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L’impact des dégâts de sanglier sur la végétation en
alpage
J.F. Gatel, Gregory Loucougaray, F. Veron
To cite this version:
J.F. Gatel, Gregory Loucougaray, F. Veron. L’impact des dégâts de sanglier sur la végétation en alpage. [Rapport de recherche] irstea. 2010, pp.99. �hal-02593534�
L’impact des dégâts de sanglier (Sus scrofa)
sur la végétation en alpage
Rapport scientifique
Avril 2010
©Gatel J-François ©Gatel J-François ©www.fond-ecran.com CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref1
Rédaction : GATEL Jean-François - Avril 2010.
Coordination scientifique : LOUCOUGARAY Grégory et VERON François. Contact : Cemagref - Groupement de Grenoble
2, rue de la Papeterie BP 76
38402 Saint Martin d’Hères cedex Tél. 04 76 76 27 27 Mail : gregory.loucougaray@cemagref.fr francois.veron@cemagref.fr CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref
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Sommaire
Préambule page 4
Table des sigles et des abréviations page 5 Introduction générale page 6
1. Présentation des sites d’étude
page 9
1. Introduction page 10
2. L’alpage de la Molière page 11
3. L’alpage du Charmant Som page 16
4. L’alpage du Col du coq page 20
5. Conclusion page 24
2. Estimation des surfaces retournées
page 25
1. Introduction page 26
2. Matériels et méthodes page 26
3. Résultats et analyses page 28
3.1. Surfaces retournées par le sanglier page 28 3.2. Surfaces retournées par les campagnols page 29
4. Discussion page 30
5. Conclusion page 32
3. Etude de la résilience de la végétation
page 33
1. Introduction page 34
2. Matériels et méthodes page 35
3. Résultats et analyses page 38
3.1. Evolution du recouvrement végétal page 39 3.2. Effet de l’âge des boutis page 40 3.3. Indice de dissimilitude page 47
4. Discussion page 49 5. Conclusion page 52 CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref
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4. Impact des boutis sur la diversité
page 54
1. Introduction page 55
2. Matériels et méthodes page 56
3. Résultats et analyses - Impact sur la diversité floristique page 57
3.1. Festuçaie page 57
3.2. Nardaie page 59
4. Discussion page 62
4.1. Impact sur la diversité floristique page 62 4.2. Impact sur la diversité faunistique page 63
5. Conclusion page 67
5. Impact des boutis sur l’utilisation pastorale
page 69
1. Introduction page 70
2. Matériels et méthodes page 70
3. Résultats et analyses page 72
3.1. Impact sur la quantité de biomasse page 72 3.2. Impact sur la qualité fourragère de la repousse page 77 3.3. Impact sur des espèces localement envahissantes page 80
4. Discussion page 82
5. Conclusion page 83
Conclusion générale page 85 Références bibliographiques page 87 Liste des tableaux et des figures page 91
Table des annexes page 93
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Préambule
Les alpages jouent un grand rôle pour la société, comme espace de travail (agriculture, hébergement touristique) ou espace patrimonial et de loisir. Les enjeux agro-pastoraux et environnementaux dans ces espaces sont forts. Leur préservation est à ce titre importante. Historiquement, la préservation des communautés prairiales consiste à les protéger des fortes perturbations (incendie, surpâturage) (Hobbs & Huanneke, 1992). Or la fréquence des perturbations dues aux sangliers augmente dans les alpages du fait de l’expansion démographique et territoriale de l’espèce. L’impact de ces perturbations appelées « boutis » sur les communautés végétales n’a pas été étudié dans ce contexte particulier d’alpage. L’objectif de cette étude est ainsi d’étudier les conséquences des dégâts de sanglier pour diverses composantes des végétations d’alpage.
L’étude, qui a duré 4 ans, a démarré en 2006. Les deux premières années ont été financées par le programme LIFE Nature et Territoire en région Rhône-Alpes (Programme n°000079), piloté par l’Office National des Forêts. Initialement basée sur un seul site d’étude (alpage de la Molière, massif du Vercors), l’étude a ensuite été étendue à deux autres alpages (Charmant Som et col du Coq, massif de la Chartreuse) afin de compléter l’échantillonnage et pour valider les résultats obtenus à la Molière. Les deux dernières années ont été financées par le Conseil Général de l’Isère (Pôle Départemental de Recherche sur la Biodiversité), dans le cadre d’un appel à projet 2008 (contrat DAT/SENV 2008-0040).
L’étude qui suit comporte 4 axes pour l’évaluation de l’impact des dégâts de sanglier : - L’estimation des surfaces retournées ;
- L’étude de la résilience de la végétation ;
- L’étude de l’impact des boutis sur différentes caractéristiques de la végétation ; - L’analyse potentielle de l’impact des boutis sur certaines populations d’animaux
sauvages.
Elle apporte ainsi des éléments de réponse aux questions posées sur l’impact des dégâts de sanglier pour la gestion conservatoire des alpages et leur utilisation agro-pastorale.
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Table des sigles et des abréviations
AFC Analyse factorielle de Correspondance ANOVA Analysis Of Variance
CG Conseil Général D Densité d'espèce
DAT Direction de l’Aménagement et des Territoires DCA Detrended Correspondence Analysis
DS Diversité spécifique ENS Espace Naturel Sensible
FAI Fédération des Alpages de l'Isère J Equitabilité
LIFE L'Instrument Financier pour l'Environnement ONCFS Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage ONF Office National des Forêts
PNR Parc Naturel Régional RS Richesse Spécifique
SAGE Schéma d'Aménagement et de Gestion des Eaux SAU Surface Agricole Utile
SENV Service Environnement
ZNIEFF Zone Naturelle d'Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique
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Introduction générale
Les alpages jouent un grand rôle pour la société. Ce sont des espaces multi-usages, utilisés en premier lieu pour l’agriculture, mais aussi pour le tourisme et les loisirs. Il y a donc des enjeux importants autour de ces milieux :
► Des enjeux économiques. C’est une source de revenu importante pour les agriculteurs : la ressource fourragère disponible leur permet de répondre à la demande alimentaire du bétail, et donc d’assurer la fabrication de leurs produits (viande, lait, fromage). C’est aussi une source de revenu pour les professionnels du tourisme, qui peuvent y proposer des sorties accompagnées ou différentes formes de restauration et d’hébergement. ► Des enjeux environnementaux. La valeur écologique en termes de
biodiversité de ces milieux est soulignée par les acteurs de la protection de l’environnement. L’intérêt paysager, la présence d’espèces et d’habitats rares ou protégés donne une valeur patrimoniale aux alpages.
► Des enjeux de société. Les prairies subalpines situées à proximité des grandes aires urbaines sont des lieux de vie et d’expression pour un grand nombre de personnes. Ces espaces sont ceux où peuvent s’exercer des activités comme la chasse, la randonnée, la contemplation, la découverte de la nature, l’écriture…
Bien qu’elles soient aujourd’hui parfois assimilées à des milieux naturels, les prairies subalpines sont des écosystèmes d’origine anthropique. Par le passé, l’homme a défriché ces espaces pour y installer une activité agricole, et les a conservés et entretenus jusqu’à aujourd’hui pour y maintenir cette activité. Historiquement, la préservation des communautés prairiales consiste à les protéger de l’embroussaillement, et à les protéger des perturbations que sont le feu et le surpâturage (Hobbs & Huenneke 1992). Mais des recherches ont montré que la perturbation était une composante essentielle des écosystèmes (Lavorel & al. 1994 notamment). En effet, beaucoup de communautés et d’espèces dépendent des perturbations, surtout pour la régénération (Pickett & White 1985). De plus, un régime naturel de perturbation crée une mosaïque de milieux à différents stades de recolonisation (Connel 1978). L’étude de la réponse de la diversité aux perturbations a donné lieu à une théorie écologique : la théorie de la perturbation intermédiaire (Connell 1978, Peet & al. 1983). Celle-ci montre que la richesse spécifique est plus élevée à un stade secondaire de la recolonisation et dans les communautés soumises à une fréquence modérée de perturbation. La perturbation joue donc un rôle écologique majeur. CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref
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Si, comme nous l’avons vu, les alpages ont été préservés des perturbations comme le feu et le surpâturage, le développement important d’un nouveau type de perturbation (le dégât de sanglier) paraît déstabiliser les modes de gestion pastorale établis par les agriculteurs et les gestionnaires sur ces milieux. Pour se nourrir de bulbes et de racines (Baubet 1998, Schley & Roper 2003), le sanglier creuse et retourne la terre. Il crée une zone de terre nue, appelée boutis, que l’on peut considérer comme étant une perturbation pour l’écosystème prairial. A ce titre, les dégâts de sanglier ont déjà été étudiés en plaine ou en contexte forestier (Welander 2000, Ickes & al. 2001). L’impact sur les grandes cultures (Calenge 2004, Herrero & al. 2006) et les paramètres déterminants l’emplacement des dégâts (Gallo Orsi & al. 1995) ont également fait l’objet d’études scientifiques. Globalement ces études ont essentiellement concerné :
- la résilience des milieux (capacité pour un écosystème de retrouver un état et un fonctionnement écologique similaire à celui précédant la perturbation) ; - la dynamique de succession végétale post perturbation ;
- l’effet des boutis sur le recrutement des espèces natives et exotiques (Cushman & al. 2004 ; Tierney & Cushman 2006).
Nous voyons donc que l’impact des dégâts de sanglier a déjà fait l’objet d’études scientifiques, mais pas dans un contexte d’alpage. Or depuis quelques années, les perturbations dues au sanglier sont de plus en plus nombreuses en alpage. Cela est directement lié à la démographie de l’espèce : les populations de sanglier augmentent dans toute l’Europe, quelle que soit l’échelle d’étude. Les prélèvements ont été multipliés par 5 sur les 20 dernières années en France (ONCFS, non daté), et par 14 en Isère entre 1973 et 1996 (Baubet, 1998). Les causes principales sont le fort potentiel reproducteur de l’espèce, et sa grande capacité d’adaptation aux milieux les plus variés. Cette hausse des effectifs a été accompagnée par une redistribution spatiale des individus, qui ont pu s’installer dans des espaces encore peu utilisés, comme les prairies d’altitude supérieure à 1000 mètres. Les dégâts y sont donc naturellement de plus en plus importants.
Notre étude concerne donc l’analyse de l’impact des dégâts de sanglier sur la végétation en alpage. Les objectifs sont les suivants :
► Estimer les pourcentages de surfaces retournées. Il s’agit de déterminer quelle est la variabilité dans l’espace des surfaces touchées, et de les quantifier.
► Etudier la résilience de la végétation après un boutis. Pour cela nous cherchons à répondre aux questions suivantes :
Comment et à quelle vitesse évolue le couvert végétal après la perturbation ?
Quel est l’effet de l’âge des boutis sur la composition spécifique de la végétation des boutis ?
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Combien de temps faut-il à la communauté végétale pour retrouver une composition similaire à celle précédent la perturbation ?
► Etudier l’impact des boutis sur la biodiversité :
Quel est l’impact des boutis en termes de diversité spécifique de la végétation ?
Quel est l’impact potentiel sur les communautés animales (avifaune et entomofaune) ?
► Analyser l’impact des boutis sur l’utilisation pastorale des alpages
perturbés :
Quels effets sur la quantité de biomasse disponible après perturbation ?
Quels effets sur la valeur fourragère de la végétation ?
Quelle interaction entre perturbation par les sangliers et le développement d’espèces envahissantes ?
Afin de répondre à ces questions, l’étude est basée sur des données récoltées depuis 2006 sur trois sites d’étude : la Molière dans le massif du Vercors, le Col du Coq et le Charmant Som dans le massif de la Chartreuse. Elle devra être mise à disposition des gestionnaires et utilisateurs de l’espace, et diffusée de la façon la plus large possible afin de fournir à tous les acteurs (administrations, bergers, éleveurs, chasseurs, scientifiques gestionnaires) des éléments de réponse sur le rôle de l’activité de fouissage des sangliers sur la dynamique et la structure des communautés végétales.
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1. Présentation des sites d’étude
1. Introduction Page 10
2. L’alpage de la Molière Page 11
2.1. Climat page 11
2.2. Relief – Géomorphologie page 12
2.3. Géologie page 12
2.4. Pédologie page 13
2.5. Périmètre réglementaires et de protection page 14 2.6. Typologies de végétation page 14 2.7. Gestion pastorale du site page 15
3. L’alpage du Charmant Som page 16
3.1. Climat page 16
3.2. Relief – Géomorphologie page 17
3.3. Géologie page 17
3.4. Périmètre réglementaires et de protection page 18 3.5. Typologies de végétation page 19 3.6. Gestion pastorale du site page 19
4. L’alpage du Col du Coq page 20
4.1. Climat page 20
4.2. Relief – Géomorphologie page 21
4.3. Géologie page 22
4.4. Périmètre réglementaires et de protection page 22 4.5. Typologies de végétation page 23 4.6. Gestion pastorale du site page 23
5. Conclusion page 24 CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref
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1. Introduction
L’ensemble des relevés et des expérimentations ont eu lieu sur 3 alpages : La Molière, le Charmant Som et le Col du coq. Ces trois sites sont situés dans les massifs subalpins calcaires, dans les Alpes françaises. La Molière fait partie du massif du Vercors, les deux autres alpages sont situés dans le massif de la Chartreuse. Ces alpages ont été choisis selon différents critères, résumés dans le tableau ci-dessous.
La Molière Charmant Som Col du coq
Massif Vercors Chartreuse Chartreuse
Altitude 1500 à 1709 m 1600 à 1867 m 1400 à 1768 m
Type d'animaux présents Bovins Bovins Ovins
Espèces végétales dominantes en prairie Festuca nigrescens Nardus stricta Festuca rubra Agrostis capillaris Festuca nigrescens Périmètres réglementaires Natura 2000, ENS Natura 2000 ENS
Tableau n°1 : paramètres généraux des trois sites d’étude
Leur position géographique est illustrée par les deux figures ci-dessous.
Figures n° 1 (ci-dessus) et 2 (ci-contre): Cartes de situation des sites d’étude en France et autour de Grenoble
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2. L’alpage de la Molière
Ce site d’étude est un plateau calcaire situé au nord du massif du Vercors, dans la partie appelée « Vercors des 4 montagnes ». Il est essentiellement situé sur la commune d’Engins, le reste étant partagé entre Autrans et Lans-en-Vercors. D’altitude comprise entre 1500 et 1709 mètres (Charande, point culminant), il est orienté Nord-Sud, et s’étend sur une longueur de plus de 10 Km pour une largeur légèrement supérieure à 2 Km à son maximum. La partie où ont eu lieu nos analyses est plus restreinte (3 Km de long, 500 mètres de largeur moyenne). Elle est située sur le replat oriental, sur la commune d’Engins.
2.1. Climat
Situé sous l’influence directe des vents d’ouest, ce site est particulièrement arrosé par les pluies venant de l’Atlantique. Mais la crête occidentale constitue déjà une barrière, le versant Est situé sur la commune d’Engins étant ainsi plus abrité. A un été chaud et relativement sec s’oppose un hiver plus difficile à définir, puisqu’il peut être doux et pluvieux une année, froid et neigeux l’année suivante. En général c’est aux mois de février et mars que les neiges sont les plus abondantes. L’automne et l’hiver voient se former des nappes de brume et de brouillard, liées aux fortes précipitations et au couvert forestier sur les versants.
Photographie n° 1 : l’alpage de la Molière. ©J-F. Gatel
Figure n°3 : diagramme ombrothermique de la station d’Autrans (1000 mètres d’altitude), établi à partir des moyennes mensuelles de la période 2000-2008 (données Météo France).
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Les figures précédentes sont obtenues à partir des données de la station météorologique d’Autrans (située à 1000 mètres d’altitude). Elles confirment le caractère humide et frais du site de la Molière, où il doit être encore plus marqué à cause de l’altitude de l’alpage. La période végétative est ainsi réduite à une période allant de la mai à la mi-septembre.
2.2. Relief – géomorphologie
Le site est organisé de la manière suivante, le long d’un axe Nord/Sud : - Un escarpement rocheux dominant à l’Ouest ;
- Un espace plat ou à pente douce au centre : - Une paroi rocheuse (en contrebas) à l’Est.
Il y a très peu de lapiaz sur le secteur de l’étude. Les terrains sédimentaires sont parfois recouverts par des éboulis provenant de l’escarpement occidental. C’est notamment le cas au Sud du site, en bordure de notre zone d’étude.
2.3. Géologie
Le site est entièrement inclus dans le massif calcaire du Vercors, et s’inscrit ici dans les formations sédimentaires calcaires ou marno-calcaires de l’Urgonien (de -110 à -114 Ma). L’ensemble Sornin-Molière est un anticlinal orienté Nord/Sud, entre les synclinaux d’Autrans et de Villard de Lans. Localement, et notamment sur l’espace étudié, des calcaires biodétriques de l’Aptien (-107 à -112 Ma) et des conglomérats sableux de l’Albien (-96 à -107 Ma) recouvrent le calcaire Urgonien. Ces roches plus tendres, donc plus sensibles à l’érosion ont permis la mise en place de sols plus profonds et plus acides.
Figure n° 4 : Evènements climatiques froids à la station d’Autrans, d’après les moyennes mensuelles de la période 2000-2008 (Données Météo France)
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13 Figure n° 5 : coupe d’interprétation géologique du plateau du Sornin, d’après www.geol-alp.com
Figure n° 6 : carte géologique simplifiée du Vercors, d’après www.geol-alp.com
2.4. Pédologie
Sur les substrats calcaires et marno-calcaires, l’évolution des sols dépend beaucoup de leur profondeur. On trouve sur le site trois types de sols :
- Des rendzines ;
- Des sols bruns plus ou moins calciques à humus de type mull (sur des terrains bien drainés) ;
- Des sols hydromorphes dans les bas-fonds marneux.
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2.5. Périmètres réglementaires et protection du site
Le site du plateau de Sornin et de la Molière est riche d’une biodiversité remarquable, comme en témoignent les deux inventaires ZNIEFF dont il fait partie :
- ZNIEFF de type II n°3817 Chaînons septentrionaux du Vercors (« Quatre montagnes » et « Coulmes ») ;
- ZNIEFF de type I n° 38170003 Plateau de Sornin, montagne de la Graille, qui englobe totalement la zone d’étude.
Ces deux inventaires font état d’une grande naturalité des milieux, qui abritent des espèces animales remarquables (aigle royal et tétras-lyre notamment) et une flore très riche (gagée jaune, sabot de Venus par exemple). Le site présente aussi un intérêt paysager certain. Toute mesure de protection implique cependant de prendre en compte les activités humaines déjà présentes, qui participent à l’entretien des milieux et des paysages et sont associées à la protection. La démarche Natura 2000 permettant d’accompagner les agriculteurs et tous les autres acteurs du site dans une démarche respectueuse de l'environnement, le site a été proposé au classement en 1998 (site n° FR8201745 « Pelouses, forêts remarquables et habitats rocheux du plateau de Sornin »). Un comité de pilotage est mis en place, dirigé par le PNR du Vercors, afin de mettre en œuvre le document d’objectif. Celui-ci a été validé et l’opérateur du site (le PNR Vercors) œuvre à son application. En parallèle, le Conseil Général de l’Isère a inscrit ce site au titre des Espaces Naturels Sensibles du département (ENS n° SL 103). Il ne s’agit pour l’instant que d’une labellisation locale, pour ne pas surimposer un périmètre réglementaire supplémentaire au site. Enfin on peut noter que le site est entièrement inclus dans le périmètre du SAGE « Vercors eau pure ».
2.6. Typologies de végétation
L’alpage de la Molière est constitué de prairies établies sur des pentes douces et replats, de l’étage montagnard à l’étage subalpin moyen. Sont surtout présentes des pelouses et pâtures acidiphiles dont le maintien est tributaire d’une activité pastorale équilibrée, ainsi que des pelouses des sols calcaires, classées d’intérêt communautaire, et localisées sur quelques secteurs des pentes de l’alpage. Deux communautés végétales peuvent être distinguées au sein des pelouses et pâtures acidiphiles :
- des pâturages acidiphiles à fétuque noircissante (Festuca nigrescens), localement colonisés par le vérâtre vert (Veratrum lobelanium) et par le cirse laineux (Cirsium eriophorum). Cette communauté végétale est la plus étendue de l'alpage et fournit la ressource principale du troupeau bovin. Le nard (Nardus stricta) est présent ponctuellement mais peu recouvrant.
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- des pelouses largement dominées par N. stricta, communauté végétale classée comme habitat prioritaire au sein de la directive européenne « Habitats, faune et flore » de 1992 (code 6230). Cette communauté est établie sur les sols les plus acides de l'alpage. Bien qu'en limite d'aire, elle correspond, de par ses caractéristiques de structure et de composition, à l’habitat prioritaire regroupant les pelouses acidiphiles montagnardes de l’Est (Jura) (code Corine : 39.8). Sa position géographique à l'extrémité nord du Vercors et son orientation vers le Nord peuvent néanmoins autoriser le rapprochement.
Il s’agit d’un milieu relativement vulnérable compte-tenu des surfaces réduites qu’il occupe. Par la suite, ces deux communautés seront appelées respectivement « festuçaie » et « nardaie » par souci de commodité.
2.7. Gestion pastorale
Les données suivantes ont été obtenues auprès de Vincent Charrière, berger sur l’alpage depuis 1982. L’alpage de la Molière a été un des derniers gros alpages ovins transhumants du Nord-Vercors. Jusqu’à 8000 moutons venus du Sud de la France parcouraient les 500 hectares (300 Ha de SAU) du site. Dans les dernières années de présence, un millier d'ovins seulement occupaient alors le Sud de l’alpage, le reste étant parcouru par 160 génisses. A partir de 1986, les bovins remplacent totalement les moutons. Les bêtes sont amenées par des éleveurs locaux réunis au sein du groupement pastoral de la Molière. Plus de 25 éleveurs font paître environ 300 génisses chaque année. La saison dure près de 4 mois et demi, de début juin au 15 octobre au plus tard.
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3. L’alpage du Charmant Som
Le Charmant Som est un sommet situé au sud du massif calcaire de la Chartreuse, sur la commune de Saint-Pierre de Chartreuse. Un alpage de 200 Ha s’étend à ses pieds, situé en territoire domanial, donc sous la responsabilité de l’Etat. Son altitude est comprise entre 1600 et 1867 mètres (altitude du sommet). Depuis la création d’une route d’accès en 1936, c’est un des sommets les plus fréquentés de Chartreuse (20 000 personnes sur la saison estivale en 2000).
3.1. Climat
La partie méridionale du massif de la Chartreuse est très exposée aux intempéries venant de l’ouest. Les précipitations y sont abondantes (près de 2 mètres d’eau en moyenne sur les 8 dernières années), mais régulièrement réparties dans l’année. L’enneigement est important mais il ne se maintient que difficilement au sol. Cela est en grande partie dû au relief, constitué de crêtes souvent bien orientées par rapport au soleil. Les températures moyennes sont froides, mais elles sont relativement douces dès le début du printemps, voire chaudes en été. Ces deux facteurs conjugués (températures et précipitations) permettent le développement rapide de la végétation dès le mois d’avril (le site est prisé par les ramasseurs de jonquilles) et jusqu’au mois d’octobre.
Photographie n° 2 : l’alpage du Charmant Som. ©J-F. Gatel CemOA
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17 Figure n° 7 : diagramme ombrothermique de la station de la Grande Chartreuse (1000 mètres d’altitude), établi à partir des moyennes mensuelles de la période 2000-2008 (données Météo France).
3.2. Relief – Géomorphologie
L’alpage du Charmant Som est situé sur les versants entourant le sommet. Ces pentes douces sont entourées de barres rocheuses en contrebas qui donnent l’impression d’être perché au dessus de la forêt.
3.3. Géologie
Le site est compris dans un ensemble calcaire organisé en un vaste système antiforme plissé plusieurs fois (figures 8 et 9). On obtient des pendages quasiment verticaux, ce qui donne ce paysage caractéristique constitué de falaises et de roches affleurantes. Les deux extrémités Nord et Sud de l’alpage sont barrées par les lapiaz, les côtés Est et Ouest par les parois. L’essentiel de la roche mère de l’alpage date de l’Urgonien (-110 à -114 Ma) pour le calcaire, et du Sénonien (-89 à -65 Ma) pour les marno-calcaires.
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3.4. Périmètres réglementaires et de protection
L’alpage est entièrement compris dans la commune de Saint Pierre de Chartreuse. L’essentiel est en zone domaniale, gérée par l’ONF, le reste étant en propriété communale. Le site est entièrement englobé dans le PNR de Chartreuse.
La richesse biologique et paysagère du site est reconnue par deux inventaires : - ZNIEFF de type II n° 3815 « Massif de la Chartreuse »
- ZNIEFF de type I n° 38150010 « Massif du Charmant Som », notamment car il abrite la primevère oreille d’ours (Primula auricula), protégée nationalement.
Figure n° 8 (ci-contre) : carte géologique simplifiée du Charmant Som, d’après www.geol-alp.com.
Figure n° 9 (ci-dessous) : coupe géologique interprétative du Charmant Som, d’après www.geol-alp.com. CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref
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Dès 1999, le site est proposé comme zone spéciale de Conservation, au titre de la directive européenne « Habitats, faune et flore » de 1992. Depuis, le document d’objectif a été rédigé par l’ONF, opérateur du site. L’alpage y est intégré en presque totalité, seuls deux quartiers (Canaple et Col de Porte) en sont exclus (il s’agit des quartiers qui ne sont pas inclus dans la zone domaniale). Le programme d’actions élaboré sur ce site concerne notamment :
- La lutte contre le développement du Cirse laineux ;
- Les dégâts occasionnés par le sanglier (et leur lien avec le Cirse) ; - Le développement du nard raide (et le lien avec le pâturage).
On peut noter enfin que le site est inclus dans le périmètre géographique du contrat de rivière « Guiers ».
3.5 Typologie de végétation
Décrire la végétation pour l’ensemble du site n’aurait ici aucun intérêt. On se limitera donc aux typologies des pelouses rencontrées sur le secteur de la Muraille (où nous avons fait nos analyses). On y trouve essentiellement des pelouses de mode intermédiaire, comme les pelouses à fétuque rouge (Festuca rubra) et agrostis (Agrostis capillaris) , ou à fétuque rouge et fétuque ovine (F. ovina). Ce sont les milieux les plus productifs de l’alpage, qui présentent une bonne valeur fourragère et une bonne appétence pour le bétail. Ils permettent donc une grande souplesse d’exploitation. On trouve également sur ce secteur de l’alpage des pelouses un peu moins intéressantes pour les animaux, comme les pelouses à tendance thermique ou les pelouses de croupes ventées, au substrat affleurant.
3.6 Gestion pastorale
Les éleveurs exploitant l’alpage du Charmant Som se sont fédérés en un groupement pastoral en 1980, dans le but d’organiser les opérations courantes de l’alpage (gardiennage, gestion du troupeau). Il regroupe 4 éleveurs, qui mettent environ 150 bêtes sur l’alpage (70 vaches laitières, 70 génisses, 15 veaux). Les vaches laitières permettent une activité de production de fromage, écoulés en grande majorité par vente directe sur le chalet de l’alpage. La gestion du troupeau est facilitée par l’accès goudronné qui arrive jusqu’à la bergerie, au milieu de l’alpage. Mais cette route est aussi empruntée par les nombreux visiteurs, ce qui en fait un élément structurant de l’alpage et de la gestion du troupeau. Le secteur de la Muraille (proche de la bergerie), où nos études ont été réalisées, est uniquement parcouru par des vaches laitières. Les génisses et les veaux n’y viennent pas. La charge est au maximum de 70 vaches, pour une surface de 15 Ha. Les bêtes y sont envoyées à la journée, à partir de début juin et jusqu’au mois d’octobre. Le taux d’utilisation du
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quartier de la Muraille est estimé à 95% (FAI 2007), ce qui signifie qu’il est bien valorisé, et que sa gestion respecte les objectifs zootechniques et les équilibres de l’écosystème.
4. Le Col du coq
Le 3ème site d’étude choisi est lui aussi situé dans le massif de la Chartreuse. Peu éloigné du site du Charmant Som, il est situé quelques kilomètres à l’Est, au pied de la dent de Crolles, sur la bordure Sud-est du massif. Les 200 hectares s’étendent sur un peu plus de 2 km de longueur du Sud au Nord, et sur un peu plus d’un km en largeur d’Est en Ouest. L’altitude est comprise entre 1400 mètres (le col routier) et 1768 mètres au point culminant, le Roc d’Arguille. Nos relevés se sont concentrés autour de ce dernier point. L’alpage est utilisé depuis 1698, date à laquelle un bâtiment fut construit pour le monastère de la Grande Chartreuse auquel il est rattaché. Depuis le début et jusqu’en 1964, le site accueillait des bovins. Désormais c’est un troupeau de moutons qui pâture le site.
4.1. Climat
Aucune station climatique n’est présente sur le site, nous avons donc choisi d’extrapoler les données des stations voisines (Saint Pierre de Chartreuse, Monastère de la Grande Chartreuse, Saint Hilaire du Touvet). Le climat cartusien très humide sur le côté ouest et l’intérieur du massif, voit les précipitations décroître significativement sur le flanc oriental au contact de la vallée du Grésivaudan, les plus hautes crêtes interceptant une grande partie des nuages chargés d’humidité. Sur le site, les précipitations annuelles
Photographie n° 3 : l’alpage du Roc d’Arguille. ©J-F. Gatel
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moyennes sont vraisemblablement comprises entre 1700 et 2200 mm d’eau, avec une répartition mensuelle relativement régulière.
Figure n° 10 : diagramme ombrothermique de Saint-Etienne de St Geoirs et du Col du coq (Source : diagnostic pastoral Col du Coq, FAI, 2006).
Bien que celles-ci puissent être très irrégulières, l’importance des précipitations neigeuses est également à souligner. Les hauteurs cumulées des précipitations neigeuses de novembre à avril à Saint-Pierre de Chartreuse (945 m d’altitude), comprises entre 400 et 700 mm, laissent deviner des quantités bien supérieures sur le site et une persistance du manteau neigeux au sol sur plus d’un tiers de l’année. La température moyenne annuelle calculée à partir des trois stations est proche de 8°C à 950 m d’altitude et peut être estimée de l’ordre de 5°C à 1600 m, soit au niveau du Habert de Pravouta. A cette altitude, les températures journalières peuvent être très contrastées avec des écarts très marqués d’une saison à l’autre voire d’un jour sur l’autre, et se traduisent par un nombre important de jours avec gelées. Le climat peut être qualifié de montagnard humide avec une forte pluviosité et un enneigement prolongé.
4.2. Relief – Géomorphologie
Le relief du site est caractéristique de celui rencontré dans le Nord des Préalpes calcaires. On y retrouve une mosaïque de pentes douces, voire de replats, entrecoupées de barres rocheuses verticales qui peuvent être très imposantes. Ainsi, le Roc d’Arguille est une sorte de plateau où la roche mère affleure à de nombreux endroits (formant ainsi des lapiaz), entourées de parois importantes, notamment à l’Est.
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4.3. Géologie
Le site s’inscrit pour l’essentiel dans les formations calcaires du Jurassique supérieur (calcaires tithoniques et kimméridgiens). Ces roches dures structurent l’essentiel des caractéristiques du relief du site, définissant des barres rocheuses et petites falaises verticales et de petits plateaux, où se localisent d’ailleurs quelques secteurs de lapiaz (plateau du Roc d’Arguille). Localement des terrains calcaires marneux appartenant à la transition entre le Jurassique moyen et supérieur occupent les pentes sud du Pravouta (voir figures 11 et 12 ci-dessous). Des terrains marneux (Néocomien moyen) et calcaro marneux (Berriasien), appartenant au Crétacé inférieur, occupent les parties inférieures et moyennes du versant est du Pravouta et le secteur du Col des Ayes. Ces terrains plus tendres et plus facilement travaillés par l’érosion ont donné lieu à de petites zones d’arrachements au niveau des secteurs en pente forte.
4.4. Périmètres réglementaires et de protection
L’alpage est situé sur deux communes : Saint-Pancrasse et Saint Pierre de Chartreuse. Il est entièrement compris dans le périmètre du PNR de Chartreuse. Il est reconnu pour sa grande naturalité, comme en témoigne sa présence dans le périmètre de la ZNIEFF de type II n°3815 « Massif de la Chartreuse ». Il est connu également pour les espèces animales et végétales qu’il abrite. Son étymologie est directement liée à la présence du tétras-lyre, mais on y trouve aussi notamment une belle population d’Apollon (Parnassius apollo). La ZNIEFF
Figure n° 11 (en haut) : carte géologique simplifiée du secteur d’étude, d’après www.geol-alp.com. Figure n° 12 (en bas) : Schéma interprétatif simplifié du site. a.P = anticlinal de Perquelin ; f.B = faille du Baure ; sDC = synclinal de la Dent de Crolles. D’après www.geol-alp.com
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de type I n° 38150020 « Prairies et forêts du Col du coq » relève également la présence de gagée jaune (Gagea lutea), plante protégée au niveau national. Le site est inscrit dans le réseau départemental des ENS (site n° SD 26 « Col du Coq/Pravouta »). L’intérêt premier du site réside dans sa population de tétras-lyre. Dans ce cadre, le gestionnaire (le Conseil Général) a défini des zones de défens, où l’accès est interdit à tous, troupeaux compris : une zone forestière en été, une zone ouverte (le Roc d’Arguille) en hiver. Ce dernier est pâturé en été. La gestion du site au titre des ENS vise à renforcer la protection des espèces menacées, tout en assurant une bonne gestion du milieu par l’agriculteur, et un accès au public.
4.5. Typologies de végétation
L’essentiel de l’espace du Roc d’Arguille (où ont été effectués les relevés) est occupé par des pelouses et pâturages acidiphiles. Le faciès à fétuque noircissante (Festuca
nigrescens) est largement dominant. On trouve également des faciès où le nard raide, le
vérâtre vert (Veratrum lobelianum) ou la laîche toujours verte (Carex sempervirens) peuvent être plus présents.
Ces milieux, qui dépendent directement de l’activité pastorale, partagent le reste de l’espace avec des landes basses d’intérêt communautaire :
- Landes montagnardes et subalpines mésophiles acidiphiles à Myrtille (Vaccinium myrtillus), code Corine 31.42 ;
- Landes subalpines méso-xérophiles à genévrier nain (Juniperus sibirica) et Myrtille (Vaccinium myrtillus), code Corine 31.431.
On trouve également sur le Roc d’Arguille, mais de façon plus variable, des peuplements boisés plus ou moins épars, dominés par l’épicéa (Picea alba), et des lapiaz plus ou moins colmatés par la pelouse ou la forêt.
4.6. Gestion pastorale
Les informations rassemblées ci-dessous sont issues du diagnostic pastoral du Col du Coq, élaboré en 2006 par la fédération des alpages de l’Isère. Il y a 4 propriétaires différents sur le site : le CG 38, les communes de Saint Pancrasse et de Saint Pierre de Chartreuse, et une personne privée. Mais l’essentiel de l’espace pâturé appartient au Conseil général, qui définit les objectifs de gestion conservatoire et d’utilisation pastorale dans le cadre du périmètre ENS. Historiquement, le site est parcouru par des bovins (les troupeaux des moines chartreux l’occupaient déjà au 17ème siècle). Vers le milieu du 20ème siècle, l’estive y rassemble encore 30 laitières et 90 génisses. A partir de là, elles sont remplacées progressivement par des ovins, et elles disparaissent en 1972. Seuls des moutons parcourent
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l’alpage depuis cette date. Les quatre éleveurs exploitant l’alpage du Col du Coq sont depuis 1993 réunis dans un groupement pastoral. Ils se sont regroupés afin de rentabiliser l’embauche d’un berger, pour être l’unique interlocuteur avec les autres acteurs du territoire et pour les demandes d’aides financières. Aujourd’hui, 800 brebis et 300 agneaux estivent sur le site entre début juin et début octobre. Les agneaux et les femelles gestantes redescendent plus tôt (début août). Ce chargement valorise 66% du potentiel fourrager préconisé sur la zone étudiée. Le Roc d’Arguille est utilisé plus spécifiquement comme espace de couche ou de chôme, et toute la saison en cas de pluie et de brouillard.
5. Conclusion
Dans le cadre de cette étude, certains paramètres propres à chacun des sites étudiés sont importants à prendre en compte. Il s’agit notamment de l’altitude, du climat et du type de végétation. L’enjeu de conservation (présence de périmètres de protection) et l’enjeu pastoral ont également influencé le choix des sites. Nous avons choisi de faire nos analyses sur des alpages dont ces paramètres étaient proches, pour pouvoir comparer les données entre sites et valider les résultats obtenus.
Ce qu’il faut retenir :
- 3 sites d’étude (1 en Vercors, 2 en Chartreuse); - Géologie similaire (massifs calcaires) ;
- Altitude moyenne comprise entre 1500 et 1700 mètres ;
- Le climat et l’exposition permettent une bonne production végétale ; - Les communautés végétales étudiées sont essentiellement la festuçaie
ainsi que la nardaie (site de la Molière).
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2. Estimation des surfaces retournées
1. Introduction page 26
2. Matériels et méthodes page 26
3. Résultats et analyses page 28
3.1. Surfaces retournées par le sanglier page 28 3.2. Surfaces retournées par les campagnols page 29
4. Discussion page 30
4.1. Surfaces retournées par le sanglier page 30 4.2. Surfaces retournées par les campagnols page 31
5. Conclusion page 32 CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref
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1. Introduction
Avant d’étudier plus en détail l’impact des dégâts de sanglier sur la végétation, il apparaît important de quantifier ces dégâts. Cela permet d’établir un diagnostic précis des zones touchées, et ainsi de tempérer ou insister sur les conséquences (positives ou négatives) de ces dégâts sur la végétation. Il existe une grande variabilité dans la répartition spatiale des dégâts, comme cela a été montré (Gallo Ursi 1995, Loucougaray et al., 2007). Certaines zones des alpages ne sont pas touchées par les dégâts de sanglier, comme c’est le cas sur les zones de crête au Charmant Som, ou dans la zone de nardaie pure à La Molière. Une analyse cartographique précise de l’ensemble de l’alpage nécessiterait un trop lourd travail. Nous avons donc choisi de nous intéresser uniquement aux secteurs déterminés comme réellement impactés lors des visites sur le terrain. En estimant les surfaces touchées, nous avons également pu estimer quantitativement les dégâts liés aux campagnols terrestres (Arvicola terrestris). Cette première partie de l’étude répond donc à deux objectifs :
- Estimer les surfaces d’alpage retournées par les sangliers, en distinguant les perturbations récentes (moins d’un an) de celles plus anciennes ;
- Estimer les surfaces d’alpage touchées par les dégâts dus aux campagnols sur ces mêmes zones.
Il s’agit donc ici de répondre aux questions suivantes :
- Quelle est la variabilité spatiale (intra- et inter-site) des surfaces touchées ? - Quelle est l’importance des dégâts dans les zones concernées ?
- Peut-on établir une corrélation entre la présence de boutis et la présence de monticules de campagnol ?
2. Matériels et méthodes
Cette étude a été appliquée sur les trois sites, à l’automne 2007 pour l’alpage de La Molière, et au printemps 2009 pour les sites du Col du Coq et du Charmant Som. Une journée de terrain a été nécessaire à chaque fois, avec 4 personnes fonctionnant en binômes. Pour récolter les données, un maillage de points répartis selon la figure 13 page suivante, que l’on appellera « réplicat »a été mis en place sur chaque site. Le choix de l’emplacement a été déterminé en fonction de la présence et la densité des boutis et du type de végétation de façon à échantillonner des zones représentatives de la diversité de l’importance des dégâts observés. Les transects ont donc été placés sur des zones impactées et il existe de grandes surfaces non touchées.
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Sur chaque point sont notées :
- La présence de zone retournée par le sanglier, en précisant si le dégât est de l’année ou plus ancien ;
- La présence de monticule de campagnol.
Huit réplicats ont été réalisés sur le site de la Molière, 6 pour le Col du Coq et 4 pour le Charmant Som. A partir des données récoltées les surfaces touchées par les boutis (avec une distinction selon l’âge du dégât) ont pu être calculées. Les secteurs sont analysés séparément dans un souci de comparaison et d’analyse de la variabilité spatiale de l’intensité des perturbations liées aux sangliers sur les zones touchées. Les surfaces impactées sont estimées en % du nombre de points de mesure correspondant à des dégâts anciens ou récents. Figure n° 13 : représentation schématique d’un réplicat. CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref
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3. Résultats et analyses
3.1. Surfaces retournées par le sanglier
Figure n° 14 : comparaison des surfaces touchées (en % ± erreur-type) entre les différents sites en fonction de l’âge des boutis.
Plusieurs éléments d’analyse apparaissent :
► Le site de La Molière semble présenter un peu moins de dégâts (30% des points sont touchés par des boutis) que les deux autres alpages (40% environ) ;
► Le Col du Coq est plus touché par des boutis récents (25%) que les deux autres sites (10% environ) ;
► De la même façon, le site du Charmant Som montre plus de dégâts anciens que les deux autres alpages (près de 30% contre un peu moins de 20%). La figure n° 15 indique plus en détail les résultats pour chacun des transects réalisés sur chaque site. Quelques éléments peuvent notamment être soulignés :
► Il y a une grande variabilité intra site. Par exemple, le transect A réalisé à La Molière montre que moins de 10% des points sont touchés par des boutis, alors que le transect H du même alpage dépasse les 40% de points touchés. ► Il y a une grande variabilité dans l’âge des dégâts recensés. Par exemple, le
transect D au Col du Coq présente environ un tiers de dégâts récents, le reste étant bien sûr des dégâts anciens. Sur le même site, le transect F montre lui que plus des trois quarts des boutis sont récents.
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29 Figure n° 15 : Surfaces retournées pour chaque alpage et pour chaque transect effectué.
3.2. Surfaces retournées par le campagnol terrestre
La figure 16 page suivante présente pour chaque transect de chaque site le pourcentage d’occurrence des monticules de campagnol. On constate là encore une grande disparité inter- et intra-site. Le Col du Coq semble beaucoup plus touché que le site du Charmant Som. Mais ces conclusions ne s’appliquent qu’à la surface prospectée par nos transects, elles ne peuvent être généralisées à l’ensemble du site.
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4. Discussion
4.1. Surfaces retournées par les sangliers
Les résultats montrent en premier lieu la grande hétérogénéité des dégâts. Comme cela a déjà été montré (Gallo Ursi 1995), l’intensité des dégâts varie selon les sites, mais aussi géographiquement à l’échelle d’un alpage. Cela démontre une utilisation hétérogène de l’espace par le sanglier. Il existerait donc des secteurs beaucoup plus touchés que d’autres qui apparaîtraient « protégés ». Mais les limites nettes entre ces différents secteurs induisent un comportement non aléatoire, sélectif (Loucougaray et al., 2007). Le boutis, ou la zone de retournement de la terre, est donc l’expression d’une consommation particulière qui varie selon les saisons (Gallo Ursi 1995 ; Baubet 1998) et selon le type de formation végétale. La nardaie sensu stricto est très peu touchée par les dégâts, alors qu’un milieu de transition entre la nardaie et la festuçaie (cas du site de la Molière), présentant une proportion de nard moindre, est lui plus touché. Les causes de la variabilité spatiale de l’intensité des dégâts peuvent être également :
- Le degré d’humidité du sol. Plus le taux est élevé, plus l’intensité des dégâts augmente (Welander 2000) ;
- Le niveau d’enneigement. Le sanglier, en présence d’un manteau neigeux, consomme ce qui en dépasse, ou creuse sous la neige pour chercher son alimentation. Mais cela crée une dépense énergétique supplémentaire (Baubet 1998). Au printemps, en présence d’un manteau neigeux discontinu,
Figure n° 16: Pourcentage d’occurrence des monticules de campagnol sur les trois alpages étudiés. En abscisse, les différents transects réalisés. CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref
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les secteurs où ce dernier a disparu plus vite seront plus touchés. La logique est la même en automne ;
- La distance par rapport au couvert forestier. Les secteurs les plus près des lisières sont les plus touchés (Gallo Ursi 1995, Choquenot & Ruscoe 2003, Spitz & Lek 1999, Cai & al. 2008, Linkie & al. 2007). Cette probabilité augmente avec la pression de chasse.
- Enfin, la présence d’espèces comme le vérâtre, qui s’appuie sur un réseau important de rhizomes, peut gêner le sanglier. Cushman & al. (2004) ont montré que Deschampsia flexuosa pouvait avoir le même effet, on imagine bien Nardus stricta être dans le même cas.
Les résultats donnent également des informations intéressantes sur l’importance des dégâts. Sur l’ensemble des sites, au moins 30 % des points d’analyse sont touchés par un boutis de moins de 4 ans. Ces chiffres sont à comparer avec les données recueillies dans la littérature : 43 % des points touchés par des boutis (Gallo Ursi 1995), ou encore 10 % (Welander 2000). L’importance des dégâts va dépendre de plusieurs facteurs :
- La pyramide des âges de la population de sanglier environnante. Les mâles et les subadultes se déplacent plus, occasionnant plus de dégâts (Baubet 1998). Et l’intensité des dégâts augmente avec les densités des populations de l’animal (Schley 2008), directement liée à la pression de chasse ;
- La quantité de fruits disponibles sous couvert forestier. Le sanglier préfère la frugivorie (Baubet 1998), donc une carence de fruits l’orientera vers les ressources disponibles en prairie. On peut noter à ce sujet que la présence et la consommation de lombrics n’est pas un élément moteur du retournement, mais plus le résultat d’opportunités (Baubet 1998) ;
- La couverture forestière joue également un rôle en termes d’importance des dégâts. Plus celle-ci est élevée, plus les dégâts augmentent (Schley 2008) ; - En période de chasse, le sanglier agrandit son espace vital (Keuling & al.
2008), donnant aux sangliers l’accès à de nouvelles prairies.
- Enfin, l’intensité du nourrissage artificiel est un élément important, dont les effets sont toutefois largement discutés. Utilisés notamment pour réduire les dommages aux cultures, ils peuvent provoquer l’effet inverse (Geisser 2000 in Schley et al. 2008).
4.2. Surfaces retournées par les campagnols
On relève comme pour le sanglier la grande variabilité de l’intensité des dégâts, entre les sites ou entre les différents transects réalisés au sein d’un même alpage. Les fréquences maximales de plots touchés sont inférieures à 15 %, ce qui est conforme avec les résultats de Bartha (2001) qui trouve lui une valeur seuil de 10 %. La présence de ces monticules ne semble pas impacter le milieu autant que les sangliers (densité plus faible, surface inférieure
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à celle des boutis, résilience plus rapide (Loucougaray et al., 2007)). Mais on ne peut exclure des phases de pullulation, beaucoup plus impactantes sur le milieu végétal (perte de 15 à 45 % des récoltes, réensemencement obligatoire (Quéré et al. 1999)).
5. Conclusion
Cette partie de l’étude nous donne plusieurs enseignements :
- Il existe une forte variabilité spatiale et temporelle de l’intensité des dégâts. Des zones peuvent ne pas être touchées (nardaie pure, zones à roche-mère affleurante). Dans les zones touchées, au moins 30% des points de mesure étaient sur des boutis ;
- On relève pour le campagnol une grande variabilité dans l’intensité des dégâts, mais la fréquence maximale de plots touchés ne dépasse pas 15%. De plus, les monticules de campagnol sont moins impactants que les boutis de sanglier ;
- Les données obtenues ne nous permettent pas d’obtenir une corrélation entre la présence de dégâts de sanglier et la présence de monticules de micromammifères.
Ce qu’il faut retenir :
- Les dégâts peuvent être importants (entre 30 et 70 % des points de mesures sont touchés) ;
- Le choix de l’emplacement des dégâts n’est pas aléatoire ;
- Il dépend de la végétation, de la profondeur de sol et de l’enneigement ; - On ne peut établir de corrélation entre la présence de boutis et celle de
monticule de campagnol. CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref
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3. Etude de la résilience de la végétation
1. Introduction page 34
2. Matériels et méthodes page 35
2.1. Analyse diachronique page 35
2.2. Analyse synchronique page 37
3. Résultats et analyses page 38
3.1. Evolution du recouvrement végétal page 39 3.2. Effet de l’âge des boutis page 40 3.2.1. Analyse diachronique page 40 3.2.2. Analyse synchronique page 43 3.3. Indice de dissimilitude page 47
4. Discussion page 49 5. Conclusion page 52 CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref
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1. Introduction
Cette partie de l’étude a pour objectif d’étudier la résilience de la végétation, c'est-à-dire sa capacité à retrouver un état et un fonctionnement écologique similaire à celui précédent la perturbation. Elle a été conduite en deux parties :
► Analyse diachronique. Pendant trois ans nous avons analysé la dynamique de recolonisation des boutis pour deux communautés végétales de l’alpage de la Molière : la communauté à Festuca
nigrescens (la plus répandue sur l’alpage et constituant la ressource
fourragère la plus importante pour le troupeau), et la communauté de transition vers la communauté à Nardus stricta sensu stricto, classée comme habitat prioritaire au sein de la directive « Habitats » de 1992. L’intérêt patrimonial que représentent ces communautés à N. stricta justifie que, malgré leur faible représentation sur l’alpage, nous nous intéressions aux effets potentiels des dégâts de sanglier sur leur dynamique.
► Analyse synchronique. Pour compléter les données recueillies à la Molière, nous avons également étudié la végétation des deux autres alpages (Col du Coq et Charmant Som) en comparant à une même date la végétation de dégâts récents et anciens.
Les perturbations créent des surfaces où la biomasse végétale a été fortement voire totalement retirée, créant des zones ouvertes à la recolonisation végétale. Les espèces qui occupent ces zones dénudées ne sont pas nécessairement présentes dans la communauté végétale environnante, et ne présentent pas forcément les mêmes caractéristiques biologiques ou écologiques. Les processus de recolonisation des boutis peuvent donc influencer la composition floristique et la diversité de la végétation des zones touchées. Un dispositif expérimental a ainsi été mis en place en 2006 pour étudier la dynamique de recolonisation de ces boutis et les conséquences en termes de diversité végétale en interaction avec les pratiques pastorales. Cette étude a donc plusieurs objectifs :
► Evaluer la vitesse de recolonisation du sol et un retour à la situation initiale ;
► Observer les dynamiques de la végétation en termes de composition floristique, suite aux boutis de sangliers ;
► Analyser le temps qu’il faut à la communauté végétale pour retrouver une composition similaire à celle précédent la perturbation.
Les diverses étapes de cette partie de l’étude peuvent s’articuler autour de différentes questions et problématiques auxquelles nous allons apporter des éléments de réponse : CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref
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► Il s’agit tout d’abord d’estimer la vitesse de recolonisation des zones dénudées en termes de couvert végétal :
avec quelle rapidité la végétation investit-elle les zones retournées par les sangliers ?
Le pâturage et le type de communauté sont-ils des facteurs qui peuvent accélérer ou ralentir la vitesse de recolonisation des boutis ?
► Nous nous intéresserons également à l’effet du type de communauté sur la composition floristique des zones recolonisées :
retrouve-t-on une composition similaire à celle de la communauté végétale environnante ?
Peut-on mettre en évidence un pool d’espèces caractéristiques des boutis ?
A proximité de la communauté à N. stricta, les boutis favorisent-ils l’extension des espèces caractéristiques de ce milieu d’intérêt patrimonial ou au contraire des espèces plus généralistes ?
Le pâturage modifie-t-il la composition floristique sur les zones recolonisées ?
L’analyse de l’ensemble de ces questions vise à nous donner des éléments pour déterminer la capacité de résilience de la végétation suite aux perturbations de sangliers.
2. Matériels et méthodes
L’étude de la résilience de la végétation a été divisée en 3 parties. Il s’agit tout d’abord d’évaluer la dynamique de recolonisation, puis la relation entre la végétation et l’âge des dégâts. La dernière partie s’appuie elle sur les indices de dissimilitude pour apporter un éclairage supplémentaire sur la capacité de résilience de la composition floristique. Elles s’appuient sur le même protocole d’échantillonnage décomposé de la façon suivante:
► Analyse diachronique ► Analyse synchronique
Le détail de ces deux protocoles est présenté ci-après.
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2.1. Analyse diachronique
Initié en mai 2006, sur l’alpage de la Molière, le dispositif se compose de la façon suivante :
► 6 défens de 25m² chacun (5x5m), clôturés ;
► 6 zones non clôturées, donc pâturées, à proximité immédiate des défens. Trois couples défens/zone pâturée sont placés dans la festuçaie (numérotés de 1 à 3), et les trois autres couples (numérotés de 4 à 6) sont situés dans la zone de transition de la nardaie. Pour chacun des couples, 20 placettes de 0,5 x 0,5 mètres de côté ont été installées, selon le dispositif suivant :
► 10 placettes fixes, sur les boutis (5 en défens, 5 en zone pâturée) ;
► 10 placettes aléatoires (5 en défens, 5 en zone pâturée), qui sont des placettes « Témoins ».
Les placettes fixes ont été installées en 2006 sur des boutis récemment perturbés. Pour les années suivantes, une petite plaque métallique fichée au sol permet de replacer la grille d’analyse exactement au même endroit que précédemment. Les placettes témoins sont positionnées de façon aléatoire chaque année. Le positionnement fixe des placettes « boutis » permet une analyse diachronique précise, et donc un suivi de la dynamique végétale de recolonisation sur le boutis. Le positionnement aléatoire des témoins permet d’étudier des zones non touchées par le sanglier et qui correspondent au mieux à la communauté végétale de référence. Les relevés de végétation sont différents selon le type de placette étudié :
► Pour chaque placette « boutis », la grille est subdivisée en 25 cases de 10x10 cm. Sont réalisés :
Une estimation à l’échelle de la placette du recouvrement de chacune des espèces végétales présente et de la proportion de sol nu ;
Un inventaire des espèces présentes dans chacun des carrés de 10 cm de côté.
► Pour chaque placette « témoin », seule l’estimation du recouvrement de chacune des espèces présente et du sol nu à l’échelle de la placette est réalisée.
L’ensemble des relevés ont eu lieu au « pic de végétation », c'est-à-dire au mois de juillet pour les trois années. La figure 17 page suivante permet de récapituler l’ensemble du dispositif expérimental qui comprenait 120 placettes.
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Figure n° 17 : représentation schématique du dispositif expérimental
2.2. Analyse synchronique
Mis en place en juillet 2008 sur les trois alpages, le protocole comprend un dispositif plus simple que celui précédemment décrit. Sur chacun des sites, 40 quadrats de 0,5m de côté sont répartis de la manière suivante :
► 15 sur des boutis récents (zones retournées au printemps 2008) ; ► 15 sur des boutis anciens (d’âge estimé à 3-4 ans) ;
► 10 sur des zones estimées non touchées depuis 5 ans ou plus, que l’on nommera ensuite « témoins ».
Chaque placette est disposée aléatoirement dans l’alpage, dont la communauté végétale dominante est la festuçaie. Pour chaque placette, l’estimation du recouvrement du sol nu et de chacune des espèces présentes est effectuée. Sur l’alpage de la Molière, nous avons utilisé les données de l’analyse diachronique pour les boutis anciens (données récoltées en 2006) et pour les témoins. Pour analyser l’évolution du recouvrement du couvert végétal, le pourcentage de recouvrement (et son écart-type) a été calculé selon différents paramètres (année, défens/pâturé). La significativité statistique des paramètres a été testée à l’aide d’analyses de variances paramétriques (ANOVA) réalisées avec le logiciel STATISTICA 7.1 (Statsoft). Dans chaque cas l’égalité des variances et la normalité des résidus ont été vérifiées. L’effet de l’âge des dégâts sur la dynamique de recolonisation a été traité par analyses multivariées. Nous avons choisi la DCA (Detrended Correspondence Analysis) équivalente à l’AFC (Analyse Factorielle des Correspondances) mais permettant de limiter les corrélations et redondances entre axes. Ces analyses ont été réalisées avec le logiciel
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CANOCO 4.5 (Ter Braak, 1995). Les DCA ont été réalisées avec une pondération systématique des espèces rares (fréquence de présence dans les relevés inférieure à 10%) pour améliorer la lisibilité des graphiques et pour éviter qu’elles n’influencent trop fortement la construction des axes factoriels. Pour évaluer le degré de similitude entre les boutis et les témoins, nous avons utilisé l’indice de dissimilitude de Bray-Curtis. Cet indice, aussi appelé coefficient de Czecanowski, s’utilise pour mesurer la dissimilitude entre échantillons sur la base de leur composition floristique. Il tient compte des abondances des espèces. L’indice varie entre 0 et 1 (plus le chiffre est grand, plus la différence entre les échantillons est grande). Ces analyses ont été réalisées avec le logiciel libre R.
3. Résultats obtenus
Trois approches ont été définies pour répondre à la question principale posée dans cette partie de l’étude.
► La dynamique de recolonisation des boutis, à travers l’analyse de l’évolution du recouvrement ;
► L’analyse de l’évolution de la composition floristique des boutis au cours du temps, en utilisant deux méthodes, l’une synchronique, l’autre diachronique ; ► L’analyse de l’évolution de la dissimilarité de la composition floristique entre
les zones impactées et les zones témoins.
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3.1. Evolution du recouvrement du couvert végétal
Figure n° 18 : Evolution du couvert végétal (% + erreur-type) et résultats de l’ANOVA (en
bleu, les résultats significatifs)
Les résultats ci-dessus permettent de dégager des tendances quant à l’évolution du recouvrement du couvert végétal. Ainsi, on voit qu’une année suffit pour retrouver un taux de recouvrement supérieur à 90% (dès 2007, celui-ci dépasse 90%). La situation se stabilise en 2008, à des valeurs supérieures elles aussi à 90%. Le pâturage a un effet significatif sur le recouvrement et qui dépend du type de végétation (interaction significative). Dans la communauté à Festuca nigrescens, le recouvrement est légèrement supérieur (pour les 3 années) dans les zones en défens. Dans la communauté à Nardus stricta, c’est l’inverse qui se produit. Le recouvrement dans les zones en défens est inférieur à celui des zones pâturées (sauf en 2008). CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref