• Aucun résultat trouvé

Résumé et commentaire de l'ACEDH Stoll c. Suisse

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Résumé et commentaire de l'ACEDH Stoll c. Suisse"

Copied!
9
0
0

Texte intégral

(1)

Article

Reference

Résumé et commentaire de l'ACEDH Stoll c. Suisse

GRODECKI, Stéphane, CHATTON, Gregor Tobias

GRODECKI, Stéphane, CHATTON, Gregor Tobias. Résumé et commentaire de l'ACEDH Stoll c. Suisse. Pratique juridique actuelle , 2006, vol. 10, p. 1294-1301

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:46700

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

1 / 1

(2)

-

Entscheidungen/Jurisprudence

AJP/PJA 10/2006

1.4. Grundrechte /Droits fondamentaux 1.4.5. Meinungsausserungsfreiheit I

Liberté d'expression

(2) Art. 10 CEDH, art. 293 CP; condamnation journaliste pour publication de débats officiels violation de la liberté d'expression.

Cour européenne des droits de l'Homme, 4èmo

25 avril 2006, Stol! c. Suisse (Requête n° 69698/01). la première fois, la Suisse a saisi la Cour d'une de renvoi de l'affaire devant la Grande Chambre

(3)

Entscheidungen/Jurisprudence

AJP/PJA 10/2006

1 )

1:

iiCEDH). Un collège de cinq juges devra se prononcer sur la

/ recevabilité de cette demande.

Commentaire par lie. iur. GREGOR T.CliATIÜN, DEA, LL.M,, Assistant et doctorant à l'Université de Genève

~.-:,;:.::·:::t'i/L~_:_·~~-~---

:< ~-- --- • . ·.·

et par lie. ilir. STÉPHANE GRODECKI, i

· .. ···.··.• .. ··· ..

~·.•.·.-.·.•.i•·.··.····.·•·.•

. DEA,. titulaire du

bre~et d'a._voc~t,

_Assistan5 et ·

:.- •·o . .. doctorant a 1'Umvers1te de Geneve.:

:/··:·::<::··:·.·:~·-··-···--- .· ..

i\Résumé des jàits:

!/\Dans le cadre des pourparlers entre le Congrès juif mon~

!i dial et les banques suisses au sujet de l'indemnisation due

\. aux victimes de l'Holocauste pour les fonds en déshérence,

i

l'ambassadeur suisse aux Etats-Unis, Carlo Jagmetti, rédi- fiigea le 19 décembre 1996 un "document stratégique" classé

>

confidentiel. Envoyé à Thomas Borer, chef de la taskforce

>instaurée sur la question, ainsi qu'à un cercle très restreint

<ide diplomates et de hauts dirigeants de l'administration

/fédérale, ce document parvint, à la faveur d'une violation /(du secret de fonction par l'un de ses destinataires, entre les ) mains de Martin Stoll, journaliste auprès du journal du di-

manche zurichois Sonntags-Zeitung.

i f .

Le 26 janvier 1997, ce journal publia deux m1icles de

I

('

~il~~~;~~~f ~I1~;~I;~1~:~~~~[~~rg~

pos martiaux suivants sont notamment relayés: "campagne

i i

contre la Suisse", "C'est une guerre" ou "il est impossible

~e se fier à la plupart de nos adversaires". Ces révélations

1

.i •

. _ •.. _ ..•.•.•.

! •. i~~~§it~:;~~;;;;;~~~:;;;;;:;;:;;;

~la publicité tout ou partie des actes, d'une instruction ou

·••i·• des débats d'une autorité qui sont secrets en vertu de la loi

;r oU d'une décision prise par l'autorité dans les limites de sa

~.•• Compétence sera puni des arrêts ou de l'amende" (al. 1°'), le

;: journaliste M. StoU se vit infliger une amende de 800 CHF 1•. par le Tribunal de district zurichois. Estimant que, loin d'être

i;" ..

ânodin, le document stratégique visait à aider le chef de la f!!/task force à former son opinion et à influencer la politique

F étrangère de la Suisse dans le traitement de cette question

" ~pineuse et très controversée dans les médias, le Tribunal

!ge District jugea que la publication dudit document par

~-• l'accusé était de nature à provoquer des conséquences dé- i_<yastatrices pour la politique suisse. Le montant de l'amende :i<fut néanmoins fixé au regard de certaines circonstances at-

~r1t~nuantes, à savoir: la divulgation illicite du document pm·

un tiers, le fait que sa publication n'avait pas porté atteinte aux fondations mêmes de la Suisse, ainsi que l'intention de conduire un débat ouvert sur le sujet et d'avoir obtenu l'aval du rédacteur en chef et du service juridique du journal.

Un recours en nullité auprès de 1'0hergericht du canton de Zurich est rejeté. Le 5 décembre 2000, le Tribunal fédéral rejette le pourvoi en nullité (ATF 126 IV 236) et le recours de droit public (ATF 127 l 1) interjetés par M. Stoll. Au titre du pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral retient en substance que l'infraction de publication de débats officiels secrets se rapporte à des secrets au sens fonnel, c'est-à-dire décla- rés tels par la loi ou par une décision de l'administration, de sorte qu'une appréciation matérielle de l'imp01tance des secrets ou qu'une pesée entre l'intérêt de l'autorité concer- née à la discrétion et l'intérêt du public à l'information n'est pas pe11inente à ce titre. La requête de M. Stoll d'interpréter l'art. 293 CP comme ne s'appliquant qu'aux secrets d'une importance telle que leur publication risquerait d'ébranler les fondements de l'Etat, dépasse dès lors les possibilités de l'interprétation conforme de cette disposition à la Constitu- tion fédérale et à l'art 10 CEDH, le Tribunal fédéral étant tenu d'appliquer la loi (art. 191 Cst.féd.). Au demeurant, la pesée des intérêts en présence montre bien que la condam- nation de M. Stoll ne contrevenait pas, en l'espèce, à cette dernière.

Consulté entre-temps sur cette affaire, le Conseil suisse de la presse, institution de droit privé fonctionnant comme instance de plainte en matière de médias, déclare que la confidentialité des sources ne saurait a priori s'opposer à leur publication dans la presse, la fonction de critique et de contrôle des médias englobant également la politique ex- térieure (Prise de position du Conseil suisse de la presse n ° 1 /1997: Veroffentlichung vertraulicher Information en [Jagmetti/"Sonntags-Zeitung" vom 4. Marz 1997]). En l'oc- currence, l'intérêt public du document stratégique de M.

Jagmetti était indéniable et sa publication légitime au re- gm·d du débat public sur les fonds juifs en déshérence et de la position de premier plan de l'ambassadeur. Toutefois, il est reproché à la Sonntags-Zeitung d'avoir, en violation des règles déontologiques, procédé à une présentation indûment abrégée et polémique du document stratégique.

Le 14 mai 2001, le journaliste Martin Stoll a saisi la Cour européenne des droits de l'Homme qui a constaté une viola- tion de la liberté d'expression (art. lO CEDH).

Résumé des considérants:

L'article 10 § l CEDH dispose: "Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière ... ". Etant don- né que la condamnation du requérant s'analyse claire- ment comme une "ingérence" dans l'exercice de sa liberté d'expression(§ 23), il sied de déterminer si l'ingérence était

"prévue par la loi", inspirée par un ou des buts légitimes au regard de l'article 10 §2 CEDH et "nécessaire dans une

•@~•

(4)

Entscheidun en/Juris rudence

AJP/PJA 1012006

société démocratique" pour les atteindre. A défaut, pareille immixtion enfreindrait la libe11é d'expression (§ 24).

l. Base légale et buts légitimes(§ 25-32)

Aucune des parties ne contestant que la condamnation du requérant se fondait sur l'article 293 CP, la Cour véri- fie l'existence de buts légitimes. Constatant que les parties s'accordent à considérer que la mesure litigieuse visait à

"empêcher la divulgation d'informations confidentielles", au sens de l'article 10 §2 CEDH, la Cour ne juge pas né- cessaire d'examiner si l'amende poursuivait également un but de "sécurité nationale" et de "sûreté publique", ce que M. Stoll contestait.

2. "Néce.ssaire dans une société démocratique" ( § 33-59) a. Thèses des parties(§ 33-42)

Le requérant soutient que seuls les secrets d'Etat considérés d'une importance particulière peuvent plimer sur la liberté d'expression. Or, la prise de position écrite de l'ambassadeur publiée dans les deux articles est trop générale pour affaiblir la position de la délégation suisse dans les négociations avec les organisations juives. Qui plus est, l'actualité des négo- ciations fondait un intérêt public fort à pouvoir recevoir plus d'informations sur la position de la Confédération en cette affaire. La publication du rapport de M. J agmetti, per- sonnage clef dans les pourparlers, a provoqué un débat utile sur ses habilités de négociateur et a contribué à l'adoption d'une approche plus sensible de l'administration suisse, en sus de démontrer qu'aucune stratégie claire n'existait à ce moment. Quant au blâme du Conseil suisse de la presse, il a trait aux exagérations journalistiques des articles, lesquels avaient justement eu pour but de mettre en relief le vocabu- laire et la tonalité peu adéquats employés par M. Jagmetti dans son rapport; en revanche, ledit blâme ne remet pas en cause le principe même de la publication du rapport.

Le gouvernement suisse relève, quant à lui, la nature et l'importance stratégique du rapport Jagmetti, rapport ayant pour but de contribuer à la formation d'une opinion conso- lidée quant à l'attitude que le gouvernement devait adopter par rapport aux prétentions des organisations juives. Le rap- port stratégique étant classé confidentiel, d'accès purement interne et entièrement inconnu du public, ce n'est qu'en rai- son d'une violation du secret de fonction dont l'auteur n'a pu être identifié, que M. Stoll y a accédé. En outre, la publica- tion est intervenue à un moment critique des négociations et l'exposé partiel et partial des options stratégiques du rap- p01i était de nature à nuire gravement aux intérêts du pays.

En même temps, elle était susceptible de p01ier atteinte à la crédibilité du représentant de la Suisse aux Etats-Unis, fait confirmé par la démission de M. Jagmetti au lendemain de la parution des articles. Finalement, tant le fait que les articles de M. Stoll visaient moins à informer qu'à faire de la sensation que l'importance mineure de la sanction confir- ment la proportionnalité de cette dernière.

b. Appréciation de la Cour(§ 43-59) Dans un premier temps, la Cour rappelle

fond<unentaux qui sous-tendent l'examen de la HV••VLl•orn

en matière de liberté d'expression: la liberté

constitue l'un des fondements essentiels d'une société mocratique et vaut aussi pour les informations et idées heurtent, choquent ou inquiètent. Les exceptions à cette berté appellent une interprétation étroite, et le besoin de}

restreindre doit se trouver établi de manière convaincanté ce qui ressort d'ailleurs de l'adjectif "nécessaire", lequé implique un "besoin social impérieux". Même si les Eta.(

parties jouissent d'une certaine marge d'appréciation po juger de l'existence d'un tel besoin, la Cour a compéteh pour statuer en dernier lieu sur le point de savoir si une '·' striction" se concilie avec la liberté en question. Dans c~t+

,

exercice, la Cour doit considérer l'ingérence litigieuse à / lumière de l'ensemble de l'affaire pour déterminer si el était "proportionnée au but légitime poursuivi" et sil motifs invoqués par les autorités nationales pour la justifi apparaissent "pertinents et suffisants" (§ 43). ···

Dans un deuxième temps, la Cour rappelle les hiérarc sations effectuées dans le domaine de la liberté d'express(

Lorsque la liberté de la presse est en cause, la ma··

d'appréciation pour juger de l'existence d'un "besoin soc impérieux" s'en trouve d'emblée amoindrie(§ 45). Lorsq de surcroît, la liberté d'expression s'exerce dans le domai du discours politique ou de questions d'intérêt géné l'examen de la Cour se double d'une plus grande pruderi ou minutie, dans la mesure oli les sanctions infligées>p l'autorité nationale sont de nature à dissuader la presse participer à la discussion de problèmes d'un intérêt gé ral légitime (§ 46). Enfin, lorsque les foudres de la pre s'abattent sur un fonctionnaire agissant dans l'exercice\

ses fonctions officielles, les limites de la critique admissi · sont plus larges que pour un simple particulier. En revanc elles ne doivent pas être adaptées à celles, très larges;

prévalent pour les hommes politiques, les fonctionnaires s'exposant pas sciemment à un contrôle attentif de leurs

f

et gestes comme c'est le cas des politiciens. Il n'en demé pas moins qu'en présence d'un agent diplomatique de h .. · rang et chargé d'une mission particulièrement importantê marge d'appréciation des tribunaux suisses était plus étro' que pour un simple justiciable "privé" (§ 47). . ...

Dans un troisième temps, la Cour procède à la peS globale des intérêts en jeu. Ils peuvent être répartis en

pl

sieurs faisceaux de considérations qui se contrebalané mutuellement: primo, la Cour considère que la confidê.

tialité des rapports diplomatiques est a priori justifi (§ 48) et reconnaît l'importance de la préservation du traY des organes diplomatiques à l'abri d'immixtions exte (§ 52). Toutefois, la confidentialité ne saurait être proté à n'importe quel prix. De surcroît, la fonction de critiqtifè de contrôle des médias s'applique également au domaine la politique étrangère. Or, les informations contenues d le document stratégique étaient susceptibles de souleve(

questions d'intérêt général en raison de: la médiatisat

(5)

Entscheidunge n /Juri s prudence

-~-~~~~~~~---~~~~~~~~

F

AJP/PJA 10/2006

'._};"=;:

':--::·

~}(

lant nationale qu'intemationale et de la division profonde de '\ l'opinion publique au sujet de l'affaire suisse des fonds en

<déshérence, la position clef occupée par M. Jagmetti dans Je cadre des discussions, l'intérêt du public à recevoir des informations sur les style et stratégie de négociation (§ 49).

. Secundo, la Cour analyse la nature et le contenu du do-

-c

curnent stratégique. Contrairement à l'état de fait en l'affaire _} Fressoz et Raire c. France (Grande Chambre, Rec. 1999-I,

•• .• § 53), où des journalistes du Canard enchaîné avaient été

;\condamnés pour avoir publié des déclarations d'impôts (dans une large mesure déjà rendues publiques ou acces- - sibles, le document stratégique, rapport interne et classé

- c

"confidentiel", était entièrement inconnu du public et remis : à un cercle très restreint de dirigeants au sein de la Confé- : dération. Outre les "dérapages linguistiques", le document '/ de M. Jagmetti établissait, dans le souci de rechercher la

Y

vérité et de trouver une solution permettant de préserver les

·_· __ , intérêts de la Suisse, une analyse globale de la situation et

·des stratégies possibles. D'un autre côté, toutefois, la Cour .,- relève qu'il n'apparaît pas que le requérant ait été à l'origine

>de l'indiscrétion commise. De plus, la simple mention "con- ' fidentiel" ne traduirait qu'un degré peu important de secret.

/ Ensuite, la Cour semble implicitement invalider les deux L buts légitimes supplémentaires que le gouvernement suisse

' avait avancés, en ce que la nature des informations pu- bliées n'avait pas trait au bon fonctionnement des services étatiques chargés de veiller sur la "sécurité nationale11 et la

"sûreté publique" au sens propre de ces termes. Enfin, la Cour n'est pas convaincue que la divulgation des élémenLc;

de la stratégie suisse était susceptible de porter atteinte à des intérêts tellement précieux qu'ils seraient de nature à primer sur la liberté d'expression dans une société démocratique, ce d'autant moins que le Tribunal de District de Zurich avait conclu à des circonstances atténuantes(§ 50-52).

Tertio, la Cour rappelle que, conformément à l'article 10

§2 CEDH, le journaliste assume des "devoirs et responsa- bilités11 dont l'étendue dépend de sa situation et du procédé technique utilisé, les journalistes n'étant pas "au-dessus"

des lois pénales. Dès lors, la garantie que l'article l 0 CEDH offre aux journalistes, en ce qui concerne les comptes ren- dus sur des questions d'intérêt général, est subordonnée à la condition que les intéressés agissent de bonne foi, de manière à fournir des informations exactes et dignes de foi dans le respect de la déontologie journalistique. Même s'il aurait été loisible d'accompagner les articles de la publica- tion intégrale du rapport litigieux afin de replacer les pro- pos de l'ambassadeur dans leur contexte et de permettre aux lecteurs de se former leur propre opinion, la Cour contre- balance les points ci-dessus avec le rôle fondamental de la presse et la dose d'exagération, voire de provocation, qui peut aller de pair avec elle. A ce propos, la Cour rappelle que la condamnation du requérant reposait uniquement sur la divulgation de débats officiels secrets, et ne visait point une infraction contre l'honneur (p. ex. de M. Jagmetti).

53-56).

Quarto, la haute juridiction de Strasbourg s'attarde quel- que peu sur la nature et la lourdeur des sanctions infligées

lf»M

au requérant. Malgré la sévérité relativement faible de la sanction pénale, le fait même de la condamnation consti- tue une "espèce de censure" tendant à inciter M. Stoll à ne pas se livrer à l'avenir à des critiques formulées de la sorte.

Or, dans le contexte du débat politique, pareille condamna- tion 1isque de dissuader les journalistes de contribuer à la discussion publique de questions qui intéressent la vie de la collectivité. Par là même, e11e est de nature à entraver la presse dans l'accomplissement de sa tâche d'information et de contrôle(§ 57-58).

Summa summarum, la Cour déclare que la condamnation au pénal du journaliste ne représentait pas un moyen rai- sonnablement proportionné à la poursuite du but légitime visé, compte tenu de l'intérêt de la société démocratique à assurer et à maintenir la liberté de la presse. A quatre voix contre trois, la Cour dit que la Suisse a donc violé l'article

10 CEDH (§ 59).

3. Dommage etfrais et dépens(§ 60-64)

Aux termes de l'article 41 CEDH, la Cour estime que le onstat de violation suffit à réparer le préjudice moral subi par M. Stoll. Pour ce qui est des frais et dépens, la Cour constate que les honoraires de la défense du requérant de-

vant les juridictions internes et à Strasbourg ont été intégra- lement acquittés par son employeur, si bien qu'aucun mon- tant n'est dû à cet égard.

4. Opinion dissidente

Une opinion dissidente est jointe au jugement de la Chamb- re. Rédigée par le juge suisse Wildhaber et partagée par les juges Borrego Borrego et Sikuta, l'opinion souscrit pleine- ment à la grande importance à accorder au rôle de la presse s'agissant d'aborder, d'analyser et de publier des questions d'intérêt général, même si celles-ci sont de nature à déplaire.

li est toutefois reproché à la majorité de faire l'économie d'un examen adéquat et critique des nombreuses facettes des thèses développées par les parties. La dissidence sou- ligne en particulier le risque que de telles publications pa- ralysent la politique extérieure d'un Etat et rendent, pour le surplus, l'agent concerné presque automatiquement indé- sirable dans le pays d'accueil. Lus et analysés à l'étranger, ces documents sont en règle générale plus sensibles que des rapports sur des affaires de politique intérieure. De plus, les informations lui étant parvenues grâce à une indiscrétion, M. Stoll ne pouvait ignorer que la divulgation du rapport serait poursuivie pénalement. En outre, la publication des extraite; du rapport Jagmetti était moins urgente dans une société démocratique parce qu'elle n'avait pas pour but de critiquer une attitude répréhensible du gouvernement ou de rendre publics des agissements criminels commis par des agents. Enfin, toutes les indiscrétions, quels que soient leur sujet ou leur présentation, ne peuvent automatiquement passer pour relever d'un exercice légitime de la liberté de la presse devant prévaloir sur tout autre intérêt public ou privé, la présentation réductrice et biaisée du rapport par M. Stoll ne pouvant contribuer de manière constructive au débat pub-

lic. ·

(6)

Entscheidungen/Jurisprudence

ATP/PJA 10/2006

Commentaire:

1. L'arrêt Stoll marque une nouvelle étape importante dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme relative à la liberté de la presse, en ce qu'il étend la pro- tection de l'article 10 CEDH au journaliste qui déciderait de publier des documents officiels classés "confidentiels".

même lorsque ceux-ci étaient jusqu'alors demeurés entière~

ment inconnus du public et ne pouvaient être consultés par d'autres voies. Par ailleurs, cette jurisprudence ne restera pas sans conséquences pour la Suisse et sa conception pure- ment formelle, voire formaliste, de l'interdiction de publier des débats officiels secrets (art. 293 CP).

a) Les principes dégagés par Strasbourg

2. Au titre des principes développés par la Cour au regard de la liberté de la presse, rappelons succinctement que la marge d'appréciation laissée aux Etats parties à la Conven- tion aux fins de restreindre cette liberté est particulièrement réduite, voire inexistante. En effet, nous l'avons vu, tant le domaine du discours politique ou des questions d'intérêt gé- néral que le rôle joué par les politiciens ou, dans une moind- re mesure, par les hauts fonctionnaires de l'Etat tendent à considérablement limiter le pouvoir d'intervention de celui- ci en la matière (Oberschlick n° 2 c. Autriche, § 29, Rec.

J 997-N; Lingens c. Autriche, § 42, Série A 103). De fait, les mesures prises ou les sanctions infligées sont de nature à sérieusement dissuader la presse de participer à la discus- sion des problèmes d'intérêt général, de sorte que la Cour s'impose de faire preuve de la plus grande circonspection dans son examen(§ 45 s).

3. Il découle de la jurisprudence constante de la Cour que les autorités ne devraient faire usage du ciroit pénal afin de sanc- tionner l'activité de la presse qu'en dernier ressort. En effet,

"la position dominante [que l'Etat] occupe lui commande de témoigner de retenue dans l'usage de la voie pénale, surtout s'il y a d'autres moyens pour répondre" au comportement des médias (cf., a fortiori, Incal c. Turquie [GC], § 54, Rec.

1998-IV; Castells c. Espagne, § 46, Série A 236). Comme le rappelle la haute juridiction de Strasbourg, toute condam- nation pénale, même si elle est accompagnée d'une sanction relativement faible, voire dérisoire sur le plan pécuniaire, peut être - plus que toute autre mesure - considérée comme une "espèce de censure" tendant à inciter le journaliste à modérer ses critiques, ou à ne plus s'y adonner à l'avenir (§ 57 s; voir aussi Bladet TromsçJ et Stensaas c. Norvège [GCJ, § 64, Rec. 1999-III). Dès lors, il doit en être fait usa- ge avec les plus grandes parcimonie et prudence.

4. Il ressort également de la jurisprudence bien établie de Strasbourg que même les activités de la "presse de cani- veau" (selon l'expression de SYLVIE PEYRou-PrsTOULEY, L'extension regrettable de la liberté d'expression à l'insulte, RTDH 1998, n° 35, p. 593) méritent d'être protégées sous l'angle de l'article 10 CEDH, cette disposition s'appliquant, pour le surplus, aux formes et techniques de compte ren- du (News Verlags-GmbH & Co. KG c. Autriche, § 39, Rec.

2000-T; Fressoz et Roire c. France [GC], § 54, Rec.

Afin d'enrayer par avance toute pratique abusive de

celui-ci ne doit en effet pas pouvoir tabler sur une anort~ci:~··~···•·/)

tion subjective de la qualité d'une publication ou de public qu'elle soulève dans le but de la soumettre à des tations indues au regard de la liberté de la presse vcun.marn.n c. Suisse, § 54, req. n° 77551/01, résumé et commenté PIA 2006, p. 745 ss).

5. Mis à part, in casu, le caractère également

des articles de presse litigieux, lesquels souhaitaient r,,.,,. . ..,.~··· . compte de la tonalité et du style de négociation des

tés suisses, l'exagération, voire même la provocation, également protégées par l'article 10 CEDH (Dalban c.

manie [GC], § 49, Rec. 1999-Vl). Une dose ou une certaine polémique sont d'autant plus lorsqu'on sait que, comme en l'espèce, les faits se à la base de l'arrêt de la Cour concernaient des

contre l'autorité publique (Titre quinzième du CP), et n pas des infractions contre l'honneur (Titre troisième

~P) (§ 55 s). Au titre des responsabilités et des devoirs q mcombent à la profession de journaliste, la protection d l'Etat et de ses secrets appelle, en principe, une moindre r tenue que, par exemple, la protection de la personnalité d particuliers (Bergens Tidende et al. c. Norvège, § 53, Rêc 2000-IV; Bladet Tromsp et Stensaas c. Norvège [GC], § 6$

Rec. 1999-III; voir aussi: Erdoglu et Ince c. Turquie [GC}

§ 50, Rec. 1999-IV; ATF 131IV160::: SJ 2006 214 s) . . . 6. S'agissant de la publication de documents administratif/

la Cour avait, en 1999, considéré que l'intérêt de rendre p blics des relevés fiscaux de hauts dirigeants d'une gran · entreprise française primait, dans le contexte de lutte socia ambiante, sur l'intérêt des personnes concernées à ce qii leurs déclarations ne fussent pas divulguées à large échel le (Fressoz et Roire c. France [GC], § 53 s, Rec. 1999-I).

Contrairement au cas Stol!, l'affaire Fressoz et Roire ne

pol'

tait toutefois pas sur des documents inaccessibles au publie étant donné qu'il était possible de consulter les déclaration d'impôts auprès des communes de résidence des dirigeant La Cour a, il est vrai, procédé à un examen de l'admiss·

bilité de la publication de M. Stoll au regard de l'importan ·•

que revêt, pour les organes diplomatiques, la préservation . leur travail. A défaut, ils ne seraient plus en mesure de forge leurs opinions et stratégies à l'abri d'immixtions externe , Cependant, la haute juridiction de Strasbourg opère, en ci· .. ··•

points (cf. le résumé des considérants 43-59 ci-dessus), u appréciation matérielle du secret divulgué et examine si 1 faits qui ont été déclarés confidentiels par les autorités s isses méritaient bien de l'être. A la faveur de cet exercic la Cour constate que la présente cause se distingue, quant la nature des informations révélées, des affaires de sécurit nationale ou de sécurité publique stricto sensu (§ 52; vo·

a contrario, Vereniging Weekblad Bluff c. Pays-Bas, §

4

Série A 306-A). Les publications intervenant dans le cad d'un débat général sur une question largement évoquée p les médias et ayant profondément divisé l'opinion publiq suisse du moment (§ 49), elle jugea que la divulgation

(7)

Entscheidungen/Jurisprudence

A.TP/PJA 10/2006

document Jagmetti n'était pas propre à porter atteinte aux ( intérêts fondamentaux du pays (§ 52). Partant, la Suisse a /violé l'article 10 CEDH, en ce que la condamnation ne re-

••••. · ... présentait pas un moyen raisonnablement proportionné à la

···.poursuite du but légitime visé, compte tenu de l'intérêt de la

···· société démocratique à assurer et à maintenir la liberté de la presse(§ 59).

\ 7. Toutefois, les considérations de la majorité ne convain- / quent pas entièrement le Président de la Cour, le juge suisse

•.• · Luzius Wildhaber, ainsi que deux de ses collègues. Eu

·. égard à sa qualité de journaliste et au fait qu'il n'était entré

··.• .• en possession du document stratégique qu'à la suite d'une ( indiscrétion de la part d'un fonctionnaire demeuré inconnu,

· · la dissidence retient que le requérant ne pouvait, compte

••• tenu de la nature et de la classification du document, ignorer que sa divulgation était réprimée par l'article 293 du Code pénal suisse. Or, Je journalisme d'investigation se nourris- sant fréquemment de fuites d'information essentieJJes à

•·. l'information du public, il y a lieu de s'interroger sur laper- tinence de cette réflexion. La volonté de faire automatique- ment prévaloir la confidentialité des informations obtenues par une indiscrétion sur le droit du journaliste à les publier revient-elle pas à paralyser cette forme de journalisme pourtant très précieuse (voir, pour le rôle éminent de la presse: Erdoglu c. Turquie,§ 52, Rec. 2000-VI)?

Une autre ligne d'argumentation de la dissidence con- cerne l'absence d'urgence dans la publication des extraits du rappmt Jagmetti. Il est exposé que les articles publiés n'avaient pas pour but de critiquer une attitude répréhensib- le du gouvernement ou de rendre publics des agissements criminels commis par des agents dépendant du gouver- nement (Thorgeir Thorgeirson c. Islande, § 67 s, Série A 239). A ce propos, le juge suisse met 1111 affaire Jagmetti" en perspective avec le "Watergate", qui avait jadis précipité la chute du président américain Nixon. Cette approche suscite diverses interrogations.

Premièrement, elle risque d'établir, ah initio, et à l'instar de ce qui a longtemps été pratiqué pour les contenus com- merciaux, une certaine hiérarchie des contenus de publica- tion dignes de protection (cf. GREGOR T. CHATTON, Le dis- cours commercial et publicitaire au sein de la Convention européenne des droits de l'Homme: un parent pauvre de la liberté d'expression?, ZEuS 2005, n° 2, p. 315 ss). Ce alors même qu'il est extrêmement délicat de dissocier les élé- ments susceptibles de contribuer de manière constructive à un débat parmi un public bien informé de ceux qui ne remp- liraient pas ces exigences et découleraient d'un comporte- ment journalistique peu soucieux des règles de déontologie.

L'adoption d'une telle approche risquerait d'encourager les Etats à opérer, à l'abri de tout contrôle de la Cour, une app- réciation purement subjective des informations de presse méritant d'être publiées.

Secondement, à vouloir examiner l'"informativité" ou l'"utilité" de certaines publications, l'on peut se poser la question de savoir si, en l'occurrence, les articles litigieux n'étaient pas propres à susciter un débat public autour de la

•@•

manière dont la politique étrangère suisse évaluait et enten- dait gérer la crise des fonds en déshérence. Même si la par- tialité et l'absence de profondeur des articles publiés dans la Sonntags-Zeitung pouvaient, dans une certaine mesure, soulever quelques interrogations au sujet des motivations et intégrité du journaliste, il n'en demeure pas moins que ces divulgations intervenaient dans le cadre de débats tant nationaux qu'intemationaux au sujet du rôle assumé par la Suisse durant la seconde Guerre mondiale et du processus de vérité historique qui avait été déclenché depuis. La dé- mission de l'ambassadeur, Carlo Jagmetti, et le revirement stratégique suisse en résultant tendent, de surcroît, à soulig- ner la pertinence des informations divulguées. En défini- tive, le cas d'espèce illustre à merveille la difficulté presque insurmontable qui préside aux tentatives de compartimenter les contenus de communication en des contenus précieux ou dénués d'importance.

En revanche, l'argument de la dissidence qui reproche à la majorité de la Cour d'avoir fait l'économie d'un exa- men adéquat et critique des nombreuses facettes de l'affaire vaut la peine que l'on s'y attarde. S'il est vrai - nous nous y sommes référés auparavant - que la majorité des juges a tenu compte du besoin de protection, et de secret, du travail des diplomates, l'on peut se demander si toutes les conséquences et implications du présent jugement ont été scrupuleusement mesurées. En effet, le risque de voir des diplomates suisses expulsés du pays hôte à la suite d'une publication d'un document jugé confidentiel, et celui de voir l'administration mettre en place des stratégies et strata- gèmes destinés à empêcher tout accès à l'information (dou- bles dossiers, culture de l'oral, destruction de documents, etc.; cf. MARTIAL PASQUIER, JEAN-PATRICK VrLLENEuVE, Les stratégies des organisations publiques pour éviter l'accès à l'information, Medialex 2005, p. 209 s), semblent avoir échappé à la majorité des juges européens. Quoi qu'il en soit, dans la présente affaire, il s'agit, en définitive, d'une question d'appréciation. Au gré des majorités, la Cour au- rait, ainsi, tout aussi bien pu parvenir au résultat inverse, les deux théories étant parfaitement défendables. En matière de presse, la Cour l'a bien montré, elle n'hésite pas à substituer sa propre appréciation à celle des juridictions nationales

(FRÉDÉRIC SuDRE, Droit européen et international des droits de l'homme, 7ème éd., Paris 2005, p. 464).

b) Les effets de l'arrêt Stoll sur le droit suisse

8. Sous réserve des éléments que nous venons de men- tionner, la Cour a procédé, dans l'arrêt Stoll, à une analyse approfondie, matérielle, du contenu du secret dévoilé par les articles litigieux. Or, la notion de secret ancrée à l'article 293 CP est de nature purement formelle. Ceci signifie qu'il suffit que des documents aient été déclarés secrets de par la loi ou par la décision d'une autorité pour qu'ils tombent sous le coup de la disposition pénale précitée (Message du Conseil fédéral du 17 juin 1996 concernant la modification du Code pénal suisse et du Code pénal militaire [droit pénal et procédure pénale des médias], FF 1996 IV 533, p. 573;

(8)

Entscheidungen/Jur i sprudence

AJP/PJA 10/2006

BERNARD CoRBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. II, Berne 2002, p. 459; FRANZ Rn<LIN, Schweizerisches Pres- serecht, Berne 1996, p. 134). L'importance de l'information publiée, soit la notion matérielle du secret, n'est en revanche pas un élément constitutif de l'infraction de publication de débats officiels secrets (art. 293 CP). Or, le concept du sec- ret formel n'est pas sans poser problème.

9. En 1983 déjà, BARRELET préconisait une abrogation pure et simple ou, à tout le moins, une révision, de l'article 293 CP afin d'abandonner le critère formel qu'il contenait (DENIS BARRELbl, Les indiscrétions commises par la voie de la presse, RSJ 1983, p. 18 s). Ces critiques furent abondam- ment reprises et développées par la suite (voir notamment:

DENIS BARRELET, Droit de la communication, Berne 1998, p. 306 s; DENIS MASMEJAN, Des secrets trop protégés, Me- dialex 1996, p. 1 s; ANDREAS MEILI, Der Geheimnisschutz- artikel Art. 293 StGB im Lichte der neueren Gerichtspra- xis, Medialex 2000, p. 125 s, lequel suggère un abandon du critère fonnel par voie jurisprudentielle).

1 O. En 1996, à l'occasion de la révision du droit pénal et de la procédure pénale des médias, le Conseil fédéral avait pro- posé l'abrogation formelle de l'article 293 CP (Message du Conseil fédéral, op. cit., p. 573 s). Sans les vagues suscitées par 1111 affaire Jagmetti" et le profond malaise relatif aux fonds juifs en déshérence, la proposition de notre gouvernement aurait vraisemblablement abouti (MEILI, op. cit., p. 136). En 1997, le Parlement fédéral s'est ainsi refusé à supprimer cet- te disposition pénale. Dans un compromis tout helvétique (cf. le résumé de FRANZ RrKLIN, Zulii.ssige Veroffentlichung amtlicher geheimer Akten - Urteil der 2. Stratkammer des Obergerichts des Kantons Bern vom 27. April 1999 [Nr.

096!U/99], Media1ex 1999, p. 176), seul un alinéa 3 a été inséré, qui prévoit que le juge pourra renoncer à toute peine si Je secret livré à la publicité est de peu d'importance (BO CN 1997, p. 406 ss; BO CE 1997, p. 585 ss). Que cet alinéa batte (HANsJôRG STADLER, lndiskretionen im Bund, RSJB 2000 p. 116, qui parle de "Relativierung") ou non (cf. ATF 126 IV 236, consid. 2 c/bb in .fine) en brèche la muraille formelle de l'article 293 CP, il ne saurait rendre l'article 293 CP a priori conforme à l'article 10 CEDH. Il est en effet avéré que non seulement la condamnation à une peine, mais également la seule déclaration de culpabilité sont propres à limiter la liberté d'expression et des médias (RrKLIN, Résu- mé, op. cit., p. 178).

11. Malgré ces rebondissements législatifs, et à la faveur de la jurisprudence européenne (Goodwin c. Royaume-Uni [GC], Rec. 1996-11 et Fressoz et Roire c. France [GC], Rec.

1999-1), l'Obergericht bernois relativisa, en 1999, la notion formelle du secret au sens de l'article 293 CP dans deux décisions concernant les journalistes Denis Barrelet et Bru- no Vanoni (cf. RrKuN, Résumé, op. cit., p. 175 ss; et l'arrêt Vanoni cité par MEru, op. cit., p. 140, note 39). Alors que MEIL! appelait de ses vœux un revirement de jurisprudence du Tribunal fédéral à la lumière des arrêts bernois et que RlKLJN doutait que l'arrêt Barrelet fasse école (MEiu, op.

cit., p. 142; RlKLIN, Résumé, op. cit., p. 179), la Cour de sation pénale du Tribunal fédéral se retrancha, dans Stoll (ATF 126 IV 236, à la base de l'affaire portée devant Cour de Strasbourg), derrière la notion purement formel du secret et de sa divulgation. Cette décision fut accueill avec regrets par la doctrine (STÉPHANE WERLY, La protecti du secret rédactionnel, thèse, Genève, Zurich, Bâle 200 p. 272).

A ce sujet, l'on peut déplorer que la Cour de cassati de Mon-Repos, s'estimant dans .l'impossibilité de proc der à une interprétation conforme de l'article 293 CP à l' ticle 10 CEDH en raison de la contradiction entre les nO tions formelle et matérielle du secret, se soit déclarée

M

par le droit fédéral et ait, ainsi, appliqué la disposition p nale (art. 191 Cst.féd., qui deviendra l'art. 190 au 1"' janvi 2007; ATF 126 IV 236, consid. 4 d). En effet, devant m loi fédérale contraire à un traité international, en partie lier à un traité de protection des droits humains, la jurisp . dence développée depuis 1993 par le Tribunal fédéral d assurances et par les deux premières cours de droit pub!"

du Tribunal fédéral, lesquels accordent la primauté au drn international, aurait dù trouver application (voir, pour . preinier affêt, ATF 119 V 171, consid. 4 a) en particuliê ATF 131 II 352, consid. 1.4; pour le surplus, voir: ANDRE·

AtJERIG10RGto MALINVERNJ/MrcHEL HoTTELIER, Droit cons tutionnel suisse, vol. T, 2ème éd., Berne 2006, p. 663 ss).

s'ensuit que la Cour de cassation aurait dû laisser inappliq le critère purement formel inhérent à l'article 293 CP pO se pencher sur le bien-fondé matériel du secret et opérer u pesée des intérêts en présence.

12. Comme une épée de Damoclès, la disposition pén consacrée à l'article 293 CP - longtemps restée lettre mo.

(Cf. WERLY, op. cit., p. 268) - plane au-dessus du joumali me d'investigation et exerce, de par sa simple existence peu importe qu'il en soit concrètement fait usage ou no un effet inhibitoire sur le libre développement de la pres et de son rôle fondamental dans une société démocratiq · (voir, mutatis mutandis, Dudgeon c. Royaume-Uni, § 4 Série A 45). En ce qu'il met à nu ces contradictions avec droit européen des droits de l'Homme, l'impact de l'arrêt la Cour en l'affaire Stol! est de taille. Indépendamment l'arrêt de la Grande Chambre (art. 43 CEDH), force est constater que la Suisse n'échappera pas à un changement paradigme. Au vu de la notion matérielle du secret qui y é examinée, l'article 293 CP dans sa présente mouture, d en effet être soit modifié soit tout simplement abrogé.

Sur le plan de la modification de cette disposition pénal.

il sied de rappeler que BARRELET avait, il y a plus de vit{

ans déjà, proposé de substituer le critère formel par un c tère matériel en reformulant l'article 293 CP de la mani re suivante: "Celui qui aura publié un secret d'une autori qu'un intérêt public ou privé véritablement prépondér commandait de garder sera puni des arrêts ou de l'amend. (BARRELET, Indiscrétions, op. cit., p. 19, souligné par nous Du point de vue de l'abrogation, à nouveau réclamée p certains milieux (cf. ALBERT TILLE, Le journaliste din{

(9)

Entscheidungen/Jurisprudence

AJP/PJA 10/2006

de la farce, Domaine public 2006, n° 1687, du 5 mai 2006, i

p.

1 s), on mentionnera ]a motion Lang déposée le 9 mars ide cette année au Conseil national. Ainsi, avant même

ii

l'aJTêt Stail, le débat autour de l'abrogation de l'article 293

. CP

avait refait surface (Motion 06.3038, déposée par Josef

>(Lang et co-signée par 52 conseillers nationaux). Il n'en est que plus actuel aujourd'hui ...

· Dans l'attente des révisions législatives qui s'imposent, Jes juridictions nationales auront d'ores et déjà l'obligation i de faire prévaloir le critère matériel du secret découlant de /l'article 10 CEDH et de l'arrêt Stoll sur celui, formel, con-

tenu à l'article 293 CP. Lorsque aucune interprétation con-

<forme ne sera possible, elles pourront, au besoin, directe-

\ ment se fonder sur l'article 10 de la Convention afin de ne pas appliquer la loi pénale (ATF 125 11417, consid. 4 b);

···voir aussi: ATF 131 I 12, consid. 1.

( Au demeurant, les jmidictions militaires avaient déjà,

>sous l'empire de l'ancienne teneur des dispositions sur le :>secret militaire (m1. 86 et 106 CPM, avant leur modifica-

tion par le législateur en 1997), illustré qu'il était possible

<

d'interpréter la notlon de secret dans un sens matériel (cf.

i

Message du Conseil fédéral, op. cit., p. 581; BARRELET,

>\Indiscrétions, op. cit., p. 24 s; on relèvera toutefois que la . teneur de ces dispositions permettait plus aisément une

!

telle interprétation). Dans un souci de clarification, le légis- lateur fédéral avait, en 1997, ratifié cette manière de voir

en ajoutant aux termes "faits devant être tenus secrets dans l'intérêt de la défense nationale" la suite de mots "parce que leur révélation mettrait en péril l'accomplissement de /la mission de parties essentielles de l'armée" (Message du

<

Conseil fédéral, op. cit., p. 581). Il n'en demeure pas moins

i

que l'intérêt de la défense nationale se doit d'être interpré-

') té à l'aune des critères dégagés par l'arrêt Stol!, ceci étant

•·•···d'autant plus pertinent au regard du jugement récemment

-••·•· rendu par le Tribunal militaire de cassation dans une affaire U concernant la publication, dans le Sonntags-Blick, d'images

>et d'informations d'une installation des forces aériennes

Ci (Communiqué de presse de !'Office de l'auditeur en chef du 30 mars 2006: "Le Tribunal militaire de cassation a annu-

••.••• lé le jugement prononcé contre un rédacteur du Sonntags-

>

Blick et l'a renvoyé à l'instance inférieure pour nouveau

i

jugement11, disponible sur www.vbs.admin.ch/internet/vbs/

'<

fr!home/documentati onlnews/news _detailF html ?id= 4407).

< Rappelons en effet que la Cour européenne des droits de

i l'Homme a clairement précisé que l111article 10 [CEDH] ne

•\s'arrête pas aux portes des casernes" (Grigoriades c. Grèce, / § 45, Rec. 1997-VII).

<

13. Après plus de vingt ans de perpétuels conflits entre les

> médias et l'autorité sur l'application de l'article 293 CP ) (Corœoz, op. cit., p. 462), la Cour européenne des droits

< de l'Homme a rendu un arrêt décisif en la matière. Il appar-

, ··•tient désonnais au législateur fédéral d'en écrire, le plus ra- { pidement possible, l'épilogue. A l'heure où la transparence

<fait une entrée remarquée au niveau fédéral (Loi fédérale / sur le principe de la transparence dans l'administration du

> 17 décembre 2004 [RS 152.3], entrée en vigueur le 1 "'juil-

limM

let 2006), les effets d'entrave à la publication d'informations que l'existence d'un a1ticle 293 CP simplement révisé pour- rait exercer sur la liberté de la presse, voire sur la liberté d'information de tous les administrés, devront être soupesés avec le plus grand soin. Lors de ce débat, il s'agira de con- cilier les impératifs contradictoires du droit à l'information avec ceux relatifs au secret (cf. PASCAL MAHON, Les enjeux du droit à l'information, in: THIBRRY T ANQUERELIFRANçms BELLANGER, L'administration transparente, Genève, Bâle, Munich 2002, p. 41). Dans cette "guerre des principes", es- pérons que l'arrêt Stoll exhorte les parlementaires à opter pour la transparence.

Références

Documents relatifs

Die Medienfreiheit gilt indessen auch im Rahmen der EMRK nicht schrankenlos; vielmehr kann die Realisierung einer pluralistischen Information im Sinne von Art. 10 Ziff. 1 EMRK

« Nach Art. 30 Abs. 1 BV und Art. 6 Ziff. 1 EMRK hat jede Person, deren Sache in einem gerichtlichen Verfahren beurteilt werden muss, Anspruch darauf, dass ihre Streitsache von

« En tout état de cause, il est clair que la détention du requérant dans le centre n’avait pas été « décidée pour son éducation surveillée », et que l’enseignement qui

« Ausländer, die aufgrund einer inzwischen aufgelösten ehelichen Gemeinschaft mit einem/-er schweizerischen Staatsangehörigen oder einer Person mit Nie- derlassungsbewilligung

« Selon la jurisprudence, l’art. 13 CEDH ne garantit pas, en tant que tel, l’accès général à un tribunal, mais se limite à prévoir un droit de recours devant une

7 Voir déjà l'arrêt f/an Kiick («la détermination de la nécessité de mesures de conversion sexuelle en fonction de leur effet curatif sur un transsexuel n'est pas

Cette divergence s’explique, d’une part, par l’absence d’une approche uniforme dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après : la Cour)

« Der Anspruch auf rechtliches Gehör ist in Art. Er verlangt, dass die Behörde die Vorbringen einer Partei auch tatsächlich hört, prüft und in der