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La diffusion des activités témoins en dehors du QCA : la thèse de l’élargissement du territoire central se vérifie-t-elle ?

Conformément à l’hypothèse principale qu’on cherche à vérifier, on s’intéresse désor-mais à la diffusion des activités témoins en dehors du quartier central des affaires en s’aidant de la typologie en six grandes zones de l’espace métropolitain. La distribution de la croissance entre 1993 et 2008 ainsi que l’évolution du poids économique relatif de chaque zone dans l’espace métropolitain offrent un premier point de vue relativement explicite de la situation, en faisant ressortir deux types de configurations (Fig. 2) :

- Les activités avec une forte composante décisionnelle et riche en savoir - Activité juridique, comptabilité, gestion, ingénierie + activité informatique & services d’information + édition, diffusion et audiovisuel + finance et assurances – s’affranchissent difficilement de la proximité parisienne. Dans le cas des trois premiers, la croissance parisienne déborde en priorité sur l’espace péricentral qui capte la grande majorité des nouveaux effectifs. Les espaces économiques plus éloignés, comme les villes nouvelles ou les autres zones d’emploi, sans être exclus de la croissance, ne semblent pas faire le poids face à la compétition de cette première ceinture de banlieues. D’ailleurs, leur poids relatif au mieux stagne sinon diminue dans tous ces secteurs, excepté pour les activi-tés juridiques, comptabilité, gestion, architecture et ingénierie dans les villes nouvelles.

Quant à la finance et assurances, tout porte à croire qu’une bonne partie de l’activité a pu

migrer vers l’espace péricentral qui, par ses gains d’emploi, compense la presque totalité des effectifs éliminés dans le quartier central des affaires. Ailleurs que dans ces deux zones, le marché sectoriel de l’emploi ne signale pas d’inflexions notables.

- Une autre configuration se dessine avec les services plus standardisés comme les activi-tés de services administratifs & soutien ou bien encore les activiactivi-tés immobilières. Dans leur cas, la redistribution de l’activité vise d’abord à éviter les localisations du QCA, mais les nouveaux espaces de croissance se partagent mieux entre l’espace péricentral, les villes nouvelles, les autres zones d’emploi, ainsi que le reste de l’Île-de-France, dont le poids respectif a le plus augmenté au cours de la période. Ce comportement est caractéristique de secteurs plus dispersés géographiquement et qui misent aussi, pour s’accroître, sur la demande locale.

Dans ce portrait, le secteur hébergement et restauration est à part. L’espace parisien concentre encore une bonne partie de l’activité ; les deux zones ensemble, QCA et Paris-Est, réalisent les gains d’effectifs les plus importants. Sans qu’on puisse faire le lien entre emploi et équipements touristiques, ce constat renforce néanmoins l’idée que, dans Paris, le marché de l’emploi lié à l’activité touristique-résidentielle résiste mieux au desser-rement que celui des activités de la sphère d’affaires. Et cet élément pourrait effective-ment donner des argueffective-ments à ceux pour qui la patrimonialisation de la capitale gagne des points importants sur l’espace d’affaires central.

À ce stade, on est évidemment porté à interpréter la forte progression de l’emploi des secteurs témoins dans l’espace péricentral comme un élargissement de la centralité d’af-faires parisienne. L’hypothèse est d’autant plus vraisemblable que l’attraction, absolue et relative, exercée par cet espace lui donne un poids dans l’espace métropolitain nettement supérieur à celui qu’il occupait en début de période. Autrement dit, nous sommes bien dans le cas d’une diffusion de courte portée principalement, qui recherche en priorité les localisations en marge du centre traditionnel plutôt que les pôles d’activités plus distants.

Il reste toutefois à savoir comment se répartissent les secteurs témoins à l’intérieur de l’espace péricentral. Est-ce le quartier d’affaires de la Défense qui concentre la majorité de l’activité nouvelle, ou bien l’émulation touche-t-elle d’autres portions du voisinage parisien ? Enfin, pour qu’on puisse parler d’élargissement de la centralité, encore faudrait-il que l’espace péricentral tende à se spécialiser, à l’image du QCA, dans l’accuefaudrait-il des secteurs témoins. C’est ce que nous vérifions dans les paragraphes suivants.

Pour tenir compte de la variété urbaine au sein de l’espace péricentral, on mobilise la subdivision en six zones ; quant aux villes nouvelles, elles sont considérées une à une.

Afin de simplifier la lecture, les effectifs des secteurs témoins sont réunis pour le calcul des niveaux de spécialisation par zone, et pour la distribution de leur croissance (Fig. 3).

Ce nouvel éclairage apporte des précisions supplémentaires sur l’évolution de l’espace économique en périphérie de Paris. Si La Défense est bien au niveau de spécialisation attendu et dépasse même en fin de période celui du quartier central des affaires, deux autres observations retiennent notre attention à son sujet. D’une part, il semble bien qu’au fil du temps, le grand quartier d’affaires de l’ouest ne polarise plus autant : il attire 40,2 % de tous les nouveaux emplois témoins localisés dans l’espace péricentral entre 1993 et 2000, seulement 18,7 % dans la période suivante. D’autre part, il est désormais dépassé par le secteur Boucle de la Seine pour les gains d’emploi, et talonné par le secteur Boulogne. La croissance des secteurs témoins, principalement à partir de 2000, confirme

une meilleure répartition entre toutes les zones voisines de Paris, à l’ouest comme à l’est. Cette évolution est encore plus vraie après l’examen des spécialisa-tions, alors que trois zones en plus de La Défense atteignent le seuil de spécialisation en 2008 (le sec-teur Boulogne, Boucle de la Seine et le secteur Vincennes), contre aucune en 1993. Et le secteur Ivry, sans atteindre le seuil mini-mal, s’en rapproche un peu plus.

Longtemps restées en marge de la dynamique métropolitaine, les parties voisines de Paris situées à l’est et au sud commencent peu à peu à s’y intégrer. Cette recom-position interne est encore loin de respecter l’équilibre entre l’Est et l’Ouest, mais l’écart dans la répar-tition de la croissance tend à se réduire. Ce constat est renforcé par les observations dans Paris intra-muros : alors que la croissance, en première moitié de période, se répartit équitablement entre le QCA et la zone Paris-Est, elle bas-cule en faveur de cette dernière en deuxième moitié de période.

Pour revenir à la question prin-cipale, il y a donc, à l’intérieur même de l’espace péricentral, une tendance croissante à la diffusion des activités témoins en dehors du pôle de La Défense. Cette évolution donne un peu plus de crédit encore à l’idée que la proximité au centre parisien demeure structurante dans les arbitrages. En termes de direction, le desserrement à l’œuvre confirme la préférence tradi-tionnelle pour l’ouest parisien ; ceci dit l’élargissement, toute proportion gardée, de la cen-tralité d’affaires vers l’est de Paris combinée à son plus faible développement dans les villes nouvelles ou dans les autres pôles réunis attestent du bien-fondé de l’argument principal ; l’éloignement de Paris représente un handicap.

À la lumière de ces quelques résultats, la géographie économique récente de l’es-pace métropolitain révèle des tendances nouvelles. La structure spatiale de la croissance d’emploi, l’analyse des spécialisations ainsi que le nouveau rapport de poids entre zones dans l’espace métropolitain montrent la préférence des secteurs témoins pour des

locali-Figure 3 : Niveau de spécialisation, par zone, dans les secteurs « témoins » (1993, 2000, 2008) et répartition de leur croissance (1993-2000 et 2000-2008).

A. Niveau de spécialisation

B. Répartition de la croissance tous secteurs témoins confondus

sations péricentrales plutôt que parisiennes. Faut-il y voir un affaiblissement du pouvoir structurant de Paris, ou bien insister plutôt sur le fait que la centralité d’affaires, dans sa grande réorganisation, privilégie encore et toujours la proximité à l’espace parisien ? Les résultats laissent place à plusieurs interprétations possibles, en lien avec le point de vue et le positionnement théorique pris au départ. En ce qui nous concerne, l’extension de la centralité d’affaires demeure pour l’instant la preuve qu’une bonne partie des activités sensibles à la centralité peuvent s’accommoder de localisations aux portes de Paris, sans que cela ne nuise à la qualité des échanges, à l’intensité des relations, et aux bénéfices en tout genre procurés par leur concentration antérieure.

Les données suggèrent deux questions supplémentaires. D’abord, comment expliquer le desserrement à deux vitesses, nettement plus vigoureux après 2000 qu’avant cette date ? Ensuite, comment expliquer, toujours au passage du siècle, que les deux grands quartiers d’affaires de la métropole se portent simultanément moins bien, l’un en perdant plusieurs milliers d’emplois, l’autre en voyant sa croissance nettement ralentir ? Ces deux questions renvoient sans doute aux hypothèses précédemment émises, celle des nouvelles logiques d’investissement immobilier et celle de l’utilisation des TIC : ces changements plus brutaux interviennent à un moment particulier de notre époque, celui où se sont généralisés les échanges instantanés d’informations et de données à distance par le biais des technologies modernes de communication.

Enfin, un autre élément a pu jouer en faveur de la localisation des services témoins dans l’espace péricentral. De toutes nos zones, elle est celle que la désindustrialisation a le plus durement frappée, en particulier en début de période (Fig. 4). Il est probable qu’un lien existe entre l’élimination des emplois manufacturiers péricentraux et la croissance rapide des activités témoins dans cette zone. D’une part, quand les terrains sont si près du centre, l’intérêt des acteurs publics et privés pour une reconversion rapide ne tarde pas car ils offrent en général de bonnes opportunités foncières ; c’est encore plus vrai quand la pression immo-bilière qui se manifeste au centre atteint des sommets, comme ce fut le cas à Paris au cours de la dernière décennie. D’autre part, la reprise de la construction en bordure de Paris, dans des pôles émergents comme la Plaine-Saint-Denis, le Nord de la Seine-Amont ou les com-munes d’Aubervilliers, Pantin (Diziain, 2006 ; Barucq et al., 2009) relève également d’une évolution de la stratégie des acteurs de l’immobilier, qui proposent des bureaux répondant à des standards de productions recherchés par les services aux entreprises (Diziain et al., 2006), ainsi que des logiques des investisseurs (Diziain et al., 2006). Aussi, les opérations de reconversion se sont-elles multipliées en bordure de Paris au cours des dernières années : parmi les plus symboliques, celle des moulins de Pantin, dont les bâtiments sont désormais occupés par les services bancaires de BNP-Paribas.

Avec l’évolution récente des localisations, un espace d’affaires parisien qui a franchi le Périphérique dans plusieurs directions, un pôle d’affaires périphérique – la Défense – désormais plus spécialisé que le quartier d’affaires historique dans l’accueil des secteurs témoins, on peut se demander si nous ne sommes pas en train d’assister à une atténuation des spécificités de l’espace central d’affaires parisien. Alors qu’on a mentionné qu’en France, le desserrement de l’activité économique avait généralement eu pour effet de spécialiser les centres-villes dans les services à la production, la métropole parisienne a peut-être déjà dépassé ce schéma. Si l’espace d’affaires central s’est étendu, comme les analyses précédentes tendent à le prouver, il serait alors logique de constater un

rap-prochement entre la structure écono-mique des territoires péricentraux et le quartier central des affaires. C’est que nous vérifions dans la dernière partie.

5. Assiste-t-on à un rapprochement

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