D276 - La saga des polygones inscriptibles (3ème épisode) [*** à la main]
Problème proposé par Claudio Baiocchi
On se donne trois nombres strictement positifs; on cherche un ennéagone non croisé inscriptible dont trois côtés mesurent , trois mesurent et trois mesurent . Donner un procédé qui permette d'approcher la mesure du rayon circonscrit et de l’aire de l'ennéagone.
Pour les plus courageux: on se donne un entier et on veut approximer rayon circonscrit et aire d'un polygone inscrit non croisé ayant côtés, desquelles mesurent , autres mesurent et les restants mesurent .
Solution de l’auteur
Il est fort évident que l'ordre de rangement des côtés n'influence pas la solution; en particulier, si l'on range les côtés dans l'ordre (cyclique) on peut commencer à
chercher le rayon d’un cercle dans lequel on peut inscrire (trois copies de) un quadrilatère non-croisé dont les cotés mesurent et , la dernière valeur correspondant à la mesure du coté du triangle équilatéral inscrit dans le cercle. Dans Figure 1 la partie de droite détaille la variante relative aux dodécagones; en général, pour un polygone de cotés,
la longueur de vaut .
Figure 1
Une fois la valeur de trouvée, pour ce qui concerne l’aire de l’ennéagone il suffira de rajouter à l’aire du triangle trois fois l’aire du quadrilatère ; l’aire de pouvant être évaluée à l’aide d’une formule très ancienne qui remonte à Brahmagupta:
Il s’agit d’une formule qui donne l’aire d’un quadrilatère inscrit non croisé en terme des mesures des côtés et qui généralise aux quadrilatères inscrits non-croisés la bien connue formule de Héron, valable pour tout triangle (car tout triangle est inscriptible et non- croisé).
Mais comment trouver la valeur de ? Une possibilité est fournie par une formule elle aussi très ancienne, qui remonte à Parameshvara: elle permet d’évaluer le rayon circonscrit d’un quadrilatère inscrit non-croisé de côtés en terme des côtés et de l’aire:
Remplaçant le côté par on aboutit à une équation dans l’inconnue qui, malheureusement, est assez difficile à manipuler: on peut se ramener à un polynôme de degré 6 en dont le nombre de solutions réelles dépend de … La mise en œuvre de cette approche amène de toute façon à un problème assez tordu, qu’on va remplacer par une approche nettement plus simple.
Le théorème de Huygens et Cramer
On se donne un entier et nombres strictement positifs. On appelle F la famille des polygones non croisés ayant côtés dont les mesures sont données par les , et on admettra que le plus grand des est strictement plus petit que la somme des autres: il s’agit de la condition nécessaire et suffisante pour que la famille F soit non vide. On peut démontrer que, si est la valeur maximum pour les aires correspondantes, l'aire d'un élément
de F vaut si et seulement si est inscriptible; ce qui montre d'un côté l'existence d’éléments de F qui sont inscriptibles et d'autre côté fournit l'unicité du rayon circonscrit.
Remarque Le résultat est connu dans la littérature spécialisée sous le nom de Théorème de Huygens et Cramer; malheureusement, pour ce qui concerne le Web, le seul résultat que j'ai trouvé est une (presque complète) démonstration.
Revenons à notre problème. Avec les notations de figure 1, le pentagone doit avoir aire maximale, puisque l’ennéagone cherché (qui a aire maximale) est donné par 3 copies de ce pentagone. Par ailleurs l'aire du pentagone se décompose dans la somme des aires du triangle et du quadrilatère ; et on peut remplacer partout la valeur 3 par . L’aire du triangle vaut tandis que l’aire du quadrilatère est donnée par la
formule de Brahmagupta; la résolution du problème est donc ramenée à la minimisation de la fonction
On peut se borner à travailler, par exemple, sur l'intervalle où est le plus grand des trois côtés ; la fonction étant unimodale sur cet intervalle (à savoir:
d'abord croissante, puis décroissante) on dispose de nombreuses techniques numériques pour l'approximation de l’unique point de maximum; y compris l’usage de programmes de
manipulation algébrique-géométrique tels que geogebra qui permet d’un côté d’évaluer (approcher…) le point de maximum de la fonction et d’autre côté, à partir de la valeur trouvée, de visualiser l’hexagone et une valeur approchée pour son aire.
Naturellement dans le cas le «triangle» est plat et la figure se réduit au double d’un quadrilatère dont le coté le plus grand coïncide avec le diamètre du cercle circonscrit. La somme à maximiser se réduit à l’aire du quadrilatère et, par dérivation de , on
aboutit à la recherche des racines de l’équation ; équation
qui, après le changement de variable , redonne celle déjà étudié dans le premier épisode relatif aux quadrilatères inscrits dans un demi-cercle.