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Géographie Économie Société: Article pp.385-412 of Vol.15 n°4 (2013)

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Géographie, Économie, Société 15 (2013) 385-412

doi:10.3166/ges.15.385-412 © 2013 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

géographie économie société géographie économie société

Logistique et territoire : multiplicité des interactions et forces de régulation

Logistics and territory: multiplicity of interactions and control strengths

Sophie Masson

a*

et Romain Petiot

b

a Université de Perpignan Via Domitia ART-Dev, UMR 5281

Chemin Passio Vella, BP 79905, 66962 Perpignan Cedex 9

b Université de Perpignan Via Domitia CAEPEM, EA 4606

Chemin Passio Vella, BP 79905, 66962 Perpignan Cedex 9

Résumé

La logistique, outre qu’elle est un élément fondamental des stratégies des entreprises ainsi qu’un vecteur de la mondialisation, devient un enjeu du développement et de l’aménagement des terri- toires. Elle représente un système d’interactions spatiales et temporelles et les implications territo- riales des chaînes logistiques ne sont pas négligeables. L’article propose un cadre d’analyse systé- mique à trois dimensions (système logistique, modes productifs et territoire) afin d’appréhender la complexité des interactions entre logistique et territoire. Chacun des liens entre ces dimensions est éclairé par la mobilisation d’apports théoriques, notamment la littérature de l’économie régionale et industrielle. Ainsi, l’article met en évidence les dynamiques actuelles des implantations logistiques et ses ressorts. Puis, les enjeux et les impacts de la logistique en termes de développement territorial et d’aménagement sont examinés. Enfin, à partir de l’examen des forces externes qui s’exercent sur cette systémique, l’article propose une analyse des mutations en cours et à venir susceptibles

*Adresse email : sophie.masson@univ-perp.fr

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d’avoir un effet sur la dynamique des interactions entre logistique et territoire. Le propos s’ouvre, en particulier, sur la question de la régulation des implantations logistiques et les modes de gouver- nance émergeant en matière de territorialisation de la logistique.

© 2013 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

Summary

Logistics is not only a fundamental component of firms’ strategies and a vehicle for globalization, it is also becoming an issue for regional development and planning. Logistics represents a whole system of spatial and temporal interactions. Its territorial implications are significant. The growing prominence of environmental concerns makes it increasingly important to take account of the spa- tial dynamics of logistics. The links between logistics and territory can be revealed by a systemic analysis through three dimensions (logistics system, productive patterns and territory). The paper deals with the relationship between these dimensions by mobilizing the literature on regional and industrial economics. This article highlights the current territorial dynamics of logistics and its determinants. Then, it reviews the external strengths acting on the system. It proposes to examine the recent and future changes likely to have an impact on the dynamics of interaction between logis- tics and territory. Finally, the paper discusses the question of the regulation of logistic facilities and emerging modes of governance in terms of territorial logistics.

© 2013 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

Mots clés : logistique, dynamique spatiale, interactions, territoire, analyse systémique, gouvernance.

Keywords: Logistics, spatial dynamic, interactions, territory, systematic analysis, governance.

Introduction

La logistique, outre qu’elle est aujourd’hui un élément fondamental des stratégies des entre- prises (Paché et Sauvage, 2004 ; Colin, 2005 ; Dornier et Fender, 2007 ; Medan et Gratacap, 2008, etc.) ainsi qu’un vecteur de la mondialisation (Fremont et Soppé, 2005 ; Wackermann, 2005 ; Hesse et Rodrigue, 2006 ; Hesse, 2007), devient un enjeu du développement et de l’aménagement des territoires (Savy, 2006 ; Joignaux, 2008 ; Masson et Petiot, 2012). Le déploiement des préoccupations environnementales renforce de plus l’intérêt de la prise en compte des interactions entre les organisations des chaînes logistiques et les territoires.

Envisagée à l’origine essentiellement comme la gestion opérationnelle de la distri- bution des flux physiques, la logistique a connu de fortes évolutions quant à sa fonction et son rôle dans la chaîne de valeur (Porter, 1985). À partir des années 1980, elle est progressivement considérée comme un facteur clé de succès pour développer un avan- tage concurrentiel (Porter, 1980). Elle est aujourd’hui appréhendée comme une fonc- tion stratégique de planification et de pilotage des flux physiques et informationnels dans l’entreprise étendue1, notamment sous l’impulsion du supply chain management (SCM)2

1 Le principe de l’entreprise étendue est la mise en place de relations fortes entre acteurs autonomes associés dans une chaîne de valeur commune.

2 Le concept de SCM, apparu au début des années 1990, correspond à la volonté de firmes industrielles, des entreprises de distribution et des prestataires de services logistiques, associés dans des chaînes de valeur com-

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(Dornier et Fender, 2007 ; Medan et Gratacap, 2008 ; Paché et Sauvage, 2004). Elle met en œuvre des moyens propres à l’entreprise ou externalisés, le long d’une chaîne allant des inputs à l’output et englobant toutes les opérations physiques (transport, entreposage, stockage, cross-docking, manutention, co-manufacturing, co-packing, distribution, etc.) conduisant à la satisfaction du client et dans les conditions optimales de performance pour l’entreprise (triptyque coût-qualité-délai) (Masson, Petiot, 2012). Au-delà, elle englobe toutes les activités de la chaîne logistique3 visant à maîtriser les flux de produits, la coor- dination des ressources et des débouchés (Heskett, 1977) et s’appuie sur la mise en œuvre de systèmes d’information et de communication de plus en plus sophistiqués (progiciels de systèmes d’information, EDI, RFID, etc.).

Dans un système productif où la synchronisation et la réactivité sont des mots-clés, la logistique joue un rôle essentiel dans l’organisation spatialisée des marchés. À l’échelle mondiale, la dispersion internationale des processus productifs a des impacts importants sur les flux et les circuits logistiques associés (Hesse et Rodrigue, 2006). Réciproquement, l’amélioration de la performance des chaînes logistiques et de transport a autorisé et accompagne encore aujourd’hui la transformation du système productif et son inscrip- tion spatialement mondialisée. Le double phénomène de désintégration verticale et de concentration des activités conduit à une concentration géographique des unités logis- tiques (Hesse, 2002 ; Hesse et Rodrigue, 2004 ; Cidell, 2010). À une échelle plus locale, la polarisation des implantations logistiques se couple d’un desserrement spatial aux péri- phéries des métropoles urbaines (Dablanc et Ross, 2012).

L’objectif de cet article est d’analyser les interactions entre logistique et territoire à partir d’une analyse systémique à trois dimensions et d’appréhender la multiplicité de ces inte- ractions. Il propose d’examiner l’inscription spatiale de la logistique, ses formes, ses enjeux et ses déterminants ainsi que les risques de ruptures pouvant remettre en question l’orga- nisation actuelle du système. Les activités logistiques ne peuvent être comprises indépen- damment du territoire où elles prennent place, qu’il s’agisse des activités mobiles que sont les opérations de transport ou des activités statiques renvoyant aux activités d’entreposage, de stockage, de manutention, etc. Si une littérature foisonnante existe sur l’analyse des liens entre infrastructure de transport et territoire4, peu de travaux s’intéressent à la logis-

munes, de répondre aux demandes des clients par la mise au point, la production et la vente de produits dans des conditions satisfaisantes de coût, de qualité de service et de réactivité (Bowersox et al., 2009 ; Christopher, 2005 ; Colin, 2005 ; Mentzer, 2004 ; Paché, 2006). Le SCM revêt ainsi une dimension intégrative et systémique, puisqu’il considère la logistique avant tout selon un angle stratégique (et non instrumental). Il s’inscrit dans une organisation décloisonnée qui va des fournisseurs des fournisseurs en amont jusqu’aux clients des clients en aval. Le SCM pose ainsi la problématique d’optimisation de la chaîne logistique dans son ensemble et non plus segment par segment.

Son objectif est d’intégrer l’ensemble des processus logistiques en synchronisant l’ensemble des flux information- nels et en coordonnant l’ensemble des acteurs impliqués ou concernés par ces processus.

3 La chaîne logistique ou supply chain est schématiquement définie comme un ensemble de trois entités tra- versées par des flux amont et aval de produits, de services, d’informations et des flux financiers, depuis un (des) fournisseur(s) jusqu’à un (des) client(s) (Mentzer et al., 2001). Ces entités forment des maillons interdépendants, dans l’ordre de succession des tâches d’approvisionnement, de production et de distribution (Wackermann, 2005).

4 De façon générale, les travaux en économie et géographie mettent largement en avant le rôle du transport dans le développement. Ainsi, on peut citer les modèles économiques régionaux pour lesquels l’infrastruc- ture provoque mécaniquement une augmentation de la valeur ajoutée régionale (Aschauer, 1989 ; Munnel, 1992) et de façon plus générale, l’ensemble des modèles de l’économie géographique, indépendamment du type d’approche (microéconomique spatiale, nouvelle économique géographique) pour lesquels la dotation infras-

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tique sous l’angle spatial. Pourtant, inscrite dans la mondialisation, elle implique fortement l’organisation du territoire. En effet, les publications scientifiques en matière de logistique sont nombreuses mais essentiellement issues des disciplines de la science de gestion et de la recherche opérationnelle et focalisées davantage sur des problématiques relatives aux pro- cessus et aux méthodes logistiques. Les recherches s’intéressant à la logistique sous l’angle spatial sont ainsi peu nombreuses et relativement récentes. On peut toutefois citer les tra- vaux de Bowen (2008), Cidell (2010, 2011), Hesse (2004, 2007), Hesse et Rodrigue (2004, 2006), Jakubicek et Woudsma (2011), McKinnon (2009), Mérenne-Schoumaker (2007), Wagner (2010) en géographie et aménagement ainsi que quelques travaux en recherche opérationnelle (Bhatnagar et Sohal, 2005 ; Melo et al., 2009). En France, cette probléma- tique tend également à se développer, notamment par Dablanc et al., (2010), Dornier et Fender (2007), Joignaux (2008), Paché (2006), Raimbault et al. (2010), Savy (1993, 2006), Wackermann (2005), etc. Cet intérêt tardif porté aux problématiques spatialisées de la logis- tique s’explique par le développement relativement récent de la logistique comme fonction pivot de l’organisation productive, par le manque de données statistiques consolidées sur la géographie des unités logistiques et, certainement aussi, par le fait que, contrairement aux infrastructures de transport, les implantations de plates-formes logistiques s’inscrivent davantage dans des stratégies privées. Pourtant, la logistique, comme système d’interactions spatiales et temporelles, comprend des implications spatiales qui ne sont pas négligeables.

Quelles sont dès lors les interactions entre logistique et territoire ? Quelles sont les dynamiques spatiales des chaînes logistiques ? Quel est le schéma explicatif de la loca- lisation des plates-formes et unités logistiques ? Quel est le rôle des unités logistiques dans l’aménagement du territoire et le développement territorial ? Quelles sont enfin les variables externes pouvant impacter le système d’interactions logistique – territoire actuel et vers quelles orientations ?

Dans une première partie, nous exposons le cadre d’analyse des interactions entre logistique et territoire, à savoir une approche systémique à trois dimensions : système logistique, modèles productifs et territoire. Ce cadre systémique permet d’appréhender la complexité des interactions entre logistique et territoire en les décomposant en trois types de liens d’interaction. Chacun de ces liens est éclairé par la mobilisation d’apports théoriques. Les caractéristiques du système logistique ainsi que les liens entre ce système et les modèles productifs sont alors présentés. Dans une deuxième partie, nous présentons les différentes dimensions spatiales du système logistique et quelques faits stylisés de la répartition géographique de la logistique sur le territoire français. Nous proposons alors un éclairage théorique des localisations des infrastructures logistiques et des dynamiques

tructurelle ou les coûts de transport sont une variable fondamentale (Baumont et al., 2000). Pour les géographes également, le réseau de transport est un facteur de développement (Offner, Pumain, 1996). Au-delà, la nature des liens entre transport et développement économique devient un véritable objet de recherche et de nombreux travaux s’attachent à la remise en cause du mythe des effets structurants des infrastructures de transport sur le développement économique et proposent un renouvellement des approches. Ainsi, les travaux de Bonnafous et Plassard (1974), Plassard (1977), Mannone (1995) mettent en avant le caractère uniquement permissif des infrastructures sur le développement, ceux de Offner (1993) préfèrent, la notion de « congruence » à celle d’ef- fets, ceux de Bizeray, Blanquart, Burmeister, Colletis-Wahl (1996), Colletis-Wahl, Meunier-Blanquart (2003), Berion, Joignaux, Langumier (2007), Blanquart (2009) développent le rôle du transport dans la coordination productive, ceux d’Ollivro (2000) insiste sur le rôle des politiques d’accompagnement, ceux de Klein (2001) proposent une approche résolument non déterministe de la relation transport-société, etc.

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spatiales des chaînes logistiques. Puis, nous examinons les impacts de la logistique en termes de développement territorial. Enfin, dans une troisième partie, à partir du recen- sement des forces externes s’exerçant sur le système, nous analysons les mutations en cours et à venir susceptibles de réorienter la dynamique des interactions entre logistique et territoire. Notre propos s’ouvre en particulier sur les modes de gouvernance émergents en matière de territorialisation de la logistique.

1. Interactions entre logistique et territoire : proposition d’un cadre d’analyse Une approche systémique à trois dimensions (système logistique, modèles productifs, territoire) permet de rendre compte de la complexité des liens entre logistique et territoire inscrits dans le fonctionnement du système productif (1.1). Cette systémique induit une appréhension des liens entre logistique et modèles productifs (1.2).

1.1. Une conception systémique des interactions entre logistique et territoire

L’analyse systémique permet d’appréhender les liens entre logistique et territoire dans leur globalité et de rendre compréhensible cette réalité complexe. La notion de système ou modèle-système, mise en avant entre autres par Waliser (1977), Morin (1990), Lugan (1993), Lapierre (1992), Von Bertalanffy (1993), permet de mieux identifier et caractériser un complexe d’éléments en interactions. Il s’agit d’un ensemble formé de sous-systèmes en interaction, subissant des modifications plus ou moins profondes dans le temps, tout en conservant une certaine permanence (Waliser, 1977). La logistique permet d’assurer la liaison opérationnelle entre la production et la consommation, elle dépend ainsi de l’organi- sation du système productif dont elle est à la fois un élément essentiel et le support. Les liens entre logistique et territoire peuvent, par conséquent, être appréhendés à travers le prisme du fonctionnement du système productif sur la base d’une analyse systémique des interactions entre trois éléments : système logistique, modèles productifs et territoire (Fig. 1).

Figure 1 : Une conception systémique des interactions entre logistique et territoire

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Chacun de ces sous-ensembles est doté d’une logique de fonctionnement et de transfor- mation propre mais s’articule avec les autres selon des relations complexes de causalité. Les modèles (ou modes) productifs font référence à la définition de la stratégie de profit des entre- prises, aux formes d’organisation de la production et du travail (Boyer et Durand, 1993 ; Lung, 1995 ; Boyer et Freyssenet, 2000 ; Freyssenet et al. 2000). Le système logistique se compose de l’offre et de la demande logistique (Fig. 2) et s’inscrit sur un réseau spatial. L’offre logistique repose, d’une part, sur les infrastructures logistiques et de transport (plates-formes logistiques, terminaux de transbordement, autoroutes, voies ferrées, etc.) et, d’autre part, sur les acteurs de la logistique (services logistiques des entreprises industrielles et commerciales, presta- taires de services logistiques, etc.). La demande logistique renvoie aux flux et aux niveaux de stocks correspondant aux besoins exprimés par le système productif. Le système logistique met en correspondance l’offre et la demande, d’amont en aval de la chaîne de valeur. C’est un système complexe, multidimensionnel (Hesse et Rodrigue, 2004), décomposé en différentes couches : une couche physique (flux, niveaux de stocks, trafics) et une couche organisation- nelle (Joignaux, 2008) auxquelles s’ajoute une couche informationnelle.

Figure 2 : Système logistique

 

La compréhension du système logistique doit également comprendre une dimension territoriale. En effet, le système met en œuvre la confrontation d’une offre, qui repose sur des systèmes techniques spatialisés, et d’une demande territoriale (allant du local au mondial). La performance des chaînes logistiques est donc liée à l’organisation spa- tiale du réseau logistique. Les plates-formes logistiques forment par conséquent un des outils majeurs de l’organisation des chaînes logistiques. La logistique est ainsi partie prenante de la division spatiale du travail « par la recherche d’une adéquation aussi effi- cace que possible avec les technologies nouvelles de la communication et du transport » (Wackermann et al., 2005, p. 13).

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Enfin, le territoire, comme construit social, renvoie aux dynamiques de localisation, et au-delà, aux processus d’appropriation économique, sociale et politique de l’espace par les individus et groupes d’individus (Di Méo et Buléon, 2005). Constituant le support matériel sur lequel les individus déploient leurs stratégies en mobilisant des ressources matérielles et immatérielles, le territoire génère des modes de fonctionnement singuliers et offre des ressources spécifiques (Becattini, 1992 ; Benko, 1996). Le système logistique se situe ainsi à la jonction du modèle productif et des pratiques territoriales. Support des modèles productifs, il en accompagne les évolutions et ses traductions spatiales.

Cette systémique à trois dimensions enrichit l’analyse des interactions entre logistique et territoire et conduit à les considérer dans leur globalité. L’analyse systémique per- met d’analyser deux types d’interactions de nature distincte : les interactions internes, au nombre de trois, identifiées dans la figure 1 par des liens entre chaque sous-système : interactions entre système logistique et modèles productifs, interactions entre modèles productifs et territoire, interactions entre système logistique et territoire. La nature et la dynamique de chacun de ces liens peuvent être éclairées par la mobilisation d’un corpus théorique reposant sur les enseignements théoriques de l’économie régionale, de l’éco- nomie industrielle mais aussi des travaux des géographes des transports. Les interac- tions entre modèles productifs et territoire renvoient notamment aux stratégies de locali- sation des activités économiques ainsi qu’au rôle du territoire dans le développement de modèles productifs. Sans développer plus avant l’analyse de ces interactions, qui ont déjà fait l’objet de nombreux travaux5, nous posons l’hypothèse que les modèles productifs sont porteurs d’une dynamique spatiale qui leur est propre (Lung, 1995). Les autres inte- ractions sont approfondies dans ce papier.

Concomitamment à ces interactions internes, le système se confronte à des interactions externes, relatives à l’impact que peuvent avoir des variables exogènes sur le système. Elles relèvent des sphères économique et sociale, des sphères écologiques, réglementaire et tech- nologique. Elles se manifestent par la mise en place de politiques publiques, l’émergence de nouveaux modes de gouvernance territoriale, et par des modifications des préférences des agents économiques et de la stratégie des firmes (Fig. 1). Enfin, elles traduisent les forces et les trajectoires de la régulation des interactions entre logistique et territoire.

5 Nous renvoyons ainsi aux travaux de l’économie spatiale et aux théories de la localisation (Cf. Ponsard, 1988) qui analysent les choix de localisation des activités économiques dans l’espace sous l’angle du triptyque

« coût-distance-espace »  ainsi qu’aux travaux de la théorie économique de l’agglomération (Baumont et al., 2000 ; Crozet et Lafourcade, 2009 ; Fujita et Thisse, 2003 ; Fujita et al., 1999 ; Krugman, 1991a,b) qui analysent le processus de concentration spatiale des activités économiques et intègrent le rôle des rendements croissants et des externalités. Cependant, notons que c’est à partir des travaux d’Aydalot (1980) que la variable territoriale commence à s’imposer comme le nouveau paradigme du développement (Hadjou, 2009). L’espace devient non seulement un cadre de la localisation des agents économiques mais aussi « le cadre de l’émergence d’un acteur économique particulier : le Territoire » (Benko, 1996, p. 7). Le territoire génère des modes de fonctionnement singuliers et offre des ressources spécifiques (Becattini, 1992) qui expliquent l’agglomération des activités et leur compétitivité. Le territoire participe ainsi à l’émergence de modèles productifs tels que les districts indus- triels ou les systèmes productifs locaux (Colletis et al., 1990 ; Courlet et Pecqueur, 1992). Enfin, les travaux de l’économie de la proximité (Rallet, 2002 ; Torre, 2010) mettent en avant l’importance de la coordination des acteurs pour la structuration du territoire.

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1.2. Système logistique et modèles productifs

Le système logistique est à la fois partie prenante du système productif et vecteur de facilitation du fonctionnement du système productif. Le déploiement spatial du système productif se matérialise par des flux de produits et d’informations qui supposent la mise en œuvre de schémas logistiques (1.2.1). Par ailleurs, la logistique et son organisation conditionnent l’évolution des systèmes productifs (1.2.2).

1.2.1. Les conséquences de la désintégration verticale sur l’organisation et les schémas logistiques

La logistique est révélatrice de la rationalité des stratégies industrielles et commer- ciales. Les organisations logistiques traduisent des contraintes productives (nature de la demande, modèles de production, types de ressources utilisées, positionnement dans la filière, type de produits) qui résultent des échanges et des interactions entre les acteurs.

Les forces motrices du système logistique dépendent ainsi de l’évolution de l’organisa- tion du système productif. La mondialisation des réseaux de production, la recherche croissante de rationalisation de la chaîne d’approvisionnement ou encore la modification de la demande des consommateurs conditionnent les organisations et circuits logistiques (Bowen, 2008 ; Hesse et Rodrigue, 2004). La figure 3 récapitule les grandes caractéris- tiques de l’évolution du système productif depuis les années 1980 et ses impacts sur le système logistique et son inscription spatiale.

Figure 3 : Les impacts de l’évolution du modèle productif sur le système logistique et sa spatialisation  

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Le modèle productif a connu de fortes modifications à partir de la fin des années soixante-dix, passant du modèle fordien à un système de production « flexible » dont le caractère extrême est le modèle du « juste-à-temps »6. Les grands traits du modèle post-fordien reposent sur les stratégies de désintégration verticale des firmes (recentrage de l’activité des entreprises sur leurs activités cœur de métier). Ces stratégies induisent des processus de spécialisation, de concentration de l’industrie (constitution de grands groupes, réduction du nombre de sites de production, accroissement de la production par unité), d’externalisation, ainsi qu’une tendance accrue à l’internationalisation et à la délo- calisation des unités de transformation. Le contexte est caractérisé par un essor du volume des échanges mondiaux, une expansion des firmes multinationales et une internationali- sation des processus productifs traduisant un phénomène de décomposition internatio- nale des processus productifs (DIPP)7 (Lassudrie-Duchêne, 1982 ; Moati et Mouhoud, 2005). La transformation du modèle productif répond aux modifications des marchés et aux normes de consommation. La demande de consommation des ménages devient plus fluctuante et traduit la recherche d’une variété toujours plus importante qui force les entreprises à une exigence nouvelle de flexibilité, de rapidité, de fiabilité et de diffé- renciation. Les cycles de vie des produits se réduisent ainsi que les délais de livraison.

Le système productif devient davantage piloté par la demande (flux tirés) que par l’offre (flux poussés). La réorganisation du système productif traduit le passage d’une économie de stocks (production de masse, relativement peu diversifiée, à taux de renouvellement lent) à une économie de flux (personnalisation des produits, renouvellement de gammes).

L’objectif de réduction des stocks remplace ainsi celui de la maximisation des capacités de production. La restructuration des systèmes de production entraîne des cycles d’appro- visionnement, de production et de distribution fonctionnellement intégrés et pilotés par la demande. Cette réorganisation confère à la logistique un caractère stratégique de régu- lation entre la production et le marché englobant l’ensemble du processus productif. Le pilotage des flux d’informations devient alors essentiel tant il permet d’assurer une meil- leure synchronisation entre l’offre et la demande. La démarche en SCM (Supply Chain Management) est, dans ce contexte, fondamentale.

La reconfiguration du modèle productif a des conséquences sur l’organisation des flux et de l’offre logistique. La recherche de la maximisation des économies d’échelle en matière de production et de stockage (concentration de la production et du stockage dans un nombre réduit de lieux géographiques) conduit les industriels à mettre en place un système logistique plus demandeur de transport s’accompagnant d’un allongement des kilométrages parcourus.

Le passage au modèle flexible de production se traduit, en termes logistiques, par la substitu- tion de la circulation d’informations aux stocks, la substitution des capacités de transport aux stocks et la diminution de la taille des lots fabriqués et transportés (Dornier et Fender, 2007).

6 Notons que plusieurs modèles productifs « post-fordiens » existent malgré la dominance du modèle de la

« production au plus juste » (Boyer et Freyssinet, 2000). Chacun de ces modèles productifs est porteur d’une dynamique spatiale qui lui est propre (Lung, 1995).

7 La mondialisation se traduit non seulement par l’augmentation des échanges internationaux mais surtout par le phénomène de décomposition internationale des processus productifs (DIPP) (Moati et Mouhoud, 2005), visant à combiner spécialisation et économies d’échelle. Les maillons de la chaîne de valeur sont finement frag- mentés et dispersés à travers le monde au gré des avantages comparatifs de chaque territoire, générant ainsi un nombre toujours croissant de flux de transport.

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La résolution du conflit entre centralisation des capacités, allongements des distances et mul- tiplication des flux passe par la recherche de massification des flux et la constitution de plates- formes de groupage. Les flux de transports internationaux se concentrent sur un petit nombre de ports et d’aéroports de transit afin de développer les économies d’échelle.

Les évolutions que connaissent les organisations productives conduisent à l’éloigne- ment des aires de production et de consommation, induisent des distances de transport augmentées, entraînent la complexification et l’éclatement géographique des chaînes logistiques et renforcent le rôle des sites logistiques d’interface (les entrepôts et plates- formes logistiques). En particulier, la désintégration verticale de la production met en exergue les enjeux de la gestion des interfaces entre les partenaires des chaînes de valeur commune. Elle encourage, en outre, l’externalisation des services logistiques et l’appari- tion d’un secteur des prestataires logistiques. L’intégration de la différenciation8 dans les processus productifs intervient le plus tard possible dans le process et souvent lorsque les produits rejoignent leurs marchés régionaux. Les opérations de différenciation retardée9 sont de plus en plus reportées auprès des prestataires de services logistiques qui enri- chissent ainsi leurs champs de compétences bien au-delà de la simple gestion d’entrepôt.

La recherche de flexibilité et de réactivité conduit à mettre en exergue la contrainte tem- porelle et met en tension le système logistique. Le recours accru aux technologies de l’infor- mation et de la communication permet alors d’optimiser la gestion de la chaîne logistique, complexifiée par la multiplication des interfaces et son éclatement géographique.

1.2.2. La logistique au cœur des mutations du système productif

Tout d’abord, le poids des fonctions logistiques dans la production globale est important même s’il est difficile à mesurer. Les coûts logistiques représentent entre 10 % et 14 % du PIB mondial (Rodrigues et al., 2005 ; Daudin, 2003). Ensuite, la logistique joue un rôle majeur dans les restructurations du modèle productif. Elle est un des premiers facteurs de la mondia- lisation (Hesse, 2007 ; Hesse et Rodrigue, 2006). En effet, dans un contexte de compétition globale, la logistique offre une opportunité d’améliorer l’efficacité des systèmes productifs (Rodrigue, 2006). Le mode d’organisation actuel du système productif basé sur le juste-à- temps et la DIPP a été porté par la forte baisse des coûts de transaction, en particulier par la réduction des coûts de transport, ainsi que l’amélioration de la performance logistique (Fig. 4).

La diminution des coûts logistiques provient à la fois des progrès technologiques et des évolutions organisationnelles. Premièrement, le changement technologique est le facteur déterminant de l’évolution de la logistique (Hesse, 2007), dont témoignent l’introduction du conteneur il y a quelques décennies et, plus récemment, le développement des tech- nologies de l’information et de la communication (EDI, RFID). La spécialisation des

8 La différenciation des produits par les industriels est une réponse à la préférence pour la variété des consommateurs. Dans la filière automobile, par exemple, posséder plusieurs marques permet de se positionner différemment sur les marchés (haut de gamme, entrée de gamme, etc.) et ainsi de répondre à la demande d’un maximum de segments.

9 L’introduction de la différenciation induit la fragmentation des séries et lots de production, la multiplica- tion des changements d’outillage, etc. qui nuit à la productivité et engendre des coûts supplémentaires. Le seul moyen de maîtriser les coûts de production tout en répondant à l’exigence de variété de la demande consiste à retarder le point de différenciation dans le process de production. Le but est de produire un maximum d’élé- ments standards et de repousser le moment où chaque produit est personnalisé.

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matériels d’exploitation du transport ainsi que l’augmentation de leur taille10 a permis une forte hausse des gains de productivité et une augmentation des capacités de transport.

Cela a autorisé une plus forte massification des flux et permis une baisse généralisée des coûts d’approvisionnement.

Ensuite, les changements ont été également fortement portés par des mutations orga- nisationnelles. Ainsi, la massification des flux a été notamment rendue possible par la radialisation des réseaux11 permettant, en outre, l’accélération des rythmes de livrai- sons (Bonnafous, 1990). En outre, le développement important des outils informati- sés de systèmes d’information, facilitant l’optimisation du pilotage des flux, a été un facteur important d’augmentation de la fiabilité logistique. Cette dernière a également été permise par l’intégration logistique et le développement des solutions de transport porte-à-porte. Le rôle des intégrateurs logistiques (4PL) devient essentiel dans l’orga- nisation réticulaire des chaînes logistiques car ils mettent en place un management effi- cient des interfaces informationnelles, techniques, commerciales et organisationnelles.

Figure 4 : Un facteur de la mondialisation et de la décomposition internationale des processus productifs : les éléments de l’amélioration de la performance logistique

PROGRES TECHNOLOGIQUES

Spécialisation des matériels d’exploitation de transport et

logistique

Perfectionnement des systèmes d’information

AMELIORATIONS ORGANISATIONNELLES

Conception des réseaux radialisés « hub-

and-spokes »

Intégration logistique

Gains de

productivité Augmentation des capacités

Massification Amélioration de la fiabilité

Baisse des coûts logistiques

Augmentation de la performance logistique

Porte-à- porte

Accélération

Mondialisation / DIPP

10 Les moyens de transport se sont spécialisés en fonction des marchandises à transporter. Ainsi par exemple, en transport maritime, on distingue aujourd’hui les navires vraquiers, les navires citernes, les porte-conteneurs, les cargos, etc. De plus, la taille de ces navires a fortement augmenté, passant, pour un porte-conteneur, de 215 mètres dans les années 1970 à 397 mètres aujourd’hui, ce qui a permis une augmentation de capacité de 480 %.

11 La logique de hub-and-spokes a été développée initialement en transport aérien, et est déployée, depuis, pour l’organisation des plates-formes logistiques et dans le transport maritime.

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Le système logistique est largement conditionné par les caractéristiques des modes productifs en vigueur. Ceux-ci conditionnent, de fait, la dynamique territoriale de la logis- tique et ainsi le lien entre système logistique et territoire.

2. Système logistique et territoire

L’inscription spatiale de la logistique est multiple et différentes dimensions spatiales du système logistique peuvent être appréhendées (2.1). Par ailleurs, le système logistique est façonné par le territoire et ses acteurs autant qu’il est susceptible de le façonner. Un éclairage théorique des dynamiques spatiales de la logistique peut alors être proposé (2.2). Enfin, la logistique peut être lue comme un outil de configuration et d’aménagement du territoire (2.3).

2.1. Les dimensions spatiales du système logistique et le rôle des plates-formes logistiques Au niveau mondial, on constate un éclatement international des chaînes logistiques, désigné par Dornier et Fender (2007) par le terme d’intégration géographique de la supply chain. La supply chain prend ainsi une dimension organisationnelle qui couvre non seule- ment plusieurs pays mais également un continent, voire le monde entier. L’externalisation logistique et les prestataires logistiques jouent dans ce cadre un rôle crucial comme levier d’expansion géographique, en soutenant et en accompagnant les stratégies d’internationa- lisation des producteurs et des distributeurs. L’intégration géographique de la logistique pose la problématique de l’efficacité de la gestion simultanée des interfaces spatialisées entre les niveaux global et local. Il convient en effet que les organisations traitent simulta- nément, d’une part, le pilotage des flux au niveau de plusieurs pays, d’un continent ou au niveau mondial et, d’autre part, la distribution capillaire vers le client final. Le challenge est de mettre en interface ces deux dimensions géo-organisationnelles de la supply chain.

Trois dimensions géographiques peuvent être ainsi distinguées (Hesse, 2007) : le niveau global avec les portes d’entrée continentales (gateways) tels que les grands ports mari- times, le niveau régional avec les nœuds logistiques d’envergure nationale ou continentale et le niveau local avec les plates-formes de distribution (Fig. 5).

Cette stratification renvoie à deux types d’organisation logistique territoriale : la logis- tique dédiée à gérer les flux overseas et la logistique consacrée à gérer les flux locaux.

Le PIPAME (2009) utilise respectivement les termes de logistique exogène et logistique endogène. La logistique endogène est fondée sur l’activité de production réalisée dans le territoire et couvre l’activité de consommation au sein de ce territoire. Elle repose sur l’articulation entre des sites logistiques locaux (usines, magasins, plates-formes, entre- pôts). L’enjeu territorial de la logistique endogène est celui de la gestion du dernier kilo- mètre et recouvre le choix de la localisation des sites, de leur concentration ou de leur dispersion. La logistique endogène peut devenir un outil de développement du territoire.

Elle correspond à une logistique de proximité reposant sur des organisations productives rayonnant sur des échelles géographiques réduites. La logistique exogène repose sur des besoins d’organisations logistiques extérieurs au territoire local et rayonne sur une aire aux échelles nationale, continentale ou intercontinentale. Elle est surtout la résultante d’un positionnement géostratégique plus global. Elle correspond à une logistique géo- graphiquement étendue s’appuyant sur des organisations productives internationalisées.

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L’enjeu du système logistique est ainsi de mettre en interface ces deux échelles géogra- phiques globale et locale. La gestion physique de ces interfaces géographiques est assurée par les infrastructures logistiques ou plates-formes logistiques qui constituent de véri- tables nœuds au sein de réseaux logistiques (Fig. 5). L’infrastructure logistique contribue à l’ajustement des flux dans le temps et dans l’espace. C’est un lieu physique où s’effec- tue une opération de rupture de charge, soit de transbordement, soit de transfert modal, de groupage et/ou de dégroupage, d’entreposage, de stockage, etc. Pour Hesse (2007), les plates-formes ou centres logistiques permettent l’optimisation des flux, l’exploitation des économies d’échelle et le remplacement des stocks par les flux12. La complexification des chaînes logistiques et leur internationalisation portée par la décomposition internationale des processus productifs renforcent le rôle des plates-formes logistiques. Selon Bowen (2008), le SCM réinvente le rôle des plates-formes logistiques.

Figure 5 : Les dimensions géographiques de la logistique

LOCAL GLOBAL

GATEWAY PLATE-FORME LOGIST

UQUE NŒUD

LOGISTIQUE

LOGISTIQUE EXTERNE LOGISTIQUE INTERNE

D’une façon générale, les réseaux logistiques deviennent de plus en plus hiérarchisés, fondés sur une logique de rationalisation et de centralisation (Hesse, 2007). En retour, les infrastructures logistiques deviennent de plus en plus grandes et polarisées.

À l’échelle mondiale, ce sont les méga-ports et les grands corridors de fret qui structurent les flux logistiques. Face à une concurrence accrue, les grands ports se sont engagés dans une extension de leurs infrastructures, guidés par une stratégie de recherche d’économies d’échelle. La hiérarchie portuaire tend, dès lors, à se contracter au bénéfice de méga-ports qui jouent un rôle majeur d’interface entre le transport principal maritime et les segments

12 Ces centres logistiques peuvent fonctionner selon le principe du cross-docking. Le cross-docking est un mode d’organisation logistique qui permet de tendre les flux d’approvisionnement en éliminant les fonctions de stockage et de préparation de commandes d’un entrepôt et optimise le transbordement des marchandises de la réception à l’expédition au sein de la plate-forme. Les expéditions passent généralement moins de 24 heures dans un transbordement, parfois moins d’une heure (Bartholdi et Gue, 2004).

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de pré et post-acheminement. Ils constituent, à l’instar des hubs pour le transport aérien, des ports d’éclatement ou de transbordement, et exercent une telle attractivité qu’ils concentrent progressivement l’essentiel du trafic mondial. Corrélativement, les grandes échelles de flux de marchandises sont dirigées vers des portes d’entrée territoriales et des hubs aux intersec- tions de nœuds autoroutiers pour l’accès aux aires de marché principales.

À l’échelle continentale et nationale, on constate également une polarisation des équi- pements logistiques. Le territoire français métropolitain est par exemple marqué par une réelle polarisation logistique (Fig. 6 et Fig. 7). Les régions Île-de-France et Rhône-Alpes concentrent 28 % des emplois logistiques nationaux. Cinq régions (Île-de-France, Rhône- Alpes, Nord-Pas-de-Calais, Centre et Picardie) concentrent 54 % des emplois logistiques nationaux. Les surfaces d’entrepôts sont également concentrées. Six régions concentrent plus de 50 % des surfaces d’entrepôts alors qu’elles ne représentent que 32 % de la super- ficie de la France métropolitaine.

Figure 6 : Répartition des emplois logistiques par régions administratives et départements en France métropolitaine en 2009 (en pourcentage du total national des emplois logistiques - données UniStatis – UNEDIC)

À l’échelle plus locale, cette concentration s’accompagne d’un mouvement de des- serrement spatial des activités logistiques en périphérie des villes-centre (Dablanc et Rakotonarivo, 2010 ; Petiot et Masson, 2011) et pose le problème de la logistique urbaine.

Pour le cas français, les entrepôts des aires urbaines de plus de 500 000 habitants sont majo- ritairement localisés en couronne périurbaine. Cidell (2010) confirme également la tendance à la suburbanisation des plates-formes logistiques dans les métropoles nord-américaines.

2.2. Éclairage des dynamiques spatiales du système logistique

L’organisation spatiale du territoire ainsi que les actions territoriales de ses acteurs, publics comme privés, conditionnent les implantations des unités logistiques et le niveau de la performance du système logistique. La logistique devient alors un révélateur de la division spatiale des activités (Savy, 2006). Les logiques de localisation des activités

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logistiques sont cependant spécifiques et s’inscrivent entre celles des industries et celles des services (Mérenne-Schoumaker, 2007). Elles obéissent à un certain nombre de déter- minants (2.2.1). En outre, les dynamiques spatiales des chaînes logistiques peuvent être appréhendées par l’analyse en termes de dynamiques de proximité (2.2.2).

Figure 7 : Répartition des surfaces des entrepôts par régions administratives et département en France métropolitaine en 2010 (en pourcentage des surfaces d’entrepôts totales - données SITADEL)

2.2.1. Analyse des choix de localisation des infrastructures logistiques

Les déterminants des implantations logistiques sont multiples et sensiblement diffé- renciés selon l’échelle géographique envisagée et selon la filière logistique concernée.

La logique globale de localisation obéit aux dynamiques spatiales du système productif exposé à la section précédente. Au-delà, il existe des facteurs propres aux logiques de localisations logistiques expliquant le processus de polarisation-desserrement.

L’effet des forces centripètes de type « aire de marché » semble prédominant dans les choix d’implantation des plates-formes logistiques dans l’objectif d’un rapprochement aux chargeurs (notamment les distributeurs), ceci d’autant plus pour les plates-formes logistiques répondant aux processus de pilotage des flux par l’aval. Au-delà de cet effet de marché, les activités logistiques trouvent d’autres avantages à se concentrer près des marchés et à se regrouper. La concentration des implantations logistiques génère des externalités locales, de type marshalliennes, comme l’accès à un bassin de main- d’œuvre spécialisée qui réduit les coûts de formation et de recrutement et attire de nou- veaux individus qualifiés, ou encore la constitution d’un réseau de fournisseurs dense et diversifié (les entreprises de transport dans le cas des activités logistiques). La concen- tration des activités logistiques repose en outre sur des externalités technologiques ou informationnelles liées à l’importance de la proximité dans la transmission du savoir et des connaissances. La concentration des infrastructures logistiques génère également des externalités de demande. Le regroupement des prestataires logistiques permet en effet à la clientèle de réaliser des gains d’échelle dans leur prospection des services logistiques. En outre, la concentration des activités logistiques produit des externa- lités inter-industrielles autorisant les stratégies de massification et de mutualisation.

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Enfin, la proximité de services complémentaires facilite la collaboration inter-entre- prises et contribue à l’élaboration de services de transport et logistique plus complexes qui répondent aux besoins de chargeurs de plus en plus exigeants. Cette concentration justifie plus aisément un branchement direct sur le réseau primaire des infrastructures lourdes (autoroutières, ferroviaires, portuaires voire fluviales) et efficaces pour les uti- lisateurs des zones logistiques.

A contrario, le phénomène de desserrement logistique est la résultante de forces cen- trifuges qui, sous la pression des règlements d’urbanisme, repoussent les plates-formes logistiques loin des centres urbains afin d’en minimiser les externalités négatives. La densité crée en effet une pression foncière et immobilière. Elle contribue en outre à inten- sifier la concurrence. Par ailleurs, la polarisation logistique concourt à la congestion du trafic routier qui ralentit la vitesse globale d’écoulement des flux. De façon générale, elle devient source de conflits d’usage sur le territoire urbain. Enfin, les entrepôts, qui consomment de plus en plus d’espace, nécessitent une grande disponibilité foncière. La stratégie de s’éloigner des centres denses des aires urbaines s’inscrit dans une logique d’optimisation de la chaîne logistique. Plus l’organisation des chaînes d’approvisionne- ment repose sur l’externalisation et la mutualisation des activités, plus le besoin en espace constructible est grand, plus les espaces périphériques s’imposent dans le choix de loca- lisation des unités logistiques (Petiot et Masson, 2011).

Au global, la localisation des infrastructures logistiques est le résultat d’une forte pres- sion sur les supply chain causée par l’accélération des transferts d’information, les chan- gements de préférences des consommateurs et l’augmentation de la concurrence.

2.2.2. Configuration spatiale des chaînes logistiques : éclairage par les dynamiques de la proximité

Les chaînes logistiques supposant la coordination de plusieurs acteurs et l’organisation logistique permettant de créer de la proximité, il est naturel, afin d’en éclairer les logiques spatiales du système logistique, de se saisir de l’approche par l’économie de la proximité (Bellet et al., 1993 ; Pecqueur et Zimmermann, 2004 ; Rallet et Torre, 2005 ; Torre, 2010 ; Torre et Gilly, 2000). Cette approche s’intéresse au rôle de la proximité dans la coordina- tion des agents dans l’espace. La notion de proximité renvoie à une approche enrichie de l’espace en tant que territoire construit par le jeu des acteurs. La proximité n’est pas pos- tulée mais se construit par une conjonction d’interactions entre individus ou organisations au sein d’un territoire. L’ « Économie de proximité » apporte une analyse approfondie des différentes formes de proximité13. Elle souligne que la proximité géographique n’est plus ni nécessaire ni suffisante pour que se développent des interactions. Cette analyse permet de compléter celle des choix de localisation des activités logistiques vue précédemment en se focalisant davantage sur la problématique du pilotage de la chaîne logistique et les logiques de coordination des acteurs qu’elle implique. Dans ce cadre, le besoin de coor-

13 Certains auteurs déclinent la proximité en trois composantes : proximité géographique, proximité orga- nisationnelle, proximité institutionnelle (Kirat, Lung, 1995 ; Gilly et al., 2004, Talbot, 2001). D’autres, ne retiennent que deux formes de proximité : proximité géographique et proximité organisée (Rallet, 2003) ou proximité organisationnelle (Torre, Gilly, 2000). Dans cette deuxième approche, la proximité organisée com- porte deux faces dont l’une (appartenance) renvoie à la proximité organisationnelle et l’autre (similitude) à la proximité institutionnelle (Gilly, Lung, 2005).

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dination / proximité devient une catégorie pertinente de l’explication de la distribution spatiale des agents et de son évolution.

L’analyse de l’inscription spatiale de la logistique met en exergue une contradiction entre l’éclatement géographique mondial des supply chains et le besoin d’une très forte réactivité aux marchés, et donc le besoin d’une forte proximité. On constate ainsi la concomitance de deux tendances apparemment opposées : l’éloignement géographique significatif de four- nisseurs de premier rang et le besoin de réactivité fort induit par le développement du mode de pilotage en flux tendus. La proximité prend par conséquent des formes et des moyens différents le long de la supply chain : de la proximité géographique à la proximité organi- sée14 (Pecqueur et Zimmermann, 2004 ; Rallet et Torre, 2005).

On peut considérer que la logistique emboîte deux types de proximité. La logistique, dans sa dimension stratégique de coordination inter-organisationnelle, renvoie à la mise en œuvre d’une proximité organisationnelle. Celle-ci traduit la séparation économique entre les agents, les individus, les différentes organisations et/ou institutions (Bellet et al., 1993). L’existence d’une proximité organisationnelle signifie que des agents mettent en place des procédures de coordination afin d’atteindre les objectifs sur lesquels ils se sont accordés (Frigant, 1996). Les organisations sont amenées à coordonner leur processus de communication et d’information. Ainsi, la logistique, dans sa dimension de pilotage des flux d’information et de gestion des interfaces inter-organisationnelles, renvoie à la notion de proximité organisationnelle. Cependant, la proximité organisationnelle est par essence a-spatiale (Blanquart, 1998). La matérialisation de la proximité organisationnelle nécessite la circulation de flux, notamment physiques, ayant une dimension spatiale. La logistique, dans sa dimension technologique et opérationnelle, met donc en œuvre une deuxième forme de proximité : la proximité circulatoire. Celle-ci a la fonction de « tra- duire les séparations qui naissent des transferts de marchandises […], elle correspond à l’aptitude des entreprises à mettre en place des échanges physiques de biens coordonnés et efficaces, ce qui renvoie à leur capacité à gérer les distances techniques, communica- tionnelles, temporelles, qui les séparent » (Frigant, 1996, p. 3). La proximité circulatoire renvoie à la capacité à maîtriser et à contrôler ce qui circule et à articuler de manière effi- cace la circulation avec les processus de transformation (Blanquart, 1998).

La proximité géographique est le résultat du croisement de la proximité organisation- nelle et de la proximité circulatoire (Frigant, 1996). L’importance de la proximité géo- graphique entre les acteurs dépend du gradient d’intensité de ces deux proximités. En effet, la qualité des interactions entre acteurs au sein de la supply chain repose davan- tage sur une proximité organisationnelle que géographique. Dans le cadre du SCM, la proximité organisationnelle renvoie à la mise en interactions des partenaires de la même chaîne de valeur et repose sur le partage des systèmes d’information par les TIC, qui permet une synchronisation des flux en temps réel. Néanmoins, selon le type de rela- tions mises en œuvre entre les donneurs d’ordre et les prestataires logistiques, la proxi- mité organisationnelle sera plus ou moins intense. Ainsi, si les relations se rapprochent d’une simple opération de sous-traitance, les besoins en transferts d’information seront

14 La proximité organisée correspond aux conditions nécessaires d’une coordination des agents, elle renvoie à la proximité organisationnelle et la proximité institutionnelle, proximité dans laquelle les agents partagent des codes, des règles, des représentations (Pecqueur et Zimmermann, 2004).

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standards, correspondant à un cycle de codage-transmission-décodage (Frigant, 1996) pouvant totalement être pris en charge par le recours aux technologies simples de l’in- formation. En revanche, dès lors que la relation devient plus partenariale, intégrant des opérations de co-manufacturing et nécessitant du prestataire une capacité à faire évoluer le produit, le besoin de transmission d’informations devient plus important. Il peut être, cependant, pris en charge par la mise en place d’outils performants d’information et de communication (ERP, EDI), sauf dans le cas où les opérations de différenciation retardées prises en charge par le prestataire logistique sont « sur-mesure », exigeant alors des inte- ractions plus informelles, plus difficilement codifiables, nécessitant ainsi une plus forte proximité géographique. Enfin, lorsque l’externalisation de la fonction logistique devient stratégique (pouvant aller jusqu’au pilotage de la chaîne logistique globale, voire de sa conception), les transferts d’information deviennent déterminants et même s’ils peuvent être relayés par les systèmes informatisés d’information, dans certains cas, la proximité géographique est nécessaire.

La proximité organisationnelle est facilitée d’un point de vue opérationnel par la mise en œuvre de la proximité circulatoire (Frigant, 1996). En effet, l’activation de la supply chain met en jeu des flux physiques qui doivent être parfaitement synchro- nisés. Les acteurs de la supply chain doivent bénéficier d’une proximité circulatoire fondée sur les infrastructures de transport et de communication, et surtout, sur leur mise en réseau. La proximité circulatoire met en avant le rôle de l’accessibilité, et donc la vitesse et les délais permettant une fiabilité suffisante pour atteindre les marchés à des- servir. Cette fiabilité est résolument recherchée dans les circuits logistiques. Elle repose sur la radialisation des systèmes de transport (Bonnafous, 1990) qui s’accompagne de la création d’outils logistiques comme les plates-formes logistiques. Elle dépasse la problématique de la distance et du franchissement de l’espace, problématique propre au transport, pour mettre en avant celle du temps et de l’accélération des flux, propre à la logistique (Hesse et Rodrigue, 2004).

Au total, les contraintes spatiales ne sont pas absentes dans le fonctionnement des chaînes logistiques et le raisonnement géographique est encore très prégnant dans les décisions de stratégies d’entreprise (Lasserre, 2004). Il semble que selon la position dans la supply chain (amont vs aval) et selon le mode de pilotage des flux (poussés vs tirés), les acteurs sont plus ou moins contraints ou plus ou moins enclins à se localiser les uns près des autres. La tendance à la polarisation logistique près des grands centres urbains met en exergue un besoin fort de proximité géographique qui s’accroît lorsque l’on se rapproche de l’extrémité avale de la chaîne et qui est renforcé par le mode de pilotage en flux tirés (Tellier, 2002). Ainsi, parfois, seule une proximité géographique est apte à supporter la mise en tension des flux. Le fonctionnement des parcs industriels fournisseurs de l’industrie automobile en est une illustration (Adam-Ledunois et al., 2008). La proximité géographique permettrait de réduire les coûts d’acquisition des composants grâce à une réduction des frais de stockage et de transport, d’optimiser la synchronisation des flux et cycles et de générer des externalités de connaissance15.

15 Notons, en outre, que les dynamiques de proximité peuvent être favorisées par une certaine proximité institutionnelle.

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2.3. Système logistique et développement territorial

La logistique s’inscrit dans le territoire et participe à l’organisation spatiale de l’espace économique. Ses unités spatiales (entrepôts, plates-formes) sont fortement consomma- trices d’espace. Leurs implantations peuvent générer des conflits d’usage des sols. Par ailleurs, les unités logistiques génèrent des trafics (notamment routiers) et nécessitent des équipements publics. Aussi, l’inscription spatiale de la logistique implique la puissance publique et une démarche d’aménagement du territoire.

La présence d’infrastructures logistiques devient un facteur de localisation pour les entreprises. L’offre logistique peut ainsi être considérée comme un facteur d’attractivité pour les entreprises qui en utilisent les services (Masson et Petiot, 2012). Les implantations logistiques suscitent des localisations d’activités industrielles et commerciales par des effets d’externalités d’urbanisation. La logistique devient ainsi un levier de compétitivité et de croissance. En effet, la performance des tissus économiques et des entreprises dépend de l’efficacité des systèmes logistiques locaux et des stratégies des acteurs qui les composent.

Les infrastructures logistiques, comme nœuds physiques des flux logistiques, permettent d’améliorer la qualité des connexions avec les marchés mondiaux, l’accélération et la réac- tivité de la gestion des flux. Enfin, elles optimisent la compétitivité des coûts logistiques.

La logistique nécessite des infrastructures et des équipements dont la réalisation dépend d’une stratégie collective régionale, nationale voire européenne. Au-delà, la logis- tique, et plus particulièrement ses unités spatialisées, deviennent un outil d’aménagement et d’organisation du territoire (Dornier et Fender, 2007). Néanmoins, si la logistique est de plus en plus reconnue comme un élément de développement local, force est de consta- ter que les projets d’implantations logistiques ont souvent été réalisés de façon désor- donnée au cours des 20 dernières années. Les projets d’implantation dans la plupart des grandes zones logistiques européennes sont très souvent guidés par des logiques oppor- tunistes plutôt que par des démarches d’aménagement du territoire planifiées et concer- tées. En effet, l’implantation d’une plate-forme logistique implique plusieurs acteurs.

D’une part, les acteurs de l’immobilier logistique (investisseur, promoteur/développeur, conseil immobilier) cherchent à s’implanter là où ils ont la garantie qu’ils trouveront une demande et maximiseront la rentabilité du projet. D’autre part, les chargeurs ou les prestataires logistiques élaborent leur stratégie d’organisation logistique au regard de la localisation de la demande. Enfin, les aménageurs, les collectivités territoriales et l’État interviennent au niveau respectivement de l’aménagement des terrains, de la politique d’occupation des sols et des règlements d’urbanisme et des orientations stratégiques.

Néanmoins, l’implantation des zones logistiques est rarement le résultat d’une politique nationale, ni même régionale, d’aménagement du territoire. Ce constat est effectué par Dablanc et Ross (2012) sur l’aire urbaine d’Atlanta. Ces auteurs soulignent l’approche fragmentaire de la planification logistique ainsi que le jeu de la concurrence entre muni- cipalités pour l’implantation des plates-formes logistiques, contrariant le déploiement rationnel et adapté des projets de transport et la lutte contre la congestion routière. En France, peu de régions ont développé des schémas d’aménagement logistique16. Quelques collectivités développent des ZAL (Zones d’activités logistiques), mais, au total, force

16 On peut citer le rare cas de la Région Urbaine de Lyon (RUL).

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est de constater qu’il n’existe pas de cadre réellement défini en matière d’aménagement logistique (Savy, 2012) et qu’il existe de fortes disparités de gouvernance logistique selon les territoires17. Pourtant, des enjeux importants sont directement liés à la configuration spatiale des implantations logistiques territoriales (Masson et Petiot, 2012). Il s’agit des enjeux relevant du secteur de la logistique lui-même car la configuration des réseaux conditionne la performance logistique. Il s’agit également d’enjeux collectifs dans la mesure où les unités logistiques sont susceptibles de générer des externalités (congestion, pollution, conflits d’usage des sols) d’autant plus importantes que leur implantation n’est ni planifiée, ni coordonnée. Enfin, les implantations logistiques sont un marqueur spatial des flux de transport (Savy, 2012). Leur mode d’implantation conditionne les reports modaux et l’intermodalité ainsi que la programmation des projets de transport. Ainsi, les dynamiques logistiques territoriales comportent des enjeux économiques, environnemen- taux et sociétaux. Il convient alors d’examiner les forces de régulation s’exerçant sur la systémique logistique-territoire.

3. Régulation du système, tendances récentes et tensions futures

L’analyse systémique retenue fournit l’opportunité d’identifier les facteurs exerçant des actions de régulation sur le système. Elle permet d’en analyser les mutations récentes (3.1) et futures (3.2).

3.1. Forces externes influençant le système et facteurs de mutation

Afin d’analyser les mutations en cours et à venir, nous retenons l’influence des quatre sphères (économique et sociale, sphère écologique, sphère technologique et sphère régle- mentaire) exerçant des forces externes sur le système (Fig. 2). Ces quatre sphères sont étroitement liées entre elles. La sphère économique et sociale, dans son volet écono- mique, renvoie aux risques de l’élévation du prix des matières premières, au développe- ment renforcé des marchés émergents, aux perspectives de croissance économique dans les anciens pays industrialisés ainsi qu’aux mutations des structures de marché, telles que le poids renforcé du e-commerce dans le commerce de détail18. Dans son volet social, les mutations, notamment dans les pays industrialisés, sont marquées par le vieillissement de la population et le renforcement du processus de métropolisation. La sphère écologique est caractérisée par la montée des risques environnementaux et la pénurie des ressources

17 L’enquête Entrepôts 2010 réalisée par le Commissariat Général au Développement Durable (2012) montre que 77 % des entrepôts se situent dans des zones aménagées de façon à permettre l’installation d’activités. Par- mi ces entrepôts, seulement 17 % sont situés dans des zones à vocation logistique aménagées par les pouvoirs publics ou les acteurs privés. La majorité des entrepôts se situent dans des zones industrielles.

18 Une étude du CREDOC (Moati, Jauneau et Lourdel, 2010) estime que le poids du e-commerce dans le commerce de détail s’établira, en 2020, à 24 % (soit une multiplication par 4 ou par 5 par rapport à son poids actuel). Néanmoins, le développement des pure player (entreprises œuvrant uniquement sur internet) risque de s’essouffler car l’absence de réseau physique deviendra un handicap (Barba, 2011). Le cross-canal, caractérisé par la complémentarité et la recherche de synergie entre la distribution en magasins et les sites de commerce électronique, deviendra de plus en plus un standard. Ainsi, « le point de vente deviendra un show-room, un point de retrait, un espace de service à forte présence humaine, un espace d’expérience pour le client » (Barba, 2011, p. 88).

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naturelles. La sphère technologique est marquée par le développement des technologies de l’information et de la communication permettant de traiter des flux d’informations en augmentation. Enfin, la sphère réglementaire renvoie aux nouvelles contraintes s’exerçant sur le système, notamment liées à l’objectif de développement durable (Engagements du Grenelle de l’environnement : mise en œuvre de la Taxe Nationale Poids Lourds et obligation d’afficher les émissions de CO² des prestations de transport en octobre 2013).

Au sein de ces quatre sphères, il est évident que la problématique du développement durable influence les quatre vecteurs majeurs de modification de l’inscription spatiale de la logistique :

• les politiques publiques, notamment les modifications réglementaires (étiquetage carbone, règlements d’urbanisme, etc.) ;

• les formes et modes de gouvernance publique et privée (gouvernance logistique) ;

• les préférences des agents économiques (intégration de la contrainte environne- mentale, préférence pour la proximité, nouvelles pratiques de consommation, etc.) ;

• les stratégies des industriels et des distributeurs.

Les modifications des forces externes, caractérisées sur le plan économique par un cli- mat de crise économique et d’élévation des coûts de l’énergie, et, sur le plan écologique, d’un renforcement des contraintes environnementales, obligent les entreprises à considé- rer le maillon logistique avec encore plus d’attention et à trouver des solutions de mutuali- sation leur permettant de générer des économies d’échelle. Cette démarche dans laquelle plusieurs industriels s’engagent par exemple à livrer ensemble, à partir d’un même site logistique (entrepôt ou plate-forme), un ou plusieurs distributeurs, a pour objectif l’opti- misation des coûts de stockage (réduction du nombre de lieux de stockage sur la chaîne) et de transport (taux de remplissage des véhicules et nombre de rotations) (Camman et Livolsi, 2009). Les solutions mutualisées se sont traduites par l’essor des démarches conjointes de cross-docking, de Gestion Partagée des Approvisionnements (GPA) et de Gestion Mutualisée des Approvisionnements (GMA). Le développement de la mutualisa- tion est renforcé par ailleurs par certaines nouvelles réglementations externes à la sphère de la logistique, telles que la Loi de Modernisation de l’Économie (LME du 4 août 2008) visant notamment à la réduction des délais de paiement19. Plus généralement, on observe une multiplication des démarches de mutualisation logistique.

Par ailleurs, la croissance des pratiques de e-commerce, combinée, sur le plan démo- graphique, au vieillissement de la population et au développement de la métropolisa- tion, renforce la problématique de la logistique du dernier kilomètre, notamment en milieu urbain. La logistique urbaine fait l’objet d’un intérêt de plus en plus soutenu depuis le début des années 2000 de la part des chercheurs et des politiques (Patier, 2002 ; Routhier, 2002 ; Crainic, 2008 ; Patier, Routhier, 2009 ; Durand et al., 2010). En France, un nombre croissant d’actions concrètes sont menées, soutenues par l’ADEME, le Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Énergie. Initialement, c’est la loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie (LAURE du 30 décembre

19 Camman et Livolsi (2012) montrent en effet comment la LME a conduit à la refonte des organisations logistiques fondée sur une plus grande mutualisation des approvisionnements constituant une réponse commune des industriels et des distributeurs pour en atténuer les conséquences.

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