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Article pp.63-77 du Vol.40 n°241 (2014)

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Texte intégral

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HÉDI NOUBBIGH

HEC Carthage, Université de Carthage, Tunisie

DOI:10.3166/RFG.241.63-77 © 2014 Lavoisier

Criminalité financière

Le profil type du criminel en col blanc dans les entreprises tunisiennes

Dans un monde où les crimes financiers se multiplient, il est intéressant d’étudier ce phénomène pour en comprendre les mécanismes et tenter d’en limiter les effets négatifs.

Cette recherche a pour finalité de déterminer le profil socioprofessionnel du criminel en col blanc qui commet ses crimes dans le cadre de ses activités professionnelles. À l’issue de cette étude, nous avons pu mettre en évidence les traits les plus distinctifs du criminel financier en dégageant autant de profils que de types de crimes financiers commis dans les entreprises tunisiennes. Ces profils sont définis à travers des variables telles que le statut social, le niveau d’instruction ou encore l’ancienneté du criminel au sein de l’entreprise victime.

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D

epuis quelques années, nous assis- tons, de par le monde, à des scan- dales financiers de nature criminelle et ce, au sein d’entreprises de différentes natures et de différentes tailles à l’instar du scandale d’Enron en 2001, ou encore plus récemment, celui de la Société générale en 2008. Ce phénomène ne s’est pas limité aux pays développés, il s’est propagé peu à peu pour toucher les pays émergents, provoquant ainsi des désastres financiers. Ainsi, la Tuni- sie, pays en développement, n’a pas échappé au fléau de la criminalité financière et les entreprises tunisiennes n’ont pas été épar- gnées. Des fraudes commises en entreprise ont été révélées au grand jour entraînant des pertes considérables et provoquant des scandales financiers d’une grande ampleur.

À titre d’exemple, nous citons l’affaire

« Société Héla » connue par le public sous le nom de « Batam » et l’affaire « General Leasing », où de graves infractions ont été commises. La première est une entreprise spécialisée dans le commerce d’appareils électroménagers qui a fini par déposer le bilan avant d’être rachetée par de nouveaux investisseurs, et la seconde est une société de leasing ayant été condamnée à payer une lourde amende. Cela dit, si nous observons de plus près les différents cas frauduleux débusqués, nous pouvons nous demander si la nature de l’Homme n’y est pas pour quelque chose.

Certes, les entreprises ont mis en place des systèmes de sécurité apparemment invio- lables, des procédures d’audit et de contrôle interne, ainsi que des mécanismes de gou- vernance supposés efficaces, mais elles ont oublié que ce sont des Hommes qui sont à l’origine de toutes ces réglementations et

techniques. Connaissant toutes les failles du système, ces individus peuvent le contour- ner sans difficulté aucune. Faut-il alors blâmer la comptabilité ou la loi pour leur incapacité à éviter parfois tel ou tel crime financier ou plutôt se concentrer sur les individus eux-mêmes qui évoluent au sein de l’entreprise ? À ce titre, Laschi (1901, p. 59) affirme que « l’influence des facteurs économiques et sociaux dans la criminalité financière, confirmée par l’histoire et l’ex- périence quotidienne, n’exclut pas celle des facteurs individuels. Ceux-ci, au contraire, complètent ceux-là : car il est maintenant démontré par l’étude de tous les phéno- mènes du crime, qu’il serait aussi inexact de tout attribuer à l’action du milieu, que de restreindre la genèse du délit à la seule perversité de l’argent ». Il serait donc plus judicieux, en étudiant la criminalité finan- cière, d’analyser les caractéristiques indi- viduelles afin d’isoler les individus les plus enclins à commettre des crimes. En entreprise, le but d’une telle démarche, est de comprendre si certains employés sont plus susceptibles de frauder que d’autres, ou bien si les fraudes sont plutôt commises par ces employés de façon aléatoire, et par conséquent ne répondant à aucune règle objective. La première éventualité étant la plus plausible, nous nous demandons alors dans quelle mesure ces crimes financiers peuvent être prévenus à temps afin d’éviter des pertes colossales, tant à l’échelle de l’entreprise (pertes financières, altération de la notoriété, etc.), qu’à l’échelle de l’individu lui-même (problèmes sociaux, démêlés avec la justice, etc.). À ce titre, Dion (2011) a précisé que le coût annuel des crimes commis en entreprise ou occu-

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pational crimes1 a été estimé par l’Associa- tion of Certified Fraud Examiners (ACFE) à 994 milliards de dollars aux États-Unis et ce, sur la base d’une étude faite en 2008 sur 959 cas survenus entre janvier 2006 et février 2008.

Afin de détecter les occupational crimes et, éventuellement, de prévenir les risques qui y sont liés, il nous a semblé que le recours au concept de « profilage » est de nature à répondre aux préoccupations des spécia- listes de la criminalité financière. En crimi- nologie, le profilage criminel, ou « analyse comportementale », est une méthode inté- ressante qui permet de déterminer le profil d’un criminel. Kocsis (2006) définit ce concept de la manière suivante : « le profi- lage criminel désigne le processus d’iden- tification des traits de la personnalité, des tendances comportementales, de la locali- sation géographique, et des variables démo- graphiques ou des particularités biologiques d’un délinquant en se basant sur les carac- téristiques du crime commis ». Le profilage a donc pour but de répertorier les individus, et donc de les distinguer en se basant sur des caractéristiques bien déterminées.

Appliqué à l’entreprise dans le cadre de la lutte contre la criminalité financière, le profilage ne sert pas seulement à détermi- ner les caractéristiques psychologiques de l’individu prédisposé au crime financier, mais aussi à cerner d’autres caractéristiques de nature sociale, culturelle, etc., jouant un rôle important dans la « genèse » de criminels financiers. Ce profil se construit, en principe, à partir d’observations réelles

appuyées par des constatations matérielles et scientifiques. Dans ce cas, l’utilité fon- damentale du profilage réside dans le fait de repérer les individus qui présentent les caractéristiques attribuées aux criminels financiers, afin de les surveiller et de veiller à ce qu’ils ne commettent pas de crimes, ce qui limite considérablement les risques pour l’entreprise. Le profilage a donc un rôle préventif.

L’objectif de cette étude est donc de repé- rer les criminels financiers potentiels qui opèrent dans les entreprises et de prévenir les risques de fraudes en établissant le profil du criminel en col blanc.

Dans ce contexte, nous pouvons alors nous demander quel serait le profil type du cri- minel financier dans les entreprises tuni- siennes ?

Cet article présente dans une première partie une revue de la littérature portant sur le profil socioprofessionnel du criminel en col blanc. Après une présentation des aspects méthodologiques de l’article, nous introduisons dans une deuxième partie les variables objet de l’étude. Quant à la der- nière partie, elle est consacrée aux résultats empiriques obtenus et à leur interprétation.

I – REVUE DE LA LITTÉRATURE Étant donné l’explosion du phénomène de la criminalité financière et l’admission par tous qu’il s’agit d’une criminalité à part entière (Sutherland, 1945), des chercheurs se sont intéressés à ce domaine, et se sont penchés sur l’étude du profil du criminel en

1. Holtfreter (2005) définit les occupational crimes comme étant « l’utilisation par une personne de sa profession pour favoriser son enrichissement personnel, et ce en recourant à une mauvaise utilisation délibérée ou l’usage impropre des ressources de l’entreprise qui l’emploie ». L’ACFE a classé les occupational crimes en trois catégo- ries, à savoir les détournements d’actifs, la corruption et les états financiers frauduleux.

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col blanc en essayant d’en définir les carac- téristiques les plus distinctives, notamment socioprofessionnelles. Dans le cadre de cette étude, nous n’allons nous focaliser que sur ces caractéristiques.

1. Genre

Sutherland (1949) et Zahra et al. (2007) ont avancé que les hommes sont plus dis- posés à commettre des crimes financiers que les femmes. Ceci pourrait s’expliquer par les caractéristiques de l’opportunisme et du matérialisme attribuées aux hommes contrairement aux caractéristiques de la vertu, et du sens de l’éthique associées géné- ralement aux femmes comme l’explique Hofstede (1980). Cependant, Holtfreter (2005) ainsi que Weisburd et Waring (2001) semblent moins catégoriques puisque la première affirme que le genre de l’individu diffère selon la nature du crime financier commis, alors que les seconds montrent que les femmes sont impliquées dans les crimes en col blanc au même titre que les hommes.

2. Âge

Greenfield et al. (2008) ont affirmé que les jeunes employés sont plus tentés par la ges- tion des données que leurs collègues plus âgés. Cette gestion pouvant parfois être de nature frauduleuse et donc être considérée comme un crime financier. Cette idée cor- robore celle avancée par Zahra et al. (2007).

En effet, ces auteurs ont établi un lien entre la maturité et la moralité, c’est-à-dire que plus on vieillit, plus on acquiert de la sagesse et de la moralité. Parallèlement, ils ont affirmé que la jeunesse est associée à la prise de risque, à l’insouciance et à l’inca-

pacité d’évaluer les conséquences à long terme. Quant à Langton et Piquero (2007), ils ont affirmé que les jeunes individus ont tendance à commettre des crimes financiers de niveau inférieur ou moyen, alors que les individus plus âgés sont le plus sou- vent impliqués dans des crimes financiers de niveau supérieur donc plus complexes.

Holtfreter (2005), pour sa part, a affirmé que l’âge du délinquant financier diffère selon la nature du crime commis alors que des chercheurs tels que Friedrichs (2009) ou Weisburd et Waring (2001) ont avancé que les criminels en col blanc sont plus âgés que les criminels conventionnels2.

3. Statut social

Selon Friedrichs (2009), les crimes en col blanc sont l’œuvre d’individus le plus sou- vent mariés et ayant une situation familiale plutôt stable. Ils peuvent être amenés à com- mettre des fraudes ou des détournements de fonds lorsqu’ils sont dans le besoin.

4. Niveau d’instruction

Un nombre important d’auteurs sont una- nimes quant au fait que le criminel en col blanc est une personne instruite. Ainsi, Laschi (1901) a montré que les fraudeurs et les escrocs « sont rarement illettrés ». Ceci rejoint l’idée avancée par Sutherland (1949) et Friedrichs (2009) qui ont affirmé que les criminels financiers sont susceptibles d’être plus instruits que les criminels convention- nels. Pour sa part, Dion (2011) a soutenu que le criminel financier peut être par exemple « avocat, médecin, comptable, par- lementaire ou administrateur d’une grande entreprise ». Toutefois, Weisburd et Waring

2. Dion (2011) cite quelques exemples de crimes conventionnels ou « crimes communs » tels que « le cambriolage, le viol, le vol à main armée ou l’assaut ».

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(2001) ont avancé que faire des études est associé à un faible taux de criminalité, et Zahra et al. (2007) ont attesté que le niveau d’instruction doit être positivement corrélé au degré de moralité de l’individu. Quant à Holtfreter (2005), elle a montré que le niveau d’instruction du criminel financier est différent d’un délit à un autre.

5. Niveau hiérarchique

Dans deux études différentes, et à deux époques différentes, Sutherland (1949) et Friedrichs (2009) ont affirmé que le crimi- nel en col blanc occupe une position élevée au sein de l’entreprise. Weisburd et Waring

(2001) ont, pour leur part, montré qu’un vol dans le stock de l’entreprise peut être commis par des employés qui ne détiennent pas forcé- ment beaucoup de pouvoirs dans la société, d’un niveau hiérarchique peu élevé, alors que le délit de fraude par internet est généralement perpétré par des employés de niveau hié- rarchique moyen. Holtfreter (2005) a, quant à elle, attesté que les fraudes dans les états financiers sont le fait d’individus dont la posi- tion hiérarchique est assez élevée alors que les délits de corruption et de détournement d’actifs sont associés à des positions hiérar- chiques peu élevées au sein de l’entreprise.

MÉTHODOLOGIE Échantillon

Les données ont été recueillies à partir des différents dossiers de personnes accusées d’avoir commis des crimes financiers dans le cadre de leurs activités professionnelles ou occupa- tional crimes au sein d’entreprises tunisiennes. La collecte des données s’est faite à la cour d’appel de Tunis dans un souci de fiabilité de l’information et la certitude que le défendeur est incontestablement un criminel financier puisque jugé coupable en première instance et en appel. Les dossiers qui y sont traités contiennent toutes les informations relatives aux dif- férentes affaires et retracent leur historique. Les données de référence pour notre recherche se rapportent à la date où le crime a été commis. En raison du nombre d’années qui sépare les faits et le jugement en appel, il est difficile d’accéder à des dossiers récents, c’est donc pour cette raison que la majorité des données collectées correspond à des délits ayant eu lieu entre 1997 et 2006. Ainsi, nous avons obtenu 349 cas, dont 28 non exploitables en raison du manque de données, ce qui a ramené l’échantillon final à 321 cas.

Méthode d’analyse

Pour affiner l’étude et obtenir des résultats précis, nous avons décidé d’établir autant de pro- fils que de types de crimes en col blanc observés. Bien entendu, il ne s’agit pas de tous les occupational crimes possibles, mais seulement des modalités observées lors de la collecte des données et survenues dans le contexte tunisien. Il s’agit d’une étude inédite en Tuni- sie dans laquelle nous allons tenter de construire le profil socioprofessionnel du criminel financier qui opère en entreprise et ce, en fonction du type de délit commis. Notre analyse comporte trois parties, à savoir une analyse descriptive de l’échantillon, un test de chi-deux, et une analyse factorielle des correspondances simple (AFC simple).

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6. Ancienneté

Greenfield et al. (2008) ont affirmé que les individus ayant plus de cinq ans d’ancien- neté sont moins tentés par la gestion des données que ceux ayant une ancienneté de moins de cinq ans. De tels résultats peuvent être extrapolés pour les manipu- lations de données comptables à caractère criminel.

7. Actionnariat

Selon Alexander et Cohen (1999), les crimes financiers sont moins fréquents dans les entreprises où les dirigeants sont actionnaires et détiennent une large part du capital.

Étant donné l’absence de consensus dans la littérature par rapport à certaines variables socioprofessionnelles et compte tenu de l’hétérogénéité des résultats obtenus dans les études antérieures ainsi que la diversité des profils à établir, nous ne pouvons pas émettre d’hypothèses de recherche se rap- portant aux différentes variables objet de notre étude.

II – DESCRIPTION DES VARIABLES Les différentes variables utilisées dans le cadre de cette étude sont définies dans le tableau 1.

III – RÉSULTATS ET INTERPRÉTATIONS

Les résultats de cette étude ont été obtenus grâce au logiciel SPSS.

1. Analyse descriptive

Le tableau 2 représente un état récapitulatif des fréquences de notre échantillon.

En ce qui concerne la variable genre, nous constatons que l’échantillon est com-

posé de 92,8 % d’hommes et de 7,2 % de femmes. De tels résultats semblent cor- roborer les recherches développées aupa- ravant (Sutherland, 1949 ; Zahra et al., 2007). En ce qui concerne la variable actionnariat, les non-actionnaires forment 90 % de l’échantillon contre 10 % seule- ment d’actionnaires, ce qui semble être en faveur de la thèse avancée par Alexander et Cohen (1999). Néanmoins, l’étude de l’échantillon doit être approfondie et nous ne pouvons nous prononcer avec certitude quant au profil du criminel financier à ce stade de l’analyse. Pour la variable niveau d’instruction, nous remarquons que les personnes n’ayant fait que des études pri- maires ou secondaires représentent 90,7 % de l’échantillon total pour seulement 9,3 % d’individus ayant fait des études univer- sitaires. Quant à la variable statut social, nous constatons que l’échantillon est formé de personnes mariées et ayant des enfants, à hauteur de 45,5 %. Pour la variable niveau hiérarchique, l’échantillon est formé de 76,3 % de personnel d’exécution.

Pour ce qui est des variables âge et ancien- neté, ce sont les plus jeunes et les moins expérimentés qui forment majoritairement l’échantillon, respectivement, à raison de 34,6 % et 46,4 %.

2. Test de chi-deux

Le test de chi-deux permet d’apprécier la qualité de la correspondance entre deux variables données. Le tableau 3 résume les différents résultats obtenus grâce à ce test.

À la lecture de ce tableau, nous pouvons affirmer que les variables : genre, âge, statut social, niveau d’instruction, niveau hiérarchique, ancienneté et actionnariat respectent les conditions d’application du test de chi-deux. En effet, ces variables

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Tableau 1 – Définition des variables

Nom Description Nature Codification des modalités Auteurs

Genre Fait référence au sexe de

l’individu nominale – homme = 1

– femme = 2

Sutherland (1949) ; Weisburd et Waring (2001) ; Holtfreter (2005) ; Zahra et al. (2007)

Âge Âge du criminel financier au

moment des faits ordinale

– inférieur ou égal à 30 ans = 1 – entre 31 ans et 40 ans = 2 – entre 41 ans et 50 ans = 3 – supérieur à 50 ans = 4

Weisburd et Waring (2001) ; Holtfreter (2005) ; Zahra et al. (2007) ; Langton et Piquero (2007) ; Greenfield et al. (2008) ; Friedrichs (2009)

Statut social

Il s’agit du statut social du criminel financier au

moment des faits nominale

– célibataire = 1 – marié, sans enfants = 2 – marié ayant des enfants = 3

Friedrichs (2009)

Niveau d’instruction

Désigne le niveau d’instruction du criminel en col blanc au moment des faits

nominale

– n’a pas fait d’études universitaires = 1 – a fait des études universitaires = 2

Laschi (1901) ; Sutherland (1949) ; Weisburd et Waring (2001) ; Holtfreter (2005) ; Zahra et al. (2007) ; Friedrichs (2009)

Niveau hiérarchique

Niveau hiérarchique du criminel financier au sein de l’entreprise victime au moment des faits

nominale

– personnel d’exécution = 1 – personnel d’encadrement* = 2 – personnel de direction = 3

Sutherland (1949) ; Weisburd et Waring (2001) ; Holtfreter (2005) ; Friedrichs (2009)

Ancienneté

Désigne le nombre d’années passées par le criminel financier à travailler dans l’entreprise victime jusqu’au moment où le crime est commis

ordinale

– inférieure ou égale à 2 ans = 1 – entre 3 ans et 5 ans = 2 – entre 6 ans et 10 ans = 3 – supérieure à 10 ans = 4

Greenfield et al.

(2008)

Actionnariat

Indique si le criminel financier est actionnaire ou pas dans l’entreprise victime au moment des faits

nominale – non-actionnaire = 1 – actionnaire = 2

Alexander et Cohen (1999)

Crime financier

Les différents crimes financiers relevés dans le contexte tunisien sont représentés par la variable crime financier. À chaque modalité de cette variable nous associons un profil

nominale

– abus de confiance qualifié = 1 – détournement par un fonctionnaire de fonds publics qu’il détenait en raison de sa fonction = 2

– vol commis par un employé au détriment de son employeur = 3

– faux et usage de faux = 4

* Personnel d’encadrement : il s’agit de la catégorie des responsables qui ne font pas partie du personnel de direction.

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Tableau 2 – Fréquences et composition de l’échantillon (n = 321)

Variables Modalités

Type de crimes financiers commis

(en %) Fréquences

totales Abusa Détourne- (%)

mentb Volc Fauxd

Genre* homme 38,6 % 21,8 % 32,4 % 92,8 %

femme 3,1 % 1,9 % 2,2 % 7,2 %

Âge

inférieur ou égal à 30 ans 11,8 % 5,3 % 15,6 % 1,9 % 34,6 %

31-40 ans 14,6 % 5,3 % 9,7 % 1,9 % 31,5 %

41-50 ans 10,3 % 5,3 % 6,9 % 2,5 % 24,9 %

supérieur à 50 ans 5 % 1,6 % 2,5 % 0 % 9 %

Statut social

célibataire 16,2 % 4,4 % 18,7 % 1,6 % 40,8 %

marié, sans enfants 5,6 % 3,4 % 3,4 % 1,2 % 13,7 % marié ayant des enfants 19,9 % 9,7 % 12,5 % 3,4 % 45,5 % Niveau

d’instruction

pas d’études universitaires 35,8 % 16,8 % 33 % 5 % 90,7 % études universitaires 5,9 % 0,6 % 1,6 % 1,2 % 9,3 %

Niveau hiérarchique

personnel d’exécution 25,5 % 15,9 % 31,2 % 3,7 % 76,3 % personnel d’encadrement 5,3 % 0,9 % 2,8 % 0,9 % 10 %

personnel de direction 10,9 % 0,6 % 0,6 % 1,6 % 13,7 %

Ancienneté

inférieure ou égale à 2 ans 21,8 % 1,6 % 20,6 % 2,5 % 46,4 %

3-5 ans 7,8 % 5,6 % 5 % 1,2 % 19,6 %

6-10 ans 4,4 % 3,1 % 5,3 % 2,2 % 15 %

supérieure à 10 ans 7,8 % 7,2 % 3,7 % 0,3 % 19 % Actionnariat non actionnaire 32,7 % 17,4 % 34,6 % 5,3 % 90 %

actionnaire 9 % 0 % 0 % 1 % 10 %

a. Abus de confiance qualifié.

b. Détournement par un fonctionnaire de fonds publics qu’il détenait en raison de sa fonction.

c. Vol commis par un employé au détriment de son employeur.

d. Faux et usage de faux.

* Afin de se conformer aux conditions d’application du test de chi-deux, il a fallu, pour la variable genre, regrouper deux des modalités de la variable crime financier, à savoir « détournement par un fonctionnaire de fonds publics qu’il détenait en raison de sa fonction » et « faux et usage de faux ».

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présentent un pourcentage d’effectif infé- rieur à 5, respectivement de l’ordre de 0 %, 12,5 %, 8,3 %, 12,5 %, 16,7 %, 18,8 % et 12,5 %. Ces pourcentages étant inférieurs à 20 %, la première condition d’application de chi-deux est donc vérifiée. De plus, ces variables ont un effectif théorique minimum pour chaque modalité, respectivement, de l’ordre de 5,45, 1,81, 2,74, 1,87, 1,99, 2,99 et 1,99. Étant donné qu’il est nécessaire que ce chiffre soit impérativement supérieur à 1, cette deuxième condition est donc vérifiée.

Concernant toutes les variables, nous pouvons, à présent, nous prononcer quant aux résultats obtenus suite à la réalisation du test de chi-deux. Nous remarquons que la significativité asymptotique des variables statut social, niveau d’instruc- tion, niveau hiérarchique, ancienneté et actionnariat est respectivement de 0,011,

0,009, 0,000, 0,000 et 0,000. Ces chiffres étant inférieurs ou égaux à 1 %, nous pouvons donc affirmer qu’il existe bel et bien une relation de dépendance entre ces différentes variables et la variable crime financier. Par contre, concernant les variables genre et âge qui présentent des significativités asymptotiques res- pectives de 0,904 et 0,138, ces chiffres ne sont pas significatifs au seuil de 1 %, de 5 % ou de 10 %. Nous pouvons donc dire qu’a priori il n’existerait pas de relation de dépendance entre genre et âge, d’une part, et crime financier, d’autre part.

En conséquence, les deux variables genre et âge ne feront pas partie du reste de l’analyse puisqu’il n’existe pas de corres- pondance entre elles et la variable crime financier. Ces variables sont donc d’ores et déjà éliminées du reste de l’analyse.

Tableau 3 – Résultats du test de chi-deux (χ²)

Variables

% d’effectif théorique inférieur à 5

Effectif théorique minimum

Valeur de χ² Degré de liberté

Significativité asymptotique

Genre 0 % 5,45 0,202 2 0,904

Âge 12,5 % 1,81 13,580 9 0,138

Statut social 8,3 % 2,74 16,680 6 0,011 ***

Niveau

d’instruction 12,5 % 1,87 11,649 3 0,009 ***

Niveau

hiérarchique 16,7 % 1,99 44,747 6 0,000 ***

Ancienneté 18,8 % 2,99 56,115 9 0,000 ***

Actionnariat 12,5 % 1,99 39,399 3 0,000 ***

*** significatif au seuil de 1 %.

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3. Analyse factorielle des correspondances simple

À ce stade de l’étude, nous allons enta- mer effectivement l’analyse de l’échantillon pour pouvoir dégager des résultats. L’AFC simple est parfaitement adaptée à notre pro- blématique puisqu’elle permet de dresser des profils. Les résultats obtenus à la suite de l’application de cette méthode d’analyse sont présentés dans le tableau 4.

Nous allons maintenant examiner ces quatre profils de criminels financiers dégagés à partir de cette étude.

Profil du criminel financier ayant commis le délit d’« abus de confiance qualifié 3 » Nous notons de nombreuses caractéris- tiques assez pertinentes dans ce profil.

Tout d’abord, c’est un père de famille. Son crime indique qu’il a peut-être des besoins financiers importants pour satisfaire les exi-

Tableau 4 – Profils des criminels financiers obtenus suite à l’application de l’AFC simple

Crime

financier Statut social Niveau d’instruction

Niveau

hiérarchique Ancienneté Actionnariat

Profil 1 Abus de confiance

qualifié

marié ayant des enfants

a fait des études universitaires

personnel de direction

ancienneté supérieure à

10 ans

actionnaire

Profil 2

Détournement par un fonctionnaire

de fonds publics qu’il

détenait en raison de sa

fonction

marié, avec ou sans enfants

n’a pas fait d’études universitaires

personnel d’exécution ou

de direction

ancienneté entre 3 et 5 ans ou supérieure à

10 ans

non- actionnaire

Profil 3

Vol commis par un employé au détriment de son employeur

célibataire ou marié, sans

enfants

n’a pas fait d’études universitaires

personnel d’exécution ou d’encadrement

ancienneté inférieure ou égale à 2 ans

non- actionnaire

Profil 4 Faux et usage de faux

marié ayant des enfants

a fait des études universitaires

personnel d’encadrement

ancienneté entre 6 et

10 ans

3. Selon l’article 297 du Code pénal tunisien, ce délit est commis lorsqu’un individu « détourne ou dissipe, tente de détourner ou dissiper au préjudice des propriétaires, possesseurs ou détenteurs, des effets, deniers, marchandises, billets, quittances ou tous autres écrits contenant ou opérant obligation ou décharge, qui ne lui ont été remis qu’à titre de louage, dépôt, mandat, nantissement, prêt à usage ou pour un travail déterminé, salarié ou non salarié, à charge de les rendre, de les présenter ou d’en faire un usage déterminé ».

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gences de sa famille. Ce résultat corrobore donc la thèse avancée par Friedrichs (2009).

Ensuite, le fait qu’il ait fait des études universitaires, montre que c’est quelqu’un qui a acquis certaines connaissances se rapportant à la gestion, à la finance, à la comptabilité, etc. Ceci confirme donc les dires de Laschi (1901), Sutherland (1949) et Friedrichs (2009) et contredit la thèse de Weisburd et Waring (2001) et Zahra et al. (2007). Cet individu maîtrise les méca- nismes de fonctionnement de son entre- prise, il est donc capable de repérer ses failles et de les exploiter afin de satisfaire ses propres besoins.

Par ailleurs, en faisant partie du person- nel de direction, il a un certain pouvoir au sein de l’entreprise et peut accéder à toutes sortes de ressources et d’informa- tions, notamment financières, documen- taires, informatiques, etc. Ceci lui permet de commettre son crime à l’insu de tout le monde, ce qui appuie donc les affirmations de Sutherland (1949) et Friedrichs (2009).

De plus, une ancienneté de 10 ans au sein de l’établissement lui confère une connais- sance plus approfondie des rouages de l’en- treprise et suffisamment d’expérience pour abuser de sa position sans se faire repé- rer. Ceci est en contradiction avec l’idée avancée par Greenfield et al. (2008) selon laquelle les individus dont l’ancienneté dépasse les cinq ans au sein de l’entreprise sont moins tentés de frauder dans celle-ci.

Enfin, le fait qu’il soit actionnaire lui per- met de commettre toutes sortes d’abus. Ce cas de figure est surtout visible au sein de petites et moyennes entreprises, générale- ment à caractère familial, où l’actionnaire est lui-même dirigeant et a un pouvoir considérable. Se croyant dès lors tout per- mis, il commet plus facilement le délit d’« abus de confiance qualifié ». Ce résultat infirme donc l’idée d’Alexander et Cohen (1999) selon laquelle les crimes financiers sont moins fréquents lorsque les dirigeants sont aussi actionnaires dans l’entreprise victime.

Profil du criminel financier

ayant commis le délit de « détournement par un fonctionnaire de fonds publics qu’il détenait en raison de sa fonction4 » Ce qui est à retenir dans ce profil, c’est qu’il s’agit d’un père de famille qui commet un crime financier pour satisfaire les besoins financiers et les exigences de sa famille.

L’idée avancée par Friedrichs (2009) semble donc confirmée par ce résultat empirique.

Cet individu fait partie du personnel d’exé- cution et n’a pas fait d’études universi- taires. D’ailleurs, ces deux caractéristiques vont souvent de pair. De plus, étant un exé- cutant, il est le plus souvent en contact avec l’argent de l’entreprise, ce qui lui permet plus facilement d’en détourner les fonds.

Ce résultat semble confirmer les théories avancées par Weisburd et Waring (2001) et Zahra et al. (2007) qui ont affirmé que faire

4. L’article 99 du Code pénal tunisien stipule que l’individu qui commet ce crime est « tout fonctionnaire public ou assimilé, dépositaire ou comptable public, directeur, membre ou employé d’une collectivité publique locale, d’une association d’intérêt national, d’un établissement public à caractère industriel et commercial, d’une société dans laquelle l’État détient directement ou indirectement une part quelconque du capital, ou d’une société appartenant à une collectivité publique locale, qui dispose indûment des deniers publics ou privés, les soustrait ou soustrait des effets actifs en tenant lieu, ou des pièces, titres, actes, effets mobiliers qu’il détenait en raison de sa fonction, ou les détourne de quelque manière que ce soit ».

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des études est associé à un faible taux de criminalité et à un degré de moralité élevé, et contredit donc les conclusions auxquelles ont abouti Laschi (1901), Sutherland (1949) et Friedrichs (2009).

Concernant les criminels qui font partie du personnel de direction, il leur est facile d’accéder à l’argent de l’entreprise de par leur position et leur pouvoir au sein de la société. Ce sont des dirigeants et des déci- deurs, personne n’ose donc les contredire ou dénoncer leurs agissements. Ce résultat appuie la thèse de Sutherland (1949) et Friedrichs (2009).

Pour ce qui est de l’ancienneté, les résul- tats obtenus sont plutôt ambigus. Les cri- minels correspondant à ce profil ont une ancienneté qui varie entre trois et cinq ans ou une ancienneté supérieure à dix ans.

Le premier cas pourrait s’expliquer par le fait que l’individu commence à acquérir de l’expérience et à connaître les ficelles du métier. Il se croit donc capable de com- mettre un détournement de fonds en toute impunité. Le deuxième cas pourrait s’expli- quer par le fait que l’individu maîtrise les moindres mécanismes de l’entreprise. Ceci lui confère une certaine confiance en soi et de l’assurance, ce qui lui permet de com- mettre un crime financier en espérant ne pas être démasqué.

Le fait qu’il ne soit pas actionnaire de l’entreprise est tout à fait logique puisqu’il s’agit d’un délit commis exclusivement dans les entreprises étatiques ou détenues en partie par l’État. Ceci confirme donc l’idée d’Alexander et Cohen (1999).

Profil du criminel financier ayant commis le délit de « vol commis par un employé au détriment de son employeur5 »

Le fait que ce criminel soit père de famille renvoie une fois de plus au décalage entre les besoins et les revenus. Mais ce qui attire l’attention, c’est que parmi ces criminels, il y a aussi des célibataires. Se sentant libres de toutes contraintes et n’ayant pas de responsabilités familiales, ces célibataires osent prendre des risques en commettant ce type de délit en toute insouciance.

Le fait que ce criminel n’ait pas fait d’études universitaires (Weisburd et Waring, 2001 ; Zahra et al., 2007) et qu’il fasse partie du personnel d’exécution sont deux caracté- ristiques cohérentes. De par sa fonction d’exécutant, il est à proximité de l’argent de l’entreprise si bien qu’il y accède faci- lement. Cette position favorise ce délit.

Ce résultat contredit donc la thèse de Sutherland (1949) et Friedrichs (2009).

En ce qui concerne les criminels apparte- nant au personnel d’encadrement, nous pou- vons dire que dans certains cas, ils peuvent avoir un accès aux ressources financières de l’entreprise comme par exemple les cadres commerciaux. Ils peuvent donc être tentés de commettre ce type de crime.

Le fait aussi que l’ancienneté de ce type de criminels soit inférieure à deux ans est assez intéressant et corrobore les affir- mations de Greenfield et al. (2008). En effet, ils n’ont pas réellement eu le temps de s’attacher à l’entreprise, d’adhérer à sa culture et à sa philosophie, contrairement à des individus qui y travaillent depuis de

5. Ce délit est régi par l’article 263 du Code pénal tunisien, qui définit l’auteur de ce crime financier comme étant

« l’auteur du vol commis […] par l’employé au préjudice de son patron ».

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nombreuses années et qui considèrent leur entreprise comme une seconde famille.

Leur ancienneté les empêche moralement de lui nuire en extorquant ses ressources.

Enfin, ne pas être actionnaire dans l’entre- prise est compatible avec ce type de crime puisque ces criminels ne sont pas des diri- geants susceptibles d’être actionnaires mais des personnes faisant partie du personnel d’exécution ou d’encadrement.

Profil du criminel financier ayant commis le délit de « faux et usage de faux6 » Ce profil est très pertinent. Il associe des caractéristiques logiquement en adéqua- tion avec ce type de crime. Le fait qu’il soit père de famille confirme encore une fois le besoin financier grandissant de son ménage, et donc la thèse de sa prédispo- sition à commettre des crimes financiers.

Dans ce cas, la théorie de Friedrichs (2009) semble être confirmée. Dans ce genre de délits, il n’y a pas de détournement ni de vol direct d’argent. Le plus souvent, l’indi- vidu abuse de sa position au sein de l’entre- prise en falsifiant des documents, ce qui va probablement lui rapporter de l’argent.

Le fait qu’il ait fait des études supérieures lui confère plus d’assurance et une certaine facilité à manipuler les documents, à inter- préter leur contenu et donc à les modifier à sa guise pour atteindre ses objectifs. Ce résultat appuie l’idée avancée par Laschi (1901), Sutherland (1949) et Friedrichs (2009) et infirme donc la thèse de Weisburd et Waring (2001) et Zahra et al. (2007).

Le fait qu’il fasse partie du personnel d’encadrement appuie l’idée qu’il n’est pas en contact direct avec l’argent à l’instar du personnel d’exécution ou du personnel de direction. Il lui est donc impossible de voler ou de détourner des fonds directement. En cas de besoin, il doit recourir à des moyens détournés, notamment au « faux et usage de faux » pour accéder de manière illicite et indirecte à l’argent. Il s’agit le plus souvent d’employés faisant partie du middle-office et qui manipulent plus de documents que d’argent liquide. Ceci contredit donc la thèse avancée par Sutherland (1949) et Friedrichs (2009).

Enfin, le fait que ce type de criminel ait une ancienneté relativement longue, de 6 à 10 ans, lui confère une certaine maîtrise des techniques de travail, et des rouages de l’entreprise. Ceci lui permet de com- mettre ses crimes en toute discrétion sans craindre d’être démasqué ou inquiété. Ce résultat diverge avec la théorie avancée par Greenfield et al. (2008) sur ce sujet.

Pour ce qui est de l’actionnariat, l’analyse n’a pas permis d’aboutir à des résultats concluants concernant le profil du criminel qui commet le délit de « faux et usage de faux ».

CONCLUSION

Aujourd’hui, un fait est établi : « Le crime et la finance ne peuvent plus se passer l’un de l’autre. La croissance de l’un est deve- nue nécessaire à la croissance de l’autre » (Maillard (de), 1998). Dans ce contexte, cet

6. L’article 172 du Code pénal tunisien stipule que ce délit est commis « en fabriquant, en tout ou partie, un docu- ment ou un acte mensonger, soit en altérant ou en dénaturant un document original par quelque moyen que ce soit, soit en apposant un sceau contrefait ou une signature ».

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article a traité de la criminalité financière et nous avons tenté d’établir le profil type du criminel en col blanc dans les entreprises tunisiennes. En nous référant à une large revue de la littérature, nous avons tenté de présenter les différentes variables socio- professionnelles qui définissent le profil du criminel financier. Nous nous sommes intéressés à un type bien particulier de crimes en col blanc, à savoir les « occu- pational crimes ». En effet, nous avons mené une étude empirique dans laquelle nous avons tenté de dégager le profil du criminel en col blanc qui opère dans les entreprises tunisiennes. Pour mener à bien notre recherche, nous avons relevé des informations relatives aux sept variables, objet de notre étude, qui constituent le pro- fil socioprofessionnel du criminel financier.

Il s’agit du genre, de l’âge, du statut social, du niveau d’instruction, du niveau hiérar- chique, de l’ancienneté dans l’entreprise et de l’éventuel actionnariat dans celle- ci. Les données démographiques « genre » et « âge », faisant initialement partie de l’étude empirique ont été éliminées à la suite de l’application du test de chi-deux qui s’est révélé être non concluant pour ces deux variables. Nous avons par la suite recouru à une analyse factorielle des corres- pondances simple. Cette analyse a permis de dégager autant de profils que de délits financiers observés dans le contexte tuni- sien, permettant ainsi de répondre à notre problématique. Nous avons donc obtenu quatre profils. Ces profils sont ceux des criminels en col blanc qui commettent res-

pectivement le délit d’ « abus de confiance qualifié », le délit de « détournement par un fonctionnaire de fonds publics qu’il déte- nait en raison de sa fonction », le délit de

« vol commis par un employé au détriment de son employeur » et le délit de « faux et usage de faux ».

Une telle étude est pertinente dans un contexte où la criminalité est de plus en plus présente et où les entreprises se sentent dépassées et impuissantes face aux délits financiers commis par leurs employés. Elle a pour vocation d’aider à repérer les crimi- nels avérés et pourquoi pas à détecter les criminels potentiels.

De plus, cette étude peut servir aussi bien aux académiciens qu’aux praticiens. En effet, outre ses apports scientifique et théo- rique, faire une étude sur le profil du crimi- nel en col blanc dans les entreprises tuni- siennes présente une utilité d’ordre pratique et peut servir à différents professionnels, dirigeants d’entreprise, auditeurs internes et externes, organes de contrôle interne, etc., dans leur lutte contre le crime financier.

Cette étude peut aussi être approfondie et affinée en distinguant les entreprises vic- times de crimes financiers selon leur nature (publique ou privée), selon leur secteur d’activité ou selon leur taille. Par ailleurs, à la lecture des différents résultats obtenus dans le cadre de cet article, nous pouvons nous demander si la dimension culturelle a ou non un impact ou une influence sur la formation des profils de criminels en col blanc évoluant dans des environnements et des pays de cultures différentes.

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