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3. Résultats obtenus

3.3. Indice de dissimilitude

Une des méthodes de mesure globale d’évaluation de la résilience de la composition floristique est le calcul de la dissimilitude entre les boutis et les témoins.

Figure n° 26 : Dissimilitude de Bray-Curtis entre les boutis et les témoins pour chaque site d’étude (moyenne + erreur-type)

On constate que la dissimilitude diminue avec le temps. La tendance observée est la même sur les trois sites. Pour la suite des analyses, nous nous sommes intéressés au site de la Molière. Nous avons séparé les données en 4 parties selon le type de végétation et la présence/absence de pâturage. Effet pâturage: F(1,8) = 2,014; p = 0,194 Effet végétation: F(1,8) = 2,785; p = 0,134 Pâturage x Végétation: F(1,8) = 0,147; p = 0,315 Effet Temps : F(2,16) = 115,018; p < 0,001 Temps x Pâturage: F(2,16) = 2,741; p = 0,095 Temps x Végétation: F(2,16) = 3,893; p < 0,05

Temps x Pâturage x Végétation = 1,238; p = 0,316

Figure n° 27 : Evolution de la dissimilitude entre les boutis et leurs témoins respectifs durant la période de l’étude (moyenne + erreur-type).

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On constate que la dissimilitude entre boutis et témoins diminue au cours du temps et de façon très forte dès la première année. Le pâturage et le type de végétation n’ont pas d’effet statistiquement significatif sur cette diminution. Enfin nous avons étudié l’évolution de la dissimilitude entre les placettes d’un même plot au cours du temps.

Figure n° 28 : Evolution de la dissimilitude entre les placettes d’un même plot au cours du temps (moyenne + erreur-type).

On voit que l’hétérogénéité au sein des boutis augmente significativement avec le temps dénotant de dynamiques de recolonisation contrastées d’un boutis à l’autre. Le pâturage et le type de végétation ne jouent pas de rôle significatif. A ce stade, il est intéressant de regarder comment évolue le pool d’espèces au cours des différentes années. C’est l’objet de la figure 29 ci-dessous.

Figure n° 29 : Comparaison de la végétation des placettes entre elles selon l’année (moyenne + erreur-type).

La végétation qui apparaît en 2006 immédiatement après les boutis est très spécifique. On assiste entre 2006 et 2007 à un changement quasi complet de végétation. Le niveau de dissimilitude est sensiblement le même lorsque on compare les végétations de 2006 et 2008. La comparaison entre les communautés végétales de 2007 et 2008 dénote

Effet pâturage: F(1,8) = 2,135; p = 0,182 Effet végétation: F(1,8) = 0,001; p = 0,977 Pâturage x Végétation: F(1,8) = 3,334; p = 0,105 Effet Temps : F(2,16) = 61,818; p < 0,001 Temps x Pâturage: F(2,16) = 0,888; p = 0,431 Temps x Végétation: F(2,16) = 0,235; p = 0,793

Temps x Pâturage x Végétation = 2,142 ; p = 0,150 Effet pâturage: F(1,8) = 5,595; p < 0,05 Effet végétation: F(1,8) = 0,001; p = 0,981 Pâturage x Végétation: F(1,8) = 0,177; p = 0,685 Effet Temps : F(2,16) = 66,108; p < 0,001 Temps x Pâturage: F(2,16) = 1,236; p = 0,317 Temps x Végétation: F(2,16) = 0,038; p = 0,962

Temps x Pâturage x Végétation = 0,482; p = 0,626 CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref

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d’un certain renouvellement des espèces, mais bien inférieur aux deux cas précédents indiquant une dynamique végétale en partie déjà stabilisée.

4. Discussion

Les perturbations à petite échelle ont des effets considérables sur la structure des communautés et la composition floristique des prairies (Rebollo & al. 2003 ; Vandvik 2004). Mais ces effets sont très variables, et dépendent des paramètres étudiés.

Evolution du couvert végétal

Le recouvrement du couvert végétal après la perturbation est très rapide. Dès la deuxième année de végétation, nos résultats montrent un seuil de recouvrement supérieur à 90 %. Cette vitesse de recolonisation a déjà été montrée en milieu subalpin par Vandvick (2004). Elle dépend (i) de nombreux facteurs abiotiques (profondeur du sol, type de roche mère…) (Krautzer & Wittman in Van Andel & Aronson 2006), disponibilité en eau et climat général (Lavorel 1994), et (ii) de la capacité de recolonisation des espèces qui dépend notamment de la disponibilité des graines dans le sol (Rebollo & al. 2003) et de leur capacité d’extension végétative. Les espèces colonisatrices (Alchemilla vulgaris et Trifolium repens notamment) profitent du relâchement de la compétition pour la lumière, l’espace et les nutriments créé par la perturbation.

La date de la perturbation joue un rôle important dans la vitesse de recolonisation. Si un site est perturbé à l’automne, il est moins dépendant de la banque de graine qu’au printemps. A l’automne, la dissémination aérienne sera prépondérante. Si la perturbation a lieu en mai, la dissémination des graines n’est pas commencée, donc le rôle de la banque de graines déjà en place et du mode de reproduction végétatif devient prépondérant. Le pâturage joue un rôle significatif dans la capacité de recolonisation des boutis. Isselin- Nondedeu (2005) et Mc Donald & al. (1996, in Touzard 1996) ont montré que les graines étaient enfoncées dans le sol par les animaux pâturant, ce qui augmentait le nombre de graines stockées dans le sol. Toutefois le rôle du pâturage peut s’avérer différent selon la communauté étudiée. En nardaie, le pâturage augmente la vitesse du taux de recouvrement pour les deux premières années. En festuçaie, pour toutes les années de l’étude, le taux de recouvrement est supérieur dans les défens par rapport aux zones pâturées. Ce dernier résultat est similaire avec ceux de Rebollo & al. (2003) obtenus dans les terres cultivées du pourtour méditerranéen. Le mode de recolonisation après perturbation en milieu prairial ayant été bien étudié, nous pouvons expliquer le rôle joué par la communauté sur la vitesse de recolonisation de la façon suivante :

- Certaines espèces sont moins sensibles aux perturbations que d’autres. Kotanen (1995, in Cushman 2004) montre que certains genres, comme le genre Danthonia ne sont pas affectés par les perturbations ;

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- Les espèces à dispersion aérienne colonisent plus vite que les espèces à reproduction végétative (Vandvick 2004). Si la date de la perturbation favorise plutôt le premier mode de dissémination, les caractéristiques propres à chaque espèce influenceront la vitesse de recolonisation du boutis. Une communauté présentant un pool d’espèces dont la majorité se disperse par le vent aura une recolonisation du couvert végétal plus rapide. Vandvik (2004) a montré que la colonisation initiale est limitée par la disponibilité locale en graines. On sait également (Touzard 1999) qu’au-delà de 10 cm de profondeur, il n’y a plus de graines dans le sol, seules les colonisatrices extérieures peuvent alors envahir la surface perturbée. Donc si on admet la tendance générale qui considère les espèces communes alentours comme les premières colonisatrices, le rôle joué par la communauté est clairement établi ;

- De la même façon, la banque de graine présente dans le sol joue un rôle majeur, puisque les espèces avec des petites graines ont plus de difficultés à germer après une perturbation (Rebollo & al. 2003). Touzard (1999) a montré que les perturbations éliminaient les espèces dépourvues de dormance. Les espèces favorisées seraient les dicotylédones pérennes ou annuelles très peu présentes ou à faible fréquence dans le milieu référence ;

- Bakler & Van Diggelen (in Van Andel & Aronson 2006) ont montré que certaines espèces étaient dépendantes de la présence de certains champignons et nématodes dans le sol. Leur absence (conséquence de la perturbation) ralentit donc la vitesse de recolonisation par ces espèces ;

- On peut enfin expliquer le rôle de la communauté par la variabilité des conditions abiotiques (fertilité du sol, profondeur, pH). Cette variabilité se perçoit à travers les communautés végétales supérieures. Une différence de communauté végétale entre deux secteurs d’un même alpage montre une différence de conditions édaphiques, donc une probable différence dans la rapidité de la réponse si ces facteurs jouent un rôle dans la recolonisation.

En matière de recouvrement végétal, la résilience peut donc être estimée ici à deux ou trois saisons de végétation. Cela correspond à une période plus longue que celle observée par Touzard (1999) qui l’estime à 4 mois maximum après une perturbation printanière, mais plus en accord avec les résultats de Tierney & Cushman (2006), qui observent un recouvrement de 80 % 26 mois après la perturbation. Dans notre cas ce temps peut s’expliquer par les conditions climatiques liées à l’étage subalpin qui peuvent ralentir la dynamique de recolonisation par le couvert végétal.

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► Effets de l’âge de la perturbation

L’effet de l’âge sur les boutis et l’évolution de leurs cortèges végétaux montre des changements de composition rapides au sein des boutis résultats déjà observés dans suivis (Vandvick, 2004). Cet auteur souligne que la dynamique de revégétalisation après la première année est plus lente en accord avec les résultats obtenus dans notre étude. Après 3 ans, le pool d’espèces présent sur les boutis est très proche de celui des témoins, mais c’est lors de la deuxième saison de végétation que la dissimilitude entre la composition floristique des témoins et celle des boutis diminue le plus fortement.

Si cette dynamique a été vérifiée sur les trois sites, on constate des variations à l’intérieur d’un site liées au pâturage ou au type de communauté végétale. Il apparaît en effet que dans la nardaie et en présence de pâturage le renouvellement d’espèces propre à la succession végétale post perturbation est limité. On constate de plus que l’hétérogénéité entre les boutis augmente avec le temps de façon similaire quelque soit la communauté ou le régime pâturé ou non. Pour résumer, tous les boutis présentent le même mode théorique de recolonisation, mais chacun d’entre eux à sa propre trajectoire. Le processus de base est le suivant : la perturbation créé une ouverture ou gap, fenêtre de régénération dont profitent notamment les espèces annuelles ou à régénération rapide via des propagules sexuées ou végétatives. Cette ouverture disparaît rapidement, permettant le maintien des espèces les plus compétitives (Lavorel 1994).

Ces processus sont similaires à ceux expliquant l’installation des espèces exogènes voire exotiques dans les espaces perturbés (Cushman & al. 2004 ; Tierney & Cushman 2006). Si les causes favorisant la recolonisation des boutis par des espèces différentes ont été largement évoquées dans la partie précédente, elles ne permettent pas d’expliquer l’hétérogénéité inter-boutis qui semble tout simplement lié à des phénomènes de colonisation et d’installation aléatoire (Van der Maarel, 1993). L’âge des boutis et le timing entre la perturbation sont des hypothèses évoquées par Rebollo & al. (2003), Lavorel (1994) et Hobbs & Money (1985, in Rebollo & al. 2003). On sait également que le sanglier joue un rôle important dans la dispersion des graines par endozoochorie et épizoochorie (Schmidt & al. 2004), mais dont l’importance varie selon les espèces. Trifolium repens, Poa pratensis,

Deschampsia flexuosa sont des espèces bien transportées par le sanglier.

La différence de dynamique secondaire entre les différents types de communautés végétales, amène la conséquence suivante : la festuçaie est recolonisée d’abord par des espèces non typique de la communauté puis rapidement par des espèces plus typiques de la festuçaie elle-même entrainant une résilience forte de la composition floristique qui retrouve un état similaire à celui pré-perturbation. Dans la nardaie cette première phase de recolonisation des boutis par des espèces rudérales au sens écologique du terme se poursuit par l’arrivée et l’installation d’espèces non typiques de cette communauté, mais plutôt typiques de la festuçaie entraînant un glissement de cette communauté d’intérêt

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patrimonial vers une communauté végétale plus triviale pour le site. On peut donc dire que les communautés peuvent être vues comme une mosaïque de microsystèmes à différents états de revégétalisation, dont la structure spatiale et temporelle est en partie déterminée par la fréquence et la répartition des perturbations (Van der Maarel 1993, Vandvik 2004). En conclusion on peut estimer qu’en termes de composition végétale la résilience de la végétation en alpage à 3 ou 4 saisons de végétation.

5. Conclusion

Au regard des résultats obtenus, nous pouvons apporter des éléments de réponse aux questions posées dans l’introduction de cette partie.

Notre premier objectif était d’évaluer la vitesse de recolonisation du sol et le temps de retour à la situation initiale. Nous avons pu constater que dès la deuxième saison de végétation, le recouvrement végétal est proche de 90 %. Cette valeur est confirmée l’année suivante. Le pâturage a un effet minime sur cette vitesse de recolonisation, qui dépend de la communauté étudiée : dans la festuçaie, le pâturage favorise quelque peu la vitesse de recolonisation alors qu’on observe une tendance inverse en nardaie.

Notre deuxième objectif était d’étudier la résilience de la végétation en termes de composition floristique, suite aux boutis de sanglier. Là encore les résultats montrent que 3 ans après la perturbation, les boutis des trois sites étudiés présentent une composition végétale relativement similaire à celles des témoins, et comprennent donc des espèces de milieux prairiaux denses comme Thymus serpyllum, Festuca rubra et Agrostis capillaris. Nous avons mis en évidence une succession végétale post-perturbation, chaque étape étant caractérisée par un pool d’espèces :

- Perturbation = saison 0 ;

- Saison 1 = espèces d’installation rapide (Trifolium repens, Alchemilla

vulgaris) ;

- Saison 2 = espèces post-recolonisation primaire (Hypericum maculatum,

Rumex acetosella, Phleum alpinum) ;

- Saison 3 = espèces de fin de recolonisation : espèces abondantes de la matrice végétale environnante (eg Festuca rubra, Agrostis capillaris,

Nardus stricta).

On peut noter toutefois que les espèces des milieux herbacés matures apparaissent dès la deuxième saison, sans y être majoritaires. Notons également que certaines espèces de ces pools caractérisés ci-dessus peuvent varier sur chacun des sites, en fonction de la composition végétale de la matrice environnante notamment.

Autre résultats important : la nardaie ne réagit pas de la même façon à la perturbation que la festuçaie. Cette dernière est recolonisée par les espèces pionnières

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(Trifolium repens, Alchemilla vulgaris, Rumex acetosella) ainsi que des espèces de la matrice environnante (Festuca rubra…). La nardaie est elle aussi revégétalisée par des espèces colonisatrices (Trifolium repens, Lotus corniculatus) ainsi que des espèces de la matrice environnante (Deschampsia flexuosa, Calluna vulgaris), mais également par des espèces de la festuçaie (Festuca rubra, Stellaria graminea). Cela crée donc un milieu intermédiaire entre nardaie et festuçaie, qui peut à terme et localement amener la disparition de la nardaie au sens strict, qui est un habitat protégé au titre de la directive européenne Habitat Faune Flore de 1992.

Enfin, nous n’avons pas relevé un effet significatif du pâturage sur la composition végétale de la repousse. Dans le temps imparti pour l’étude (3 saisons végétatives), la végétation observée sur les boutis mis en défens n’est pas significativement différente de la végétation observée sur les boutis pâturés. Cela peut notamment s’expliquer par une pression de pâturage suffisamment modérée pour ne peut pas devenir contraignante pour la recolonisation des zones perturbées.

Ce qu’il faut retenir :

- La résilience (recouvrement et composition végétale) est estimée à 3 saisons de végétation ;

- Chaque stade de la succession végétale est identifié par un pool d’espèces caractéristiques ;

- La nardaie est recolonisée par des espèces d’autres communautés, d’où un risque de disparition de cet habitat ;

- L’effet du pâturage n’est pas significatif sur la résilience.

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4. Impact des boutis sur la diversité

1. Introduction page 55

2. Matériels et méthodes page 56

2.1. Impact sur la diversité floristique page 56 2.2. Impact sur la diversité faunistique page 56