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Impact du sanglier sur l’avifaune

3. Résultats et analyses Impact sur la diversité floristique

4.2. Impact sur la diversité faunistique

4.2.1. Impact du sanglier sur l’avifaune

Les Tétraonidés

Les espèces appartenant à cette sous-famille sont notamment le grand tétras (Tetrao

urogallus), le tétras-lyre (Tetrao tetrix), la gélinotte (Bonasa bonasia), le lagopède (Lagopus mutus). Ce sont des espèces emblématiques des milieux naturels ou agricoles de montagne

qui ont à ce titre été souvent étudiées.

L’impact direct du sanglier sur ces espèces est largement suspecté (Maréchal 2005). Les résultats de l’étude bibliographique le montrent : le sanglier peut être une menace pour les populations d’oiseaux vivant ou nichant au sol. Le tétras-lyre préfère pour nicher des prairies à dactyle (Dactylus glomerata) et à fétuque rouge (Festuca rubra) car la repousse y est plus précoce et les arthropodes plus abondants (Magnani 1987). Or c’est précisément ces prairies là qui concentrent les perturbations dues aux sangliers sur les alpages étudiés. Comme ces animaux nichent au sol, l’immobilité au nid qui en résulte augmente le taux de prédation par des prédateurs terrestres (Caizergues 1992). Cet auteur a montré une corrélation positive entre la proportion de femelles avec des jeunes et la densité des prédateurs, confirmant par là la fragilité de ces espèces à ce moment de leur cycle de développement.

L’impact du sanglier, qui semble certain au vu de son régime alimentaire et sa qualité d’opportuniste, reste toutefois à évaluer précisément. Les aliments d’origine animale comprennent des oiseaux (œufs et nichées) mais excèdent rarement 10 % de son alimentation (Schley & Roper 2003). La prédation directe du sanglier dépend de nombreux facteurs (Müller 1984 in Saniga 2002): le type d’habitat, la couverture végétale, la date de ponte, la localisation des nids. En Europe de l’Est, 9 % voire 30 % localement des prédations sur les œufs de grand tétras sont dues au sanglier (Klaus 1984, Saniga 2002). De la même façon, depuis que le sanglier est présent dans la réserve de biosphère Prioksko-Terrasnyi en Russie, les populations d’oiseaux nichant au sol ont largement diminué, notamment les Tétraonidés (Bobrov & al. 2008). Klaus & al. (1987) montrent une corrélation négative entre le nombre de grand tétras et la densité de sanglier. Menoni & Duriez (2008) indiquent que le sanglier en densité importante peut être un redoutable prédateur des pontes et des jeunes poussins.

La dispersion spatiale et la remontée en altitude du sanglier augmente les probabilités de rencontre, et augmente donc la probabilité de prédation (Magnani, communication personnelle).

Il convient toutefois de nuancer ces propos. Selon divers auteurs (Caizergues 1992 et 1997, Storch 1991, Menoni & Corti 2000, Saniga 2003 et Müller 2001 in Maréchal 2005, Korpimäki & al. 1991 et Dell’Arte & al. 2007 in Reif 2008), les oiseaux vivant ou nichant au sol ont beaucoup d’autres prédateurs naturels :

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- Le renard ;

- Les mustélidés : martre, hermine ; - Les corvidés ;

- Le lynx ;

- Les oiseaux de proie (aigle royal, autour des palombes).

- L’homme est lui-même cité comme espèce mettant en danger ces populations (Miquet 1990 in Caizergues 1997).

Souvent, la part de la prédation affectée au sanglier est bien inférieure à celle des espèces citées ci-dessus. Si le sanglier est responsable de la perte de 10 % des œufs de huit espèces nichant au sol et de 10 % de leur poussins ; le renard, le lynx, l’hermine et la martre réunis sont responsables de la perte de 21 % des œufs et de 27 % des poussins (Saniga 2003). Une autre expérience avec des pontes artificielles montre que le sanglier est responsable de 18 % des nids pillés, contre 28 % pour les corvidés et 18 % pour le renard. Le sanglier ne peut porter atteinte aux populations d’oiseaux uniquement pendant la période de reproduction. Et il faut considérer que l’essentiel de la mortalité juvénile a lieu en hiver pour ces espèces (Caizergues 1992). Angelstam (1984, in Caizergues 1992) montre que l’augmentation du taux de prédation des femelles au printemps est lié à un changement de comportement (les mères maximisent la prise de nourriture et diminuent leur vigilance) qui les rend plus vulnérables aux prédateurs aériens. On peut également nuancer l’impact des sangliers sur les oiseaux en citant Bernard (1981) qui a montré que le dérangement lié à la présence d’un troupeau peut diminuer le taux de réussite des pontes de tétras-lyre. Ce qui n’est pas à négliger au vu du contexte pastoral de cette étude. Enfin, il apparaît que des espèces comme la gélinotte (espèce surtout forestière), le lagopède et la perdrix bartavelle (espèces nichant à plus haute altitude) sont moins sujettes à la prédation que les autres espèces d’oiseaux.

Le sanglier peut également impacter les populations de Tétraonidés de façon indirecte, en modifiant le milieu. On sait par exemple que pour assurer une bonne nichée, le tétras-lyre a besoin de végétation d’une grande richesse spécifique, et d’un recouvrement de la strate herbacée (25-50 cm de hauteur) d’au moins 50 % sur 1 hectare (Magnani 1987 et communication personnelle). Nous avons vu que le sanglier créait des zones de terre nue sur les alpages. Nous avons pu estimer (partie 2) qu’au maximum 40 % des points étudiés étaient des boutis récents. Cela peut paraître suffisant empêcher la nidification du tétras- lyre dans certaines zones particulièrement touchées.

Autres espèces

Parmi la diversité des espèces nichant ou vivant au sol, on peut citer par exemple la bécasse des bois (Scolopax rusticola), l’engoulevent d’Europe (Caprimulgus europaeus), l’alouette lulu (Lullula arborea), ou encore l’alouette des champs (Alauda arvensis). Mais peu d’études réalisées autour de ces espèces nous intéressent aujourd’hui directement.

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Quelques éléments apportent toutefois des réponses à nos questions. Ces espèces ont en effet les mêmes prédateurs que les Tétraonidés (ONCFS 2007), l’impact direct du sanglier sera donc le même. L’étude de Bobrov & al. (2008) dans la réserve de biosphère de Prioksko- Terrasnyi montre que l’effet est le même (réduction des populations d’oiseaux nichant au sol) quelques soit l’espèce étudiée.

L’impact indirect du sanglier sur les oiseaux est lié aux modifications des habitats et à la création de zones de terre nue. Cet aspect là n’ayant à notre connaissance pas du tout été étudié, nous avons choisi de faire le parallèle entre les activités de fouissage des chiens de prairie (Cynomys sp) et les activités de fouissage des sangliers. Smith & Lomolino (2004) ont ainsi montré que la richesse spécifique moyenne des oiseaux est supérieure dans les zones où le chien de prairie est présent. Ce sont les oiseaux de proie (Faucon crécerelle Falco

tinninculus, buse variable Buteo buteo,…) qui profitent le plus des zones de terre nues créées

par ces animaux (Smith & Lomolino 2003), car leurs proies habituelles (reptiles, insectes, oiseaux nichant au sol, micromammifères) sont plus facilement détectables depuis les airs.

L’intensité des dégâts de prédation varie selon les densités de populations des espèces concernées (sanglier et proies) et selon l’importance de la perturbation. Il est donc difficile de tirer des conclusions sur l’impact des sangliers sur les oiseaux vivant ou nichant au sol. L’impact est réel, et même si le présence du sanglier peut être un facteur aggravant les mauvaises dynamiques de ces oiseaux, les principales raisons de la diminution des tétraonidés (Klein & al. non daté) et plus largement des autres espèces concernées ici ne peuvent être imputées aux sangliers.