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a. Procédure préalable lorsque la créance a déjà été reconnue judiciai-rement à l'étranger.

1.

Mainlevée définitive.

Lorsqu'un jugement étranger condamnant le débi-teur à une prestation pécuniaire a été déjà rendu avant l'introduction d'une poursuite en Suisse contre le débiteur, ce jugement étranger sera invoqué par le créancier dans le cadre de la mainlevée définitive d'une éventuelle opposition du débiteur.

2. Compétence du juge de mainlevée.

Il s'agit d'un cas d'exequatur ex-pressément prévu par l'article 81 al. 3 LP. Le juge de mainlevée est compétent pour prononcer cet exequatur ainsi que l'indique l'article 84 LP, confirmé en Europe par l'article 32 ch. 1 quinzième tiret de la Convention de Lugano. Il est admis qu'en requérant la mainlevée défi-nitive sur la base d'lITI jugement étranger, le créancier en requiert impli-citement l'exequatur. La décision reconnue en Suisse doit être exécu-toire selon le droit de l'Etat dans lequel elle a été rendues. Les condi-tions de l'exequatur sont celles qui ont été exposées dans le rapport pré-cédent.

3. Compétence exclusive?

La question de savoir si le créancier peut obte-nir l'exequatur de la décision indépendamment de la poursuite, de façon à obtenir par la suite une mainlevée définitive en produisant la décision d'exequatur, est largement contestéé. Certains l'excluent, et voient dans le quinzième tiret de l'article 32 ch. 1 de la Convention de Lugano la confirmation de la compétence exclusive du juge de la mainlevée.

Cette optique nous paraît trop rigide: une décision étrangère peut com-porter un dispositif complexe comprenant une condamnation à une pres-tation matérielle et une condamnation pécuniaire. Par exemple, un dis-tributeur peut être condamné à restituer au concédant un stock de pro-duits, et à l'indemniser pour le préjudice causé par la résiliation du contrat pour justes motifs. Dans un tel cas, il n'est pas raisonnable d'envisager un exequatur en deux étapes de la décision. Si son exequa-tur a déjà été prononcé par le juge cantonal compétent, le créancier peut poursuivre le débiteur pour les aspects pécuniaires de la décision et se

Convention de Lugano concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions cn matière civile du 16 septembre 1988, RS 0.275.11, ci-après Convention de Lugano. CLug. Ou-tre la Convention de Lugano. il existe de nombreuses conventions bilatérales de reconnaissance qui déterminent les conditions de l'exequatur. Stoffel en fait la liste en page 126. note 80.

RJN 1998 t 17.

A TF 127 III 186 = JdT 2001 14: Tribunal cantonal des grisons, PKG 1996. N 23. p. JO 1.

cf. Peter, La LP et la Convention de Lugano, dix ans de jurisprudence. p. 4, et l"abondanlc doctrine citée par cet auteur en note 9.

prévaloir de la décision d'exequatur comme d'un titre de mainlevée dé-finitive suisse (article 80 al. 1 et 2

LP)'-4. Sentence arbitrale.

Une sentence arbitrale internationale définitive rendue par un Tribunal arbitral siégeant en Suisse n'a pas besoin d'être exequaturée. Il suffit au créancier de produire un certificat de force exé-cutoire au sens de l'article 193 LOIP, pour pouvoir obtenir la mainlevée définitive de l'oppositions. Par contre, une sentence arbitrale définitive rendue par un Tribunal arbitral siégeant à l'étranger doit faire l'objet d'un exequatur conformément aux règles de la Convention de New York de 19589 La décision d'exequatur est rendue par le juge de la mainlevée définitive.

5. Décisions administratives étrangères.

Les décisions administratives d'un Etat étranger ne sont pas des titres de mainlevée détinitive pouvant faire l'objet d'une demande d'exequaturlO

6. Acte authentique.

L'article 50 de la Convention de Lugano prévoit l'exequatur des actes authentiques exécutoires dans le pays où ils ont été dressés. Un acte authentique étranger peut donc valoir titre de mainle-vée détinitive, et faire l'objet d'un exequatur dans le cadre de la procé-dure de mainlevée!!,

7. Recours.

La décision de mainlevée et d'exequatur est susceptible du recours cantonal prévu dans la plupart des Cantons en matière de main-levée, et d'un recours de droit public au Tribunal fédéral12 • Outre les griefs propres à la mainlevée, le recourant peut également contester l'exequatur de la décision étrangère. Si celle-ci a été prononcée en vertu de la Convention de Lugano ou d'une autre convention de d'exequatur séparée de la décision de mainlevée).

AmonniGasser, p. 123, par. 19, N 38.

Convention de New York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères, RS 0.127.12; Gîlliéron, Art. 80, N 33.

10 AmonnlGasser, p. 124, par. 19, N 49. Doivent être réservés cependant certaines conventions internationales prévoyant Je contraire pour des décisions précises; cf. par exemple at1icle 94 al.

4EIMP.

il Cf. notamment Meier, Besondere Vollstreckungstitel nach dem Lugano-Übereinkommen, Das Lugano Übereinkommen, St Gall 1990, p. 191 ss; Donzallaz, La Convention de Lugano du 16 septembre 1988 concernant la compélence judiciaire et l'exécution des décisions en matière ci-vile et commerciale, Berne 1996-1998, vol. Il, 5215 ss; Markus, Lugano Übereinkommen und

d'exequatur devant le Tribunal cantonal supérieur si celle-ci a été rcn-due sous l'angle de la Convention de Lugano. Les articles 36 et 37 ch 1

15è"~ Liret CLug. prévoient en effet impérativement une telle voie de

re-cours cantonale'"',

8. Mesures provisionnelles. En cas de recours, une saisie provisoire Cl un inventaire peuvent être ordonnés par le premier juge. L'article 83 al. 1 LP ne prévoit ccs mesures provisionnelles qu'en cas de mainlevée pro-visoire et non en cas de mainlevée définitive, mais il s'agit là d'une la-cune de la loi qui doit être comblée en accord avec l'article 39 al. 2 de la Convention de Luganol5.

b. Procédure préalable si la créance n'a pas encore été reconnue judi-ciairement à l'étranger

9. Action ef/ reconnaissance de dette. Si le créancier ne dispose pas de titre de mainlevée provisoire, il doil intenter une action en reconnaissance de delle (article 79 LP). Si le for judiciaire est à l'étranger, cette action en reconnaissance de deue doit être introduite à l'étranger. Or, le juge étranger n'est pas compétent pour prononcer la mainlevée d'une opposition à un commandement de payer suissel6Le créancier, muni de la décision étrangère. doit donc déposer en Suisse une requête en mainlevée définitive impliquant l'exequatur de la décision étrangère. avant de pouvoir continuer la poursuite.

10. Mainlerée prorisoire et action en libération de dette. La question des rapports entre l'article 82 LP et les conventions internationales sur l'exequatur réservées par l'article 30a LP, singulièrement la Convention de Lugano, a été abondamment débattue et aucune solution uniforme ne se dégage de la doctrine ou de la jurisprudence. Deux conceptions s'opposent:

- Dans une première conception, la mainlevée provisoire est une insti-tution du droit des poursuites non soumise à la Convention de Luga-no. Elle peut donc êlre ordonnée au for de poursuite, quel que soit le for judiciaire. L'action en libération de dette eSI au contraire une ac-tion judicaire qui doil êlre introduite au for judiciaire prévu par la Convention de Lugano. Si le créancier a gain de cause, il doit obtenir l'exequatur de la décision étrangère déboutant le débiteur pour pou-voir continuer la poursuite. Cette solution pose cependant le problème de la nature de l'action en libération de dette: l'action doit être intro-duite par le débiteur qui doit faire constater l'inexistence de la dette.

Si une telle action négative en constatation de droit n'est pas possible

l~ ZR 2000 N 33. p. 94: Le Tribunal fédéral a indiqué que le recours devait êue ouvert même si la décision d'exequaturesi négative: ATF 125 1412 = JdT 2000 TI 3.

l~ Gilliéron. Art 30a. N 70. Stoffe!. p. 131: cf. cependant ATF 108 III la.

16 Gillliéron. Art. 30 a. N &8.

au for judiciaire, le for de poursuite doit être retenu comme for de né-cessité17 .

- Dans une seconde conception, la mainlevée provisoire et l'action en libération de dette forment un système unique qui ne peUl être scindé, Si le for judiciaire détenniné par les conventions internationales est à l'étranger, le créancier qui veut obtenir la mainlevée de l'opposition doit introduire une action à l'étranger et obtenir l'exequatur du juge-ment étranger en Suisse pour pouvoir continuer la poursuitel8.

Il. La répartition dll contentiellx fait partie dll contentieux. Notre préfé-rence va clairement à la seconde conception. Le système suisse de la mainlevée provisoire suivie de l'action en libération de dette est une rè-gle d'inversion du contentieux entre le créancier et le débiteur. Or, si le contentieux est soumis à une juridiction étrangère en vertu d'une convention internationale ratitïée par la Suisse, cette juridiction com-prend également la répartition du contentieux et le rôle respectif des parties. En ratifiant une convention internationale attribuant des compé-tences judiciaires en matière internationale, la Suisse renonce à la facul-té de décider de la répartition du contentieux entre les parties lorsque ce contentieux est soumis à une juridiction étrangère. Elle ne saurait reve-nir sur cette renonciation par l'argument artificÎel du for de nécessité en Suisse. Le juge suisse saisi d'une demande de mainlevée concernant une créance soumise à une juridiction étrangère doit décliner sa compétence, et renvoyer le créancier à une demande en reconnaissance de dette au for étranger.

12. Saisie provisoire. Par contre, à notre avis, le juge suisse de la mainlevée reste compétent pour ordonner une saisie provisoire. Il s'agit d'une me-sure provisionnelle qui peut être ordonnée au for du lieu de l'exécution19.

13. Action en annulation de la pOllrsllite. L'action en annulation de la poursuite de l'article 85a LP pose un problème similaire à celui de l'action en libération de dette, puisqu'il s'agit d'une action judiciaire pour laquelle la loi sur les poursuites prévoit une inversion de conten-tieux (le débiteur devant agir contre le créancier). La nature clairement judiciaire de cette action implique que le for de poursuite prévu à l'article 85a Lp20 cède le pas au for judiciaire prévu par une convention internationale réservée à l'article 30a Lp2I. Cela dit, si le for judiciaire

li Les principaux représentants de ce courant doctrinal sont cités par Peter, note 30. Cette concep-tion eSI adoptée par certaÎns tribunaux cantonaux: Lucerne: RSJ 94 (1998) p. 368; ValaÎs: RVJ

1995 p. 183. BISçhKG 1996, p. 33: Vaud: RSDIE 1996 p. 97.

IS Les principaux représentant de ce courant doctrinal sont cités par Peter, note 24. CeHe concep-tion est adoptée par certains tribunaux cantonaux: Genève: RSDIE 1994 p. 395: RSDIE 1997, p.

358: Bâle: BJM 1994 p. 317; Valais: RVJ 1994 p. 312 = RSDIE 1995, p. 237; Zurich: ZR 1998, N 14. p. 42; Grisons: PKG 1997. N 20. p. 82: PKG 1999. N 19, p. 67.

J~ Article 14 CLug.

20 For qui par ailleurs n'est pas impératif: BK-Bodmer, AL1. 85a N 14.

21 Cf. Dans cc sens Peter. p. 19 (ch. G).

est à l'étranger, il n'est pas certain que le droit étranger admette une ac-tion négative en constataac-tion de droit telle qu'ellc est prévue à l'article 8Sa LP, La solution du for suisse de nécessité est un artifice maladroit qui dissimule à notre avis une violation par la Suisse de ses engage-ments internationaux. Un tel for de nécessité permet par ailleurs au dé-biteur d'échapper au for judiciaire et de ramener le litige au for de pour-suite, ce qui peut être particulièrement choquant s'il s'agit d'un for élu.

Le juge saisi d'une demande d'annulation de la poursuite concernant une créance pour laquelle le for se trouve à l'étranger doit donc suspen-dre provisoirement la procédure aux conditions de l'article 8Sa al. 2 LP.

Il doit ensuite accorder un délai au créancier pour agir au for judiciaire, puis obtenir l'exequatur la décision en Suisse, avant de pouvoir conti-nuer la poursuite22.

14. Autres cas d'annulation ou de suspension. Par contre, lorsqu'il s'agit uniquement de constater qu 'un sursis a été accordé par le créancier au débiteur (action en suspension de l'article 8Sa LP) ou dans les cas de requête en annulation ou suspension où le débiteur peut prouver par titre l'extinction ou l'inexistence de la créance (requête en annulation ou suspension de l'article 85 LP), le juge du for de la poursuite reste à no-tre avis compétent 3uel que soit le for judiciaire. La décision relève du droit des poursuites 3, et ne consiste pas en un contrôle judiciaire de la créance.

15. Délai de continuation de la poursuite, Lorsqu'à la suite d'une opposi-tion, la créance a été vérifiée judiciairement à l'étranger, se pose la question du délai de continuation de poursuite. La réquisition de conti-nuation de la poursuite doit intervenir avant la péremption d'une année du commandement de payer. Ce délai de péremption est suspendu selon l'article 88 LP entre l'introduction de la procédure et le jugement défini-tif prononçant la mainlevée'"' Or, ce n'est pas le jugement étranger qui prononce la mainlevée, mais le jugement d'exequatur en Suisse du ju-gement étranger25 • Après avoir obtenu la décision étrangère, le créancier n'est soumis à aucun délai pour introduire sa requête en mainlevée défi-nitive. Si la péremption du commandement de payer restait suspendue entre temps, celle-ci pourrait s'étirer à l'infini. Il nous paraît donc justi-fié de considérer qu'entre la décision étrangère détinitive, et

.. Cf. BK-Bodmer. Art. 84a. N 25. L 'auteur considère que le juge suisse reste compétent pour prononcer les mesures pro\'isoires de l"anide 85a Il LP. Ce problème est en grande partie réglé par la solulion scIon laquelle si le for judicaire est à J'étranger. le créancier doit intenter une ac-tion au fond au for judiciaire même sïl dispose d'un litre de mainlevée (Supra N 10 et II): en effet, le principal cas d'action en annulation est celui le débileur a omis d'agir en libération de delle dans le délai de vingt jours de l'at1icle 83 LP (cf. Stoffe!, p. 119),

23 BK-Bodmer. At1. 85. N 29,

1l Le délai ne recommence pas à courir lant que Je créancier n'est pas en possession d'un litre établissanl le caractère définitif el exécutoire du jugement levant l'opposition: BK-Lehrecht.

Art. 88, N 23, ATF 106 IiI 51.

,5 Gilliéron, Art. 30a. N 88.

l'introduction de la requête en mainlevée définitive, le délai de péremp-tion du commandement de payer recommence à courir.

16. Récapitulatif graphique concernant le délai de continuation de la poursuite.

Commandement de payer

action introduite à

j'I!tranger

décision étrangère

Suspension Péremption: 1 +2+3= 1 an 3

jugement d'exequatur et

mainlevée définitive e:técutoire en

Suisse

demande d'exequarur

Réquisition de continuation

B. La procédure de faillite

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