marché immobilier dans une logique d’offre (Malézieux, 1993 ; Crouzet, 2001a), au sein de laquelle la spéculation et les investissements de court terme s’inscrivent comme motivations premières des investisseurs (Nappi-Choulet, 2006). La mise à profit des programmes de renouvellement urbain porte ainsi, dans une large mesure, sur la valorisation d’espaces émergents et péricentraux.

Le recul du poids économique du Paris des affaires ne permet pas de conclure, pour l’instant, à une baisse de son attractivité ; si ce recul est confirmé par des variations négatives de l’emploi, la réponse ne fera alors plus de doutes. En revanche, l’interpré- tation sera différente si ce recul est le résultat d’une progression de l’activité plus lente que dans le reste de l’agglomération. Il est important de bien faire la distinction entre les deux situations, car elle renvoie à des scénarios différents. Pour y voir plus clair, nous comparons désormais les variations sectorielles d’effectifs dans le QCA à celles enregistrées dans le reste de la région, en prenant soin de mettre en face des variations relatives (Taux de variation annuel moyen par période, TVAM) les effectifs concer- Tableau 3 : Évolution du poids du quartier central des affaires pour l’emploi total et dans les sec- teurs témoins en IDF, par période entre 1993 et 2008.

Evolution cumulée du poids par période 1993-1996 1993-2000 1993-2004 1993-2008

Emploi total 21,2 -0,5 -1,5 -2,9 -4,1 17,1

Secteurs témoins co-localisés

Activités financières et d'assurance 50,9 -5,1 -7,6 -13,4 -16,7 34,2

Édition, audiovisuel et diffusion 39,0 1,3 -4,6 -4,8 -5,1 33,9

Activités immobilières 36,6 -3,4 -4,7 -10,3 -7,3 29,3

Act. juridique, comptabilité, gest., arch., ingé. 32,9 -0,6 -2,4 -4,5 -7,4 25,5 Autres secteurs témoins

Hébergement et restauration 30,8 -2,0 -1,4 -2,7 -3,5 27,3

Act. de svices administratifs & soutien 25,8 -1,6 -3,7 -6,5 -8,9 16,9

Act. informatique & svices d'information 25,8 -1,4 -1,3 -3,2 -5,5 20,3

Part (%) en 1993

Part (%) en 2008

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Figure 1 : Variation nette et relative (TVAM) des secteurs témoins dans le quartier central des affaires (QCA) et le reste de la région IDF

Activité juridique, comptabilité, gestion, arch. et ingénierie

Activité informatique & services d'information

Finance et assurances Edition, audiovisuel et diffusion

Activités immobilières

Hébergement et restauration

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nés (Variation nette) (Fig. 1). Nous avons besoin de l’un et de l’autre pour limiter le risque de surinterprétation.

Au vu des dynamiques sectorielles décomposées par période, le QCA continue d’exercer un haut niveau de polarisation sur les activités témoins les plus dynamiques (Activités juridiques, comptabilité, ges- tion, etc. / Activité informatique & services d’information / Hébergement et restaura- tion, notamment). Dans la majorité des cas, la situation du quartier central des affaires co-évolue avec le reste de l’espace métropo- litain en suivant une trajectoire presque parallèle à celle observée ailleurs dans la région.

Pour le dire autrement, la santé économique du Paris des affaires va aussi bien que celle de sa région. Quand l’emploi sectoriel croît ailleurs en Île-de-France, il croît également au sein du QCA, et l’inverse se vérifie aussi ; la distinction entre les deux provient du niveau des variations. Quand elles sont positives, le QCA enregistre une progression relative en général inférieure au reste de la région, mais qui, ramenée aux effectifs réellement gagnés, est loin d’être négligeable. Ainsi, en quinze ans, les huit arrondissements du QCA ont capté 16,5 % des nouveaux emplois métropolitains des activités juridiques, comptabilité, gestion, etc. et 18,3 % de ceux des activités informatiques & services d’information.

Deux secteurs font exception à ce schéma et semblent se comporter différemment du reste : la finance et assurances et, dans une moindre mesure, les activités de services admin- istratifs & soutien. Dans leur cas, alors que le QCA a éliminé des emplois, le reste de l’espace métropolitain en a gagné. Le cas de la finance et assurances est symptomatique alors que les courbes d’évolution montrent une symétrie presque parfaite, où les emplois perdus au centre semblent avoir été gagnés dans des proportions quasi-identiques par le reste de l’espace métropolitain. Activité centrale par excellence, la finance et assurances a éliminé plusieurs milliers d’emplois dans le quartier central. Une partie de l’explication est certainement à rechercher dans les caractéristiques de ce secteur. En début de période, aucune autre activité n’est plus concentrée dans le QCA que la finance et assurances – le QCA abrite 50,9 % des emplois sectoriels régionaux –, c’est donc le secteur qui a le plus « à donner » à sa périphérie. Il n’en demeure pas moins que cette brusque diminution au centre atteste d’un changement radical de comportement. Touchant l’un des secteurs ayant le plus expérimenté la division de la chaîne de valeur entre d’un côté les opérations techniques et routinières, ayant connu une suburbanisation plus poussée, et d’un autre les opérations de gestion, à plus forte valeur ajoutée, encore attachées à l’espace central, ce processus a cer- tainement gagné en intensité au cours de la période ; et il s’est accéléré par le développement des nouvelles technologies d’information et de communication (Rousset-Deschamps et al., 2009 ; Rowe, Béal, 1995). Sachant que ce secteur a été avant-gardiste dans leur utilisation et dans l’échange de données à distance, on peut alors légitimement se demander si les recompositions de sa géographie de l’emploi n’indiquent pas une nouvelle façon de penser l’espace de production et de distribution des services. Seule une analyse précise à partir des fonctions permettrait de rendre compte de cette évolution de manière plus formelle.

Activités de services administratifs & Soutien

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Figure 2 : Répartition francilienne de la croissance d’emploi (1993-2008) par secteurs témoins et évolution du poids relatif de chaque zone (Différence entre la part en 2008 et la part en 1993).

Edition, audiovisuel et diffusion

Activité informatique & services d'information

Activités immobilières

Hébergement et restauration

Act. Juridique, comptabilité, gestion, arch. et ingénierie

Finance et assurances

Activités de services administratifs & Soutien

Tous secteurs témoins confondus

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