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Article pp.298-304 du Vol.3 n°5 (2013)

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MISE AU POINT /UPDATE

Crises non épileptiques psychogènes (CNEP) et risque

de « pseudo-status » : dix drapeaux rouges pour le clinicien

Psychogenic nonepileptic seizure (PNES) and risk of pseudostatus: ten red flags for the clinician

L. Vercueil

Reçu le 18 février 2013 ; accepté le 28 mai 2013

© SFMU et Springer-Verlag France 2013

RésuméLe diagnostic d’état de mal réfractaire est souvent incorrect, avec un nombre conséquent de patients présentant un tableau de « pseudo-status », c’est-à-dire une crise non épileptique psychogène (CNEP) prolongée, reproduisant cer- taines caractéristiques de l’état de mal convulsif. L’absence d’identification clinique de ce diagnostic et la faible disponi- bilité de l’EEG en urgence peuvent expliquer ce taux élevé d’admissions inappropriées dans les unités de réanimation.

Cet article propose de retenir dix « drapeaux rouges » permet- tant d’amener le clinicien à porter un diagnostic positif de

« pseudo-status » (CNEP) et de prévenir des procédures éven- tuellement dommageables : 1) manifestations palpébrales ; 2) postures axiales anormales soutenues ; 3) motricité influen- çable ; 4) variabilité sémiologique ; 5) absence d’organisation neurologique ; 6) bonne tolérance clinique ; 7) absence de fiabilité du score de Glasgow ; 8) nombre important d’inter- venants ; 9) inefficacité du traitement antiépileptique, passée et présente ; 10) pas de profil spécifique.

Mots clésPseudo-status · Crise non épileptique psychogène

· État de mal réfractaire

AbstractDiagnosis of refractory status epilepticus is often inaccurate with a large number of patients having“pseudosta- tus,”sustained psychogenic nonepileptic seizures mimicking convulsive status epilepticus. Clinical failure to recognize this diagnostic and low availability of acute electroencephalogram (EEG) facilities may explain the high rate of inappropriate admissions in intensive care units. This paper provides the reader with ten clinical“red flags”that should promote imme- diate consideration of a possible diagnosis of pseudostatus and may prevent from any risky procedures: 1) eyelid semio- logy is crucial; 2) sustained and maximal axial posturing;

3) motor behavior could be influenced; 4) semiology is highly variable; 5) no neurological pattern could be identified;

6) good clinical tolerance; 7) Glasgow score is not reliable;

8) intervention of numerous people to restrain the patient;

9) past and present antiepileptic drugs are without any effi- cacy; and 10) there is no profile type.

Keywords Pseudostatus · Psychogenic nonepileptic seizures · PNES · Refractory status epilepticus

L’état de mal convulsif représente une urgence vitale néces- sitant la mise en route précoce de traitements efficaces [1].

Les éléments cliniques permettant de porter le diagnostic sont la présence de manifestations motrices toniques et clo- niques généralisées accompagnant une altération apparente de l’état de conscience. Ces critères cliniques cependant ne permettent pas d’exclure le risque d’une prise en charge inappropriée de crises non épileptiques d’origine psycho- gène (CNEP). Le terme de « pseudo-status » est utilisé pour qualifier des CNEP qui prennent le masque d’un état de mal épileptique (status epilepticus). Par définition, l’absence de réponse favorable à l’administration des traitements recom- mandés dans la prise en charge d’une crise convulsive durant plus de cinq minutes peut conduire urgentistes et réanima- teurs à considérer la possibilité d’un état de mal épileptique réfractaire, avec les risques inhérents à la mise en place d’un traitement agressif. Bien que cette situation reste difficile à apprécier en terme épidémiologique, certaines séries font apparaître qu’environ 20 % des admissions en réanimation avec intubation orotrachéale pour un état de mal épileptique réfractaire sont des « pseudo-status », c’est-à-dire des CNEP prolongées [2]. On trouve dans la littérature des cas de décès compliquant ces situations cliniques, dus aux complications liées à la mise enœuvre inappropriée du traitement d’un état de mal épileptique [3,4]. De fait, la CNEP est encore trop considérée comme un diagnostic d’élimination, alors qu’un diagnostic positif devrait être porté, et le plus précocement possible, de façon à limiter le risque de prise en charge

L. Vercueil (*)

Explorations fonctionnelles du système nerveux (EFSN), pôle de psychiatrie et de neurologie, CHU de Grenoble, BP 217, F-38043 Grenoble cedex, France

e-mail : Lvercueil@chu-grenoble.fr DOI 10.1007/s13341-013-0339-5

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inadaptée et d’escalade thérapeutique [5]. À partir d’une revue de la littérature et en se basant sur des observations personnelles, cet article propose une liste de dix items clini- ques, comme autant de « drapeaux rouges » d’alertes, qui doivent conduire le clinicien à remettre en doute le diagnos- tic initial d’état de mal convulsif généralisé. Ces items ne doivent pas être utilisés de façon isolée, mais ils doivent être réunis au sein d’un faisceau d’arguments suggérant une attitude attentiste, et éventuellement des mesures diagnos- tiques, dont le « gold-standard » du diagnostic, représenté par l’enregistrement vidéo-EEG des manifestations [6].

Terminologie

Les termes utilisés pour les CNEP sont nombreux, variés, mais tous ne sont pas indemnes de considérations étiopatho- géniques, qu’il est préférable d’éviter (crise « hystérique », conversion…) [7]. Le terme de CNEP est sans doute le moins « idéologique », soulignant la présentation « épilep- tique » et le caractère « psychogène », c’est-à-dire qui est produit par le psychisme et ne peut être résolu que par une modification de l’état psychologique (par exemple, suite à la suggestion ou sous l’effet d’un placebo). Les récents progrès de l’imagerie fonctionnelle montrent que l’origine psycho- gène peut connaître une source cérébrale, dans la mesure où les patients qui souffrent, par exemple, de déficits moteurs psychogènes, présentent des anomalies dans les patterns d’activation cérébrale par rapport aux témoins [8]. Le terme de « pseudo-status » a été critiqué avec l’argument que c’est le caractère épileptique qui est « pseudo » et non le status.

Un terme plus adéquat aurait étéstatus pseudo-epilepticus. Dans un souci de simplification, nous utiliserons, dans la suite de ce travail, uniquement le terme de CNEP, celui de

« pseudo-status » ne visant qu’à alerter sur le risque de confusion avec un état de mal réfractaire.

Épidémiologie

La prévalence des CNEP au sein des services d’urgence ou sur les sites de prise en charge par le Smur est inconnue. En revanche, il est établi que 20 à 30 % des sujets référés dans les centres tertiaires spécialisés dans les épilepsies pharma- corésistantes présentent des CNEP et que le retard moyen au diagnostic est de 7,2 ans [9]. Plus des deux tiers des patients présentant des CNEP rapportent la survenue d’au moins une crise ayant duré plus de 30 minutes, tandis que 38,8 % ont développé des CNEP prolongées requérant des admissions répétées aux urgences, et que 27 % ont été hospitalisés pour cette raison en service de réanimation [9]. Plus générale- ment, les estimations de la prévalence des CNEP en popula- tion générale varient de 2 à 33 pour 100 000 avec une inci-

dence de 6,17/100 000 par an [10]. Il s’agit probablement d’une sous-estimation, tenant au manque de sensibilité des procédures diagnostiques et aux nombreux faux-positifs au sein de la population traitée pour épilepsie.

Au sein des états de mal, et particulièrement des états de mal réfractaires (absence de réponse clinique à l’administra- tion des premières thérapeutiques, benzodiazépines et anti- épileptiques), une CNEP est identifiée chez 20 à 47 % des sujets, selon les séries, tant chez les adultes [2,11] que chez les enfants [12]. Une confusion opposée, au cours de laquelle un état de mal épileptique aurait été ignoré en faveur d’un diagnostic erroné de CNEP, n’est jamais rapportée [11].

Dix drapeaux rouges pour le clinicien

Contrairement à une idée reçue qui veut que le diagnostic de manifestations psychogènes soit un diagnostic d’élimina- tion, le diagnostic positif d’une CNEP est possible, voire recommandé, afin d’éviter les complications secondaires à une prise en charge inadaptée. Les actions de formation, notamment assistées de vidéo illustrant les manifestations cliniques évocatrices, sont efficaces [5]. Il reste important de garder à l’esprit que de nombreux éléments sémiologi- ques des CNEP, pris isolément, peuvent s’observer au cours de crises épileptiques, en particulier, les crises partielles avec automatismes élaborées (les crises frontales, par exemple, sont plus souvent associées à une confusion diagnostique avec des CNEP [13]). Toutefois, ces crises épileptiques foca- les à sémiologie « déroutante » ne constituent que très rare- ment un danger vital pour la personne, à la différence de l’état de mal convulsif généralisé. Il est donc justifié de pren- dre le temps d’assurer un diagnostic clinique de certitude, y compris par enregistrement vidéo-EEG.

Cet article n’aborde que les signes directement observa- bles par le clinicien au lit du malade, et non ceux qui sont obtenus à l’interrogatoire, de façon à mettre l’accent sur la possibilité d’un diagnostic positif de CNEP, sur le moment, et d’éviter une escalade thérapeutique. De plus, il a été démontré que les éléments rapportés au cours de l’anamnèse de CNEP, obtenus tant auprès du patient que des témoins, ne permettent pas de discriminer efficacement (l’ensemble des signes de crise épileptique peuvent être rapportés, incluant la morsure de langue, le stertor…) [14].

La sémiologie palpébrale est cruciale

C’est un élément clinique simple, mais d’une importance majeure. Une perte de connaissance d’origine épileptique s’accompagne toujours d’une ouverture palpébrale (contraire- ment à la phase initiale de la syncope). Cette règle intéresse la crise tonicoclonique généralisée, mais également les cri- ses partielles, notamment temporales, lorsque la rupture de

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contact survient, ou encore, les absences épileptiques. De fait, certaines études ont montré que la présence d’une fermeture des yeux au cours de manifestations motrices bruyantes était très fortement corrélée à une origine psychogène. De fait, elle est observée chez 55 à 96 % des cas de CNEP enregistrés en vidéo-EEG [15–22], alors que les yeux sont ouverts au cours de 92 à 100 % des crises épileptiques [15,20,22]. Dans une étude prospective récente, la présence d’un flutter palpébral (clignements rapides des yeux) faisait partie des trois signes retenus comme prédictifs d’une CNEP [23], tandis que la pré- sence d’une ouverture des yeux était au contraire un argument en faveur d’une crise d’origine épileptique. Enfin, la mise en évidence d’une résistance à l’ouverture passive des yeux (cf. vidéo CNEP en matériel supplémentaire), pratiquée par l’examinateur, est un signe classique, mais il peut parfois être difficile à observer chez des patients agités, et de fait, n’a pas fait l’objet d’une évaluation rigoureuse de sa pertinence.

Postures anormales : opisthotonos et autres

Une prise de posture tonique est fréquente au cours des CNEP, rapportée dans certaines études jusqu’à 48 % des cas [17,24,25], tandis qu’un opisthotonos est relevé dans 18 à 40 % des cas [17,18,25]. Une projection du bassin en avant, qui peut être observée au cours de certaines crises frontales hypermotrices, est évocatrice d’une CNEP [26], lorsqu’elle est soutenue de façon prolongée, conduisant à une posture en arche (Fig. 1), ou lorsqu’elle soulève l’ensemble du corps, en le projetant au-dessus du plan du lit. Ce mouvement, qui est souvent rapporté par les témoins, nécessite une coordination fine des appuis et du mouvement

axial, qui ne sont pas réalisés lors d’une crise tonicoclonique généralisée (cf. vidéo CTCG en matériel supplémentaire en ligne).

Le contrôle moteur est influençable

Il existe une adaptation de la motricité au contexte environ- nemental. Il peut s’agir de fluctuations très discrètes dans la sémiologie, mais ce qui peut être repéré par l’observateur est le caractère influençable. Ce caractère variable, et influen- çable par les témoins, fait partie des trois signes prédictifs de l’origine psychogène dans l’étude prospective déjà citée [23]. Une illustration marquée est l’impact du discours tenu par l’entourage sur le comportement du sujet : en fonction de son contenu, les manifestations peuvent s’amplifier ou se réduire, comme dans une observation où l’évocation d’un traitement particulièrement pénible suffit à faire céder les manifestations [27].

Le contact et les manifestations motrices sont fluctuants Une importante variabilité au cours du temps est manifeste.

Le contact avec le sujet peut réapparaître, des pauses dans l’activité motrice sont observées [17,28]. La possibilité de retenir la préservation d’un certain niveau de conscience des événements au cours de la crise constituait le troisième signe prédictif d’une origine psychogène dans l’étude de Syed et al. [23].

Une organisation neurologique des manifestations n’est pas repérable

La production de manifestations cliniques contemporaines d’une décharge neuronale critique répond à une séquence strictement organisée. Concernant la crise tonicoclonique généralisée, les événements successifs sont bien identifiés, et le caractère reproductible d’un individu à un autre, ou chez un même individu, est bien établi. Certains enchaînements de signes moteurs ne sont pas explicables en termes d’ana- tomie fonctionnelle : une « marche » motrice sautant d’un hémicorps à l’autre, la diffusion de clonies qui épargnent certaines topographies. De fait, et comme déjà souligné plus haut, les manifestations critiques d’origine épileptique les plus complexes, parfois déroutantes, ne présentent pas le caractère de dangerosité de l’état de mal convulsif. À l’in- verse, un état de mal convulsif est d’une grande « simplicité » neurologique. Le recours à un avis spécialisé peut s’avérer nécessaire devant des sémiologies critiques étranges.

La tolérance clinique est remarquable

Un contraste saisissant est repérable entre l’intensité des manifestations motrices, la profondeur de l’altération Fig. 1 Opisthotonos en arc de cercle, avec projection en avant

du bassin. Dans certains cas, cette projection est vigoureuse et peut soulever le corps entièrement au-dessus du plan du lit. Gravure de Paul Richet (18491933) dans Les Démoniaques dans l’art (1887)Paris, Delahaye et Lecrosnier, éditeurs

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apparente de la conscience, la durée prolongée de la CNEP et les effets objectifs constatés sur l’état physique : colora- tion tégumentaire, régularité de la respiration (absence d’apnées), paramètres hémodynamiques (tension artérielle, pouls). L’absence de modification du rythme cardiaque est fréquemment observée au cours des CNEP alors qu’elle est présente dans la grande majorité des crises épileptiques (le plus souvent tachycardie) [29,30]. Les données biolo- giques, lorsqu’elles sont disponibles, montrent également que le retentissement général de la symptomatologie est modéré (absence d’élévation des CPK, équilibre acidoba- sique, etc.) [11]. Cette bonne tolérance générale peut inciter le clinicien à différer une prise en charge intensive, pour mettre à profit le délai diagnostique disponible (recours aux spécialistes, enregistrement vidéo-EEG).

Le score de l’échelle de Glasgow n’est pas un outil fiable Par définition, un état de non-réponse d’origine psychogène est évalué sur l’échelle de Glasgow à un score de 3. Dans une étude clinique, une absence apparente de conscience en l’absence de manifestations motrices était considérée comme évocatrice du diagnostic de CNEP [31]. De fait, l’état de non-réponse psychogène ne constitue pas qu’une forme clinique de CNEP, mais, possiblement, un état momentané au sein d’une organisation comportementale plus complexe. L’alternance de phases d’agitation et d’état de non-réponse est fréquente. Dans ces cas, une absence de réactivité motrice et comportementale, y compris en réponse aux stimulations douloureuses, est possible, et le score de Glasgow mesuré ne doit pas être considéré isolément, mais intégré à la symptomatologie en cours, au risque de consi- dérer le diagnostic de coma profond et de conduire des pro- cédures de réanimation intensive inappropriées. Là aussi, l’EEG, en faisant la preuve d’une activité de veille normale, permet de relativiser les résultats obtenus par l’échelle de Glasgow.

Un nombre important de personnes est nécessaire pour maîtriser les mouvements

Le caractère souvent spectaculaire, la crainte des blessures induites par l’agitation, l’intensité affective des troubles amènent souvent plusieurs témoins, y compris des soignants, à tenter de maîtriser le patient, ou, à tout le moins, de le protéger des traumatismes (Fig. 2). Cette intervention mus- clée est souvent retenue par les témoins comme l’indicateur d’un niveau de sévérité important, et entretient un climat catastrophiste, ce qui est naturellement injustifié. Une per- sonne seule peut intervenir avec efficacité auprès d’un patient présentant une crise tonicoclonique généralisée de façon à le placer en position latérale de sécurité (cf. vidéo CTCG en matériel supplémentaire). La phase de confusion

postcritique peut parfois nécessiter une contention légère de la part d’un entourage prévenant, mais la nature du comportement est habituellement bien différenciée des mani- festations critiques. Un comportement qui peut conduire plusieurs personnes à agir auprès du patient est nécessaire- ment plus organisé, orienté contre les interventions d’autrui, parfois violent (morsures, crachats, coups). Une telle « rage » a été observée au cours de 10 % des CNEP dans une étude [24].

Les traitements antiépileptiques ne sont pas des indicateurs d’une origine épileptique aux manifestations

En 1989, Bateman faisait la remarque que l’ensemble des états de mal réfractaires reçus au cours d’une période de cinq ans s’étaient avérés être des CNEP [32]. Parmi les élé- ments qui avaient induit en erreur, il y avait la présence, à la prise en charge initiale, d’un traitement chronique par un antiépileptique chez quatre des cinq patients, qui avait orienté le diagnostic vers une épilepsie pharmacorésistante.

De fait, outre que les patients avec CNEP se voient indû- ment prescrits des traitements antiépileptiques inefficaces (d’où la « pseudo-pharmacorésistance »), une fraction importante de patients avec une épilepsie présente égale- ment des CNEP [13]. Dans une étude, les patients CNEP étaient plus fréquemment hospitalisés pour des « états de mal » (18,2 %) que ceux présentant des crises épileptiques (5,2 %) [33]. Dans une étude comparant états de mal réfrac- taires psychogènes et épileptiques, 78 % des patients CNEP étaient des femmes, les sujets étaient plus jeunes dans le groupe CNEP, les CPK plus faibles (moyenne de 39 contre Fig. 2 Nombreuses interventions pour la maîtrise des manifesta- tions : CNEP

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699 U/l) et les doses utilisées de benzodiazépine plus éle- vées dans le groupe CNEP (72 mg d’équivalent diazépam contre 29 mg en moyenne dans l’état de mal épileptique) [11]. La moitié des patients de cette série présentait un port-à-cath, témoignant probablement du caractère récidi- vant des épisodes [11]. En somme, et c’est un élément important au moment de la prise en charge, la présence d’un traitement antiépileptique en cours n’est pas un bon indicateur, en soi, d’une origine épileptique aux manifesta- tions observées.

Il n’y a pas d’âge, pas de terrain, pas de « profil »

Différents facteurs ont été associés à la survenue de CNEP, en particulier le sexe féminin, l’antécédent d’abus sexuels au cours de l’enfance, ou la présence de troubles de la personnalité, mais il est important de reconnaître qu’au- cune catégorie de la population n’est susceptible de ne jamais être affectée. Les personnes âgées [34], les femmes enceintes [35] et les enfants [12,36,37] peuvent également être touchés, et aucun contexte ne doit être considéré a priori comme « protégé ». Ainsi, un taux de 20,7 % de CNEP était observé dans une série prospective d’états de mal en milieu pédiatrique (âges de 9 à 15 ans) [12], tandis que deux sur six personnes âgées présentant des CNEP

avaient été admises pour des états de mal n’ayant pas fait leur preuve [38].

Conclusion

Le Tableau 1 résume les arguments cliniques qui doivent conduire le clinicien à remettre en question le diagnostic d’état de mal épileptique. De fait, le principal diagnostic dif- férentiel de l’état de mal convulsif est représenté par la CNEP à caractère prolongé, ne répondant pas (par défini- tion) à l’administration de médicaments anticonvulsivants (un terme évocateur serait celui de « pseudo-état de mal réfractaire »). En effet, les autres diagnostics différentiels habituellement mentionnés ne résistent pas au simple exa- men clinique : les mouvements anormaux involontaires ne s’accompagnent jamais d’une altération de la conscience, tandis que l’encéphalopathie postanoxique est une compli- cation secondaire de l’anoxie et de la mise enœuvre d’une réanimation cardioventilatoire, et ne constitue pas un mode initial de présentation.

Il doit donc être possible, pour l’urgentiste et le réanima- teur, d’identifier par un diagnostic positif (et non un diagnos- tic d’élimination), le plus précocement possible, les patients susceptibles de présenter un « pseudo-status ». Ce diagnostic

Tableau 1 Dix éléments cliniques (« drapeaux rouges ») devant conduire à suspecter une origine non épileptique psychogène aux manifestations dallure « convulsive »

CNEP prolongée État de mal épileptique

Fermeture des yeux au cours des manifestations cliniques Ouverture des yeux dès la rupture de contact Postures anormales marquées, exagérées : opisthotonos soutenu,

projection du bassin en avant

Posture en flexion des membres initialement, puis extension soutenue, avec clonies surimposées, se ralentissant

progressivement en augmentant en amplitude

Le comportement moteur est influençable (ou contextualisé) Aucun impact du comportement ou du discours de lentourage sur le déroulement clinique

Fluctuation du contact, variabilité des manifestations, enchaînement de crises successives

Évolution dun bloc

Absence dorganisation neurologique cohérente Pattern identifiable, stéréotypé (intra- et inter-individuel) Tolérance clinique remarquable (hémodynamique, respiratoire,

coloration tégumentaire) mais traumatismes possibles

Apnées, dépression respiratoire, cyanose, altérations hémodynamiques

Relevé possible dun score de Glasgow à 3. Pas de fiabilité dans ce contexte

Évolution rapidement favorable du score de Glasgow dès la fin des manifestations critiques

« Castatrophisme » : nombre important de personnes nécessaires pour maîtriser le comportement

Une personne seule peut placer le sujet en PLS Le traitement antiépileptique est inefficace en aigu (traitement

administré au cours des manifestations) et en chronique (notion dune « épilepsie » avec « pharmacorésistance »)

Chez un patient épileptique, un état de mal survient le plus souvent au cours dun sevrage thérapeutique

Il ny a pas de « terrain », de « profil spécifique ». Le diagnostic ne doit pas être écarté au motif que le sujet « na pas le profil »

Étiologies symptomatiques aiguës dominantes : une cause est rapidement mise en évidence

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précoce a des avantages majeurs, à la fois sur le plan de la santé des personnes concernées, mais également en termes de coûts économiques. En cas de doute, le recours à des avis spécialisés, et l’indication d’un enregistrement vidéo-EEG en urgence [6], est d’une impérieuse nécessité.

Matériel supplémentaire

Deux vidéos anonymisés en format .avi, intitulées CNEP et CTCG.

Légende de la vidéo « CNEP » (_esm1)

Femme de 31 ans, présentant une épilepsie traitée par lamo- trigine 200 mg/j. Hospitalisée pour extractions dentaires.

Deux crises le jour de son admission, et sept crises le matin du second jour : clonazépam 1 mg IVL à deux reprises, administré par les réanimateurs. Persistance des manifesta- tions : vidéo-EEG en urgence.

Les manifestations enregistrées présentent : le maintien d’une fermeture des yeux à la phase initiale de la crise, la prise de posture axiale en opisthotonos soutenu, les mouve- ments adaptatifs posturaux, l’intervention multiple, l’agita- tion, puis la persistance d’un contrôle moteur (chute de la main sur le visage), résistance à l’ouverture des yeux, absence de réaction à la douleur.

Légende de la vidéo « CTCG » (_esm2)

Femme de 20 ans. Enregistrement vidéo-EEG en condition de privation de sommeil dans le contexte de l’exploration d’un malaise avec perte de connaissance prolongée, sans témoin.

Les manifestations comportent une ouverture prolongée des yeux en début de crise (avec déviation tonique du regard), une phase initiale en flexion des quatre membres, les clonies rapides qui se ralentissent au cours de la crise, la maîtrise des manifestations par un seul intervenant.

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