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Article pp.7-12 du Vol.4 n°1 (2006)

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Vecteurs parmi d’autres de transformation de l’enseignement supérieur par les technologies de l’information et de la communication (TIC), les « campus numériques » ailleurs dénommés « universités virtuelles » ou encore « universités numériques » renvoient à des réalités multiples que Distances et Savoirs a souhaité appréhender sous des angles aussi complémentaires que possible. Un numéro n’y suffisant pas, la revue consacrera, en 2006, un deuxième ouvrage à cette thématique.

A quels projets ces termes sont-ils associés, qui ont circulé d’un pays à l’autre à partir du milieu des années 1990 ? Peut-on mettre en lumière, au-delà de l’effet de mode indéniable qui a présidé à la généralisation de ces expressions, une base commune plus large que la simple diffusion de l’Internet dans l’enseignement supérieur ? Le glissement de l’expression « université virtuelle » à celle de « campus numérique » serait-il anodin, pur produit d’une novlangue internationale nourrie par le flou de notions largement décontextualisées ou renverrait-il à des réalités bien différentes ?

Initialement centré sur l’opération « Campus numérique français » lancée par le ministère de l’Education nationale, le présent choix éditorial, en faisant la part belle à des expériences internationales (Angleterre, Norvège, territoires de la francophonie), marque notre volonté d’inscrire cette réflexion dans un espace international plus approprié selon nous à la compréhension du phénomène. N’est-il pas éclairant en effet de mettre en regard la diversité des intentions qui ont présidé aux trois appels d’offre français de 2000, 2001 et 2002 et la pluralité des objectifs des projets anglais, norvégien, francophone ? N’y a-t-il pas dans ces mises en relation un travail scientifique salutaire à mener, susceptible de répondre, au moins partiellement, à une rhétorique internationale prompte à effacer la diversité des choix socio-politiques ?

C’est donc bien de diversité dont il s’agira dans ce numéro : diversité des intentions politiques à l’origine des programmes, diversité des stratégies d’action, diversité des processus de développement, diversité des questionnements et des approches scientifiques. Signalons d’emblée les limites de l’exercice : ces phénomènes sont récents (un peu plus de dix ans) et, comme la recherche ne peut se situer dans la même temporalité que l’action, il faut considérer ce numéro comme une contribution à une réflexion qui en est à ses débuts.

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Comme le rappellent les repères chronologiques construits autour du programme

« Campus numériques français » et qui sont rassemblés à la fin de ce numéro, les trois appels d’offres nationaux recouvrent en fait des projets politiques différents.

L’objectif annoncé du premier et du deuxième appel est explicite : « construire une offre nationale de formation ouverte et à distance (FOAD) de qualité et compétitive sur le marché international ». La préoccupation à l’époque est bien de relancer le chantier de l’enseignement supérieur à distance, négligé par les autorités de tutelle depuis presque vingt ans, et de conquérir de nouveaux publics à l’échelle internationale. Une idée est formulée : ces dispositifs à construire avec les TIC doivent irriguer l’ensemble des établissements concernés et permettre d’offrir de nouveaux services pour les étudiants inscrits en présence.

Cet objectif étant posé, d’autres moyens auraient pu être mis en œuvre pour l’atteindre. Comme dans certains pays, la tentation de créer une grande université virtuelle nationale a existé. Un projet de GIP (Groupement d’intérêt public disposant d’une personnalité morale) regroupant l’ensemble des acteurs de l’enseignement à distance (CNED, CNAM, universités…) placé sous la responsabilité du CNED a été évoqué. Mais un autre choix stratégique a finalement été fait en suscitant la création de consortiums, c’est-à-dire de regroupements d’établissements d’enseignement supérieur publics qui s’associent à d’autres partenaires publics et/ou privés. Le nombre de consortiums n’a pas été déterminé à l’avance mais des priorités ont été annoncées pour les secteurs jugés les plus avancés sur le plan technologique et les plus réceptifs à ce genre de partenariat.

En s’écartant de la question de l’enseignement à distance et en s’intéressant à l’élaboration de dispositifs techniques propres à gérer l’ensemble des activités des établissements d’enseignement supérieur, le troisième appel a ouvert une nouvelle voie moins préoccupée de pédagogie et plus soucieuse de mettre à la disposition de l’ensemble des acteurs de l’université les outils informatiques susceptibles d’offrir de nouveaux services. Développées à partir de cette logique, les universités numériques régionales (UNR) ont été l’occasion d’impliquer directement des collectivités territoriales. Avec les universités numériques thématiques (UNT), la mise à disposition de ressources pédagogiques numérisées est devenue une préoccupation majeure.

A la pluralité des intentions qui ont présidé à la conception de ces dispositifs répond la pluralité des réalisations qui ont bénéficié de ces labels (CN, ENT, UNR, UNT). Le présent numéro ne prétend pas en faire une présentation exhaustive, encore moins l’évaluation. Il apporte en revanche des analyses et des témoignages à différents niveaux qui, au-delà de la pluralité des acceptions et des réalisations, soulignent les enjeux qui traversent ces réalités. Par-delà la diversité des approches et des terrains, tous les auteurs s’interrogent sur les changements induits par une organisation originale à mettre en place pour permettre aux acteurs de collaborer de façon peut-être plus étroite qu’ils n’en ont généralement l’habitude.

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Partant, c’est bien le rôle des acteurs – des enseignants notamment – et leurs marges de manœuvre qui se trouve au centre du questionnement suscité par l’apparition des campus numériques, universités virtuelles, campus virtuels…

Quel itinéraire privilégier pour tisser des liens entre les textes de ce numéro ? Voulant favoriser la confrontation des points de vue et la mise en perspective de la situation française, nous avons choisi de commencer par des analyses concernant des réalités extra-nationales. L’article de Karsten Jopp et de Turid Trebbi s’interroge sur l’impact des campus numériques sur l’enseignement supérieur en Norvège. Les auteurs soulignent que les années 1990 ont été marquées par l’illusion d’une transformation des méthodes pédagogiques par les technologies, illusion techniciste qui n’est pas propre à la Norvège… Le contexte norvégien a ensuite été marqué par une approche centrée sur la mise à disposition de ressources pédagogiques numérisées. Dans une phase ultérieure, les TIC, promues au rang de catalyseurs du changement, sont placées au service de l’innovation pédagogique. Pour finir, les auteurs posent une question fondamentale qui trouve une résonance au-delà de la Norvège : la politique nationale de déploiement des TIC a-t-elle pour effet d’accroître le pouvoir de l’administration au détriment du pouvoir académique au sein du système universitaire ?

Catherine Chabert nous fait bénéficier de sa position privilégiée d’observatrice du contexte britannique pour nous proposer une version de l’histoire – courte – de la tentative de création de la UKeU, l’université virtuelle britannique. C’est l’histoire d’une initiative qui tourne court rapidement tant les dissonances entre les acteurs sont patentes. Ce projet a été confié au HEFCE, l’organisme public qui distribue les subventions aux universités britanniques. Il s’agissait à l’origine de créer un consortium regroupant un nombre restreint d’établissements reconnus pour leur expertise en formation à distance utilisant les TIC et le secteur privé. Au-delà des modifications subies par le projet dans ses contours et ses objectifs, de choix rapidement contestés, comme l’option du « tout en ligne », ou de cibles trop peu précises, se trouve posée la question de la création d’une nouvelle université et sa place par rapport aux établissements existants, concurrents ou partenaires ?

Sana Miladi, sur la base d’une centaine d’entretiens avec des chefs de projet, enseignants auteurs et/ou tuteurs, responsables administratifs et techniques, etc., questionne l’organisation du travail qu’engendre la mise en œuvre des campus numériques. Elle discerne à la fois une spécialisation horizontale et une division verticale entre les différents acteurs. Elle s’interroge de façon apparemment paradoxale : le projet initial centré sur un processus d’innovation pédagogique aboutit-il par des jeux d’acteurs complexes à une rationalisation, voire à une bureaucratisation du système ? L’auteur constate que plus l’ingénierie de formation est mise en œuvre, plus l’incertitude relative à ce processus d’innovation est grande : la rationalisation qu’elle met au jour serait alors le résultat paradoxal de stratégies d’acteurs en vue de réduire cette incertitude. En somme, comme si la rationalisation

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appliquée à une « anarchie organisée » au sens de Mintzberg menait à la bureaucratisation plus sûrement qu’à des formes d’organisation favorisant un fonctionnement plus participatif…

En prenant appui sur l’analyse du campus numérique FORSE, Michel Develay, Hélène Godinet et Maud Ciekanski s’interrogent eux aussi sur la place des acteurs, et, notamment des enseignants, dans un dispositif qui associe différents professionnels. La question fondamentale qu’ils posent : dans des formations où l’enseignant n’est plus seul maître à bord, qui est responsable des choix pédagogiques ? Il ressort de cette étude que cette responsabilité pédagogique serait partagée par l’ensemble des acteurs à des degrés divers. En d’autres termes, le travail en réseau engendrerait de nouvelles logiques professionnelles qui tendraient à modifier tant la nature des interactions que la culture professionnelle des acteurs impliqués. Le partage de la responsabilité pédagogique dans un campus numérique accompagnerait-il la bureaucratisation mise en évidence dans l’article précédent ?

Serge Pouts-Lajus et Elisa Leccia ont réalisé pour Education & Territoires une étude ethnographique sur la conception et l’utilisation des ressources au sein du campus numérique CampusCultura. Ils ont repris pour Distances et Savoirs leur travail concernant le processus de production des ressources numériques. On retrouve dans le premier volet la question de la collaboration et de la négociation.

Deux types d’acteurs sont particulièrement concernés, l’auteur et le concepteur multimédia. L’étude met au jour trois attitudes possibles, de la confiance aveugle au contrôle total en passant par le jugement a posteriori par l’enseignant-auteur. Le second volet traite de la perception des ressources. Il est intéressant de noter que, derrière l’hétérogénéité des cours en ligne – qui n’est pas moins grande que pour les cours en présentiel, rappellent les auteurs –, les étudiants cherchent à percevoir une

« intention pédagogique »…

L’entretien avec Claude Lépineux, responsable du développement chez Algora, nous livre un autre point de vue. Membre du jury des trois appels à projets

« Campus numériques français », il a pris une certaine mesure des changements.

Ainsi, il discerne des évolutions sensibles et note l’apparition progressive de projets plus pragmatiques et l’émergence d’une « culture de la prestation ». Quatre ans plus tard, il pense que cette opération a permis de « mailler » des acteurs et de sortir de l’illusion d’une université en ligne générale. L’entretien se poursuit avec un tour d’horizon rapide du développement de la FOAD dans le secteur privé. Claude Lépineux essaie enfin de préciser la place que pourrait occuper l’université dans ce paysage.

Albert-Claude Benhamou, chargé de mission au ministère de l’Education nationale et directeur de l’Université médicale virtuelle francophone (UMVF), revient sur l’expérience de l’UMVF, à l’origine de la création des UNT. Il décrit de

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façon précise le contexte de la mise en place de l’UMVF marquée par les particularités du secteur médical. Il fait le point sur la création et le développement en cours des autres UNT en précisant le concept qui a présidé à leur création. Enfin, il apporte des précisions sur sa perception des enjeux liés aux contenus numérisés.

Le texte de Didier Oillo et Pierre-Jean Loiret, respectivement administrateur et administrateur délégué du programme « Soutien des TIC au développement de l’enseignement supérieur et de la recherche » à l’Agence universitaire de la francophonie (AUF), confirme l’intérêt d’une approche dans la durée. Ils nous apportent un témoignage-clé qui retrace 15 années d’actions dans le champ des TICE au sein du monde universitaire francophone. Les années 1990, marquées par la mise en place de petites structures au sein des universités, mettent l’accent sur la connexion aux bases documentaires internationales. C’est également l’époque où se développent des expérimentations d’enseignement à distance par satellite. La question de l’Université virtuelle francophone (UVF) est posée dès 1997. Le terme d’université, jugé trop ambigu, sera abandonné en 2000. L’AUF crée des campus numériques francophones et décide de participer à l’appel à projets « Campus numériques français » à partir de 2001.

Les campus numériques sont-ils déjà morts ou bien encore vivants ? Ce numéro, s’il en était besoin, relativise l’intérêt de la question. Si officiellement il n’existe plus de dispositifs de soutien aux campus numériques, d’autres opérations nationales ont pris le relais (cf. repères chronologiques) qui permettent de continuer à faire vivre des formations et des coopérations engagées dans le cadre de ce programme.

Que s’est-il passé d’une initiative à l’autre ? D’autres recherches seront nécessaires pour répondre à cette question. Nous nous contenterons ici de faire le constat, qu’au niveau international, les discours des décideurs ont changé. Plus personne ne défend la création ex nihilo d’universités à distance qui toucheraient indistinctement un public mondial aussi vague que mal cerné. L’idée d’un grand marché mondial de l’éducation a, au moins provisoirement, fait long feu. La disparition du WEM après seulement quelques tentatives en est la preuve.

Mais ce que révèlent les classements internationaux d’universités dans lesquels les établissements français sont invariablement mal placés, c’est la bataille pour attirer des étudiants – les meilleurs et/ou les plus solvables. Les TIC sont utilisées à nouveau comme des armes au service de la concurrence. Le champ de bataille s’est déplacé des formations aux contenus, l’initiative « Open Course Ware » du MIT1 en est l’emblème. L’enjeu principal est désormais la présence de contenus de formations visible sur le Net et indexés selon des normes et standards en cours de définition.

1. L’initiative Open CourseWare (OCW) du Massachusetts Institute of technology (MIT) consiste à mettre en ligne les ressources constituées par ses cours, sur une très grande échelle,

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Sans prétendre épuiser le débat, puissent ce numéro et le suivant – qui rendra compte notamment des travaux des deux ERTE consacrées aux campus numériques2 – contribuer à sortir des jugements hâtifs non fondés qui tour à tour encensent et décrient les initiatives successives, ainsi qu’à rendre intelligibles des enjeux au-delà d’un cercle étroit d’initiés.

Laurent Petit Université Pierre et Marie Curie, Paris 6 laurent.petit@upmc.fr Françoise Thibault Fondation Maison des Sciences de l’Homme de Paris francoise.thibault4@wanadoo.fr Turid Trebbi Université de Bergen Turid.Trebbi@roman.uib.no

2. Equipes de recherche technologique en éducation labellisées par le ministère de la Recherche ; deux projets d’équipes interétablissements et interdisciplinaires ont été retenus :

« Modèles économiques et enjeux organisationnels des campus numériques » (http://www.ifresi.univ-lille1.fr/SITE/2_Recherche/22_Programmes/ERTe/ERTe.htm

http://www.mshparisnord.org/axes/axe1th03erte.htm et « Campus numérique, innovation pédagogique » (http://ertecanip.over-blog.com/)

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