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Le droit suisse de la faillite internationale

26. Sources de droit. La Convention de Lugano n'est pas applicable à la reconnaissance d'une procédure de faillite';. A défaut de convention in-ternationale, l'effet d'une faillite étrangère en Suisse est régie par les ar-ticles 166 ss LDIP. Il subsiste quelques conventions de reconnaissance mutuelle encore en vigueur en Suisse qui restent d'une application mar-ginale et ne lient que les cantons qui les ont ratifiées".

27. Le Sonderfall suisse. La Suisse ne participe pas au grand mouvement européen de coordination des procédures d'insolvabilité mis en œuvre par le Règlement européen relatif aux procédures d'insolvabilité". Ce Règlement prévoit une reconnaissance sans condition (sous réserve de la clause générale d'ordre public: art. 26 RPI) et immédiate (art. 17 al. 1 RPI), dans tous les Etats membres, des faillites prononcée dans un au-tres Etat membre (art. 16 RPI). La Suisse reste donc extrêmement isolée en Europe sur ceUe question. Elle n'a non plus adopté la Loi type de la CNUDCI sur l'insolvabilité internationale4', qui prévoit une reconnais-sance des faillites étrangères soumises à des conditions très légères (art.

17 et 6 de la Loi type), et qui lui permettrait de sortir de son isolement indépendamment de ses rapports avec la Communauté européenne.

28. Les éÙlpes d'une procédure de reconnaissance d'une faillite étrangère en Suisse. Un exposé complet des articles 166 ss LOIP dépasserait le cadre de la présente contribution. Il est cependant nécessaire de rappeler la structure de celte procédure avant d'entrer dans le détail des décisions de reconnaissance.

(1) La faillite est ouverte à l'étranger. La constitution de la masse passive (créanciers participant à la procédure) et de la masse active (actifs disponibles) est déterminée par le droit étranger. Celte faillite n'a aucun effet coercitif en Suisse49. L'administration étrangère de

44 Jeandin, Loi sur les fors et poursuite pour detles et la faillite. in: La loi sur les fors, Bem Slumpfli 200 l, ch. III 3 c.

4_, Art. 1 al. 2 ch. 2 CLug.

46 Supra, note 28.

47 Supra, nOle 29.

48 Disponible sur le site de la Cnudci: http://www.unictral.org/frenchltextslinsolven/insolvency-Lhtm. Voir li ce sujet Markus, Das neue Uncitral-Modcllgesetz bettreffend grenzüberschreiten-de Inso1venz, SZW 111998. P. 15ss.

49 Stoffel, p. 375; ATF 109 III 86 cons. 6; ATF 100 la 23; La faillite étrangère a néanmoins des effets non coercitifs comme lu substitution de l'administration de la faillite au débiteur dans une

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la masse en faillite n'a aucun droit direct sur les actifs se trouvant en Suisse. La solution de l'Obergericht zurichois5o selon laquelle l'administration de la faillite étrangère peut demander la restitution des biens déposés auprès d'une banque suisse, est manifestement co/ltra legem et incompatible avec la volonté du législateur de pro-téger les créanciers privilégiés en Suisse. Elle conduit à ce que la reconnaissance d'une faillite étrangère en Suisse soit quasiment inu-tile, l'administration de la faillite étrangère pouvant disposer des biens en Suisse sans passer par cette procédure.

(2) L'administration de la faillite étrangère ou un créancier peuvent demander la reconnaissance de la faillite étrangère en Suisse. Il s'agit d'une décision de reconnaissance qui échappe à la Conven-tion de Lugano5lElle est soumise aux conditions de l'article 166 LOIP et peut être requise du juge de la faillite du lieu où se trouve les biens, soit au premier juge saisi si des biens se trouvent dans plusieurs cantons (article 167 LP).

(3) La reconnaissance de la faillite étrangère conduit à l'ouverture d'une procédure sommaire de faillite en Suisse

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mini-faillite» J.

La masse active est constituée de tous les biens en Suisse, La masse passive est constituée uniquement des créanciers gagistes et des créanciers privilégiés domiciliés en Suisse (article 172 LOIP).

(4) Une fois que les créanciers de la masse passive suisse sont dé-sintéressés, le solde des actifs n'est restitué à la masse en faillite étrangère que si l'état de collocation étranger est reconnu, ce qui n'est le cas que si les créanciers domiciliés en Suisse sont traités équitablement par rapport aux créanciers étrangers (article 173 LOIP). Dans le cas contraire, le solde des actifs est remis aux créanciers chirographaires domiciliés en Suisse (article 174 LOIP).

procédure en cours en Suisse (ldT 2000 II 125) ou la résiliation d'un contrat de concession ex-clusive (RSJ 74 (1978) 109).

50 ZR 99 63 du Il octobre 1999. Celle décision s'explique par le fait que la faillite étrangère (autrichienne) ne pouvait être reconnue en Suisse, la condition de la réciprocité n'étant pas remplie. Cette explication n'est cependant pas une justification.

~I Art, 1 al. 2 ch. 2 CLug.

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29. Récapituliltif graphique des étapes d'une faillite internationale

Masse passive

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30. La Suisse entre ouverture et protectionnisme,

Même si l'entrée en vigueur de la loi sur le droit international privé a penmis à la Suisse de mettre sur pied un système de reconnaissance des faillites étrangères.

elle ne l'a pas sorti de son isolement, qui tient à la persistance dans sa législation de fortes tendances protectionnistes, que l'on ne retrouve pas dans les textes européens ou internationaux, et qui sont notamment:

la condition de la réciprocité posée à la reconnaissance d'une faillite étrangère (article 166 al. 1 let. c LOIP),

la priorité accordée aux créanciers privilégiés domiciliés en Suisse, et l'impossibilité pour les créanciers étrangers non gagistes d'accéder directement à la procédure en Suisse (article 172 LDIP).

la protection accordée aux créanciers domiciliés en Suisse dans le cadre de la remise d'actifs à la faillite étrangère (article 173 et 174 LOIP).

31. Euro-incompatibilité du droit suisse,

Ces tendances protectionnistes conduisent le droit suisse à se démarquer du droit européen sur plusieurs points fondamentaux:

Réciprocité, L'application directe du Règlement dans tous les Etats européens permet à nos voisins de s'affranchir de ce marchandage peu glorieux que représente la condition de la réciprocité.

Compétence internationale. Le Règlement contère la compétence d'ouvrir la procédure principale d'insolvabilité à l'Etat dans lequel se trouve le centre des intérêts du débiteur-'i2. La Suisse en reste à la théorie de l'incorporation53, Elle risque donc d'être confrontée à la faillite prononcée dans un pays européen (et reconnue dans toute l'Europe) d'une société immatriculée en Suisse, ce qui lui posera un délicat problème de reconnaissance.

Principe de ['ouverture d'une procédure secondaire. L'ouverture d'une procédure secondaire dans un Etat membre n'est envisagée dans le Règlement que lorsque le failli disposait d'un établissement sur le territoire de cet Etat (articles 3 par. 2 et 27 RPr). Dans les au-tres cas, l'administration de la masse en faillite peut directement agir sur le territoire des autres Etats membres, notamment pour dé-placer les biens du débiteur'", Par opposition, le droit suisse prévoit l'ouverture systématique d'une procédure secondaire (mini-faillite) lorsque des biens se trouvent en Suisse.

52 Article 3 ch. 1 RPI. Sur cette question, voir Lembo/Jeanneret, La reconnaissance d'une faillite étrangère: état des lieux et considérations pratiques, in S1 2002 11247, p. 257.

53 ATF 117 II 497; infra, N 36.

5-1 AI1ide 18 RPI.

Accès à la procédure secondaire. Selon le Règlement, lorsqu'une procédure secondaire est ouvene, les créanciers étrangers doivent y avoir un accès illimité". Le droit de l'Etat où s'ouvre la procédure secondaire est applicable à cette procédure56, ce qui lui permet d'appliquer son système de créances privilégiées, mais sans discri-mination entre les créanciers nationaux el les créanciers étrangers.

Par opposition, la Suisse n'admet que les créanciers privilégiés do-miciliés en Suisse et les créanciers gagistes à l'état de collocation de la mini-faillite suisse.

Restiturion du solde. En droit européen, la restitution du solde de la procédure secondaire à la procédure principale n'est soumise à au-cune condition de protection des créanciers nationaux". Par opposi-tion, la Suisse vérifie que la faillite étrangère ne discrimine pas les créanciers domiciliés en Suisse.

Localisa/ion des créances. Le Règlement indique qu'une créance est réputée localisée dans l'Etat sur le territoire duquel se trouve le centre des intérêts principaux du tiers débiteu,.sS. CeUe règle n'est pas fondamentalement différente de la logique qui préside à l'anicle 167 al. 3 LDIP. Elle pose un problème à la Suisse dans deux cas: (i) la Suisse considère qu'une créance d'un failli suisse contre un tiers débiteur à l'étranger est localisée en Suisse59 (ii) La Suisse consi-dère qu'une créance d'un failli étranger contre un tiers débiteur ins-crit au registre du commerce suisse, mais dont le centre des intérêts est à l'étranger, est localisée en Suisse. Ces deux situations risquent de poser de délicats problèmes de constitution concurrente des mas-ses actives suisse et étrangère.

Localisation des droits de propriéré intellectuelle. Selon le Règle-ment, les brevets et les marques sont réputés localisés au lieu où ils sont enregistrés"'. Par opposition, la jurisprudence suisse se pro-nonce plutôt en faveur du domicile du bénéficiaire du droit61

Rapport enlre la faillite de la succursale et la faillite de l'établisse-mel1l principal. En Europe, la faillite de la succursale devient une procédure secondaire dès que l'établissement principal est en fail-lite: les règles sur les rappons entre la procédure principale et la procédure secondaire (an. 31 à 35 RPI) s'appliquent dès l'ouvenure de la procédure principale (art. 3 ch. 3 et an. 36 RPI). En Suisse, la

~5 Article 32 RPr.

'>6 Article 28 RPr.

~7 Article 35 RPr.

~8 Article 2 let. g RPL

$9 ATf 107111 147, cons. 4a; StotTel. p. 218.

6(1 Article 2 let. g RPI.

61 Cf. ATF 5711132 (34 ss); ZR 1411915 p. 376; Staehelin, Die internationale Zuslandigkeit der Schweiz im Schuldbetreihungs-und Konkursrecht, PJA 1995 p. 259 SS. p. 268: Cornaz, L'exécution forcée des droits de propriété intellectuelle, Thèse Lausanne, Schultess 2002, p.

123. N 237 55.

faillite de la succursale peut subsister comme procédure autonome jusqu'à ce que l'état de collocation de la mini-faillite suisse soit dé-finitif (art. 166 al. 2 LOIP).

32. Loi type de la CNUDCI. L'isolement de la Suisse sc confirme à l'examen de la Loi type de la CNUDCL Cette loi prévoit également lIne procédure secondaire qui peut être ouverte si le failli a un établissement dans l'Etat requis6'. La différence la plus marquante entre le droit suisse et la Loi type est l'accès illimité des créanciers étrangers à la procédure secondaire, prévu par

r

article 13 de la Loi typé3

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