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Géographie Économie Société: Article pp.327-344 of Vol.15 n°4 (2013)

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Texte intégral

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Géographie, économie, Société 15 (2013) 327-344

doi:10.3166/ges.15.327-344 © 2013 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

géographie économie société géographie économie société

« Oubliez la faune et la flore et vivez par l’argent » : le Plan Nord, l’économie

et le développement nordique

“Forget about wildlife and live with money”:

Plan Nord, the economy, and northern development

Nicole Gombay

Département de Géographie, Université de Montréal C.P. 6128, Succursale Centre-ville Montréal (Qc), Canada H3C 3J7

Résumé

Avec le Plan Nord, le gouvernement du Québec a amorcé une dynamique de développement majeur dans ses territoires nordiques. Celle-ci vise à relier plus étroitement la région de Nunavik (la partie inuite au nord du Québec) à l’économie mondiale. Dans ce processus, l’économie mondiale va faire face à une économie locale qui fonctionne selon des principes tout à fait différents. Les façons de penser au cœur de l’économie inuite, soit le don et la propriété commune des biens, sont directe- ment menacées par les projets de développement prévus pour les années à venir, axés sur l’argent et les marchés internationaux. Cet article examine quelques-unes des données et des questions liées au défi que représente le développement de cette région.

© 2013 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

Summary

Under the auspices of Plan Nord, the government of Quebec is launching a major development project for its northern territories. This will tie the region of Nunavik (the Inuit portion of northern Quebec) more comprehensively to the global economy. In the process, this economy will confront

*Adresse email : nicole.gombay@umontreal.ca

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a local economy that functions according to altogether different principles. The mindset at the heart of the Inuit economy, based on the gift and common property, is in the process of being challenged by development projects that will take place in the region, which are based on money and global markets. This article explores some of the issues and questions that will result from the develop- ment proposed for the region.

© 2013 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

Mots clés : Plan Nord, Inuit, Nunavik, économie, développement.

Keywords: Plan Nord, Inuit, Nunavik, economy, development.

Introduction

Le 26 janvier 2012, au sommet économique mondial de Davos, le premier ministre canadien, Stephen Harper, déclarait aux personnalités les plus riches de ce monde : « […]

nous ferons bientôt en sorte que les principaux projets énergétiques et miniers ne soient pas inutilement soumis à des retards réglementaires - c’est-à-dire à des retards pour le seul principe du retard »1 (Campion-Smith, 2012, n.p.). Dans le contexte canadien, cette déclaration fait référence au projet controversé du pipeline Northern Gateway qui prévoit d’acheminer du pétrole brut des sables bitumineux de l’Alberta aux ports de Colombie- Britannique pour qu’il soit ensuite expédié vers les marchés asiatiques. Harper signalait ainsi que, sous sa direction, les mécanismes régulateurs limitant l’accès des entreprises privées aux ressources naturelles du Canada seraient revus afin de faciliter l’intégration de ces dernières au marché mondial. Moins de deux semaines après avoir prononcé ces paroles en Suisse, Monsieur Harper est allé en Chine avec, parmi ceux qui l’accompa- gnaient, plusieurs représentants du secteur minier.

Après avoir lu la déclaration du premier ministre Harper, j’ai envoyé ce passage par courriel à un ami Inuit, membre d’un des conseils de cogestion qui s’occupent de l’impact du développement sur l’environnement dans le Nord canadien (et dont la responsabi- lité est, notamment, d’examiner les propositions de développement de nombre de projets miniers dans la région). Voici sa réponse :

Oubliez la faune et la flore et vivez par l’argent. La région circumpolaire [est]

une très petite partie du monde, les gens ne sont pas bien instruits, [ce sont] surtout des chasseurs, alors qu’il y a tant de ressources, du pétrole, de l’or, etc. [Les Inuit sont] foulés aux pieds par les peuples qui ne chassent pas.2

Ses paroles traduisent la frustration causée par l’incompréhension entre les peuples Inuit et non-Inuit face aux processus de développement. Et ces processus ne peuvent que s’accélérer avec le temps, compte tenu des changements observés dans les politiques

1 Notre traduction de l’anglais : “… we will soon take action to ensure that major energy and mining projects are not subject to unnecessary regulatory delays — that is, delay merely for the sake of delay.” Nous remercions Laurier Saint-Yves et Jade Legrand pour leur révision du français de l’article.

2 Traduction de l’anglais: “Forget about wildlife and live with $. The Circumpolar is very small part of the world, people are not well educated, mostly hunters, yet so much resources, oil, gold etc. Been walked over by the people who do not hunt.”.

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canadiennes et québécoises et de l’ouverture de la région nordique liée à la fonte des glaces polaires.

Les mots de cet Inuk3 traduisent bien le fossé qui sépare la mentalité des chasseurs, et par extension leur fonctionnement économique, tous deux axés sur le concept du don, face à une économie qui repose fondamentalement sur l’argent. Il en ressort plusieurs ques- tions que je veux aborder dans cet article. Pour ce faire, je propose d’examiner le point de vue économique des chasseurs et d’explorer ce qui le distingue d’une économie fondée sur l’argent. C’est bien à cette rencontre entre deux économies, avec leurs manières de voir et de fonctionner profondément différentes, que les Inuit ont dû, et doivent encore, faire face. Dans cet article, je présenterai quelques-unes des données et conclusions qui ressortent de mes recherches en géographie économique dans la région du Nunavik (la partie inuite du nord du Québec).4 Ces recherches ont pour but de comprendre le fonc- tionnement de l’économie vernaculaire des Inuit face à son inclusion croissante dans l’économie monétarisée de marché.

Comme je l’expliquerai dans cet article, l’économie vernaculaire des Inuit s’est déve- loppée en partie selon des spécificités locales, c’est-à-dire les caractéristiques nordiques de leur territoire. Les liens entre une économie et son territoire sont dialectiques. D’une part, les particularités du territoire produisent des systèmes économiques distincts, et d’autre part, ces systèmes amènent à des expériences spécifiques à chaque territoire. Dans mes recherches, j’ai fait appel à l’idée du « lieu », dans le sens humaniste et phénoméno- logique de Tuan (1977) et Sack (1997), selon laquelle le lieu et l’être humain (y compris ses institutions, telles que l’économie) se fondent mutuellement. Pour comprendre cette économie du lieu, il faut prendre conscience des systèmes culturels, sociaux, historiques et politiques dans lesquels elle est ancrée (Polanyi, 1957a et 1957b). Les modes de pro- duction, de distribution, d’échange, de consommation et de reproduction reflètent et per- pétuent ces systèmes divers et sont une expression des idées et coutumes propres à chaque société. À leur tour, ces modes font partie intégrante des règles, procédures et conven- tions, formelles et informelles, qui ordonnent les activités et façonnent les valeurs écono- miques. Certes, les géographes reconnaissent que les systèmes économiques sont enra- cinés dans les particularités du territoire (Dicken, 2000 ; Gibson-Graham, 2006 ; Griffin, 2009 ; Peck, 1996 et 2000 ; Sauer, 1963 ; Wainwright et Barnes, 2009), mais la plupart des études contemporaines en géographie économique ont tendance à tenir pour acquis que ces systèmes économiques fonctionnent dans le contexte d’économies monétarisées.

De fait, comme le début de cet article l’indique, il faut reconnaître que l’économie inuite se situe actuellement dans le contexte du marché global. Mais si nous prenons l’exemple de l’Arctique pour comprendre ce processus d’interpénétration du global et du local, je crois qu’il importe d’être conscient du fait que cette économie globale reflète et incarne ses propres normes et modes opératoires, et que ceux-ci sont manifestement différents de ceux des Inuit. Tenir cette économie globale pour acquise, c’est prendre le risque de ne pas comprendre les points de vue ontologiques et téléologiques qui se situent hors de cette norme. Les économies sociale, politique, et morale s’entremêlent avec l’économie

3 En Inuktitut le pluriel de l’individu, Inuk, est Inuuk (s’il comprend deux personnes) et Inuit (s’il comprend trois personnes et plus).

4 Depuis 2000, mes recherches portent, entre autres, sur l’économie au Nunavik.

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monétarisée de manière complexe. Toutefois, l’analyse la plus courante en géographie économique tend non seulement à privilégier l’économie globale, mais aussi une façon de voir fondamentalement axée sur l’Occident et le marché monétarisé (Gibson-Graham, 2006 ; Pollard et al., 2009 et 2011). En conséquence, une économie classée comme « non formelle », y compris tout ce qui alimente ses processus de production, de distribution, d’échange, de consommation et de reproduction, peut disparaître du champ d’analyse. La compréhension des dynamiques économiques propres aux lieux, dans leurs différences, risque ainsi d’être fort limitée.

Pour saisir ce qui se passe au Nunavik, je crois qu’il faut donc prendre du recul, ces- ser d’analyser la situation par l’unique prisme de l’économie globale, et reconnaître que l’économie vernaculaire des Inuit est fondamentalement établie sur les particularités du lieu où elle s’est développée. En outre, on ne peut comprendre ces particularités que si l’on considère ce qu’être dans ce lieu veut dire. Ainsi, pour comprendre la logique et le fonctionnement de cette économie, je considère qu’il faut adopter une analyse phéno- ménologique (Backhaus, 2009 ; Hung, 2010 ; Malpas, 1991 ; Relph, 1976 et 1985 ; Tuan, 1974, 1977, & 1984 ; Vanclay et al., 2008). L’expérience corporelle d’assurer sa subsis- tance dans l’Arctique a façonné l’économie inuite à plusieurs niveaux, et elle explique, en partie, la réaction des Inuit face à l’économie monétarisée du marché. Pour les Inuit, la rencontre de ces systèmes économiques aux mœurs résolument différentes impose de changer leurs façons de penser. Je voudrais explorer comment des valeurs distinctes, qui soutiennent une variété de systèmes économiques, sont fondées sur des cadres idéolo- giques qui, à leur tour, reposent sur des épistémologies, des ontologies, et des téléologies particulières aux Inuit.

Cet article propose donc d’examiner le contexte économique du développement du Nord canadien et, plus spécifiquement, du Nord québécois. Ce développement est vrai- semblablement voué à tisser des liens plus étroits entre cette région et l’économie de mar- ché, confrontant ainsi l’économie locale aux principes qui sous-tendent le marché moné- tarisé. Nous devrons, en premier lieu, préciser ce que l’on entend par « économie ». Je procéderai ensuite à un bref examen des approches gouvernementales en matière de déve- loppement économique dans l’Arctique canadien. Enfin, j’explorerai le fonctionnement de l’économie inuite des points de vue ontologique et téléologique. Le marché mondial étant fondé sur l’argent, il faut encore comprendre ce que son fonctionnement implique et comment cela touche les Inuit. J’examinerai leurs réactions face aux modèles écono- miques qui leur ont été prescrits par l’Accord de la Baie James et du Nord Québécois (1975), ainsi que par les divers ententes et plans signés depuis lors. En conclusion, je poserai quelques questions destinées à mieux comprendre le fonctionnement du dévelop- pement économique dans le Nord québécois et canadien.

Penchons-nous d’abord sur le mot « économie ».

1. Qu’est-ce que l’économie ?

Cette question a déjà été abordée de multiples façons. Mais, malgré ce que semblent en penser les professionnels de la science économique, les chefs d’État ou les représentants du secteur financier, la définition de base de ce mot est fort simple. Le Larousse définit le mot « économie » comme l’« ensemble des activités d’une collectivité humaine relatives

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à la production, à la distribution et à la consommation des richesses ». Voilà qui soulève une autre question fondamentale : qu’est-ce que la richesse ? La définition de l’économie repose fondamentalement sur un débat de valeurs.

Au cours de mes recherches, je me sers de la définition fournie par Gregory et Altman (1989, p. 1), selon laquelle l’économie incorpore « les relations sociales établies par les individus pour s’assurer le contrôle de la production, de la consommation et de la circulation de la nourriture, des vêtements et de l’habitat. »5 La nourriture, les vête- ments, et l’habitation constituent donc la base de nos richesses, même si cela est perdu de vue dans certaines sociétés et chez certains individus. Ceci nous ramène à la question des valeurs (Spivak, 1987).

Nous devrions ainsi comprendre que l’économie inclut les relations sociales et les ins- titutions créées par les sociétés pour répondre à leurs besoins. Les questions économiques ne se limitent pas à la simple circulation des biens ; elles touchent aussi à la circulation des valeurs (Hudson, 2005). Elles sont en lien avec les procédés de socialisation, avec la symbolique et les sens divers que nous donnons aux biens et qui leur confèrent une impor- tance. L’ensemble de ces conventions manifeste des valeurs propres à chaque société. Les divers systèmes économiques incarnent, créent et soutiennent donc des valeurs tout aussi diverses qui, à leur tour, influencent notre comportement. En termes simples, il y a des liens (dont nous ne sommes pas toujours conscients) entre nos valeurs et notre comporte- ment. Nous agissons en fonction de l’importance conférée aux choses.

Notre façon de penser a souvent une influence inconsciente sur nos actes économiques (Thrift, 2005). Par exemple, les manifestations qui ont eu lieu à travers le monde en 2011, de Wall Street à la Place Tahrir, sont des actes qui mettent en doute les valeurs d’un sys- tème économique qui fonctionne à plusieurs échelles. Les manifestants soutenaient que les valeurs qui sous-tendent présentement l’économie monétarisée nuisent à notre qualité de vie. Ce mouvement de protestation visait les valeurs morales et sociales exprimées à travers l’économie financière qui domine la vie des individus partout sur la planète.

L’influence dominante de cette façon de penser, axée sur le monde de la finance, nous amène à une troisième définition de l’économie. Au Nunavik, j’ai demandé à une connaissance de traduire le mot « économie » en Inuktitut. Après avoir hésité et consulté ses collègues, ainsi qu’un dictionnaire, elle a répondu que le mot juste serait kiinaujatigut maikttarsuarniq, ce qui signifie littéralement « par l’argent, essayer de se tenir debout tout seul ».

Je veux explorer ce qui est implicite dans la croyance inhérente à cette définition : c’est-à-dire que l’argent constitue le principal moyen de distribuer les ressources. Est-il vrai qu’économie et argent sont synonymes ? Et si oui, qu’est-ce que cela implique ? Ce qui se passe actuellement dans le Nord québécois suggère que la région est amenée à fonctionner de plus en plus avec l’idée que l’économie basée sur l’argent est primordiale.

Mais ce processus entraîne aussi la confrontation de perspectives différentes sur ce que signifie l’économie et sur la façon de la développer.

5 Traduction de l’anglais: “the social relations people establish to control the production, consumption, and circulation of food, clothing, and shelter.”

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2. L’économie et le développement nordique : le point de vue gouvernemental L’intérêt des non-autochtones pour le Nord canadien a toujours été guidé principalement par le désir d’avoir accès aux ressources qui s’y trouvent (Brody, 2000). Ainsi, la présence des Européens dans la région a commencé, au XVIIe siècle, avec l’établissement de postes de traite de la Compagnie de la Baie d’Hudson et la création de la Terre de Rupert, le tout constituant un fief privé sur une superficie couvrant à peu près le tiers du Canada moderne (Canobbio, 2009). En 1870, avec l’achat, par le gouvernement canadien, de la Terre de Rupert, ce vaste territoire nordique, ainsi que les ressources et peuples qui y vivaient, ont été placés sous la responsabilité de l’État canadien. La politique du développement (écono- mique) nordique menée depuis par les gouvernements fédéraux et provinciaux a progressé par étapes (Canobbio, 2009 ; Damas, 2002 ; Duffy, 1988 ; Mitchell, 1996). Ce n’est qu’avec

« la nouvelle politique nationale » (1957-1963) lancée par le premier ministre Diefenbaker que le gouvernement fédéral a tenté d’établir une politique cohérente du développement nordique. À la base de cette politique se trouvait l’idée que le Nord canadien était un entre- pôt de richesses. Entre 1958 et 1967, le gouvernement a publié quinze études sur l’écono- mie dans diverses régions du Nord ; ces dernières tentaient d’identifier les ressources de ces régions ainsi que d’en déterminer le potentiel d’exploitation.6

Au niveau provincial, le gouvernement du Québec n’a vraiment essayé d’inventorier les ressources nordiques qu’à partir de 1971, quand le premier ministre Bourassa a lancé le projet de développement de la Baie James afin de construire des barrages hydroélectriques (Bourassa, 1973 ; Canobbio, 2009). Encore une fois, dans l’imagination populaire, le Nord apparaissait comme un dépôt de ressources mûr pour l’exploitation. Il fallait donc inven- torier ce qui s’y trouvait et développer les infrastructures pour exploiter ces ressources ; ce sont là des thèmes récurrents dans les politiques gouvernementales concernant le Nord, y compris dans la politique actuelle visant le Nord canadien et québécois. La Stratégie pour le Nord du Canada (Gouvernement du Canada, 2009) et le Plan Nord (Gouvernement du Québec, 2011) témoignent, entre autres, de telles préoccupations. Par exemple, parmi les objectifs du Plan Nord, on prévoit de compléter le relevé terrestre du Nunavik afin de pro- mouvoir le développement des ressources et de développer les infrastructures permettant d’en faciliter l’exploitation. Dans le cas du Nunavik, cette exploitation sera surtout axée sur des projets miniers, hydroélectriques, touristiques, et bioalimentaires.7

6 Au Canada il existe plusieurs niveaux de gouvernement : le fédéral, le provincial et le territorial. Les plus hautes instances dans l’administration des régions nordiques du Canada se partagent entre le gouvernement fédéral (en ce qui concerne les territoires tels que le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut) et des gouvernements provinciaux (pour le Nunavik, sous la direction de Québec, et pour le Nunatsiavut, sous la direction de Terre-Neuve).

7 Il faut prendre note que le Plan Nord est une extension d’ententes précédentes, dont les plus marquantes sont l’entente Sanarrutik (signée en 2002) et l’entente Sivunirmut (signée en 2004). Ces ententes relèvent d’inté- rêts semblables au Plan Nord, tant en ce qui concerne les projets de développement que la place accordée aux Inuit au sein de ce développement, notamment en vue de leur en assurer des bénéfices en termes économiques et en termes de services. Sanarrutik (Société Makivik et al., 2002) est une entente pour accélérer le développe- ment économique et communautaire du Nunavik, tandis que Sivunirmut (Administration Régionale Kativik et Gouvernement du Québec, 2004) touche le financement de l’Administration Régionale de Kativik afin d’assurer l’amélioration des services fournis par le gouvernement provincial à la population du Nunavik (cf. Kativik Regional Government et Makivik Corporation, 2012 ; Canobbio, 2009).

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La population qui vit dans ces régions, en grande majorité inuite, va subir les consé- quences des politiques de développement projetées sur son territoire. Comme évoqué plus haut, il s’agit surtout d’une inclusion croissante de cette région au sein de l’éco- nomie mondiale, ce qui suppose une diffusion accrue du capitalisme dans la région, une pression croissante pour l’accès aux ressources de la part des entreprises privées et l’extension de la propriété privée ainsi que de l’aliénation du travail. Certes, si l’on compare le processus de développement projeté actuellement pour le Nunavik avec celui des années 1970, la politique gouvernementale a évolué. Ainsi, dans le Plan Nord, malgré l’intérêt pour l’exploitation des ressources naturelles, on met aussi l’accent sur le fait que cette exploitation doive se faire dans le contexte du dévelop- pement durable et en incluant la population autochtone dans l’élaboration des plans d’exploitation. Ce dernier élément diffère fondamentalement de la politique provin- ciale du développement de la Baie James et du Nord québécois. Ce projet avait alors été annoncé sans que les autochtones aient été consultés ou même informés. Il avait abouti à la signature de l’Accord de la Baie James et du Nord québécois (ABJNQ) en 1975 (Canobbio, 2009 ; Coon Come, 2004).

Contrairement aux années 1970, les divers paliers de gouvernement sont aujourd’hui conscients de la présence autochtone dans la région nordique, ainsi que de leurs respon- sabilités vis-à-vis cette population. Le gouvernement du Québec tente, ainsi, d’inclure les autochtones dans ses projets de développement. Parmi les projets prévus dans le Plan Nord, on trouve, par exemple, la production bioalimentaire. Dans le cadre de ce projet, un fonctionnaire du Ministère de l’agriculture, des pêcheries et de l’alimentation du Québec m’a contactée. Il voulait avoir mon avis sur la possibilité de créer, chez les Inuit, un désir de faire l’élevage d’animaux tels que le bœuf musqué ou le caribou.

Je lui ai répondu, par courriel, que devenir éleveurs d’espèces locales serait ardu pour les Inuit, en raison de leurs croyances touchant au monde animal (voir plus loin) et du rôle des animaux dans l’économie inuite. Il m’a écrit à nouveau en me demandant si, malgré tout, cela pouvait quand même être envisagé. Sa question était la suivante : « […] est-il possible de penser que dans un avenir de 25 ans, il serait possible de changer cette men- talité de cueilleur chasseur... [en celle de] cueilleur éleveur ? »

Son point de vue reflète une volonté compréhensible de la part du gouvernement. Je l’ai rencontrée, au cours de mes recherches, à la fois chez les Inuit et les non-Inuit, et cette volonté s’exprime aussi dans la réponse que les Inuit ont fait au Plan Nord, c’est- à-dire le Plan Nunavik (Kativik Regional Government et Makivik Corporation, 2012) : comment les Inuit peuvent-ils gagner leur vie dans le contexte d’une économie capita- liste basée sur la propriété privée, l’aliénation du travail et l’argent ? Les agences gou- vernementales, en cherchant des mécanismes pour développer chez les Inuit la capacité à participer à l’économie de marché, discutent de la question depuis longtemps (Damas, 2002 ; Duffy, 1988 ; Iglauer, [1962] 2000). Leur préoccupation fondamentale est de trouver comment former des sujets économiques dotés des outils nécessaires pour s’in- tégrer à une économie de marché. Les Inuit devraient, donc, apprendre à se comporter dans ce contexte donné.

Du point de vue de certains membres des secteurs public et privé, les Inuit se sont mon- trés irrationnels en ce qui concerne à la fois leur exploitation des animaux, un élément de base de leur économie, et leur façon de participer à l’économie de marché. Ainsi, dans

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The Eskimo Book of Knowledge8, la Compagnie de la Baie James a encouragé les Inuit à faire plus d’efforts et à apprendre à travailler pendant toute la saison de piégeage (Binney, 1931). De la même manière, dans son Book of Wisdom for Eskimo9 , l’auteur exhorte les Inuit « [à é]coute[r] des paroles de sagesse »10 et à s’assurer qu’ils conservent le gibier en l’abattant avec soin (Gouvernement du Canada, 1947, p. 23). Les Inuit devaient aussi apprendre à « planifier en prévision des périodes de pénurie »11 (p. 27) en économisant leurs recettes et en évitant d’accumuler des dettes auprès des gérants des postes de traite.

Ces deux publications témoignent bien des inquiétudes des deux agences principales chargées, à l’époque, de l’implantation du marché dans l’Arctique canadien ; inquiétudes nourries par l’idée que les Inuit ne jouaient pas, comme ils l’auraient dû, leur rôle dans le processus d’échange. C’est cette même appréhension, probablement subconsciente, qui a amené un fonctionnaire du gouvernement provincial à me dire qu’« il y a des mentalités à changer » chez les Inuit. Cette phrase a été prononcée lors d’une entrevue que je menais au cours d’une recherche sur l’implantation de l’idée de « braconnage » au Nunavik, c’est-à- dire, au fond, sur la privatisation des ressources dans la région. Ce fonctionnaire présumait que les croyances et les habitudes des Inuit les poussaient à agir d’une manière qui, à son avis, ne préserverait pas leurs ressources fauniques et qu’ils ne faisaient donc montre d’aucune sensibilité à l’économie. Il était conscient d’une différence de mentalité poussant les Inuit à se comporter, selon lui, d’une manière absurde sur le plan économique ; menta- lité qui devait donc changer. Mais il ne saisissait pas que cette mentalité inuite soit le fruit d’une logique tout à fait soutenable selon leur perspective, et qu’elle représentait un com- portement économique non seulement étranger au sien, mais aussi profondément enraciné dans les institutions sociales et dans le système ontologique des Inuit. Mais quelles sont ces mentalités qui ont tant besoin de changer ? D’où viennent-elles ?

3. L’économie vernaculaire des Inuit

Pour comprendre la nature de l’économie vernaculaire des Inuit, il faut savoir qu’ils n’ont jamais conçu quoi que ce soit qui puisse jouer le rôle de l’argent. Le partage, et sur- tout le partage de nourriture, était, et continue d’être, au centre de leur économie. À titre de chasseurs, de pêcheurs, de piégeurs et de cueilleurs, ils doivent nécessairement vivre au sein de la nature ; c’est là un élément fondamental de leur culture. Et même si cela peut sembler tenir de l’évidence, les croyances ontologiques et téléologiques que cela suppose sont moins apparentes. En pleine nature, chaque être est en quelque sorte enveloppé par les éléments ; dans l’Arctique, on ne peut s’abstraire de ces sensations physiques. Le vent, l’eau, la température et la terre interagissent avec les sens pour donner à la vie une existence palpable, impossible à ignorer.

Les animaux, la glace, le temps, les courants dans l’air et dans l’eau, la qualité de l’atmosphère sont quelques-uns des éléments de l’environnement auxquels les Inuit doivent se soumettre lorsqu’ils chassent, cueillent, pêchent et piègent (Collignon 1996).

Ce monde est en flux constant et chacun des sens le perçoit (Ingold, 2011). Cette instabi-

8 Le Livre esquimau de la connaissance.

9 Le Livre de la sagesse pour l’esquimau.

10 Traduction de l’anglais “Hear the words of wisdom”.

11 Traduction de l’anglais “Plan for periods of scarcity”.

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lité permanente des phénomènes naturels impose de réagir en fonction des circonstances.

L’individu ne peut ni espérer contrôler les forces de la nature, ni prévoir les résultats de la chasse ou de la pêche. Le monde n’est pas prévisible ; cela fait partie de la façon de vivre et de comprendre l’existence chez les Inuit. Leur économie est ainsi profondément liée à leur espace de vie et fondée sur l’acceptation de l’absence de contrôle des êtres humains sur les ressources dont ils tirent leur subsistance.

Dans leur comportement économique, les Inuit reconnaissent cette instabilité mais prennent aussi soin de la contrebalancer. Cette relation complexe n’est nulle part plus pro- noncée que dans les règles qui s’appliquent aux animaux dont ils se nourrissent. On ne peut pas, et on ne doit pas essayer de les contrôler. Le concept qui guide leur comportement idéationnel vis-à-vis ces animaux est « pitsiatuq », une expression qui recoupe à la fois les notions de respect, de crainte, d’humilité et d’honneur. Les animaux ont un pouvoir énorme, et, selon le comportement des êtres humains, ils se présentent à eux pour être tués et man- gés. Les animaux se donnent, et par respect pour ce don, les Inuit ont pour devoir de les prendre. Ce concept est au cœur de l’économie du don, la base même de l’économie inuite (Mauss, 1990 [1925] ; Nadasdy, 2003). Les animaux savent si les gens se comportent bien ou mal, et selon ce comportement, ils se présentent afin d’être attrapés.

De nombreuses règles s’appliquent au traitement des animaux. Entre autres, il ne faut ni les faire souffrir, ni gaspiller ce qu’on en tire, ni tenter de les contrôler (ce qui explique comment la perspective de devenir éleveurs, d’autant plus s’il s’agit d’animaux à la base de leur régime alimentaire, représente un défi de taille pour beaucoup d’Inuit). En plus de ces règles d’ordre général, on trouve d’autres préceptes qui peuvent varier selon les groupes. Un principe apparaît néanmoins partout : le partage. Les gens doivent, sauf en cas de grand besoin, partager leur nourriture avec les autres. S’ils ne la partagent pas, les animaux le sauront et ne se présenteront pas aux chasseurs ou pêcheurs. Ceci dit, il ne faut pas négliger les nuances qui colorent cette notion de partage (Damas, 1972 ; Gombay, 2010 ; Kishigami, 2004 ; Nuttall et al., 2005 ; Wenzel, 1995 et 2005), mais en soi, elle est au cœur de l’économie inuite ; l’économie d’un peuple qui n’a développé en aucune façon les fonctions de l’outil économique qu’est l’argent.

Le partage de nourriture sert surtout à créer la cohésion sociale. Il est aussi lié à l’idée de biens communs. Ni la terre, ni ses ressources ne peuvent appartenir aux gens. Comment, d’ailleurs, la terre pourrait-elle appartenir à qui que ce soit ? Pour les peuples qui vivent selon le principe du bien commun, « la terre ressemble à la roche sur laquelle la vie indi- viduelle s’élève et se laisse écouler, comme une vague » (Simmel, 1978 [1900], p. 353).12 Les êtres humains nés sur cette terre en sont plus précisément les gardiens et ils ont la responsabilité de s’occuper de ses ressources pour les générations à venir. Les familles inuites au Nunavik estiment avoir des affiliations avec certains endroits, mais ceci ne leur donne aucun droit de propriété sur ces terres ou les ressources qu’elles recèlent. Ces familles ne pourraient nier aux autres le droit d’aller à un tel endroit ou d’en exploiter les ressources. Le système de biens communs est un mode de communication plutôt qu’un mode d’appropriation (Ingold, 1986). Ainsi, quiconque veut pêcher ou chasser dans un endroit affilié à une certaine famille signalera cette utilisation, avant ou après, à l’un de ses représentants. Il y a, à la base de ce fonctionnement, un respect des responsabilités

12 Traduction de l’anglais : “Land appears as the rock upon which individual life, like the wave, rises and runs off”.

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face à la collectivité plutôt qu’à l’individu ; ce dernier est censé se soumettre aux intérêts du groupe. Ceci nous amène à nouveau à l’importance de la notion de partage.

Bien que le terme même d’« économie » existe en Inuktitut (« Par l’argent, essayer de se tenir debout tout seul »), il est clair que l’économie vernaculaire des Inuit repose sur des valeurs qui sont profondément différentes de celles d’une économie fondée sur l’argent, la propriété privée et le marché, c’est-à-dire les éléments de base de l’économie que les gouvernements, à l’échelle fédérale et provinciale, promeuvent par leurs projets de développement nordique. Quelles sont donc les conséquences de l’adoption de l’argent comme base du fonctionnement économique ?

4. Certains effets du fonctionnement économique par l’argent

La marchandise des marchandises était trouvée, celle qui renferme secrètement toutes les autres, le talisman qui peut à volonté se transformer en tout objet con- voitable et convoité. Quiconque le possédait dominait le monde de la production […] (Engels, 1976 [1884], p. 129).

Engels fait ici référence à l’invention de l’argent, objet depuis voué à un véritable culte, tout producteur de bien devant désormais « se prosterner dans la poussière pour adorer l’argent » (p. 129). Tout débat sur la signification de l’argent repose fondamenta- lement sur la question de la valeur. On établit, en général, une distinction entre la valeur d’usage et la valeur d’échange. L’économie inuite, fondée sur la nourriture, accorde la primauté à la valeur d’usage ; l’économie de marché, axée sur l’argent, s’oriente sur la valeur d’échange, notion elle-même intimement liée à la marchandisation. Comme nous le verrons plus loin, les mécanismes de la production, de la distribution et de la consom- mation, tant que la signification qui leur est accordée, changent dès lors que l’on produit des biens pour l’échange plutôt que pour l’usage. L’argent constitue le principal médium de transformation entre ces deux systèmes de valeurs.

L’argent joue un triple rôle : il constitue un stock de valeurs, une abstraction de la valeur et un standard de valeur. En tant que standard, on présuppose, au sein du marché monétarisé, que l’argent représente un moyen rationnel de mesurer la valeur d’une chose. Tel est le cas quand les premiers ministres, canadien ou québécois, présentent leurs plans de développe- ment des ressources du Nord à des investisseurs éventuels à Pékin, Londres ou New York.

Ces ressources vont être mises en vente sur le marché mondial déracinées, comme tout autre objet de commerce, des relations sociales et des processus naturels du creuset originel.

Appliqué à l’objet, l’argent le détache des relations subjectives. Dans l’économie capi- taliste (devenue, semble-t-il, l’unique moyen de concevoir l’économie) le gain devient le moteur de la production, distance le travailleur du produit de son travail et oblige ce dernier à répudier les systèmes de valeurs autres que celui fondé sur l’argent. Dans ce pro- cessus d’aliénation, l’individu doit se séparer des moyens de production, puis vendre sa capacité à travailler pour pouvoir gagner de quoi répondre à ses besoins. Et les Inuit sont conscients de ce changement. Pour preuve, lorsque j’étais à Puvirnituq pendant une fête communautaire, les gens du village ont bien ri quand l’un d’entre eux s’est présenté avec un t-shirt arborant l’inscription : « né pour chasser, obligé à travailler ».13 Bon nombre des

13 Traduction de l’anglais, “born to hunt, forced to work”.

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changements amenés ou imposés par les non-Inuit ont séparé ces gens de leurs moyens de production : la sédentarisation, par exemple, mais aussi l’abattage, par la Gendarmerie royale du Canada, de leurs chiens de traîneau14, ainsi que la présence forcée à l’école et l’apprentissage des notions de temps axées sur la journée et la semaine de travail.

Cette séparation d’avec les moyens de production n’est pas le seul changement auquel les Inuit ont dû s’adapter ; de nouveaux mécanismes de distribution, d’échange et de consommation sont aussi apparus. La réglementation de la chasse, notamment, représente à la fois une limite à la production et une menace au concept clé de partage. Le fonction- naire qui affirmait que la mentalité des Inuit devait changer, parlait justement du fait qu’ils devraient apprendre à restreindre le partage. Ainsi, les quotas sur la chasse au béluga ont eu pour effet de décourager le partage de mattaq15.

Nous l’avons vu, l’économie vernaculaire des Inuit part du principe qu’on ne peut ni contrôler, ni même croire qu’il soit possible de contrôler l’environnement et la faune.

Leur moyen de stocker la valeur est donc le partage. Donner de la nourriture permet d’en recevoir à l’avenir. Ce n’est pas l’argent qui sert au stockage, mais les relations sociales.

Le fait d’être obligé de renoncer au partage menace ainsi profondément leur économie.

C’est pour cette raison que John Holloway (2011) prétend qu’il vaut mieux définir l’argent comme un verbe, non pas comme un nom. L’argent implique des processus qui peuvent, selon lui, attaquer à la fois les formes de cohésion sociale et les mœurs qui les soutiennent en dehors de l’économie monétarisée.

Ce danger existe aussi dans le domaine de la propriété. Vendre une chose implique qu’elle doive appartenir au vendeur, ce qui suppose l’idée de propriété privée. La privati- sation des ressources leur confère une valeur sur le marché. Dans le cadre de l’économie monétarisée, les biens communs sont du « gaspillage », soit au sens, par exemple, de terrains vagues qui n’ont pas réalisé leur potentiel économique, ou dans un sens moral et normatif, parce qu’un tel gaspillage reflète une incompétence de la part des individus et des sociétés à reconnaître la valeur potentielle de ces ressources. Une société qui gaspille ses ressources est une société irrationnelle (Gidwani, 2008 ; Gidwani et Reddy, 2011) : pareille société a besoin, par conséquent, de changer sa mentalité. Ainsi, dans The Eskimo Book of Knowledge et dans The Book of Wisdom for Eskimo les auteurs incitent souvent les Inuit à apprendre à ne pas gaspiller leurs ressources. Un chapitre intitulé « Care in Work »16, dans The Eskimo Book of Knowledge, se termine avec le passage suivant : « Le SOIN [au travail] est l’ombre de l’homme blanc, et quoiqu’il fasse, on retrouve l’ombre du SOIN derrière chacune de ses actions. Pour que votre race prospère, il faut donc que le SOIN projette son ombre directrice sur votre travail et sur le chemin de vos vies, d’une année à l’autre » (Binney, 1931, p. 230).17

Le gaspillage et la double question du potentiel négligé (à la fois dans l’utilisation de la terre et dans l’absence d’une volonté de développement chez l’individu ou dans les sociétés)

14 Si les raisons motivant cet acte sont controversées (cf. Lévesque 2010), il demeure néanmoins clair qu’il a obligé les Inuit à utiliser davantage la moto-neige, forçant ainsi leur intégration à une économie monétarisée.

15 Le mattaq est la peau de béluga: c’est un mets fort apprécié par beaucoup d’Inuit.

16 Le soin au travail.

17 Traduction de l’anglais: “CARE is the shadow of the White Man and whatever he does, the shadow of CARE is behind his deed. If your race is going to prosper, then must CARE also cast its guiding shadow from year end to year end over your work and over the path of your lives”.

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fournissent la base du projet (néo)libéral. Ce dernier repose sur la tentative de justifica- tion, chez Locke, du colonialisme dans le Nouveau Monde (Locke, 1823 [1689] ; Gidwani, 2008 ; Gidwani et Reddy, 2011 ; Russell, 2005). L’absence du concept de propriété privée explique, selon lui, le caractère peu développé des Amériques sur les plans social et éco- nomique ; c’est l’argument principal qui justifie de s’accaparer les terres des autochtones.

Le rôle de l’État étant d’établir les lois nécessaires à l’établissement de la propriété privée (Blomley, 2003 ; Engels, 1976 [1884]), ce principe lockien est au cœur de son fonctionne- ment. Il n’est guère surprenant de constater qu’un effort constant d’étendre cette institution est cœur de tous les accords signés avec les autochtones à travers le monde ; une fois cette appropriation rendue légitime au regard de la loi, on tentait ensuite d’établir l’accès aux res- sources du territoire. Dans les conditions actuelles du néolibéralisme, cet accès sert princi- palement les intérêts du capital privé (Heynen et Robbins, 2005). Ainsi, les peuples à travers le monde sont soumis à « l’accumulation par la dépossession » (Harvey, 2003).

Pour les Inuit de Nunavik, ce processus d’appropriation de la terre et de l’accès aux res- sources, partie intégrante du Plan Nord, est sujet à débat à l’échelle régionale. C’est pourquoi, en 2011, les Inuit ont pu rejeter par référendum le plan du gouvernement régional les concer- nant, plan qui, pour eux, n’allait pas assez loin pour leur donner une voix capable de faire face aux pressions expansionnistes des systèmes de fonctionnement non-Inuit (Papillon, 2011).

En 2012, ils ont donc élu un nouveau président de la Société Makivik, une société quasi-gou- vernementale qui les représente lors des négociations avec l’État (c’est l’ancien président qui avait signé le Plan Nord). C’est pour cette raison, aussi, qu’il y a toujours certains villages n’ayant jamais signé l’Accord de la Baie James et du Nord Québécois (ABJNQ).18

5. Vivre dans un petit carré de terre

L’entière et libre propriété du sol, cela ne signifiait pas seulement la faculté de posséder le sol sans restriction ni limite, cela signifiait aussi la faculté de l’aliéner (Engels, 1976 [1884], p. 129).

Les membres des communautés qui ont refusé de signer l’ABJNQ ont rejeté la logique de l’accord et celle du développement économique qu’il entraînait. Ils ont refusé de rati- fier un accord qui leur imposait de vivre dans un « […] petit carré de terre qui pèse sur [les Inuit] comme une lourde roche »19 (Figure 1) tel qu’ils l’ont vu chez les Premières Nations (Tulugak et Murdoch, 2007, p. 247).

Pour ces populations, vivre ainsi impliquait non seulement d’accepter un principe d’appropriation absurde (c’est-à-dire que la terre puisse appartenir à l’être humain), mais également ne plus pouvoir poursuivre le développement à leur façon (Qumaq, 2010). Ces Inuit cherchaient ainsi, et cherchent toujours, à conserver leur capacité d’autorégulation aux niveaux économique, politique et social. Ils sont conscients du fait que, selon les mots d’un Inuk que j’ai interviewé, « [L]e chasseur […] bloque le développement – [il] sera lentement mis de côté »20. Mais ils veulent s’assurer que le développement du Nunavik leur appartient et ne sera pas imposé de l’extérieur.

18 Lors de sa signature en 1975, les villages de Puvirnituq, Salluit, et Ivujivik ont refusé de signer l’ABJNQ.

Quelques années plus tard, Salluit a accepté de signer l’accord.

19 Traduction de l’anglais “[…] little square of land [t]hat weighs [the Inuit] down like a heavy rock”.

20 Traduction de l’anglais que “the hunter is […] in the way of development – will be slowly put away.”

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Revenons à l’affirmation que le développement nordique actuel oblige les Inuit à « oublier la faune et la flore et vivre par l’argent ». Les façons de penser propres à l’économie vernaculaire, avec ses concepts de don et de biens communs, sont menacées par les futurs projets de développement axés sur l’argent et les marchés mondiaux. Tant au niveau fédéral que provincial, la plupart de ces projets s’articulent autour du besoin d’avoir accès aux ressources nordiques, dont il est fait un minutieux inventaire, ainsi qu’autour des infrastructures permettant leur commercialisation sur les marchés inter- nationaux. Le fait que la Chine ait demandé un poste d’observateur dans le Conseil de l’Arctique reflète bien l’intérêt porté à cette région par ce titan des affaires internationales (Canadian Broadcasting Corporation, 2012).

Les dirigeants de la communauté inuite ont choisi d’adhérer au modèle de dévelop- pement proposé dans le Plan Nord, ainsi que dans ses précédentes versions (c’est-à-dire Sanarrutik et Sivunirmut, cf. note 7 pour plus d’information). Cette élite de la popula- tion inuite faisait le pari que son assentiment lui permettrait de cogérer ce processus de développement. Il faut savoir que l’adhérence au développement économique capitaliste semble être le fait d’une certaine classe sociale inuite qui ne représente pas la majo- rité (Canobbio, 2009 ; Mitchell, 1996). Comme l’a remarqué l’Inuk cité plus haut, « les gens ne sont pas bien instruits, [ce sont] surtout des chasseurs ». Dans le Plan Nunavik (Kativik Regional Government et Makivik Corporation, 2012), cette élite tente de rap- peler aux non-Inuit la présence et les besoins de la population inuite dans la région de

Figure 1 : Vivre dans un petit carré de terre (Source : Office National du Film du Canada, 1983)

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Nunavik. On y souligne que le projet de développement au Nunavik devra se faire avec la consultation et la participation des Inuit. Mais ce document reflète aussi les questions soulevées précédemment. D’une part, l’économie vernaculaire des Inuit est fondée sur le partage et elle est profondément enracinée dans le fonctionnement de la société inuite.

D’autre part, comme les auteurs du Plan Nunavik l’ont noté, les Inuit doivent participer plus activement à l’économie monétarisée. Leur faible participation est, soulignent-ils, à l’origine de problèmes socioéconomiques importants :

Les Inuits [sic] du Nunavik ne sont plus de simples chasseurs, pêcheurs et pié- geurs ayant un mode de vie nomade. [… Ils] font partie de l’économie monétaire moderne. […] [I]ls ont besoin de logement, ainsi que d’un revenu pour pouvoir payer l’essence, la nourriture, le transport, le loyer et divers articles ménagers.

Pour obtenir un tel revenu, les Inuit du Nunavik doivent avoir un emploi ou avoir accès à des possibilités d’affaires. Or pour ce faire, ils doivent être éduqués et formés, posséder des compétences et avoir accès à du financement et à du capital (Kativik Regional Government et Makivik Corporation, 2012, p. 13).

Bien qu’ils cherchent à poursuivre le développement à grande échelle, comme en témoignent les projets miniers inclus dans le Plan Nord, les auteurs du Plan Nunavik ajoutent que cela pourrait bien empêcher les individus qui le souhaitent de pratiquer la chasse, la pêche et le piégeage de façon traditionnelle. Or ces individus, notent-ils encore, jouent un rôle important dans l’économie et la communauté : « Tout développement accéléré des ressources renouvelables et non-renouvelables dans la région du Nunavik pourrait avoir des impacts négatifs considérables sur la culture, le mode de vie tradition- nel et, ultimement, l’identité des Inuit [sic] du Nunavik » (Kativik Regional Government et Makivik Corporation, 2012, p. 80). Ainsi, bien qu’il réponde au besoin des Inuit de s’intégrer à l’économie de marché, le Plan Nunavik contient plusieurs recommandations visant à préserver le mode de vie traditionnel des Inuit. On y propose, par exemple, que 50 % du territoire de Nunavik soit réservé à l’exploitation traditionnelle des ressources nordiques par les Inuit.

Malgré cette reconnaissance de l’importance du mode de vie traditionnel, les auteurs du Plan Nunavik passent sous silence le fait que ce processus d’adhésion à l’économie monétarisée puisse représenter des défis pour les Inuit sur les plans ontologique et téléolo- gique. Mais, lors d’une entrevue, les responsables du Service de développement régional et local de l’Administration régionale Kativik m’ont confirmé que, parmi les difficultés auxquelles ils doivent faire face quant au développement de l’entrepreneuriat chez les Inuit, la plus importante est la contradiction entre les valeurs du don et du partage avec la collectivité, et celles du profit et du gain individuel (Gombay, 2006). Ce conflit de valeurs est au cœur des divers projets de développement proposés dans le Plan Nunavik.

Il faut être prudent quant aux propos qui présentent le développement chez les peuples autochtones comme leur ayant leur été imposé sans qu’ils y aient eu leur part. Dans la plupart des cas, les autochtones ont exercé une certaine « marge d’autonomie » (nous traduisons ici le terme anglais agency) dans ce développement. Il faut donc chercher à comprendre son expression et ses impacts. En quelque sorte, le fait que les chefs Inuit aient signé l’entente Sanarrutik, laquelle a mené au Plan Nord, en est une manifestation ou, en d’autres termes, révèle une part de responsabilité dans la promotion d’un dévelop- pement capitaliste. Mais à la lecture du Plan Nunavik, on constate que ces mêmes chefs

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s’inquiètent aussi de ce qui attend les Inuit et qu’ils entendent prendre part au dévelop- pement nordique à leur façon. Cette voie est semée de contradictions dont il faut être conscient avant d’agir.

Conclusion : « Tout est lié à l’argent 21 »

Comme le chef d’un des conseils de cogestion au Nunavik l’a exprimé lors d’une exposition sur le Plan Nord, « Tout est lié à l’argent » (George, 2012, n.p.). Il n’y a pas de division claire, dichotomique, entre le partage et la marchandisation ou entre le don et le marché. Une simple analyse binaire est vouée à l’échec ; on est plutôt en présence de dialectiques au sein desquelles les gens produisent des mélanges économiques qui sont propres à leurs projets de vie et reflètent les spécificités de leurs territoires (Blaser, 2004). Dans l’Arctique, les relations entre les économies locales et l’économie mondiale ne peuvent que se complexifier ; c’est sur les mécanismes de ces interrelations que l’on devrait mettre l’accent.

Le capitalisme autochtone se pratique-t-il différemment de celui qui guide les pra- tiques de la mondialisation ? Est-ce que les Inuit vont pouvoir participer à l’économie monétarisée à leur manière ? Vont-ils mettre à profit le développement suggéré par le Plan Nord pour parvenir à leurs propres fins, telles que décrites dans le Plan Nunavik ? De façon plus globale, les Inuit vont-ils, en tant qu’entrepreneurs individuels et en tant que société, pouvoir arriver au « Crack Capitalism », pour reprendre les termes de Holloway (2010) ? C’est-à-dire, vont-ils engendrer une autre forme capitalisme, un capitalisme qui se développerait dans les fissures du système mondial ? Pour appréhender pareille forme de capitalisme, il faut examiner chacune des petites actions du quotidien qui rompent avec la logique du capital. Les Inuit vont-ils rejeter cette logique ainsi que le projet néolibéral qui guide le développement actuel dans le Nord ? Vont-ils pouvoir développer un moyen de participer à l’économie basée sur l’argent, mais en harmonie avec les bases de leurs relations sociales et environnementales ? Face aux processus colonisateurs des projets de développement des gouvernements fédéral et provincial, les Inuit vont-ils créer une économie de décolonisation ? Et quel sera le rôle de l’argent dans tout cela ? Comment les Inuit vont-ils concilier l’érosion de la coutume des biens communs avec leur engagement dans l’économie sociale ? Il semble que ce sont là quelques-unes des questions vitales à notre compréhension du développement nordique des années à venir.

21 Traduction de l’anglais “It’s all about money”.

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