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Article pp.377-401 du Vol.3 n°3-4 (2005)

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L’accompagnement scolaire en ligne et les acteurs FGNOKPUVKVWVKQPUEQNCKTG

Aude Inaudi

GERSIC - EA3240

Faculté des sciences et techniques de Saint-Jérôme Université Paul Cézanne – Aix-Marseille 3 Avenue Escadrille Normandie Niémen F-13397 Marseille cedex 20

aude.inaudi@univ.u-3mrs.fr

RÉSUMÉ. L’accompagnement scolaire est longtemps resté aux portes de l’école, aujourd’hui ce type de ressources est disponible au sein des établissements scolaires par l’intermédiaire de catalogues de ressources numériques. Ce positionnement est pour nous l’indice d’un glissement des prérogatives politiques des acteurs de l’éducation. L’objet de cet article est de proposer une lecture de ce phénomène à travers les dispositifs eux-mêmes. L’écrit d’écran sert de révélateur aux enjeux politiques et sociaux de l’éducation.

ABSTRACT. School support is now being introduced in school institutions through E-digital catalogs. This significant new trend represents a major political change for the main actors in teaching. The shift in the principal social and political goals of education will be analyzed in this article; the “writings on the screen” will be used to describe and analyze these new teaching e-tools.

MOTS-CLÉS : accompagnement scolaire en ligne, ressources numériques, politiques éducatives, éducation, institution scolaire, acteurs de l’éducation.

KEYWORDS: school support, numerical resources, educational policies, teaching actors, education, school.

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Introduction

L’accompagnement scolaire était récemment au cœur de l’actualité. La Une du quotidien Libération du 27 avril 2005 affichait « le soutien scolaire à l’ère industrielle », un rapport de Dominique Glasman au Haut Conseil de l’évaluation de l’école (HCEE) s’est intéressé au « travail scolaire des élèves hors l’école » (Glasman, 2005), diverses officines de soutien scolaire à domicile ont fait l’objet de reportages télévisés... Toute cette attention médiatique envers un apprentissage en marge de l’école, envers un marché périscolaire qui couvre l’ensemble du cursus d’un élève du primaire au secondaire semble légitime mais passe curieusement sous silence l’entrée de cette même activité au sein de l’école. Car aujourd’hui l’accompagnement scolaire en ligne est utilisé dans le cadre scolaire : en étude, au CDI (Centre de documentation et d’information), parfois même en classe sous la conduite d’un enseignant.

Si en 2001, une charte nationale de l’accompagnement à la scolarité (MEN, 2001) précisait le rôle de complément et de partenaire de l’école de ces dispositifs, elle soulignait également l’importance de ne pas les laisser se substituer aux obligations de l’état en matière scolaire. Trois ans plus tard, les politiques éducatives en faveur des technologies de l’information et de la communication (TIC) permettent à ces mêmes dispositifs de figurer parmi les ressources pédagogiques numériques accessibles dans l’école. Dès lors une question se pose, comment ces dispositifs d’accompagnement scolaire ont-ils construits leur légitimité pour être ainsi proposés aux élèves pendant le temps scolaire, hors du temps, de l’espace, et du rôle qui leur étaient habituellement impartis ?

Cette légitimité ne leur est pas acquise d’entrée de jeu. L’école comme lieu d’apprentissage et de socialisation reste encore le garant de la diffusion par l’intermédiaire de l’enseignant d’un savoir et de valeurs qui font sens pour une majorité de la population. L’idée sur laquelle s’appuie notre recherche est celle d’une légitimité favorisée par un contexte éducatif et socio-politique impensé, dominé par un climat de bienveillance envers les TIC (Jeanneret, 2001 ; Robert, 2004), dans lequel les dispositifs d’accompagnement scolaire positionnent leurs atouts techniques et communicationnels. Par l’intermédiaire d’un site, dispositif technique et éducatif, les éditeurs d’accompagnement scolaire répondent à une demande sociale (en tous cas formulée comme telle), à une pression politique et économique cherchant à développer l’implantation des TIC dans le quotidien des élèves, voire dans celui de leurs familles.

Plus globalement, il semble que ce phénomène révèle un lent glissement des prérogatives politiques (Robert, 2005) parmi les différents acteurs de l’éducation.

Autrement dit des acteurs éducatifs, les éditeurs d’accompagnement scolaire en ligne, grâce à leurs compétences techniques trouvent une légitimité à proposer leurs outils et leurs compétences sur le terrain même d’autres acteurs, les enseignants, dont les prérogatives sont validées par l’institution. Par exemple, l’enseignant au lieu de construire son cours à partir de ressources diverses pourrait utiliser des cours déjà

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prêts dont il n’a plus qu’à accompagner le bon déroulement, même l’évaluation finale de l’élève peut être confiée à la technique. Indirectement, ce glissement met en question la capacité et la volonté des enseignants à produire eux-mêmes leurs propres ressources, la capacité et la volonté de l’institution à redéfinir ses exigences en matière de formation continue et initiale.

Notre hypothèse de recherche s’insère dans un champ marqué par la complexité des enjeux économique, sociologique, et politique. Elle nécessite la prise en compte à la fois du niveau macro des politiques publiques et des discours qui les accompagnent, et du niveau micro des dispositifs techniques. Le site d’accompagnement scolaire est un dispositif1 à interroger dans sa dimension technique, objet matériel qui porte les messages, et dans sa dimension sociale, objet médiatique ouvrant sur de nouvelles pratiques sociales. Comme tel, il nous a paru pertinent d’utiliser les écrits d’écran comme clé de lecture politique. En tenant compte non seulement de la technique mais aussi des conditions de son énonciation (Souchier, 1996), cette perspective permet de souligner combien la recherche d’une légitimité « institutionnelle » des éditeurs d’accompagnement scolaire est perceptible à l’écran.

L’objet de cet article est donc de proposer des clés pour une lecture politique du dispositif technique dans son contexte d’énonciation : le site d’accompagnement scolaire comme ressource numérique éducative et non plus péri-éducative, à l’heure d’un impensé politique en faveur du développement des usages des TIC. Ce dispositif laisse percevoir un glissement des prérogatives politiques au niveau des acteurs de l’éducation. Nous expliciterons dans un premier temps les apports des approches théoriques retenues, les écrits d’écran et l’impensé. Puis nous montrerons en quoi l’accompagnement scolaire en ligne est devenue une ressource numérique éducative à part entière, nécessitant une lecture contextualisée de ses caractéristiques. Nous appliquerons enfin les clés de lecture retenues à deux sites d’accompagnement scolaire, en essayant de dégager à travers l’analyse, d’autres perspectives pour cette recherche.

Une double approche sémiopolitique

La difficulté de la recherche est de s’inscrire dans le contexte scolaire français, et plus particulièrement celui de l’enseignement obligatoire (primaire et secondaire), objet de beaucoup d’attentions, de nombreux discours et points de vue dont il n’est pas aisé de s’extraire. L’intérêt de croiser une approche sémiologique avec une approche politique est de pouvoir saisir l’objet de l’analyse à la fois dans sa

1. La définition du dispositif retenue est celle d’un entre-deux espace transitionnel, où l’individu peut ressentir une liberté d’action, et concrétiser ses intentions dans un environnement aménagé et normalisateur, favorisant malgré tout la médiation des savoirs (Foucault, 2002 ; Peters, 1999 ; Inaudi, 2002).

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dimension technique et dans sa dimension sociale, et ainsi prendre de la distance avec l’apparente évidence de l’introduction des TIC dans l’éducation (TICE, acronyme tellement répandu qu’il en est presque devenu un nom commun). Ce faisant cette étude s’ancre dans le domaine du politique où les enjeux se lisent dans les discours à la fois dans le texte et le paratexte (Genette, 2002). Bien que les deux approches aient été menées de concert, pour des raisons de clarté de l’exposé, les apports de chacune seront détaillés séparément.

Approche sémiotique des écrits d’écran

La sémiologie grâce à l’étude des signes nous aide à comprendre comment des mécanismes se créent et produisent du sens dans un contexte social donné (Barthes 1970). Mais la complexité liée au support informatique, au contenu de l’information, et au contexte a engendré un bouleversement au niveau du texte qui nécessite des clés de lecture complémentaires. L’approche des écrits d’écran lie « les propriétés techniques du média, son organisation sémiotique et son statut éditorial et communicationnel » (Jeanneret, 2000 ; p. 108). Il devient indispensable de « prendre en compte l’ensemble des données constitutives de l’objet donné à lire… Le texte doit donc être considéré à travers sa matérialité (écran), sa mise en page, sa typographie ou ses illustrations, ses marques éditoriales variées (auteur, éditeur…), les marques légales et marchandes (ISBN, prix…)… tous les éléments observables, qui non contents d’accompagner le texte, le font exister » (Souchier, 1998 ; p. 139).

Les formes écrites dans les ressources numériques comme ailleurs (support papier), ne peuvent être appréhendées qu’en relation avec leur support : le lecteur doit prendre en compte non seulement ce qui s’affiche sur l’écran mais également, les autres espaces de présence du texte non visibles directement (mémoire de l’ordinateur, imprimante, réseau…). Car l’écran est une zone de texte entièrement construite sur des données informatiques, en permanence l’espace réservé à l’inscription des formes peut être modifié selon une organisation spécifique qualifiée d’éditoriale (Souchier, 1996).Des signes nouveaux apparaissent qui ouvrent la voie à d’autres unités textuelles qu’on ne voit pas mais qu’on imagine. Et au centre de ces nouveaux modes d’écriture-lecture, se pose la question de l’énonciation éditoriale : qui parle ?

L’organisation éditoriale

L’écran possède une organisation propre, avec une structure globale et des espaces particuliers imposés par l’étroitesse de la surface textuelle. Contraint par ces caractéristiques, l’écrit d’écran est en perpétuel mouvement, sa morphologie doit être étudiée de manière dynamique avec la prise en compte des multiples relations, interdépendances et successions des unités textuelles… Chaque page correspond à une adresse particulière, elle est reliée aux autres pour constituer une unité logique plus vaste et non accessible directement, qui structure le texte. Si le lecteur peut parfois avoir l’impression d’une succession d’écrans différents, en réalité le

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changement qui a lieu sous ses yeux au moment du « clic » s’insère dans un système de liens et dans une architecture globale.

La difficulté pour les éditeurs est de donner à lire d’infinies possibilités dans l’espace restreint de la page-écran. Les signes passeurs, liens, icônes, flèches de navigation, tout signe qui permet une « hypertextualité », assurent un rôle sémiotique complexe dans l’organisation éditoriale des sites (Souchier, 2003 ; p. 23) :

– ils ont une signification liée à la place occupée sur l’écran, selon qu’ils permettent de se diriger dans le texte ou dans le paratexte (fonctionnalités) ;

– ils ont une existence propre qui facilite leur reconnaissance par le lecteur (souligné, coloré, il se modifie au passage du curseur...) ;

– ils sont le lien vers le texte « invisible » et déclenchent son affichage à l’écran.

Dans tous les cas, cette organisation nécessite de la part du lecteur de repenser ses codes de lecture-écriture. Cliquer n’est pas simplement un acte fonctionnel, comme tourner les pages d’un livre pour découvrir la suite du texte, mais il résulte d’un choix de « navigation » parmi d’autres possibles. L’utilisateur devient l’auteur de son propre parcours sur le site et rien ne détermine à l’avance les chemins empruntés. La suite n’est plus nécessairement ce qui vient après. On comprend mieux alors, l’importance de disséminer au fil de l’écrit d’écran des repères stables, des guides pour rassurer et accompagner la lecture.

L’énonciation éditoriale

L’énonciation éditoriale « propose de questionner les instances de savoir qui parlent à travers le discours de l’autre » (Souchier, 1998 ; p. 137). Cette question n’est d’ailleurs pas propre aux écrits d’écran et de réseau. Un lecteur politique, et c’est notre souhait pour cette recherche, doit appréhender un texte dans sa matérialité. Quels que soient, la forme et le contenu qui parviennent à ses yeux, il doit les considérer dans leurs contextes d’édition et d’énonciation. Le texte s’exprime par l’image qu’il donne à voir (visuelle et graphique), l’information écrite, le contenu. Autrement dit, il est mis en valeur par tous les aspects dont la mise en œuvre appartient aux éditeurs, leur métier étant de « donner à lire » des traces historiques de pratiques, de règles. « Des indices explicites qui guident le lecteur dans sa sélection, puis dans son parcours de lecture ou de consultation pour une lecture continue ou discontinue », un contrat de lecture (André, 2004 ; p. 114 ; Genette, 2002).

L’énonciation éditoriale se situe donc à « l’articulation du symbolique et du politique – de la croyance –, du matériel et du textuel » (Souchier, 1998). À l’écran, son étude permet de répondre à une question majeure, quel est l’auteur de l’ensemble médiatique dans lequel évolue l’utilisateur. Et la réponse peut s’avérer ardue.

Derrière le foisonnement d’un site, la multiplicité des informations transmises, il nous faut retrouver des repères et des références connus et reconnus. L’identité d’un site est constituée à la fois par son nom, sa marque et ses soutiens institutionnels ou non. « Cet estampillage est l’équivalent d’un retour à l’imprimatur, qui ne délivre

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plus un droit de diffusion mais qui cautionne et valide un contenu. » (Souchier, 2001). Elle a pour caractéristique de rester cachée tout en étant marquée par une pluralité des instances d’énonciation dans l’élaboration du texte et une banalité,

«l’infra-ordinaire » (Perec 1989). L’art de l’énonciation éditoriale est de passer inaperçue, de masquer la complexité derrière l’évidence, la simplicité en gardant le pouvoir de mettre en forme, de donner une existence matérielle : « disparaître aux yeux du lecteur afin de servir le texte, s’effacer pour plus d’efficacité, c’est aussi prendre le pourvoir silencieux de l’image sur le texte » (Souchier, 1998 ; p. 141).

Approche politique de l’impensé

Depuis plusieurs années, le système éducatif français comme l’ensemble de la société est au cœur des discours et des politiques en faveur du développement des TIC. Après une période de forte injonction liée à une politique d’équipement massif des établissements scolaires, aujourd’hui la généralisation des usages se fait toujours attendre. « L’accompagnement au changement » est au cœur des discours : plus de formation, plus d’explications, et sans doute aussi davantage de patience étant donné que le temps long de l’apprentissage n’est pas identique à celui, rapide, de l’évolution technologique. Néanmoins, si cette évolution relève du changement de stratégie communicationnelle, à aucun moment l’idée même d’introduire les ressources numériques dans l’école n’est questionnée. Pour quelles raisons, bonnes ou mauvaises, l’innovation technologique serait la preuve pour l’école de sa capacité à se moderniser, à être en adéquation avec la demande sociale ? Ce phénomène est de l’ordre, à notre avis, de l’impensé informatique (Robert, 2004) où l’innovation technologique se justifie par elle-même et tend à évacuer tout regard critique sur des dispositifs dont, nous l’avons vu avec l’approche des écrits d’écran, l’apparente simplicité et facilité d’accès permet de masquer volontairement ou pas d’autres enjeux politiques.

Les ancrages de l’impensé

L’impensé relève du discours (Jeanneret, 2001) mais également des politiques conduites par les états. Il est le reflet des « conditions de possibilité de tenue de tout discours sur l’informatique, conditions qui affectent et marquent chaque discours d’où qu’il vienne » (Robert, 2004 ; p. 87). Tant au niveau européen2 qu’au niveau français3, les politiques éducatives en matière de développement des ressources numériques s’appuient sur une évidence, une idéologie qui laisse peu de place à une remise en question, à une attitude critique. L’impensé figure le cadre, le contexte

2. Programme e-learning, pour l’intégration efficace des TIC dans les systèmes d’éducation et de formation en Europe,

http://www.europa.eu.int/comm/education/programmes/elearning/doc/dec_fr.pdf 3. Plan pour une république numérique dans la société de l’information, http://www.internet.gouv.fr/rubrique.php3?id_rubrique=61

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socio-politique dans lequel se mettent en place les ressources numériques pour l’éducation. La lecture de l’ensemble des textes de politiques éducatives françaises et européennes, de textes (périodiques, publicités) en faveur ou en défaveur des TICE nous a permis de dégager des éléments récurrents contribuant à cet état. Trois facteurs apparaissent essentiels : la bienveillance sociale, la confiance, la modernité et l’individualisation des parcours d’apprentissage.

Bienveillance sociale

Pour l’éducation il est urgent de faire entrer des technologies toujours nouvelles dans l’éducation sous réserve d’une école déconnectée du monde moderne. Cette forme d’injonction technologique (Lecourt, 1996) repose sur deux piliers : l’élève doit devenir autonome dans la construction de son savoir et doit recevoir à l’école une alphabétisation numérique : « Formation des personnes à l’utilisation de l’ordinateur et des outils informatiques de façon à leur permettre d’acquérir les compétences minimales pour utiliser les systèmes numériques au niveau utilisateur4. » L’idéal serait de permettre à l’ensemble d’une population, grâce à l’école d’accéder au numérique de manière équitable. Cette idée suppose non seulement un accès à l’outil informatique et à des contenus mais aussi un apprentissage des techniques et une maîtrise de la lecture des contenus numériques (recherche d’information, sélection, évaluation et appropriation).

Au départ la fracture numérique soulignait essentiellement les inégalités d’accès à l’outil informatique. Aujourd’hui, cet écart semble se résorber suite aux investissements massifs des collectivités en matière d’équipement et suite à l’ouverture au public d’Espaces Publics Numériques (EPN). Néanmoins le terme de fracture persiste et qualifie désormais une « forme nouvelle ou supplémentaire d’exclusion sociale résultant de l’incapacité dans laquelle se trouvent certains individus d’exploiter pleinement les possibilités offertes par les TIC et l’Internet dans la société de la connaissance » (CCE, 2002 ; p. 24). Cette prise de conscience a amené la Commission européenne à expliciter la fracture numérique non plus dans l’accès aux ressources mais dans l’appropriation de ces ressources. Il s’agit dès lors, de comprendre la culture numérique grâce à l’éducation aux médias, à une utilisation responsable des TIC, à l’identification et la diffusion de bonnes pratiques.

« Sans cette alphabétisation numérique, nul ne pourra se consacrer à des activités productives, ni vivre avec les autres des relations épanouissantes, ni assumer ses responsabilités vis-à-vis de la société. Les communautés ne pourront pas non plus se développer pleinement et les pays courront le risque de stagner sur le plan économique » (Perez Tornero, 2004). Ce type de discours soutenu par la Commission européenne est chargé de menaces sociales et économiques pour l’avenir si l’histoire ne va pas dans le bon sens. C’est l’unique forme de justification des orientations politiques choisies. Après avoir tenté d’imposer les TIC en elles-

4. http://www.elearningeuropa.info/index.php?page=glossary&menuzone=1, page consultée le 11 mai 2005.

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mêmes sans réel succès, cet argumentaire social, soucieux de toutes les catégories socioprofessionnelles marque un tournant dans la communication politique. L’utilité et la pertinence de ces ressources ne sont pas questionnées, pensées, si elles sont sous-utilisées, c’est par manque de formation, d’explication, et d’accompagnement au changement. Une sorte de déterminisme technologique infuse les politiques menées, il laisse croire que la technologie, toujours nouvelle sera la solution à tous les problèmes sociaux, et pour l’école, la solution aux difficultés actuelles de l’enseignement (manque de motivation des élèves, problèmes relationnels enseignant-élève, violences scolaires...).

Confiance et risque

Parallèlement à cette ambiance bienveillante, un autre argumentaire consiste à rassurer l’usager. Charte de confiance des sites, confiance en l’économie numérique5, éducation aux dangers de l’Internet6, labellisation des sites7... l’usager est amené à penser que tous les risques potentiels liés au numérique sont maîtrisés grâce à des dispositifs spécifiques. Les termes de confiance, de protection de l’usager, de fiabilité sont employés de manière récurrente.

La confiance se caractérise par « un sentiment de sécurité de celui qui se fie à quelqu’un ou à quelque chose » (Larousse, 2002). Il en résulte un sentiment de sûreté envers la personne ou l’objet auquel on se fie. Pourtant celui qui accorde sa confiance est dans une position de vulnérabilité, il n’a pas d’autre choix qui s’offre à lui à un moment donné, dans un contexte donné. En connaissance de cause, il décide ou non d’accorder sa confiance. Le jeu sur les mécanismes de la confiance permet de pallier le manque d’information et de contrôle afin de maintenir l’action. C’est sur ce processus que semble reposer les discours tenus au sujet des ressources numériques dans l’éducation. Favoriser l’idée que la confiance n’est pas nécessairement liée au risque, perçu comme la conséquence incertaine et défavorable de l’engagement mais à la contingence atténue le danger potentiel (Giddens, 2002). Ainsi la confiance perçue comme « un sentiment de sécurité justifié par la fiabilité d’une personne ou d’un système, dans un cadre circonstanciel donné » (Giddens, 2002 ; p. 41). Il est donc important de prendre en compte le contexte dans lequel un individu choisit d’accorder sa confiance. Et dans le milieu éducatif où l’humain joue un rôle prépondérant, la confiance comme valeur fondamentale requiert une place de choix.

Certes il peut paraître surprenant de lier un processus de l’ordre du psychologique à des dispositifs techniques. Cette contradiction a été soulevée par Louis Quéré s’interrogeant sur la pertinence à parler de confiance hors du cadre paradigmatique d’une relation entre deux personnes. Ne commet-on pas « un abus de

5. Loi pour la confiance dans l’économie numérique, 2004.

6. Programme européen « safer internet » (pour une utilisation plus sûre d’internet), Educaunet, Guide d’élaboration des chartes d’usage pour les établissements scolaires...

Recueil des dispositifs sur le site www.educnet.education.fr

7. Marque RIP du ministère de l’Éducation nationale (reconnu d’intérêt pédagogique).

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langage lorsque nous parlons de faire confiance à un objet ou à une institution » (Quéré, 2001) ? Pour Giddens ces attitudes, ces discours sont liés à la modernité. Les dispositifs numériques font partie de systèmes sociaux « dé- localisés », c’est-à-dire qu’il figurent dans un espace spatio-temporel non défini. Il précise : « par dé-localisation, j’entends l’extraction des relations sociales des contextes locaux d’interaction, puis leur restructuration dans des champs spatio- temporels indéfinis ». Or « tout mécanisme de dé-localisation, gage symbolique (l’argent par exemple) ou système expert repose sur la confiance » (Giddens, 2002 ; p. 34). Les personnes qui communiquent par l’intermédiaire d’un dispositif quel qu’il soit n’ont pas d’autre solution que de croire en l’efficacité du système. Cette façon d’appréhender l’objet technique suppose une confiance fondée sur l’expérience de la performance de ces systèmes en général, confiance basée sur un savoir induit. Elle est complétée par les nombreuses garanties auxquelles l’usager peut avoir accès comme les certificats de conformité, ou l’agrément d’organismes institutionnels, a priori garants d’un certain nombre de valeurs, des sceaux d’approbation. Garantie qui peut être lue, comme nous l’avons vu précédemment dans l’énonciation éditoriale des écrits d’écran.

Individualisation et modernité

Le rêve de tout enseignant serait de pouvoir suivre de manière individuelle ses élèves. En 1989, la loi d’orientation déclare l’élève au centre du système scolaire et met en avant la place de technologies nouvelles comme facteur d’individualisation des apprentissages : « L’informatique est une technique et une science autonome.

Mais c’est également un outil d’enseignement permettant une meilleure individualisation de l’apprentissage, des situations pédagogiques nouvelles et le développement de capacités logiques et organisatrices. Elle peut être notamment mise au service des élèves qui courent un risque d’échec scolaire8. » L’école se doit d’être moderne afin d’offrir à l’élève une formation personnalisée dans laquelle il trouvera une réponse à ses difficultés d’apprentissage. Par la suite les politiques continueront à s’appuyer sur une recherche et des discours prônant les vertus du numérique en matière pédagogique9 (Lévy, 1990), sans toujours tenir compte des limites émises par nombre de chercheurs comme la pertinence à proposer des parcours individualisés à de jeunes élèves. En effet si ce type de démarche s’avère intéressante pour la formation de l’adulte, capable de gérer « juste assez, juste à temps », l’école doit rester un lieu de socialisation où l’élève construit son parcours également par rapport aux autres (Marchand, 2001). De plus, si les technologies offrent la possibilité d’un jeu sur le temps, le lieu, la durée et les parcours d’apprentissage, elles nécessitent parallèlement une pédagogie et des outils adaptés,

8. Rapport annexé à la loi d’orientation sur l’éducation n° 89-486 du 10 juillet 1989.

9. « L’hypertexte ou le multimédia interactif se prêtent particulièrement aux usages éducatifs... grâce à sa dimension réticulaire et non linéaire, qui favorise une attitude exploratoire, voire ludique, face au matériau à assimiler … c’est donc un instrument bien adapté à la pédagogie active. » (Lévy, 1990).

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capables de prendre en compte une multiplicité de facteurs10 (Jacquinot, 1999 ; Depover, 1998). Autant d’exigences difficiles à mettre en œuvre pour les enseignants, car si elles supposent un savoir disciplinaire, une réflexion sur la démarche pédagogique choisie, elles nécessitent également un savoir faire technique que peu encore possèdent. La conséquence soulignée par E. Souchier est le glissement du pouvoir vers ceux qui sont en mesure de créer les dispositifs supposés répondre à la demande politique en lieu et place de ceux qui détiennent le savoir (Souchier, 2005). Et les éditeurs spécialisés dans le domaine scolaire ont parfaitement saisi, depuis longtemps, comment intégrer dans leurs dispositifs toutes ces exigences de l’école face aux technologies (Moeglin, 1999 ; 2005).

Glissement des prérogatives politiques

Les politiques éducatives en faveur des TIC assorties de leurs discours dits d’accompagnement contribuent ainsi à établir autour de l’éducation et des ressources numériques, un climat de bienveillance sociale et de confiance dans lequel l’enjeu politique est lié non pas aux ressources en elles-mêmes mais à l’usage qui pourra en être fait. Ce climat, l’impensé, est propice à un glissement des prérogatives politiques (Robert, 2005), l’accession de certains acteurs à une légitimité politique sans avoir à en supporter les contraintes. Autrement dit, la possibilité d’exercer (ou de s’essayer à exercer) une fonction relevant généralement des prérogatives de l’état sans avoir à passer par le processus de légitimation qui en découle (Robert, 2004 ; p. 101). Concernant les sites d’accompagnement scolaires, ce glissement semble avoir lieu de deux manières :

– être reconnus comme des ressources numériques éducatives (et non plus péri- éducatives) en intégrant un catalogue national de ressources pour l’éducation ; à ce titre être financé non plus par les familles dans le cadre d’une adhésion individuelle de l’enfant, mais par l’institution avec une adhésion collective des élèves (l’établissement scolaire sur des financements généralement apportés par les collectivités territoriales) ;

– proposer des séquences pédagogiques liées aux programmes scolaires officiels, avec à la clef un système d’évaluation de la progression de l’élève et l’adaptation de son parcours d’apprentissage. Or ce type de prise en charge est normalement dévolu à l’enseignant dont les prérogatives11 ont été validées par un concours de recrutement.

10. Quinze facteurs pédagogiques à prendre en compte pour réaliser des ressources numériques capables d’offrir aux élèves des parcours adaptés à leurs besoins : motivation, rythme individuel, participation, interaction, perception, organisation des messages, structuration du contenu, choix des méthodes pédagogiques, stratégie d’organisation des ressources, guidage de l’apprenant, répétition d’activités et d’expériences variées, exercices, rétroaction, transfert.... et les contacts humains épanouissant !

11. Droit, un avantage, un pouvoir lié à une fonction.

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Notre proposition consiste à dire que ce glissement des prérogatives se lit sur les écrits d’écran des ressources numériques proposées à l’institution scolaire. À la fois dans l’organisation et dans l’énonciation éditoriale des sites, se retrouvent les caractéristiques dominantes des politiques éducatives et des discours qui les accompagnent : enjeu social et technologique, confiance, individualisation des parcours.

Ressource numérique éducative Clarification du concept

La question des sites d’accompagnement scolaire mis à disposition des élèves dans le cadre scolaire s’insère dans celle plus large des ressources éducatives, de leur place au sein des établissements scolaires et de l’attention qu’elles suscitent de la part des collectivités territoriales et du ministère de l’éducation nationale. Les ressources éducatives, numériques ou non, rassemblent les « moyens à partir desquels l’enseignant organise une action en vue d’atteindre un objectif donné, objets, supports ou produits des situations d’apprentissage » (Liautard 1996 ; p. 49).

Figurent donc dans cet ensemble les ressources matérielles et techniques (informatique, audiovisuel) et les ressources documentaires. Cette dernière catégorie

«

se caractérise par une grande variété de support (cédérom, en ligne), d’origines (commerciales, libres sur Internet, productions universitaires et locales), de conditions d’accès (libre, restreint) » (Okret-Manville, 2001 ; p. 149). Si le terme ressource est privilégié, c’est qu’il permet de prendre en compte à la fois le support et son contenu, il permet de ne pas oublier que l’un ne peut exister sans l’autre, qu’ils jouent ensemble comme le montre l’approche des écrits d’écran. Ainsi contenus numériques ou multimédia, documentation en ligne, documents numériques sont autant de termes pour exprimer ce que nous appelons des ressources documentaires.

Le qualificatif « éducatives » mérite également une clarification. A priori toute ressource documentaire peut à un moment ou à un autre devenir un support d’enseignement. Une base de données d’images satellite servira en géographie, le site du Louvre pourra être exploité en histoire des arts, les œuvres numérisées de Gallica12 utilisées en cours de lettres... Les exemples peuvent se décliner à l’infini.

Cependant quelques ressources (applications scolaires et éducatives) ont une destination spécifiquement scolaire, à l’image du manuel, outil créé dans le seul but d’être utilisé en classe comme support de cours ou à la maison pour les énoncés d’exercices. Sa transposition en numérique n’en change pas la finalité, en dehors de l’école, il a peu de chance de trouver un public. Cette dernière catégorie présente

12. Site de la bibliothèque nationale (BNF) proposant des œuvres numérisées tombées dans le domaine public.

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donc une spécificité, son ancrage dans le monde scolaire dont elle porte et révèle les représentations et les valeurs (Moeglin, 2005 ; p. 89).

L’accompagnement scolaire en ligne : ressource éducative

L’accompagnement scolaire en ligne en proposant des cours à distance, des exercices, des bilans personnalisés, apparaît comme une ressource hybride : à la marge de l’école, il n’était pas au départ destiné à un usage scolaire. Né à la fin des années quatre-vingt-dix avec la croissance du web, et les discours florissant sur le e- learning, c’était un dispositif de plus dans l’offre de soutien scolaire comme le cours à domicile, les aides dans le cadre associatif… Son statut est aujourd’hui plus flou dans la mesure où il devient accessible dans le temps et dans le cadre scolaire.

Lorsqu’en 1999, le Ministère de l’éducation nationale décide de signer une Charte de l’accompagnement à la scolarité, afin de poser un cadre de référence dans ce domaine, il perçoit l’importance de ce qui se met en place aux portes de l’école.

La croissance de l’accompagnement scolaire en ligne ou non est souligné dans le rapport de l’inspection générale de l’éducation nationale (IGEN) « L’enseignement à distance, sa contribution à la réussite des élèves13. » Entre le bénévolat dans les quartiers difficiles et les cours particuliers pour les familles plus aisées, grande est la diversité du soutien scolaire tant dans la forme que dans le contenu, à la fois très proche et très éloigné du monde scolaire.

« On désigne par accompagnement à la scolarité, l’ensemble des actions visant à offrir aux côtés de l’école, l’appui et les ressources dont les enfants ont besoin pour réussir à l’école, appui qu’ils ne trouvent pas toujours dans leur environnement familial et social […] Ces actions sont centrées sur l’aide aux devoirs et les apports culturels nécessaires à la réussite scolaire. » (MEN, 2001).

Ainsi défini dans la Charte nationale, l’accompagnement à la scolarité couvre un large champ d’activité dans lequel s’insère aussi bien le cours particulier payant, l’aide aux devoirs bénévole dans des quartiers difficiles, les sites web de soutien scolaire. Le respect des valeurs enseignées par l’école, autrement dit la laïcité, le refus du prosélytisme, la solidarité et la participation financière nulle ou symbolique pour les familles sont apparemment des conditions sine qua none pour ceux qui souhaitent exercer dans le domaine de l’aide scolaire avec l’aval de l’école. En outre, les contrats avec les partenaires institutionnels locaux (collectivités territoriales) semblent être un gage supplémentaire de qualité pour le futur usager.

13. « Les services d’aide en ligne synchrones ou asynchrones, et les aides aux devoirs à la maison se multiplient en même temps que se développent les associations d’enseignants en activité ou même à la retraite. Cependant, tous ces services s’inscrivent dans des logiques de travail qui ne sont pas strictement celles du fonctionnement de l’école. Elles viennent en complément sans se substituer aux services existants. Il est néanmoins important que le service public les prenne en compte et ne laisse pas dans ce domaine d’importance le champ libre au seul secteur privé et payant… » (IGEN, 2000).

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Le choix du terme accompagnement n’est pas neutre. D. Glasman dans son rapport au HCEE différencie l’accompagnement à la scolarité, des cours particuliers,

« cours donnés à titre payant en dehors des heures scolaires dans les disciplines académiques » (Glasman, 2005 ; p. 55) et du coaching scolaire, pratique encore émergente qui consiste à « travailler sur soi dans une perspective scolaire » avec un adulte de référence (Glasman, 2005 ; p. 93). Il qualifie d’accompagnement l’aide

« apportée gratuitement en dehors de l’école » soit par l’intermédiaire d’associations financées par la collectivité, soit par des bénévoles. Dans tous les cas, les familles ne versent aucune contribution ou participent de manière symbolique afin de marquer leur engagement dans le processus (Glasman, 2005 ; p. 98).

Les sites d’accompagnement scolaire en ligne entrent difficilement dans l’une ou l’autre des catégories. En effet, deux cas se présentent. Dans l’un, les familles sont les acheteurs directs, elles payent directement à l’éditeur les cours choisis pour leur enfant, ce premier cas relèverait donc du cours particulier. Dans l’autre, les élèves ont accès au cours par l’intermédiaire d’un financement de la collectivité territoriale via l’établissement scolaire, ce deuxième cas relèverait de l’accompagnement scolaire. Pourtant le contenu des cours proposés par les sites, dans un cas comme dans l’autre sont les mêmes, seuls changent l’accès et l’interface. On le voit, rien n’est vraiment satisfaisant et s’explique sans doute par le fait que ce type de ressource éducative (issue du péri-éducatif) ne bénéficie pas d’une identité clairement définie.

Un choix politique

Pour l’éditeur d’accompagnement scolaire en ligne, la révolution supposée de l’enseignement par les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) n’ayant pas eu lieu aussi vite que prévu, le public ne s’est pas précipité sur ce nouveau média pour le soutien scolaire, continuant à privilégier des approches plus locales comme le montre le succès d’Acadomia, Keepschool, Complétude…

Certains éditeurs (Paraschool, Maxicours) ont donc amorcé un changement dans leur politique de communication. Tout en continuant à présenter une offre grand public, ils ont choisi de proposer leurs prestations aux collectivités locales chargées de l’équipement informatique des établissements scolaires. Dans le même temps, les collectivités soucieuses d’évaluer les retombées pédagogiques de leurs investissements massifs, commençaient à s’interroger sur les contenus numériques qu’elles pouvaient mettre à disposition des élèves et des familles. Enfin les établissements scolaires, destinataires de ces ressources matérielles s’interrogeaient sur les usages possibles.

Dans ce cadre général, le ministère de l’éducation nationale lance en 2003-2004, une expérimentation intitulée l’espace numérique des savoirs (ENS), plate-forme d’accès unique à un ensemble de ressources numériques éducatives : dictionnaires, encyclopédies, archives audiovisuelles, musée en ligne, textes littéraires, données statistiques et presse. Les ressources présentes dans cet espace le font ressembler à

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un Centre de documentation et d’information (CDI) en ligne, lieu de ressources pédagogiques déjà présent au sein de l’établissement. Cette expérimentation a mis à la disposition de quelques établissements (1 500) un catalogue de ressources libres de droit financées et présélectionnées par le ministère. Qualifiée d’expérimentation réussie, répondant aux attentes des enseignants, l’ENS a fait l’objet d’une concertation en vue de préparer la phase de généralisation (2005-2007). Conscient du coût des droits d’utilisation des ressources, des nombreux éditeurs en présence, des questions juridiques et économiques, le ministère a incité le secteur de l’édition scolaire à se structurer en groupements d’intérêt économique (GIE). Trois règles ont présidé à leur constitution : laisser aux enseignants le choix des ressources à acquérir, respecter les règles de la concurrence, proposer une offre dont le coût est en adéquation avec le budget des établissements et dont les droits d’utilisation sont libérés pour un usage pédagogique (sur le plan juridique). Les deux groupements existant à ce jour, le canal numérique des savoirs (CNS) avec de nombreux éditeurs du groupe Editis et des éditeurs publics, et le kiosque numérique de l’éducation (KNÉ) essentiellement le groupe Hachette, représentent plus de 90 % de l’édition scolaire actuelle.

Lecture du glissement des prérogatives politiques Constitution du corpus

Notre objectif étant de percevoir un glissement des prérogatives politiques, nous avons choisi délibérément des éditeurs proposant de l’aide ou de l’accompagnement et figurant dans un des deux catalogues référencé par le ministère. Cinq ressources répondaient à ce critère : aide aux devoirs en seconde chez Hatier, Annabac, Révisions Nathan, Paraschool et Maxicours. Parmi elles nous avons retenu les deux dont l’offre couvre plusieurs disciplines et un nombre important de niveaux, soit Paraschool et Maxicours. Il est à noter par ailleurs que les trois autres ressources sont proposées par des éditeurs déjà connus du monde scolaire pour leurs manuels ou leurs productions périscolaires, alors que les deux retenues sont des sociétés nées au début des années 2000, offrant uniquement de l’accompagnement scolaire en ligne.

Le corpus est donc restreint mais notre objectif n’est pas de mener une étude à grande échelle. Il est simplement de proposer des clés de lecture pour les ressources numériques permettant de souligner un mouvement dans le jeu des acteurs de l’éducation. Il ne s’agit pas non plus de démontrer un quelconque changement paradigmatique dans l’éducation, où la technique pourrait peu à peu remplacer l’enseignant, les limites de ces théories ont largement été démontrées (Jacquinot, 1999 ; Moeglin, 2005) mais bien de percevoir combien les éditeurs ont intégré dans les dispositifs qu’ils proposent à l’école, une certaine logique de diffusion des TIC et comment certaines prérogatives de l’enseignant s’ouvrent à leur compétence grâce à leur savoir faire technique.

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Déroulement de la lecture

L’analyse a été menée en deux temps. Tout d’abord, nous avons observé comment dans l’organisation éditoriale du site, se retrouvaient les attentes des politiques éducatives en matière de ressources numériques. Puis nous avons étudié l’énonciation éditoriale des sites, autrement dit leur identité, à travers leurs noms, leurs partenaires, les soutiens convoqués et la façon dont cette identité complexe s’attache à souligner ses ressemblances avec l’institution scolaire et les valeurs qui sont les siennes. Nous avons interrogé à la fois les pages d’accueil des sites via le catalogue du CNS, les fiches décrivant les ressources, la place occupée au sein du CNS et les accès tout public.

Organisation éditoriale

Dans le catalogue CNS

La page présentée (cf. figure 1) est celle de l’accueil du Canal numérique des savoirs. Elle présente par défaut les ressources de niveau collège. Ce fait n’est pas étonnant dans la mesure où les opérations les plus remarquables en équipement TICE se font très souvent à ce niveau (ordinateurs portables dans Les Landes, les Bouches-du-Rhône…) Sur les pages Lycée et École, seules varient les « ressources par discipline ». Le catalogue offre donc trois types d’entrées : discipline, usage et éditeurs. Maxicours et Paraschool sont présents non seulement dans les rubriques

« transdisciplinaire » et « soutien » (105 entrées sur 150), mais aussi dans la plupart des disciplines (100 entrées sur 192). Les deux sites proposent respectivement 103 et 57 ressources dans l’ensemble du catalogue sur un total de 277.

Figure 1. Page d’accueil du CNS (Canal numérique des savoirs)

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À eux seuls les deux sites d’accompagnements scolaires représentent plus de la moitié des contenus éducatifs disponibles dans le catalogue14. Cette supériorité numérique se traduit par une forte présence à l’écran car très peu de rubriques n’offrent pas d’accès à ces deux sites. Elle est complétée par le fait que toutes les matières perçues ou dites fondamentales (lettres, mathématiques, histoire- géographie, langues vivantes, physique-chimie, sciences de la vie et de la terre) leur ouvrent un accès. Les deux logos se repèrent donc très vite par leur omniprésence (cf. figure 2).

Figure 2. Logo des deux sites d’accompagnement scolaire

En tant qu’objet communicationnel les logos sont supposés attirer l’attention du destinataire, montrer la crédibilité de l’organisme et diffuser ses valeurs (Quinton, 2001). Tous les deux répondent à ces exigences. Ils représentent l’identité graphique du site, une identité dynamique dans le choix des couleurs, une identité simple et lisible, le nom du site et un groupe de mot explicite. Maxicours offre la « réussite pour tous », ce qui répond à une volonté de participer à la lutte contre la fracture numérique. Paraschool propose des « solutions éducatives » au moment où le système scolaire cherche des réponses pour sortir de l’impasse où se trouvent certains élèves, où les TICE sont perçues comme un facteur possible d’émulation.

La page d’accueil via le catalogue du CNS

Les deux sites présentent la spécificité de ne pas posséder les mêmes adresses et des interfaces sensiblement différentes selon que l’on accède à leur site par le catalogue ou par l’accès public. La différence essentielle se situe au niveau de la zone d’information (au centre). Pour l’accès tout public, elle contient moins de discours et davantage de mots clés, d’icônes, de liens. La communication privilégie le côté ludique, technique de l’outil. Pour l’accès via le catalogue, essentiellement réservé aux enseignants, le verbe reprend sa place, le côté « sérieux » est mis en

14. AFP 1 ressource ; Chrysis 17 ressources ; Jériko 7 ressources ; Odile Jacob Education 10 ressources ; Auralog 12 ressources ; Delagrave 1 ressource ; Le Figaro 2 ressources ; Onisep 1 ressource ; Bordas 4 ressources ; Editions de l’Analogie 1 ressource ; Le Robert 3 ressources ; Paraschool 57 ressources ; Cadmos 1 ressource ; eduMedia 4 ressources ; Les Echos 1 ressource ; Pierron Education 4 ressources ; Carré multimédia 2 ressources ; Euro- France éditions 12 ressources ; lesite.tv 1 ressource ; Softissimo 2 ressource ; C.D.E.4 : 3 ressources ; Génération 5 20 ressources ; Maxicours 103 ressources ; CNED - Champion électronique 1 ressource ; INA 1 ressource ; Nathan 7 ressources.

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avant. Paradoxalement alors que le média informatisé permettrait une mise en scène plus « moderne » des contenus proposés, les deux sites consacrent les formes traditionnelles de l’école : l’entrée disciplinaire et la place centrale du texte écrit.

S’ajoutent sur Paraschool les icônes qui renvoient à un univers de référence bien connu, les objets de la classe : livre, cahier, compas, règle, stylo…

Paraschool et Maxicours sont structurés de la même façon en trois zones distinctes (cf. figure 3): zone relationnelle (colonne de droite et colonne de gauche), zone d’information (centre) et zone d’identité (bandeau en haut de page). Cette dernière composée principalement du logo est à la fois matérielle et symbolique.

Comme nous l’avons vu précédemment, elle donne des clés de lecture sur le message émis par les éditeurs. « Le plus grand site d’accompagnement scolaire » affiché par Maxicours reprend ainsi le vocable officiel de l’institution scolaire pour désigner ce qui relève de l’accompagnement à la scolarité.

http://system.paraschool.com/soutien/

college/index.html http://edu.maxicours.com/W/index.php?

Figure 3. Pages d’accueil des sites via CNS

Les zones relationnelles rassemblent les lieux de la communication individualisée (Poupard, 2005). Les éditeurs par l’intermédiaire de signes passeurs donnent accès à des espaces variés que l’usager sélectionnera en fonction de ses besoins. Il pourra ainsi créer son propre parcours de découverte et (ou) enregistrer ses coordonnées pour un suivi personnalisé. Dans ces zones les sites mettent en avant l’interactivité, la personnalisation, et la richesse de leurs contenus, qualités requises par les politiques éducatives et sensées répondre en partie à certains des problèmes majeurs de l’école aujourd’hui, l’absence de motivation et les difficultés scolaires diverses15.

15. http://www.educnet.education.fr/articles/accompagnement.htm, page visitée le 30 septembre 2005.

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Elles donnent accès aux zones de test (Paraschool) ou d’évaluation (maxicours).

Dans ces zones on retrouve encore des similitudes avec le système scolaire traditionnel comme la permanence, le bulletin scolaire, les outils d’aide au travail (dictionnaires, glossaires, conjugaison, calculatrice, tables de multiplication…).

Tradition accentuée ici aussi par les icônes (cf. figure 4).

Paraschool zone de test Maxicours zone d’évaluation

Figure 4. Zones pour découvrir les sites

La zone d’information relève du discours. Il s’agit d’un argumentaire en parfaite adéquation avec les orientations prises par les politiques éducatives : lutte contre la fracture numérique ou encore accès pour tous à un équipement informatique et aux usages qui en découlent, confiance en l’outil technique mais aussi référence à des valeurs connues puisque diffusées par l’institution, individualisation des parcours de formation. Et surtout une absence remarquable, le coût. Ces ressources étant financées sur des crédits accordés par les collectivités aux établissements, à aucun moment le prix n’apparaît et donne ainsi l’illusion d’une gratuité totale. Cet aspect, bien que non évoqué jusqu’à présent à tout de même une vraie force symbolique. La gratuité est incontestablement une des valeurs fondamentale du système éducatif en France avec la laïcité et l’égalité des chances.

Les clés que nous avons dégagées comme sources d’un impensé politique des TICE à savoir la bienveillance sociale, la confiance, l’individualisation des parcours de formation grâce à la technique sont toutes présentes. Nous avons relevés les occurrences des termes les plus significatifs dont la portée symbolique est forte, et s’accorde avec les textes officiels précédemment cités (cf. tableau 1). Dans un espace relativement restreint (22 lignes pour Paraschool et 24 pour Maxicours), une grande majorité des termes employés correspond aux enjeux politiques et sociaux.

Ce vocabulaire est également très présent sur les fiches décrivant les ressources dans le catalogue CNS16. Notre constat est à la fois quantitatif (fréquence des termes17) et qualitatif (portée symbolique du vocabulaire).

16. Exemple pour Paraschool : http://www.cns-edu.fr/ressource-205---pack-paraschool- maths--s.html, page visitée le 30 octobre 2005.

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Objectif Vocabulaire employé

Bienveillance sociale

- Paraschool : « solutions éducatives en ligne » (logo), « sans limitation de durée et de niveau : de la 6ème à la 3ème », « n’importe quel ordinateur connecté à Internet », « accessible facilement », « plaisir d’apprendre » - Maxicours : « la réussite pour tous » (logo), «outil au service des élèves et des enseignants », « ensemble des matières générales du collège et du lycée », « goût d’apprendre »

Confiance

- Paraschool : « totalité des programmes couverts », « environnement de travail complet », « utilisé par plus de 250 000 élèves et 15 000 enseignants, documentalistes et aides éducateurs », « association française pour la lecture », « soutenu par l’ANVAR, le laboratoire INRIA », «soutien de la Direction de la Technologie du ministère de l’Education nationale »

- Maxicours : « outil complet d’apprentissage et de révision », « et ça marche, comme en témoigne une proviseur-adjointe… les élèves et les professeurs en redemandent ! », « contenu pédagogique conforme aux programmes de l’Education nationale », « conçus… par une équipe de 180 enseignants de l’Éducation nationale, en conformité avec les programmes officiels », « expérience de plus de 10 ans dans le secteur pédagogique », exhaustivité

Individualisation modernité

- Paraschool : « des milliers d’animations interactives, fiches de cours, savoir-faire, exercices auto-corrigés, « accès personnel instantané »,

«nouvelle manière d’apprendre et de réviser sur Internet qui combine interactivité, efficacité », « s’évaluer »

- Maxicours : « outil innovant… facilité d’utilisation », « exercices interactifs et des outils spécifiques, conçus spécialement pour Internet »,

« perpétrer à travers l’utilisation des NTIC la tradition familiale d’innovation éditoriale », « flexibilité d’utilisation, tableaux de bord de l’élève et de l’enseignant »

Tableau 1. Récapitulatif du vocabulaire employé par les éditeurs à l’écran

Le tableau récapitulatif présenté ci-dessus se situe donc à juste titre à l’interface des organisation et énonciation éditoriales. Ces clés sont essentielles pour comprendre la communication des sites d’accompagnement scolaire et la place que petit à petit ils occupent au sein de l’école. Elles sont significatives non seulement Exemple pour Maxicours, http://www.cns-edu.fr/ressource-241---maxicours-francais-- vide.html, page visitée le 30 octobre 2005.

17. Sur la page d’accueil de Paraschool 125 mots sur 150 se rapportent aux critères de l’impensé et sur celle de Maxicours 141 sur 175.

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dans l’organisation éditoriale des sites par l’espace qu’elles occupent et l’image qu’elles donnent à lire. Mais elles sont aussi essentielles pour comprendre l’énonciation éditoriale des sites, notamment dans toutes les références convoquées en liaison avec l’institution scolaire.

Enonciation éditoriale

L’identité du site ne se construit pas uniquement sur un nom et un éditeur. Le numérique, de part ses propriétés (instabilité des documents, auteurs multiples et pas toujours clairement identifiés...) a conduit nombre d’éditeurs à avoir recours à des systèmes de validation (charte, partenariat, citation) et l’édition scolaire n’échappe pas à la règle. Comment les sites d’accompagnement scolaire construisent-ils leur identité ? D’abord autour de la société d’édition, ensuite autour de leurs partenaires, enfin en référence à l’institution scolaire.

La société d’édition

Ce qui est étonnant c’est que le site accessible depuis le CNS ne propose pas le fameux lien « qui sommes-nous ? », comme si le fait de figurer dans le catalogue constituait une légitimité, comme s’il n’était pas nécessaire de se justifier auprès du destinataire final puisqu’une présélection a déjà eu lieu. Pourtant les sites figurant au catalogue du CNS dépendent du consortium des éditeurs, qui seul pose les critères d’entrée dans le catalogue. Le ministère leur ayant accordé tout crédit18. Le lecteur doit donc percevoir seul, par les indices communiqués à l’écran l’identité du site.

Les deux sociétés sont récentes (à peine cinq ans d’existence) et elles ont récemment clarifié leur ligne éditoriale. Maxicours est quel que soit l’accès, « le plus grand site d’accompagnement scolaire ». Paraschool en revanche présente côté CNS des « solutions éducatives en ligne » et un « outil de remédiation » et côté site public

« le site de la réussite scolaire ». La différence de terminologie n’est pas surprenante en soi et le concept que ces expressions recouvrent est bien celui de l’accompagnement scolaire comme il a été défini au début de notre étude. Ce qui est intéressant, c’est le choix clairement exprimé de retenir pour l’offre du CNS un vocabulaire ayant une forte symbolique dans le monde scolaire institutionnel.

Accompagnement est le terme officiel pour ce type de dispositif (MEN, 2001), remédiation est un terme désignant des heures réservées aux élèves en difficulté dans certaines disciplines. Il n’est pas sûr si l’on entre dans le détail, que Maxicours et

18. « Les consortiums d’éditeurs assurent dorénavant une grande part de la gestion de l’ENS. Ils sont en charge de porter l’offre, de l’ouvrir à de nouveaux éditeurs et de la proposer à l’ensemble des élèves, étudiants, et enseignants des écoles, collèges, lycées et universités français. Ils doivent être en mesure d’assurer l’évolution de leur plate-forme technique de distribution et permettre un accès simple et transparent aux utilisateurs. », http://tice.education.fr/educnet/Public/contenus/ens, page visitée le 20 octobre 2005.

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Paraschool répondent par leur dispositif aux attentes suscitées par les mots mais est- ce réellement leur objectif ?

Un dernier élément de l’identité du site est son adresse et là encore le lien avec l’école est fortement marqué. Le choix d’une adresse internet ne relève du hasard, la société achète un ou plusieurs noms de domaine (maxicours.com, edu.maxicours.com ; paraschool.com, system.paraschool.com) en fonction de leur disponibilité. Décider de rajouter edu ou system à une adresse pour un site destiné au système éducatif n’est pas qu’une coquetterie, d’autant plus lorsque le chemin des données est complété pour Paraschool de /soutien/collège (ou lycée). Par ailleurs edu est devenu une extension qualifiant les sites à vocation éducative, le CNS lui-même l’intègre dans son nom de domaine.

Les partenaires

« Paraschool est devenu la référence de l’accompagnement scolaire en ligne, grâce à la confiance de ses partenaires19. » Une seule phrase qui exprime beaucoup.

Dès les débuts de la société, après l’essoufflement de la bulle Internet, Paraschool a délibérément ciblé l’institution scolaire comme le destinataire principal de ses activités. Le partenariat est effectivement une des clés de son succès. Au moment où les collectivités territoriales, premiers financeurs des équipements informatiques dans l’enseignement secondaire, soucieuses de voir se développer les usages dans les établissements, s’interrogeaient sur les ressources disponibles, Paraschool leur a proposé ses compétences et son savoir faire. La marge de manœuvre était faible. En effet si les collectivités sont en charge de l’équipement depuis la loi de décentralisation de 1985, elles n’ont aucune prérogative en matière pédagogique.

Cependant elles peuvent organiser à leur charge des activités éducatives, sportives, ou culturelles qui ne se substituent pas aux « activités d’enseignement et de formation fixées par l’état » (Code de l’éducation 2004, art.L216-1). Aussi certaines ont lancé quelques partenariats expérimentaux afin de proposer aux élèves l’accès à Paraschool en dehors des heures de classe mais pendant les heures d’études au sein de l’établissement.

La stratégie utilisée pourrait être qualifiée de « pied dans la porte » réussi (Joule, 2002) car aujourd’hui Paraschool figure dans un catalogue de ressources né à l’initiative du ministère de l’éducation nationale. Et la porte a été ouverte à d’autres sociétés proposant les mêmes services. Mais figurer dans le catalogue n’est pas suffisant, plus de trente ressources sont proposées et les financements restent limités (de l’ordre de 15 ¼ SDr élèves dans les régions les plus impliquées). Le partenariat reste donc une façon de marquer son identité comme autant de signes de reconnaissance, de légitimation, de confiance. Le discours adressé aux collectivités souligne l’impact sur les familles (électeurs), sur l’image d’une institution moderne,

« précurseur en matière de nouvelles technologies » et sur la possibilité d’évaluer les résultats grâce au suivi des élèves. Dans l’organisation éditoriale du site le 19. http://system.paraschool.com/presentation/ref.htm, page visitée le 30 octobre 2005.

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partenariat est clairement affiché, la colonne de droite sur Maxicours offre un accès réservé aux élèves des Bouches-du-Rhône (opération Ordina13), Île de France, Bourgogne et Picardie. Sur le site public Paraschool affiche son partenariat avec le CNED, la référence institutionnelle en matière d’enseignement à distance en France et avec différentes collectivités (Pays de la Loire, Lorraine…).

Les références à l’institution scolaire

Les éditeurs de Maxicours et de Paraschool ont en ce domaine les mêmes caractéristiques. Conscience du poids institutionnel ? Souci de légitimation ? Volonté d’être à la place de ?... toujours est-il que les références à l’école sont récurrentes. Les contenus ont été élaborés par des enseignants certifiés ou agrégés, en poste dans l’éducation nationale. Ils sont conformes aux programmes officiels.

Les suggestions d’usage sont elles aussi ancrées dans le domaine scolaire, des classes de remédiation à l’aide individualisée, du centre de documentation et d’information20 (des usages possibles sont soumis à l’enseignant documentaliste) aux salles multimédia pendant les heures d’études. L’opportunité d’utiliser ces dispositifs dans le cadre d’un cours plus traditionnel est également présente mais plus discrète, avec une insistance sur les capacités du système à évaluer l’élève, ses progressions et à adapter son parcours.

Bilan de l’analyse du corpus

Le premier élément souligné par la lecture de ces deux sites est la correspondance indéniable entre ce que le dispositif donne à lire à l’écran et le contexte d’énonciation, ici les politiques éducatives en faveur des ressources numériques éducatives. Cette correspondance se manifeste dans l’organisation éditoriale du site avec une mise en valeur de facteurs clés comme l’accès personnalisé et sécurisé (par mot de passe), une zone d’information chargée en texte, avec un discours reprenant le vocabulaire de la modernité, de la confiance, de la bienveillance sociale et une interface relativement dépouillée, sans fioriture susceptible d’accentuer la force du message. Cette correspondance se manifeste également dans l’énonciation éditoriale, qui construit l’identité du site par son nom, ses références, ses partenaires. Et ce constat court, le recours à des citations pour la plupart institutionnelles. Les collectivités territoriales, l’éducation nationale, appuis de l’identité des sites sont également les ordonnateurs des politiques menées.

Le deuxième élément émergeant de cette lecture est la volonté des éditeurs de proposer à l’école des ressources mettant en œuvre un savoir faire spécifique, pour l’heure rarement disponible dans l’école (les enseignants capables de produire des ressources numériques aussi complètes ne sont pas légion), tout en simplifiant son accès, tout en évacuant sa complexité. Et répondre ainsi à l’objectif de faciliter le

20. http://www.cns-edu.fr/fiche_produit.php?id=72, photo d’élève pendant les heures d’étude.

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chemin pour développer des usages qui ont du mal à s’installer. La simplicité et la transparence sont des exigences institutionnelles, les sites y répondent largement, l’interface proposée à l’école est dépouillée avec des repères stables dans l’organisation et dans l’énonciation.

Le troisième élément à distinguer est la volonté d’intégrer les valeurs fondatrices de l’éducation nationale et particulièrement la gratuité et l’égalité des chances. Nous l’avons vu aucune allusion n’est faite au coût du produit, en revanche sont clairement soulignés les éléments susceptibles d’aider les enfants en difficulté, à savoir l’accès illimité, la continuité dans le suivi de l’élève, et une manière renouvelée de diffuser les savoirs. Ce que nous percevons à l’écran, c’est le souhait d’une légitimité acquise grâce à un sceau d’approbation particulier, celui de l’institution scolaire.

Conclusion et perspectives de recherche

L’exemple de l’accompagnement scolaire en ligne est singulièrement frappant.

Non seulement il propose une redéfinition des contours de l’activité des enseignants mais il révèle un autre glissement, la place que les collectivités territoriales prennent dans l’acte pédagogique. À l’initiative du financement, à l’initiative des partenariats elles prennent des décisions (équipement, expérimentation) dont les intentions rejoignent indiscutablement des perspectives pédagogiques. Croiser les approches sémiotique et politique pour analyser la complexité des enjeux liés à l’accompagnement scolaire en ligne est donc particulièrement intéressant et ne s’arrête pas à cette seule lecture.

Leur rencontre permet d’appréhender le dispositif technique dans son contexte d’énonciation, ce qui est un véritable enjeu communicationnel et politique. Pour le système éducatif, cette question est essentielle. Il est en effet important de percevoir combien les ressources numériques proposées à l’école sont en adéquation (par la forme, le support, le contenu) avec les politiques éducatives et les discours qui les accompagnent. Dans ce climat d’impensé, posséder des clés de lecture sémiopolitique, c’est prendre conscience que ces dispositifs ne sont pas empreints d’évidence. Ce qu’ils donnent à lire derrière la simplicité (interface dépouillée), la bienveillance (lutte contre la fracture numérique, confiance), l’individualisation des parcours, c’est leur désir de tenir un autre rôle dans l’école. Pour les enseignants, encore libres de sélectionner les ressources pédagogiques de leur choix, savoir repérer les formes de ce glissement nous semble essentiel.

Cette recherche s’insère dans une problématique plus générale visant à mettre en lumière les différentes prérogatives, objets de glissement dans l’éducation (collectivités, enseignants dont le documentaliste, éditeurs publics). Les ressources numériques intéressant l’école sont nombreuses, l’accompagnement scolaire en est une, la presse, les manuels numériques, l’orientation scolaire, les banques d’images en sont d’autres. Une évaluation, au sens pédagogique du terme, ne suffit pas pour en saisir tous les enjeux. En tant que dispositif communicationnel, elles sont intégrées

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dans des logiques politiques et sociales qu’il est impératif de reconnaître, de mettre à distance afin d’effectuer des choix pour l’école… en toute connaissance de cause.

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Références

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