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Exécution de décisions étrangères en matière de faillite

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Exécution de décisions étrangères en matière de faillite

MARCHAND, Sylvain

MARCHAND, Sylvain. Exécution de décisions étrangères en matière de faillite. In: Leuenberger, Christoph & Guy, Jacques-André. Entraide judiciaire et exécution forcée : affaires

civiles, enlèvements d'enfant et faillites . Berne : Stämpfli, 2004. p. 161-186

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:13067

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Exécution de décisions étrangères en matière de faillite

Prof. SYLVAIN MARCHAND

Table des matières

1. Introduction ... 161

A. Le juge et le préposé... 161

B. Le juge étranger et le préposé suisse ... 162

II. Décisions d'exequatur dans le cadre d'une faillite suisse... 163

A. La procédure préalable ... ... 163

B. La procédure de faillite... 169

C. Concordat en Suisse ... 171

III. Effets en Suisse d'une faillite prononcée à l'étranger... 172

A. Le droit suisse de la faillite internationale... 172

B. Reconnaissance de la décision de faillite étrangère... 177

C. Reconnaissance de l'état de collocation étranger. ... 181

D. Reconnaissance d'un concordat ou d'une procédure analogue ... ... ... 182

IV. Conclusion et propositions... 184

Auteurs cités dans les notes de bas de page... 185

1. Introduction

A. Le juge et le préposé

Le droit de la faillite, c'est le passage plus ou moins harmonieux du Palais de justice à la salle des ventes. Ce passage implique une étroite collaboration entre l'autorité administrative et l'autorité judiciaire. Le juge est appelé à intervenir dans la procédure soit en qualité d'organe de poursuite, soit en qualité d'autorité judiciaire'. Le préposé aux offices est pour sa part au ser- vice du juge, dont il inscrit les décisions dans la dure réalité de la salle des ventes.

Toute collaboration entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, en- tre le fonctionnaire et le juge, entre l'Etat et la justice, est susceptible de créer des frictions. Pourtant, la collaboration du juge suisse et du préposé suisse à l'Office des poursuites, mûrie par la pratique d'une loi centenaire.

Sur celle double fonction du juge. cf. Siofrei. Voies d'exécution. p. 47 55: Amonn/Gasser.

Grundriss des Schuldbetreibungs+ und Konkursrechts. 6""'" éd. p. 21-15: Fritzsche/Waldcr.

Schuldbelreibung und Konkurs nach schweizenschem Recht. p. 36-39: Gilliéron. Commentaire de la LP, Ail. 23. N 13 ss.

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est efficace, et nul ne songe à la remettre en question au protit de l'une ou l'autre de ces autorités.

La question se complique lorsque entre le Palais de justice et la salle des ventes, il y a une frontière, lorsque entre le juge et le préposé, il y a un douanier.

B. Le juge étranger et le préposé suisse

Dans l'espace judiciaire mondial qui résulte de la globalisation des échan- ges, le juge avec lequel le préposé aux offices est amené à collaborer n'est plus forcément le juge suisse.

Pris en tenaille entre les très contradictoires mais néanmoins très établis principes du droit des poursuites que sont le principe de l'universalité et de l'unité de la faillite d'une part, et le principe de la territorialité d'autre part', le spécialiste des poursuites pourrait être tenté de voir dans toute frontière les limites de son art. Les spécialistes du droit international privé ou de la procédure civile ne sont pas moins empruntés quant à l'épineuse question de la collaboration inattendue entre le juge étranger et le préposé suisse à l'Office des poursuites.

Pourtant, l'organisation des patrimoines et des relations commerciales ne permet plus de faire l'impasse sur cette question. Que cela lui plaise ou non, le préposé aux offices doit se préparer à se mettre au service du juge étran- ger; qu'il le veuille ou non, le juge étranger sera amené à intervenir dans des procédures d'exécution forcée suisses. La collaboration internationale dans la gestion des procédures d'insolvabilité est devenue inévitable.

Que l'on se rassure pourtant: les deux mondes parfaitement exogènes du fonctionnaire suisse et du juge étranger ne sont pas mis en contact frontale- ment. Ce mariage impossible a besoin d'un entremetteur, et c'est le juge suisse qui est chargé de ce rôle délicat. Il lui revient en effet de réunir ces cultures imperméables, ces missions divergentes, ces logiques antipodes, par la délicate procédure de l'exequatur. Il assume cette périlleuse tâche d'intercession lorsque la faillite est prononcée en Suisse mais présente des éléments d'extranéité (infra ch. II), oU lorsqu'un débiteur est déclaré en faillite à l'étranger mais possède des actifs en Suisse (infra ch. III).

SlOffeL p. 374 5S: ATF 111 III 38. c. 1: A TF 107 Il 484. c. 1

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II. Décisions d'exequatur dans le cadre d'une faillite suisse

A. La procédure préalable

a. Procédure préalable lorsque la créance a déjà été reconnue judiciai- rement à l'étranger.

1.

Mainlevée définitive.

Lorsqu'un jugement étranger condamnant le débi- teur à une prestation pécuniaire a été déjà rendu avant l'introduction d'une poursuite en Suisse contre le débiteur, ce jugement étranger sera invoqué par le créancier dans le cadre de la mainlevée définitive d'une éventuelle opposition du débiteur.

2. Compétence du juge de mainlevée.

Il s'agit d'un cas d'exequatur ex- pressément prévu par l'article 81 al. 3 LP. Le juge de mainlevée est compétent pour prononcer cet exequatur ainsi que l'indique l'article 84 LP, confirmé en Europe par l'article 32 ch. 1 quinzième tiret de la Convention de Lugano. Il est admis qu'en requérant la mainlevée défi- nitive sur la base d'lITI jugement étranger, le créancier en requiert impli- citement l'exequatur. La décision reconnue en Suisse doit être exécu- toire selon le droit de l'Etat dans lequel elle a été rendues. Les condi- tions de l'exequatur sont celles qui ont été exposées dans le rapport pré- cédent.

3. Compétence exclusive?

La question de savoir si le créancier peut obte- nir l'exequatur de la décision indépendamment de la poursuite, de façon à obtenir par la suite une mainlevée définitive en produisant la décision d'exequatur, est largement contestéé. Certains l'excluent, et voient dans le quinzième tiret de l'article 32 ch. 1 de la Convention de Lugano la confirmation de la compétence exclusive du juge de la mainlevée.

Cette optique nous paraît trop rigide: une décision étrangère peut com- porter un dispositif complexe comprenant une condamnation à une pres- tation matérielle et une condamnation pécuniaire. Par exemple, un dis- tributeur peut être condamné à restituer au concédant un stock de pro- duits, et à l'indemniser pour le préjudice causé par la résiliation du contrat pour justes motifs. Dans un tel cas, il n'est pas raisonnable d'envisager un exequatur en deux étapes de la décision. Si son exequa- tur a déjà été prononcé par le juge cantonal compétent, le créancier peut poursuivre le débiteur pour les aspects pécuniaires de la décision et se

Convention de Lugano concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions cn matière civile du 16 septembre 1988, RS 0.275.11, ci-après Convention de Lugano. CLug. Ou- tre la Convention de Lugano. il existe de nombreuses conventions bilatérales de reconnaissance qui déterminent les conditions de l'exequatur. Stoffel en fait la liste en page 126. note 80.

RJN 1998 t 17.

A TF 127 III 186 = JdT 2001 14: Tribunal cantonal des grisons, PKG 1996. N 23. p. JO 1.

cf. Peter, La LP et la Convention de Lugano, dix ans de jurisprudence. p. 4, et l"abondanlc doctrine citée par cet auteur en note 9.

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prévaloir de la décision d'exequatur comme d'un titre de mainlevée dé- finitive suisse (article 80 al. 1 et 2 LP)'-

4. Sentence arbitrale.

Une sentence arbitrale internationale définitive rendue par un Tribunal arbitral siégeant en Suisse n'a pas besoin d'être exequaturée. Il suffit au créancier de produire un certificat de force exé- cutoire au sens de l'article 193 LOIP, pour pouvoir obtenir la mainlevée définitive de l'oppositions. Par contre, une sentence arbitrale définitive rendue par un Tribunal arbitral siégeant à l'étranger doit faire l'objet d'un exequatur conformément aux règles de la Convention de New York de 19589 La décision d'exequatur est rendue par le juge de la mainlevée définitive.

5. Décisions administratives étrangères.

Les décisions administratives d'un Etat étranger ne sont pas des titres de mainlevée détinitive pouvant faire l'objet d'une demande d'exequaturlO

6. Acte authentique.

L'article 50 de la Convention de Lugano prévoit l'exequatur des actes authentiques exécutoires dans le pays où ils ont été dressés. Un acte authentique étranger peut donc valoir titre de mainle- vée détinitive, et faire l'objet d'un exequatur dans le cadre de la procé- dure de mainlevée!!,

7. Recours.

La décision de mainlevée et d'exequatur est susceptible du recours cantonal prévu dans la plupart des Cantons en matière de main- levée, et d'un recours de droit public au Tribunal fédéral12 • Outre les griefs propres à la mainlevée, le recourant peut également contester l'exequatur de la décision étrangère. Si celle-ci a été prononcée en vertu de la Convention de Lugano ou d'une autre convention de reconnais- sance, le pouvoir de cognition du Tribunal fédéral est illimité en fait et en droit (article 84 al. 5 let. c 01). Il est limité à l'arbitraire si l'exequatur a été prononcé selon la loi sur le droit international privé.

Dans les rares cantons ne prévoyant pas de recours cantonal en matière de mainlevée1" le recourant peut néanmoins contester la décision

Dans ce sens notanunent, SlOffel, p. 125 S5, qui distingue la mainlevée d'exécution (exequatur intégrée dans la procédure de mainlevée) et la mainlevée de reconnaissance (décision d'exequatur séparée de la décision de mainlevée).

AmonniGasser, p. 123, par. 19, N 38.

Convention de New York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères, RS 0.127.12; Gîlliéron, Art. 80, N 33.

10 AmonnlGasser, p. 124, par. 19, N 49. Doivent être réservés cependant certaines conventions internationales prévoyant Je contraire pour des décisions précises; cf. par exemple at1icle 94 al.

4EIMP.

il Cf. notamment Meier, Besondere Vollstreckungstitel nach dem Lugano-Übereinkommen, Das Lugano Übereinkommen, St Gall 1990, p. 191 ss; Donzallaz, La Convention de Lugano du 16 septembre 1988 concernant la compélence judiciaire et l'exécution des décisions en matière ci- vile et commerciale, Berne 1996-1998, vol. Il, 5215 ss; Markus, Lugano Übereinkommen und SchKG-zustandigkeit Thèse Bâle 1996,2. éd. Bâle 1997, p. 86: Gîlliéron, Art. 80, N 39 et Art 83. N 32.

12 cf. A ce sujet Peter, p. 15; ATF 126 III 534; Sur le recours cantonal, cf. ZR 2000 N 33, p. 94.

l' Voir la liste des recours cantonaux dressée par Stoffe!. p. 104.

164

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d'exequatur devant le Tribunal cantonal supérieur si celle-ci a été rcn- due sous l'angle de la Convention de Lugano. Les articles 36 et 37 ch 1

15è"~ Liret CLug. prévoient en effet impérativement une telle voie de re-

cours cantonale'"',

8. Mesures provisionnelles. En cas de recours, une saisie provisoire Cl un inventaire peuvent être ordonnés par le premier juge. L'article 83 al. 1 LP ne prévoit ccs mesures provisionnelles qu'en cas de mainlevée pro- visoire et non en cas de mainlevée définitive, mais il s'agit là d'une la- cune de la loi qui doit être comblée en accord avec l'article 39 al. 2 de la Convention de Luganol5.

b. Procédure préalable si la créance n'a pas encore été reconnue judi- ciairement à l'étranger

9. Action ef/ reconnaissance de dette. Si le créancier ne dispose pas de titre de mainlevée provisoire, il doil intenter une action en reconnaissance de delle (article 79 LP). Si le for judiciaire est à l'étranger, cette action en reconnaissance de deue doit être introduite à l'étranger. Or, le juge étranger n'est pas compétent pour prononcer la mainlevée d'une opposition à un commandement de payer suissel6Le créancier, muni de la décision étrangère. doit donc déposer en Suisse une requête en mainlevée définitive impliquant l'exequatur de la décision étrangère. avant de pouvoir continuer la poursuite.

10. Mainlerée prorisoire et action en libération de dette. La question des rapports entre l'article 82 LP et les conventions internationales sur l'exequatur réservées par l'article 30a LP, singulièrement la Convention de Lugano, a été abondamment débattue et aucune solution uniforme ne se dégage de la doctrine ou de la jurisprudence. Deux conceptions s'opposent:

- Dans une première conception, la mainlevée provisoire est une insti- tution du droit des poursuites non soumise à la Convention de Luga- no. Elle peut donc êlre ordonnée au for de poursuite, quel que soit le for judiciaire. L'action en libération de dette eSI au contraire une ac- tion judicaire qui doil êlre introduite au for judiciaire prévu par la Convention de Lugano. Si le créancier a gain de cause, il doit obtenir l'exequatur de la décision étrangère déboutant le débiteur pour pou- voir continuer la poursuite. Cette solution pose cependant le problème de la nature de l'action en libération de dette: l'action doit être intro- duite par le débiteur qui doit faire constater l'inexistence de la dette.

Si une telle action négative en constatation de droit n'est pas possible

l~ ZR 2000 N 33. p. 94: Le Tribunal fédéral a indiqué que le recours devait êue ouvert même si la décision d'exequaturesi négative: ATF 125 1412 = JdT 2000 TI 3.

l~ Gilliéron. Art 30a. N 70. Stoffe!. p. 131: cf. cependant ATF 108 III la.

16 Gillliéron. Art. 30 a. N &8.

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au for judiciaire, le for de poursuite doit être retenu comme for de né- cessité17 .

- Dans une seconde conception, la mainlevée provisoire et l'action en libération de dette forment un système unique qui ne peUl être scindé, Si le for judiciaire détenniné par les conventions internationales est à l'étranger, le créancier qui veut obtenir la mainlevée de l'opposition doit introduire une action à l'étranger et obtenir l'exequatur du juge- ment étranger en Suisse pour pouvoir continuer la poursuitel8.

Il. La répartition dll contentiellx fait partie dll contentieux. Notre préfé- rence va clairement à la seconde conception. Le système suisse de la mainlevée provisoire suivie de l'action en libération de dette est une rè- gle d'inversion du contentieux entre le créancier et le débiteur. Or, si le contentieux est soumis à une juridiction étrangère en vertu d'une convention internationale ratitïée par la Suisse, cette juridiction com- prend également la répartition du contentieux et le rôle respectif des parties. En ratifiant une convention internationale attribuant des compé- tences judiciaires en matière internationale, la Suisse renonce à la facul- té de décider de la répartition du contentieux entre les parties lorsque ce contentieux est soumis à une juridiction étrangère. Elle ne saurait reve- nir sur cette renonciation par l'argument artificÎel du for de nécessité en Suisse. Le juge suisse saisi d'une demande de mainlevée concernant une créance soumise à une juridiction étrangère doit décliner sa compétence, et renvoyer le créancier à une demande en reconnaissance de dette au for étranger.

12. Saisie provisoire. Par contre, à notre avis, le juge suisse de la mainlevée reste compétent pour ordonner une saisie provisoire. Il s'agit d'une me- sure provisionnelle qui peut être ordonnée au for du lieu de l'exécution19.

13. Action en annulation de la pOllrsllite. L'action en annulation de la poursuite de l'article 85a LP pose un problème similaire à celui de l'action en libération de dette, puisqu'il s'agit d'une action judiciaire pour laquelle la loi sur les poursuites prévoit une inversion de conten- tieux (le débiteur devant agir contre le créancier). La nature clairement judiciaire de cette action implique que le for de poursuite prévu à l'article 85a Lp20 cède le pas au for judiciaire prévu par une convention internationale réservée à l'article 30a Lp2I. Cela dit, si le for judiciaire

li Les principaux représentants de ce courant doctrinal sont cités par Peter, note 30. Cette concep- tion eSI adoptée par certaÎns tribunaux cantonaux: Lucerne: RSJ 94 (1998) p. 368; ValaÎs: RVJ

1995 p. 183. BISçhKG 1996, p. 33: Vaud: RSDIE 1996 p. 97.

IS Les principaux représentant de ce courant doctrinal sont cités par Peter, note 24. CeHe concep- tion est adoptée par certains tribunaux cantonaux: Genève: RSDIE 1994 p. 395: RSDIE 1997, p.

358: Bâle: BJM 1994 p. 317; Valais: RVJ 1994 p. 312 = RSDIE 1995, p. 237; Zurich: ZR 1998, N 14. p. 42; Grisons: PKG 1997. N 20. p. 82: PKG 1999. N 19, p. 67.

J~ Article 14 CLug.

20 For qui par ailleurs n'est pas impératif: BK-Bodmer, AL1. 85a N 14.

21 Cf. Dans cc sens Peter. p. 19 (ch. G).

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est à l'étranger, il n'est pas certain que le droit étranger admette une ac- tion négative en constatation de droit telle qu'ellc est prévue à l'article 8Sa LP, La solution du for suisse de nécessité est un artifice maladroit qui dissimule à notre avis une violation par la Suisse de ses engage- ments internationaux. Un tel for de nécessité permet par ailleurs au dé- biteur d'échapper au for judiciaire et de ramener le litige au for de pour- suite, ce qui peut être particulièrement choquant s'il s'agit d'un for élu.

Le juge saisi d'une demande d'annulation de la poursuite concernant une créance pour laquelle le for se trouve à l'étranger doit donc suspen- dre provisoirement la procédure aux conditions de l'article 8Sa al. 2 LP.

Il doit ensuite accorder un délai au créancier pour agir au for judiciaire, puis obtenir l'exequatur la décision en Suisse, avant de pouvoir conti- nuer la poursuite22.

14. Autres cas d'annulation ou de suspension. Par contre, lorsqu'il s'agit uniquement de constater qu 'un sursis a été accordé par le créancier au débiteur (action en suspension de l'article 8Sa LP) ou dans les cas de requête en annulation ou suspension où le débiteur peut prouver par titre l'extinction ou l'inexistence de la créance (requête en annulation ou suspension de l'article 85 LP), le juge du for de la poursuite reste à no- tre avis compétent 3uel que soit le for judiciaire. La décision relève du droit des poursuites 3, et ne consiste pas en un contrôle judiciaire de la créance.

15. Délai de continuation de la poursuite, Lorsqu'à la suite d'une opposi- tion, la créance a été vérifiée judiciairement à l'étranger, se pose la question du délai de continuation de poursuite. La réquisition de conti- nuation de la poursuite doit intervenir avant la péremption d'une année du commandement de payer. Ce délai de péremption est suspendu selon l'article 88 LP entre l'introduction de la procédure et le jugement défini- tif prononçant la mainlevée'"' Or, ce n'est pas le jugement étranger qui prononce la mainlevée, mais le jugement d'exequatur en Suisse du ju- gement étranger25 • Après avoir obtenu la décision étrangère, le créancier n'est soumis à aucun délai pour introduire sa requête en mainlevée défi- nitive. Si la péremption du commandement de payer restait suspendue entre temps, celle-ci pourrait s'étirer à l'infini. Il nous paraît donc justi- fié de considérer qu'entre la décision étrangère détinitive, et

.. Cf. BK-Bodmer. Art. 84a. N 25. L 'auteur considère que le juge suisse reste compétent pour prononcer les mesures pro\'isoires de l"anide 85a Il LP. Ce problème est en grande partie réglé par la solulion scIon laquelle si le for judicaire est à J'étranger. le créancier doit intenter une ac- tion au fond au for judiciaire même sïl dispose d'un litre de mainlevée (Supra N 10 et II): en effet, le principal cas d'action en annulation est celui le débileur a omis d'agir en libération de delle dans le délai de vingt jours de l'at1icle 83 LP (cf. Stoffe!, p. 119),

23 BK-Bodmer. At1. 85. N 29,

1l Le délai ne recommence pas à courir lant que Je créancier n'est pas en possession d'un litre établissanl le caractère définitif el exécutoire du jugement levant l'opposition: BK-Lehrecht.

Art. 88, N 23, ATF 106 IiI 51.

,5 Gilliéron, Art. 30a. N 88.

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l'introduction de la requête en mainlevée définitive, le délai de péremp- tion du commandement de payer recommence à courir.

16. Récapitulatif graphique concernant le délai de continuation de la poursuite.

Commandement de payer

action introduite à

j'I!tranger

décision étrangère

Suspension Péremption: 1 +2+3= 1 an 3

jugement d'exequatur et

mainlevée définitive e:técutoire en

Suisse

demande d'exequarur

Réquisition de continuation

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B. La procédure de faillite a. Constitution de la masse active

17.

u

my/he de l'universalité. Une fois que la procédure de faillite du débiteur est ouverte en Suisse, la théorie veut que sont erret soil univer- sel, el que tous les biens du débiteur tombent dans la masse en faillite, quelle qu'en soit la localisation'6 .

18.

us

limites de la territorialité. En réalité, l'appréhension des biens à l'étranger par l'administration de la faillite suisse dépend de la recon- naissance de la décision de faillite suisse par les autorités étrangères, et de l'effet que l'Elat élranger accorde à celle reconnaissance''. Sous ré- serve des quelques conventions internationales de reconnaissance mu- tuelle auxquelles la Suisse est partielS, cette question relève exclusive- ment du droil étranger du lieu de situation des biens. En particulier, la Suisse ne bénéficie pas du syslème qui se mel en place en Europe à lra- vers le règlement européen relatir aux procédures d'insolvabilité (RPI) 29, selon lequel une décision de faillite dans un Etat européen doit être reconnue dans les autres Elats, ce qui permet à l'administration dc la faillite de raire entrer dans la masse active les biens du débiteur Oll

quïls soient en Europe'o

19. Créance du failli en restitution d',LII bien à l'étranger. Si les biens à l'élranger ne peuvent entrer dans la masse de la faillite que moyennant reconnaissance de la décision de faillite à l'étranger, et conformément aux conséquences de cette reconnaissance selon le droit étranger, le dé- bileur failli en Suisse peut avoir une créance en restitution de ces biens.

Or, celle créance est localisée en Suisse, selon les règles du droit suisse de localisation des créances". Elle enlre dès lors dans la masse active

26 Art. 197 al. 1 LP. 27 OAOF.

n A TF III III 38; A TF 107 Il 484: Stoffe\. p. 275.

13 Convention du 12 décembre 1825113 mai 1826 entre divers COnions suisses el le Royaume de Wunernberg concernant la faillite. l'égalilé de traitement enlre les res-'iOl1issants des Etats contractants en matière de faillite: Convention du Il mai/21 juin 1834 entre divers cantons suis- ses el le Royaume de Bavière sur régalilé de traile~nl des ressortissants des deux Elats contractants en matière de faillite: Convention du 4/18 février 1837 entre divers cantons suisses et le Royaume de Saxe sur r égalité de traitement des ressonissanls des deux Etats en matière de faillite. cf. KnoepOer. Schweizer. Droit international privé suisse. Beme 1995. p. 320. Ces Conventions S(lrIl considérées par le Tribunal fédéral comme des te"tes de droit canlonal: ATF

104 III 68.

!9 Règlemenl (CE) n° 134612000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité.

JO L 160 du 30.06.2000, p. 1-18 (ci après le Règlement. RPI). Un règlemenl européen est di- rectement applicable dans les Etats membres. Le Règlement est en vigueur depuis le 31 mai 2002 (article 47 RPI).

:lO Soil directement (art. 16 ss RPI), soit après ou\'en.ure d'une procédure secondaire (art. 27 ss RPr, mais seulement si le débiteur avait un établissemenllocal: art. 3 a12 RPI) dont le solde est remis à la masse active de la procédure principale (an. 35 RPI).

~l ATF 107 III 147, cons. a: Stoffe!. p. 218: une créance est localisée au siège du créancier. sauf si celui-ci est à l'étranger.

169

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comme n'importe quel autre bien en Suisse3~, indépendamment de la re- connaissance de la décision de faillite à l'étranger. Cependant, la ques- tion de savoir si la masse en faillite, ou un créancier cessionnaire, se verrait reconnaître la qualité pour agir contre le débiteur à l'étranger dé- pend du droit étranger. Cela paraît douteux, dans la mesure où les règles de localisation des créances du droit européen ne correspondent pas à celles du droit suisse33.

20. Décision étrangère relative

011

statllt réel d'lin bien en SlIisse.

Un tiers qui aurait introduit contre le débiteur une action en revendication à l'étranger ne pourrait obtenir l'exequatur de la décision en Suisse et faire valoir cette décision comme jugement de revendication au sens de l'article 242 al. 2 LP. Le for de faillite déterminé à l'article 242 al. 2 LP est impératif et la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à la procé- dure de tierce opposition dans le cadre de la saisie doi t s'appliquer mu- tatis mutandis:

( ( ... J la seule question à trancher est de savoir si l'objet en ques- tion peut être réalisé dans la poursuite en cours (. .. J. Ce lien étroit m'ec la procédure d'exécution forcée a pour conséquence que seul le juge suisse peut être compétent pour statuer dans une procédure de tierce opposition. Une exécution forcée sur un bien dans le pays ne peut être diligelltée que par les autorités suisses. >r14

21. Revendication par la masse d'lin bien

à

l'étranger.

La question de savoir si la masse en faillite a qualité pour agir à l'étranger en revendi- cation d'un bienJ5 relève exclusivement du droit étranger. L'ad- ministration suisse de la faillite ne bénélicie en effet pas des pouvoirs que confère aux syndics de faillite européens l'article 18 RPr.

b. Constitution de la masse passive

22. Créances sOllmises

à 1111

for

à

l'étranger,

La constitution de la masse passive implique l'examen des créances produites, à l'occasion des contestations relatives à l'état de collocation. Certaines de ces créances peuvent être soumises à un for étranger. Leur vérification ou leur contestation doit-elle dès lors être soumise au juge étranger, dont la dé- cision devra faire l'objet d'un exequatur en Suisse avant que l'état de collocation ne puisse être définitif?

3:: En matière de saisie par exemple, une créance du débiteur en restitution des avoirs auprès d'une banque allemande est saisissable: BLSchK 2001-138.

33 Selon l'article 2 let. g du RPI, une créance est localisée dans l'Etat sur le territoire duquel se trouve le centre des intérêts principaux du tiers débiteur.

" ATF t98t tII lI8 =JdT 1983 li 131.

'>5 An. 242 al. 2 LP. L 'action doit être introduite au for judiciaire ordinaire: BK-Russenberger, Art.

242, N 46.

(12)

23. Natllre particlllière de l'action ell contestation de l'état de coliocatioJl.

Un raisonnement similaire à celui qui a été tenu par le Tribunal fédéral en matière de revendication devrai. également valoir en matière de contestation de l'état de collocation. L'action en contestation de l'étal de collocation a uniquement Four but de trancher de l'admission du créancier dans la faillite suisse'" Elle n'oppose pas le créancier et le dé- biteur, mais des parties dont la confrontation résulte de la procédure de faillite. Elle n'a d'effet de chose jugée que pour la poursuite en cours"- L'action doit donc être portée au for de faillite)8, quel que soit le forju- diciaire de la créance selon les règles internationales en la matière.

24. Procès en cOllrs. Un problème particulier survient cependant lorsque le tiers avait déjà introduit une action judiciaire à l'étranger contre le débi- teur au moment de l'ouverture de la faillite. Le droit étranger détermine seul les effets de la faillite sur le procès en cours. L'application de l'article 63 OAOF à cette situation implique que la créance soit men- tionnée à l'état de collocation, puis inscrite définitivement si ni la masse en faillite ni un créancier ne reprend le procès au for judicaire. Le bUl de cette disposition est d'éviler qu'un créancier qui a déjà inrroduit une ac- tion au for judicaire soit obligé de recommencer une action pour la même créance au for de faillite39. La question de savoir si l'article 63 OAOF s'applique également en matière internationale n'a jamais été tranchée par la jurisprudence·o, mais on ne voit pas en quoi le sentiment d'équité et d'économie de procédure qui gouverne celle règle serail dif- férentlorsque le procès est ouvert à l'étrange!"'. Si le créancier obtient gain de cause, il doit encore obtenir l'exequatur en Suisse de la décision étrangère avant d'être inscrit définitivement à l'état de collocalion suisse.

C. Concordat en Suisse

25. Action en reconnaissance de dette dans le cadre dit cOllcordat ordi- naire. Lors de l'homologation d'un concordat, le juge assigne un délai de vingt jours aux créanciers dont la créance est contestée pour faire re- connaître leur créance (art. 315 LP). Il s'agit d'une action judiciaire·' qui doit être portée au for du concordal4). En matière internationale, la primauté des conventions internationales implique que l'action sail por-

36 Gilliéron. Art. 250, N 44.

" ATF98 t113J8=JdT 19731549.

3!! Le for de faillite prévu à l'article 250 LP est impératif: BK-Hierholzcr. Art. 250, N 46.

19 Fritzsche/Walder. par. 49, N 15.

-10 La question est laissée ouverte in: A TF 93 III 89 N 15= JdT 1968 Il 44. Gilliéron, Art. 207, N 16 fait dépendre l'application de cette disposition de la reconnaissance par l'Etat étranger du droit de la masse ou d'un cessionnaire de se substÎ!Ucr au failli dans le procès en cours.

41 Dans ce sens Fritzsche/Walder, par. 49, p. 301, nOie 28: «Andl!mfalls ergabe sich cine unn6tige Wiederholung von Prozessen }'.

42 Amonn/Gasser, par. 54, N 66, BK-Guggisberg, An. 315. N 5 S5.

~3 For non impératif: BK-Guggisberg, Art. 315. N Il.

(13)

tée au for judicaire déterminé par les conventions en vigueurs44La dé- cision étrangère doit faire l'objet d'un exequatur en Suisse avant que le créancier ne puisse prétendre participer au concordat.

III. Effets en Suisse d'une faillite prononcée à l'étranger

A. Le droit suisse de la faillite internationale

26. Sources de droit. La Convention de Lugano n'est pas applicable à la reconnaissance d'une procédure de faillite';. A défaut de convention in- ternationale, l'effet d'une faillite étrangère en Suisse est régie par les ar- ticles 166 ss LDIP. Il subsiste quelques conventions de reconnaissance mutuelle encore en vigueur en Suisse qui restent d'une application mar- ginale et ne lient que les cantons qui les ont ratifiées".

27. Le Sonderfall suisse. La Suisse ne participe pas au grand mouvement européen de coordination des procédures d'insolvabilité mis en œuvre par le Règlement européen relatif aux procédures d'insolvabilité". Ce Règlement prévoit une reconnaissance sans condition (sous réserve de la clause générale d'ordre public: art. 26 RPI) et immédiate (art. 17 al. 1 RPI), dans tous les Etats membres, des faillites prononcée dans un au- tres Etat membre (art. 16 RPI). La Suisse reste donc extrêmement isolée en Europe sur ceUe question. Elle n'a non plus adopté la Loi type de la CNUDCI sur l'insolvabilité internationale4', qui prévoit une reconnais- sance des faillites étrangères soumises à des conditions très légères (art.

17 et 6 de la Loi type), et qui lui permettrait de sortir de son isolement indépendamment de ses rapports avec la Communauté européenne.

28. Les éÙlpes d'une procédure de reconnaissance d'une faillite étrangère en Suisse. Un exposé complet des articles 166 ss LOIP dépasserait le cadre de la présente contribution. Il est cependant nécessaire de rappeler la structure de celte procédure avant d'entrer dans le détail des décisions de reconnaissance.

(1) La faillite est ouverte à l'étranger. La constitution de la masse passive (créanciers participant à la procédure) et de la masse active (actifs disponibles) est déterminée par le droit étranger. Celte faillite n'a aucun effet coercitif en Suisse49. L'administration étrangère de

44 Jeandin, Loi sur les fors et poursuite pour detles et la faillite. in: La loi sur les fors, Bem Slumpfli 200 l, ch. III 3 c.

4_, Art. 1 al. 2 ch. 2 CLug.

46 Supra, note 28.

47 Supra, nOle 29.

48 Disponible sur le site de la Cnudci: http://www.unictral.org/frenchltextslinsolven/insolvency- Lhtm. Voir li ce sujet Markus, Das neue Uncitral-Modcllgesetz bettreffend grenzüberschreiten- de Inso1venz, SZW 111998. P. 15ss.

49 Stoffel, p. 375; ATF 109 III 86 cons. 6; ATF 100 la 23; La faillite étrangère a néanmoins des effets non coercitifs comme lu substitution de l'administration de la faillite au débiteur dans une

172

(14)

la masse en faillite n'a aucun droit direct sur les actifs se trouvant en Suisse. La solution de l'Obergericht zurichois5o selon laquelle l'administration de la faillite étrangère peut demander la restitution des biens déposés auprès d'une banque suisse, est manifestement co/ltra legem et incompatible avec la volonté du législateur de pro- téger les créanciers privilégiés en Suisse. Elle conduit à ce que la reconnaissance d'une faillite étrangère en Suisse soit quasiment inu- tile, l'administration de la faillite étrangère pouvant disposer des biens en Suisse sans passer par cette procédure.

(2) L'administration de la faillite étrangère ou un créancier peuvent demander la reconnaissance de la faillite étrangère en Suisse. Il s'agit d'une décision de reconnaissance qui échappe à la Conven- tion de Lugano5lElle est soumise aux conditions de l'article 166 LOIP et peut être requise du juge de la faillite du lieu où se trouve les biens, soit au premier juge saisi si des biens se trouvent dans plusieurs cantons (article 167 LP).

(3) La reconnaissance de la faillite étrangère conduit à l'ouverture d'une procédure sommaire de faillite en Suisse

«<

mini-faillite» J.

La masse active est constituée de tous les biens en Suisse, La masse passive est constituée uniquement des créanciers gagistes et des créanciers privilégiés domiciliés en Suisse (article 172 LOIP).

(4) Une fois que les créanciers de la masse passive suisse sont dé- sintéressés, le solde des actifs n'est restitué à la masse en faillite étrangère que si l'état de collocation étranger est reconnu, ce qui n'est le cas que si les créanciers domiciliés en Suisse sont traités équitablement par rapport aux créanciers étrangers (article 173 LOIP). Dans le cas contraire, le solde des actifs est remis aux créanciers chirographaires domiciliés en Suisse (article 174 LOIP).

procédure en cours en Suisse (ldT 2000 II 125) ou la résiliation d'un contrat de concession ex- clusive (RSJ 74 (1978) 109).

50 ZR 99 63 du Il octobre 1999. Celle décision s'explique par le fait que la faillite étrangère (autrichienne) ne pouvait être reconnue en Suisse, la condition de la réciprocité n'étant pas remplie. Cette explication n'est cependant pas une justification.

~I Art, 1 al. 2 ch. 2 CLug.

173

(15)

29. Récapituliltif graphique des étapes d'une faillite internationale

Masse passive

Masse active composée des actifs

H~tnmger

4 RmurJ!!iueIK".

l'IbItlll eollouttiD"

Itnutcer It mIÜJ!tig. ""

...

Masse passive (Créanciers priviMgifs en Suisse el créancien;

~agistes)

Masse active (Actifs en Suisse)

2. lùetMlIaÜsQ"ct 4, III tUrision d, fpi1liI! ,n SIIW ..

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Crtanciers domicili6s en

Suisse

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,"is,,"

(16)

30. La Suisse entre ouverture et protectionnisme,

Même si l'entrée en vigueur de la loi sur le droit international privé a penmis à la Suisse de mettre sur pied un système de reconnaissance des faillites étrangères.

elle ne l'a pas sorti de son isolement, qui tient à la persistance dans sa législation de fortes tendances protectionnistes, que l'on ne retrouve pas dans les textes européens ou internationaux, et qui sont notamment:

la condition de la réciprocité posée à la reconnaissance d'une faillite étrangère (article 166 al. 1 let. c LOIP),

la priorité accordée aux créanciers privilégiés domiciliés en Suisse, et l'impossibilité pour les créanciers étrangers non gagistes d'accéder directement à la procédure en Suisse (article 172 LDIP).

la protection accordée aux créanciers domiciliés en Suisse dans le cadre de la remise d'actifs à la faillite étrangère (article 173 et 174 LOIP).

31. Euro-incompatibilité du droit suisse,

Ces tendances protectionnistes conduisent le droit suisse à se démarquer du droit européen sur plusieurs points fondamentaux:

Réciprocité, L'application directe du Règlement dans tous les Etats européens permet à nos voisins de s'affranchir de ce marchandage peu glorieux que représente la condition de la réciprocité.

Compétence internationale. Le Règlement contère la compétence d'ouvrir la procédure principale d'insolvabilité à l'Etat dans lequel se trouve le centre des intérêts du débiteur-'i2. La Suisse en reste à la théorie de l'incorporation53, Elle risque donc d'être confrontée à la faillite prononcée dans un pays européen (et reconnue dans toute l'Europe) d'une société immatriculée en Suisse, ce qui lui posera un délicat problème de reconnaissance.

Principe de ['ouverture d'une procédure secondaire. L'ouverture d'une procédure secondaire dans un Etat membre n'est envisagée dans le Règlement que lorsque le failli disposait d'un établissement sur le territoire de cet Etat (articles 3 par. 2 et 27 RPr). Dans les au- tres cas, l'administration de la masse en faillite peut directement agir sur le territoire des autres Etats membres, notamment pour dé- placer les biens du débiteur'", Par opposition, le droit suisse prévoit l'ouverture systématique d'une procédure secondaire (mini-faillite) lorsque des biens se trouvent en Suisse.

52 Article 3 ch. 1 RPI. Sur cette question, voir Lembo/Jeanneret, La reconnaissance d'une faillite étrangère: état des lieux et considérations pratiques, in S1 2002 11247, p. 257.

53 ATF 117 II 497; infra, N 36.

5-1 AI1ide 18 RPI.

(17)

Accès à la procédure secondaire. Selon le Règlement, lorsqu'une procédure secondaire est ouvene, les créanciers étrangers doivent y avoir un accès illimité". Le droit de l'Etat où s'ouvre la procédure secondaire est applicable à cette procédure56, ce qui lui permet d'appliquer son système de créances privilégiées, mais sans discri- mination entre les créanciers nationaux el les créanciers étrangers.

Par opposition, la Suisse n'admet que les créanciers privilégiés do- miciliés en Suisse et les créanciers gagistes à l'état de collocation de la mini-faillite suisse.

Restiturion du solde. En droit européen, la restitution du solde de la procédure secondaire à la procédure principale n'est soumise à au- cune condition de protection des créanciers nationaux". Par opposi- tion, la Suisse vérifie que la faillite étrangère ne discrimine pas les créanciers domiciliés en Suisse.

Localisa/ion des créances. Le Règlement indique qu'une créance est réputée localisée dans l'Etat sur le territoire duquel se trouve le centre des intérêts principaux du tiers débiteu,.sS. CeUe règle n'est pas fondamentalement différente de la logique qui préside à l'anicle 167 al. 3 LDIP. Elle pose un problème à la Suisse dans deux cas: (i) la Suisse considère qu'une créance d'un failli suisse contre un tiers débiteur à l'étranger est localisée en Suisse59 (ii) La Suisse consi- dère qu'une créance d'un failli étranger contre un tiers débiteur ins- crit au registre du commerce suisse, mais dont le centre des intérêts est à l'étranger, est localisée en Suisse. Ces deux situations risquent de poser de délicats problèmes de constitution concurrente des mas- ses actives suisse et étrangère.

Localisation des droits de propriéré intellectuelle. Selon le Règle- ment, les brevets et les marques sont réputés localisés au lieu où ils sont enregistrés"'. Par opposition, la jurisprudence suisse se pro- nonce plutôt en faveur du domicile du bénéficiaire du droit61

Rapport enlre la faillite de la succursale et la faillite de l'établisse- mel1l principal. En Europe, la faillite de la succursale devient une procédure secondaire dès que l'établissement principal est en fail- lite: les règles sur les rappons entre la procédure principale et la procédure secondaire (an. 31 à 35 RPI) s'appliquent dès l'ouvenure de la procédure principale (art. 3 ch. 3 et an. 36 RPI). En Suisse, la

~5 Article 32 RPr.

'>6 Article 28 RPr.

~7 Article 35 RPr.

~8 Article 2 let. g RPL

$9 ATf 107111 147, cons. 4a; StotTel. p. 218.

6(1 Article 2 let. g RPI.

61 Cf. ATF 5711132 (34 ss); ZR 1411915 p. 376; Staehelin, Die internationale Zuslandigkeit der Schweiz im Schuldbetreihungs-und Konkursrecht, PJA 1995 p. 259 SS. p. 268: Cornaz, L'exécution forcée des droits de propriété intellectuelle, Thèse Lausanne, Schultess 2002, p.

123. N 237 55.

(18)

faillite de la succursale peut subsister comme procédure autonome jusqu'à ce que l'état de collocation de la mini-faillite suisse soit dé- finitif (art. 166 al. 2 LOIP).

32. Loi type de la CNUDCI. L'isolement de la Suisse sc confirme à l'examen de la Loi type de la CNUDCL Cette loi prévoit également lIne procédure secondaire qui peut être ouverte si le failli a un établissement dans l'Etat requis6'. La différence la plus marquante entre le droit suisse et la Loi type est l'accès illimité des créanciers étrangers à la procédure secondaire, prévu par

r

article 13 de la Loi typé3

B. Reconnaissance de la décision de faillite étrangère

33. Condition. de l'article 166 WIP. Une décision étrangère de faillite peut être reconnue en Suisse:

S'il s'agit bien d'une décision de faillite, et non d'une autre déci- sion de règlement d'une situation d'insolvabilité. Les articles 166 ss LDIP s'appliquent cependant par analogie au concordat ou procédu- res analogues homologuées par une juridiction étrangère (art. 175 LOIP).

Si l'administration de la faillite étrangère ou un créancier en fait la réquisition.

Si le Tribunal étranger était compétent.

Si la décision étrangère est exécutoire.

S'il n'

y

a pas de violation manifeste de l'ordre public suisse.

Si la réciprocité est accordée dans l'Etat ou la décision de faillite a été rendue.

34. Définition d'une procédure de faillite. Le juge saisi d'une demande de reconnaissance d'une décision étrangère doit en premier lieu déterminer s'il s'agit d'une décision de faillite. On peut à cet égard adopter une dé- finition helvétique de la notion de faillité4. Il est cependant plus cons- tructif à notre sens de s'en remettre à une définition uniforme, au moins sur le plan européen, de la notion de faillite. Le Règlement définit les

«procédures de liquidation» comme des procédures collectives fon- dées sur l'insolvabilité du débiteur qui entraînent le dessaisissement par- tiel ou total de ce débiteur, la désignation d'un syndic65, et la liquidation

62 Article 2 leI. c el 17 al. 2 de la Loi Iy~.

63 Markus, p. 25.

()-\ Voir notamment les définitions données par Hanisch, Die VollSlfcckung von ausHindischen Konkurserkenntnissen in der Schweiz. PJA 99, p. 18, et Bel1i, (Basler) KOJ1Ullentar zurn schweizerischcn Privatrecht, Intemationales Plivatrecht. Art. 166, N 8.

65 Article 1 et 2 a RPI.

(19)

des biens du débiteu,;;6 Une liste des procédures étrangères correspon- dant à la notion de faillite est reproduite à l'annexe B du Règlement. Il nous paraît extrêmement opportun que les juges suisses s'inspirent de ceUe liste dans leur appréhension des décisions étrangères, Selon la dé- finition du Règlement, un concordat par abandon d'actif est assimilé à la faillite,

35, Requête de "administration ou d'un créancier, L'administration de la faillite est l'instance qui, selon le droit étranger, dispose du pouvoir d'administrer, de réaliser et de répartir les biens du failli, Elle peut agir jusqu'à la clôture de la faillite, date de la fin de son mandat61,Un créan- cier J'eut agir isolément, sans autorisation de l'administration de la fail- Iite6 , dans la mesure où sa qualité de créancier est au moins vraisem- blable", Le débiteur failli ne peut requérir lui-même la reconnaissance de la décision de faillite70, et n'est pas partie à la procédure de recon- naissance71, La condition formelle d'une requête de reconnaissance ne correspond pas à la solution du Règlement, où une procédure de liquida- tion est reconnue dans les autres Etats membres dès qu'elle produit ses effets dans l'Etat d'ouverture", La solution européenne permet notam- ment la suspension immédiate des poursuites en cours, et évite donc des procédures parallèles dont le sort dépend de questions chronologiques assez fortuites", La Loi type de la CUNDCI prévoit comme le droit suisse une requête de reconnaissance, et n'accorde la qualité pour agir qu'à l'administration de la faillite étrangère7'.

36, Compétence du juge de lafailli/e, L'article 166 LDiP pose une règle de compétence internationale indirecte en exigeant que la décision de fail- lite ait été rendue par l'autorité du domicile du débiteur. Le principe de l'incorporation posé par le Tribunal fédéral75 implique qu'il s'agisse de l'autorité du lieu du siège statutaire76, Ce formalisme a l'avantage de la clarté, mais est mis en doute par la doctrine et la jurisprudence canto- nale en matière de faillite internationale77 Ces doutes ont largement de

66 Anicle 2 c RPI.

07 LembolJeanneret. p. 254; Beni. Art. 166. N 21.

AA Dutoit, Commentaire de la LOIP, 3ème éd. An. 166, N 7.

~9 Beni. Art. 166, N 22: Slaehelin, Die Annerkennung auslândischer Konkurse und Nachlassver-

!rage in der Schweiz, Bâle 1989. p. 28.

10 DUloit, Art. 166, p. 528.

71 Lembo/Jeanneret citent en nOie 35 un arrêt du Tribunal fédéral non publié qui indique que le failli n'a pas à être cité ou entendu.

11 Anicle 16 RPI.

1,\ P .. r exemple le parallélisme malheureux e-ntre la f .. ilJjle de l'élablissemeRl éU"émger el la faillite de la succursale en Suisse; Voir à ce sujet Jeannerel, Cross-border insolvency. La situation de la succursale de droit suisse, in Insolvence, désendettement et redressement, études en "honneur de Louis Dallèves. Collection genevoise 2000, p. 171. no!n!runen! p. 177,

I~ Anicle 15 de la Loi Type.

J~ ATFI17Il497.

16 Lembo/Jeanneret, p. 256.

i7 Des arrêts cantonaux se sont démarqués du principe de l'incorporation: ZR 94-59; Brunner, GHiubigerschulz im imemalionalen Konkursrechl. PJA 95. p. 3ss, p. 14 S5.

178

(20)

quoi être confortés par le droit européen: l'article 3 RPI prévoit en effet que les juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d'insolvabilité principale78, La Loi type de la CNUDCI va dans le même sens, en prévoyant en son article 17 ch, 2 let. a quc la procédure étrangère est reconnue si elle a lieu dans l'Etat où le débiteur a le centre de ses intérêts principaux 79, Il paraît difficilement concevable que la Suisse se drape dans un formalisme héroïque et, contre vents et marées, résiste longtemps au triomphe de la théorie du siège effectif.

37, Caractère exécutoire de la décisioll,

Cette condition n'implique pas le caractère définitif de la décision, qui peut être reconnue en Suisse même si elle fait l'objet d'un recours non suspensi!"o, Se pose cependant le problème de la prise en compte en Suisse d'un recours non suspensif il l'étranger qui aboutit. La procédure de mini-faillite suisse ne peut conti- nuer alors que la faillite étrangère est révoquée, Il faut donc admettrc que le débiteur peut demander la révocation de la mini-faillite suisse (article 195 LDIP), et produire à cet effet le jugement étranger de der- nière instance. Le débiteur doit obtenir l'exequatur de ce jugement avanl que la procédure suisse ne soit révoquée. Cet exequatur n'est pas soumis à la convention de Lugano8l, ni aux articles 166 ss LDIP", En l'absence d'une autre convention internationale applicable, l'exequatur de la déci- sion finale étrangère doit donc à notre avis être prononcé selon les rè- gles de la loi sur le droit international privé (article 25 ss LDIP),

38, Absence de violatioll mallifeste de l'ordre public,

Cette condition dé-

coule du renvoi de l'article 166 al. 1 let. b LDIP à l'article 27 LOIP, Pour une fois, cette condition du droit suisse se retrouve aussi bien dans le Règlement" que dans la Loi type de la CUNDCI84, Il s'agit d'un garde-fou dont il faut eviter d'abuser. L'adverbe «mamfestement», employé dans les trois textes, en témoigne, Le Tribunal fédéral l'a confinné85 en considérant que la faillite d'une société non inscrite au registre du commerce n'était pas contraire à l'ordre public, Comme le remarque le Guide de la CNUDCI pour l'incorporation dans le droit in- terne de la Loi typeB6: «un nombre croissant de s)'stème juridique re- connaissent la dichotomie elltre la notion d'ordre public teile qu'appliquée aux affaires ùltérieures, et la notion d'ordre public utili- sée pOlir les questions de coopération internationale et la reconnais-

73 L'Etal ou se trouve une succursale n'est compétent que pom ouvrir une procédure secondaire:

an. 3 al. 2 RPI.

N cf. Markus. p. 27.

8ll ATF 126 III 101; Lembo/Jeannerel. p. 258.

SI Article 1 al. 2 ch. 2 CLug.

S~ Car il ne s'agit pas d'une décision de faillite.

S3 Article 26 RPL S~ Article 6 de la Loi Type.

85 ATF126111 101.

86 Disponible sur le site indiqué supra, note 48.

(21)

sance des effets des lois étrangères ». C'est le cas en Suisse" et la ré- serve d'ordre public doit être limitée à des cas extrêmes, par exemple lorsque la faillite étrangère crée des discriminations injustifiables entre les créanciers, basés sur le domicile ou la nationalité, ou n'est qu'un prétexte à une confiscation de biens en Suisse"".

39. RéciprocitéS'. Cette condition est à la fois le pathétique témoignage de l'isolement de la Suisse en Europe, et le point faible des articles 166 ss LDIP. Ce point faible met en danger tout le système de reconnaissance des faillites étrangères, tant les juges cantonaux confrontés à ceUe condition sont tentés de la contourner par des argumentations compré- hensibles dans les cas d'espèce, mais insoutenables dans leur principe.

Ainsi, l'Obergericht zurichois90, confronté au fait que l'Autriche ne ré- pond pas à cette condition de réciprocité, a-t-il contourné la difticuIté en prétendant que la banque suisse où se trouvaient les fonds du failli de- vait néanmoins restituer ces fonds à la masse étrangère, dans la mesure où les organes du failli collaboraient avec la faillite. Cette décision donne une prime au failli non coopératif, met en danger la protection des créanciers privilégiés suisses voulue par le législateur, et sape les fondements de la logique de la mini-faillite suisse. Il n'est pas surpre- nant dans ces conditions que la doctrine et le Tribunal fédéral tentent de limiter les effets de ceue condition, en indiquant qu'il ne s'agit pas d'exiger que le contenu de la loi étrangère soit identique à celui du droit suisse9lLa loi type de la CNUDCI ne pose aucune condition de réci- procité. Les Etas européens s'en affranchissent du fait même de l'application immédiate du Règlement.

40. Juge compétent. Le juge suisse du lieu de situation des biens en Suisse est compétent. L'article 167 al. 3 LDIP, selon lequel les créances sont localisées au domicile du tiers débiteur, confirme la jurisprudence fédé- rale en la matière" et est euro-compatible9'. La jurisprudence zurichoise relative à la localisation d'une créance contre une succursale d'une ban- que suisse94, pourrait poser dans ce contexte les mêmes problèmes qu'en matière de séquestre. Lorsque des biens se trouvent dans plusieurs cantons. le premier juge saisi est compétent95 pour tout le territoire suisse96.

,~1 Bucher. Droit inlemaciooal privé suise Tome ln Bâle 1995. N 4 16 ss.

S8 lembol1eanne~1. p. 259. dlam J'ATF 126111 101.

~9 Pour une liste des pays avec lesquels cette condition pose un problème, cf. Serti. p. 1244 el 1245. N 38 à 40.

90 ZR 99--63.

91 ATF 126111 Jal: Berti, An. 166, N 35 5S; Dallèves, Faillites intematiomlles. FJS 987 p. 15;

Hanisch Inlemalionale Insolvenzrechle tles Auslandes und das Gcgenrechl nach Art. 166 IPRG, RSDIE 1992. p. 355. 6.

')2 La créMet: est localisée au domicile du débiteur lorsque le créancier est à l'étranger: ATF 107 III 147.

9~ Altide 2 let. g R PI.

,).1 ZR 10039.

9~ A.,icle 167 al. 2 LOIP.

% Article 170 LOIP: LembolJeôlnneret. p. 262.

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