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Dépôt Institutionnel de l’Université libre de Bruxelles / Université libre de Bruxelles Institutional Repository
Thèse de doctorat/ PhD Thesis Citation APA:
Hubert, L. (2001). Modulation par l'interleukine-10 des hépatites expérimentales (Unpublished doctoral dissertation). Université libre de Bruxelles, Faculté de Médecine – Médecine, Bruxelles.
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FACULTE DE MEDECINE
MODULATION PAR L’INTERLEUKINE-10 DES HEPATITES EXPERIMENTALES
HUBERT LOUIS
LABORATOIRE DE GASTROENTEROLOGIE EXPERIMENTALE
ULB - Campus Erasme
Bibliothèque de Médecine - CP 607 Route de Lennick, 808 (Bât.E)
B- 1070 Bruxelles Tél.; 02/555.61.70
Thèse présentée en vue de l'obtention du titre académique de Docteur en Sciences Médicales
2001
UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES
FACULTE DE MEDECINE
MODULATION PAR L’INTERLEUKINE-10 DES HEPATITES EXPERIMENTALES
HUBERT LOUIS
LABORATOIRE DE GASTROENTEROLOGIE EXPERIMENTALE
Thèse présentée en vue de l'obtention du titre académique de Docteur en Sciences Médicales
2001
Marc Parmentier, Président Jacques Devière, Secrétaire Marc Abramowicz
Jean Content Françoise Mascart Experts étrangers :
Gisa Tiegs (Erlangen)
Philippe Mathurin (Paris)
Résumé de la thèse annexe
Rôle de l’interleukine-S et des éosinophiles dans les hépatites aiguës
Des polynucléaires éosinophiles sont observés sur des coupes histologiques de foie
dans de nombreuses maladies hépatiques, mais leur contribution dans la physiopathologie des
lésions hépatiques reste peu étudiée. Dans le modèle expérimental d’hépatite induite par
l’injection de concanavaline A (Con A), nous avons observé une infiltration du parenchyme
hépatique par des polynucléaires éosinophiles. Cette constatation nous a conduit à étudier
dans ce modèle le rôle de l’interleukine-5 (IL-5), une cytokine critique pour la maturation et
l’activation des éosinophiles. Les souris déficientes en IL-5 développent une hépatite
nettement moins sévère que leurs congénères sauvages après injection de Con A. On observe
par ailleurs une protection similaire chez des souris prétraitées par un anticorps neutralisant
riL-5 ou des souris déplétées en éosinophiles Nous avons par la suite montré que les voies
Fas/FasL et EL-5/éosinophiles sont deux voies majeures d’hépatotoxicité dans ce modèle,
l’hépatite étant pratiquement abolie après neutralisation de l’IL-5 chez des souris Fas
déficientes. Enfin, les lymphocytes T naturellement tueurs (cellules NKT) sont une source
critique d’IL-5 dans ce modèle, comme le suggèrent des expériences de transfert cellulaire
chez des souris dépourvues de cellules NKT Ces observations soulignant le rôle pathologique
de l’IL-5 et des éosinophiles dans ce modèle expérimental nous amènent à étudier cette voie
de la cascade inflammatoire dans les phénomènes d’hépatotoxicité aiguë chez l’homme. Cette
question sera approchée en étudiant d’une part les dosages sériques et l’expression hépatique
de l’EL-5 et de l’éotaxine, une chimiokine également impliquée dans le recrutement tissulaire
et l’activation des éosinophiles, sur des biopsies hépatiques de patients souffrant d’hépatites
aiguës de causes diverses, et d’autre part, la mise en évidence des polynucléaires éosinophiles
et de leurs produits de dégranulation par des techniques immunohistochimiques. La
neutralisation de l’IL-5 et de l’activation des éosinophiles pourrait ainsi trouver une
application clinique potentielle dans certains phénomènes d’hépatotoxicité aiguë comme le
rejet aigu d’allogreffe hépatique ou les hépatites médicamenteuses.
Rôle de rinterleukine-5 et des éosinophiles dans les hépatites aiguës
Remerciements
Ce travail résulte de la collaboration de toute une équipe composée d'un entourage qui m’a été précieux durant ces années de recherche.
Mes remerciements iront tout d'abord à Jacques Devière et à Olivier Le Moine, pour leur enthousiasme, leur disponibilité sans limite et leur nombreux conseils.
La réussite de ces travaux n'aurait pas été possible sans l'aide précieuse d'Eric Quertinmont, toujours prêt à réaliser quelque dosage de cytokines.
Pour des raisons diverses, je tiens aussi à remercier Michel Goldman, pour m’avoir acceuilli dans le Laboratoire d’immunologie Expérimentale au début de mes recherches, ainsi que Jean-Luc Van Laethem, Myriam Delhaye, Paul Galand, Marie-Odile Peny et Albert Geerts pour leurs conseils et le temps qu’ils ont consacré à des discussions fructueuses. Je tiens aussi à exprimer ma gratitude à Marie-Line Vanderhaeghen, Zoulikka Amraoui et Chantal Degraef pour leur aide technique et pour m’avoir initié aux techniques de laboratoire.
Fi.nalement, les bourses de la Fondation Erasme et de la Fondation Horlait-Daepsens m'ont permis de réaliser ces travaux en m'écartant temporairement de l'activité clinique.
Ce qui complique tout, c'est que ce qui n'existe pas s'acharne à faire croire le contraire
Michel Tournier
en
TABLE DES MATIERES Page
Liste des abréviations 7
Résumé du travail 9
I. Introduction 10
1. Généralités 10
2. Mécanismes de mort cellulaire 12
2.1 Nécrose et apoptose 12
2.2 Le facteur de nécrose tumorale (TNF) 13
2.3 La voie Fas/FasL 16
. Les cellules impliquées dans les phénomènes d'hépatotoxicité 17
3.1 Introduction 17
3.2 Les cellules de Kupffer 17
3.2.1 Fonction 17
3.2.2 L'endotoxine 19
3.2.3 Le chlorure de Gadolinium 21
3.3 Les cellules étoilées 22
3.4 Les cellules sinusoïdales endothéliales 22
3.5 Les polynucléaires neutrophiles 24
3.6 Les lymphocytes T 24
3.6.1 Introduction 24
3.6.2 Activation des lymphocytes 25
3.6.3 Les lymphocytes cytotoxiques 26
3.7 Les plaquettes 27
4. Les cytokines 27
4.1 Introduction 27
4.2 Le concept Th 1/Th2 29
4.3 Cytokines pro-inflammatoires 29
4.3.1 TNF-a 29
4.3.2 IFN- y 30
4.3.3 IL-1 31
4.3.4 IL-2 31
5
4.3.5 IL -6 31
4.3.6 IL-12 32
4.3.7 IL-15 32
4.3.8 IL-18 32
4.4 Cytokines anti-inflammatoires 33
4.4.1 IL-4 33
4.4.2 IL-10 33
4.4.2.1 Production, source cellulaire et structure 33
4.4.2.2 Propriétés anti-inflammatoires 35
4.4.2.3 Propriétés pro-inflammatoires 39
4.4.3 IL-11 39
4.4.4 IL-13 39
4.4.5 Le transforming growth factor-P 40
4.4.5.1 Production, source cellulaire et stmcture 40
4.4.5.2 Actions 40
4.5 Les chimiokines 42
4.6 L'oxyde nitrique (NO) 42
5. Réparation cellulaire 44
5.1 Activation de facteurs de transcription 44
5.2 Rôle du TNF-a et de l'IL -6 dans la régénération hépatique 46
5.3 Fibrose 47
6 . Modèles expérimentaux d'hépatotoxicité 48
6 .1 Hépatite induite par injection de galactosamine/lipopolysaccharide 48
6.2 Hépatite induite par la concanavaline A 50
6.3 Hépatite induite par le tétrachlorure de carbone 52
II. Buts du travail 54
III. Résultats 55
I. Rôle hépatoprotecteur de l'IL-10 dans le modèle 56 d'hépatite induite par injection de galactosamine/lipopolysaccharide
chez la souris
Production et rôle de l'IL-10 dans le modèle d'hépatite induite par la concanavaline A chez la souris
2 . 65
3. L'IL-10 contrôle la réponse inflammatoire, la prolifération 75 cellulaire et la fibrose hépatique dans le modèle d'hépatotoxicité
induite par le tétrachlorure de carbone (CCI 4 ) chez la souris
IV. Discussion et perspectives 87
1. Le TNF comme médiateur central de l’hépatotoxicité: 87 la cible majeure de l'IL-10?
2. Le chlorure de gadolinium et la source cellulaire d'lL-10 89 3. L'IL-10 limite la réponse proliférative des hépatocytes 91
4. L’IL-10, une cytokine antifibrotique 92
5. Perspectives concernant l'IL-lO en thérapeutique humaine: 96 quelles maladies hépatiques?
5.1 Hépatite fulminante 96
5.2 Hépatite alcoolique aiguë et cirrhose éthylique 98 5.3 Syndrome de réponse inflammatoire systémique 99
5.4 Hépatites virales chroniques 99
5.5 Effets secondaires potentiels 101
V. Références 103
Liste des abréviations
Ac : anticorps
a-MSH: alpha mélanocyte stimulating hormone cAMP ; adénosine mono-phosphate cyclique ARNm ; acide ribonucléique messager ATP : adénosine triphosphate
CCI4 : tétrachlorure de carbone CK: cellules de Kupffer
CSE: cellules sinusoïdales endothéliales Con A : concanavaline A
Gai : galactosamine
GdCls : chlorure de gadolinium GSH : glutathion réduit
HF : hépatite fulminante
HGF : hépatocyte growth factor HSP70 : beat shock protein de 70 kDa ICAM-1 : intercellular adhesion molécule-1 ICE: interleukin-1 f converting enzyme IFN : interféron
IL: interleukine JAK : Janus kinase
LBP: lipopolysaccharide binding protein LPS: lipopolysaccharide
MCP-1 : monocyte chemoattractant protein-1 MIP-2: macrophage inflammatory protein-2 NFAT : nuclear factor for activated T cells NO : oxyde nitrique (monoxyde d’azote)
PAC AP: pituitary adenylate cyclase-activating polypeptide P AF: platelet activating factor
PCNA : proliferating cell nuclear antigen PDE IV : phosphodiestérase de type IV PGE2 : prostaglandine E2
PMN: polymorphonucléaires neutrophiles
TGF-P : transforming growth factor fi
VCAM-1: vascular cellular adhesion molecule-l
VIP: vasoactive intestinal peptide
9
RESUME DU TRAVAIL
L’inflammation observée au cours des hépatites se complique fréquemment de fibrose et de cirrhose dans sa phase finale. Le seul traitement efficace chez les malades en cirrhose terminale est la transplantation hépatique, mais la relative pénurie d’organes disponibles face à une demande toujours croissante rendent plus que Jamais indispensables un traitement précoce des hépatopathies et une prévention de la fibrose. La compréhension des mécanismes immunologiques sous-jacents passe par le développement et l’étude de modèles expérimentaux chez l’animal. L’interleukine-10 (IL-10) est une cytokine anti-inflammatoire puissante produite notamment au niveau du foie. Nous avons étudié d’une part le rôle biologique de l’IL-10 sécrétée de manière endogène dans trois modèles expérimentaux d’hépatite aiguë chez la souris, et d’autre part l’effet thérapeutique potentiel de l’IL-10 dans ces modèles. Tout d'abord, dans un modèle d'hépatite par activation mono-macrophagique induite par injection de galactosamine et de lipopolysaccharide, la neutralisation de l’lL-10 sécrétée de manière endogène aggrave les lésions de nécrose hépatique alors qu’une administration exogène d’lL-10, même après l’induction de l’hépatite, permet de limiter les lésions observées au niveau du foie. Le même effet protecteur de T IL-10 a été observé dans un modèle d'hépatite aiguë par activation lymphocytaire, après injection de concanavaline A.
Dans ces 2 modèles, T IL-10 limite la production de cytokines pro-inflammatoires. Enfin, dans
le modèle d’hépatite induite par le tétrachlorure de carbone, nous avons abordé le rôle de l’IL-
10 par le biais de souris déficientes en IL-10. Deux propriétés nouvelles de T IL-10 au niveau
du foie ont été suggérées, à savoir une modulation de la prolifération hépatocytaire et du
développement de la fibrose hépatique.
LINTRODUCTION
1. Généralités
Les maladies hépatiques peuvent être divisés en processus aigus ou chroniques. Les causes les plus fréquentes des hépatites aiguës dans nos pays sont représentées par les virus et les agents toxiques (dont les médicaments) pour lesquels il n'existe le plus souvent aucun traitement spécifique (Table 1) (1). L'expression la plus grave en est l'hépatite fulminante (HF), dont la mortalité reste très élevée (80-90%) si une transplantation hépatique n'est pas réalisée en urgence (2). Le pronostic de THF s'est amélioré au cours des 25 dernières armées par la qualité de la prise en charge en soins intensifs (3). Il est ainsi possible de traiter diverses complications telles que l'œdème cérébral, l'hypotension, l'insuffisance rénale aiguë, les troubles de la coagulation, l'hypoglycémie et les troubles ioniques. Néanmoins, d'autres traitements permettant d'attendre une transplantation ou de l'éviter sont toujours souhaitables. Si les hépatites aiguës moins graves liées aux causes toxiques régressent souvent spontanément après arrêt du toxique, il n'en va pas de même pour les hépatites virales liées aux virus de l’hépatite B (HBV) et C (HCV) et pour les hépatopathies auto-immunes, chez lesquelles un processus inflammatoire chronique, cliniquement souvent silencieux, va progressivement détruire le parenchyme hépatique qui sera remplacé par un tissu fibreux cicatriciel et finalement mener à la cirrhose. C'est alors seulement qu'apparaissent chez ces malades les symptômes de cachexie, d'ictère, d'ascite, de troubles de la coagulation, caractéristiques de la cirrhose. La cirrhose représente la 7®*^^ cause de mortalité par maladie et affecte des centaines de millions de personnes dans le monde (4). A ce stade, le seul traitement curatif consiste à remplacer l'organe malade en réalisant une transplantation hépatique. Cependant, vu le nombre limité d'organes disponibles face à une demande qui ne fera que croître dans les aimées à venir, notamment suite à l'augmentation de cirrhoses dues au virus HCV (5), il est indispensable de prévenir l'évolution de ces maladies vers la cirrhose. Ceci passe notamment par la prévention des hépatites virales (la vaccination par exemple) mais aussi par la recherche de nouveaux traitements pour les hépatites. Actuellement, le traitement par interféron-a des hépatites virales liées aux virus HBV et HCV, associé à des médicaments antiviraux, n'est bénéfique au maximum que chez la moitié des malades et l'effet à long terme est incoimu.
Les mécanismes immunologiques sous-jacents au développement des hépatites sont
aujourd'hui mieux connus. Des données convergentes montrent que la réponse immune de
l’individu joue un rôle crucial dans la pathogénie des maladies hépatiques, quelle qu’en soit leur
origine ( 6 ). Le rôle joué par des cytokines proinflammatoires comme le facteur de nécrose tumorale
(TNF-a) et l'interféron-gainma (IFN-y) dans le développent de l'hépatotoxicité est actuellement établi dans des modèles animaux. Il est aussi suggéré chez l'homme où une production accrue de ces cytokines a été démontrée dans diverses maladies hépatiques. La réponse immune comprend une composante anti-inflammatoire, permettant d’éviter un emballement de la riposte pro-inflammatoire qui serait sinon délétère pour l’individu. Parmi ces médiateurs anti-inflammatoires, l'interleukine-10 est une cytokine qui est produite notamment au niveau du foie.
Dans ce travail, nous nous sommes attachés à étudier d'une part le rôle biologique de l'IL-10 sécrétée de manière endogène dans trois modèles expérimentaux d'hépatite aiguë chez la souris, faisant intervenir des mécanismes différents d'activation cellulaire, et d'autre part l'effet thérapeutique potentiel de l'IL-10 dans ces modèles.
Tableau 1
Causes d'hépatites aiguës ou fulminantes chez l'homme
Causes Toxiques
Paracétamol
Tétrachlorure de carbone Amanite phalloïde Médicaments
Cuivre (maladie de Wilson) Immunes
Virus HAV, HBV, HCV, HEV, EBV, CMV, HZV Hépatite auto-immune
Sepsis sévère
Rejet aigu de greffe hépatique Diverses
Hypoxie Congestion
Syndrome de Budd-Chiari
HELPP syndrome
2. Mécanismes de mort cellulaire
2.1 Nécrose et apoptose
Les lésions cellulaires conduisent in fine à un processus irréversible de mort cellulaire par nécrose ou apoptose, deux processus morphologiquement distincts qui, s’ils intéressent une proportion importante des cellules hépatiques, vont entraîner une dysfonction de l’organe (7).
La nécrose cellulaire (du grec nekrôsis, l'engourdissement) est définie par un dommage causant une perte irréversible des fonctions métaboliques (par exemple, les gradients ioniques transmembranaires et la génération d'adénosine triphosphate [ATP]) et de l'intégrité de la membrane plasmatique (cytolyse). Morphologiquement, la nécrose se caractérise par l'apparition d'une chromatine pycnotique, un gonflement des organelles intra-cytoplasmiques, l'apparition de "phlyctènes" au niveau de la membrane cellulaire qui finalement se rompent, libérant le contenu de la cellule (par exemple les enzymes cytosoliques aspartate aminotransférase et lactate déshydrogénase, que l'on dose en clinique humaine pour détecter et juger l'amplitude de lésions hépatiques). Le largage de constituants cellulaires induit une réponse inflammatoire pouvant amplifier les lésions tissulaires.
L'apoptose, du grec apo, loin de et ptôsis, la chute) est définie morphologiquement par une condensation progressive de la chromatine, une contraction de la cellule et finalement une fragmentation du noyau et du cytoplasme résultant en la formation de fragments cellulaires contenant des organelles intacts et décrits sous le nom de corps apoptotiques. Ces corps apoptotiques sont retrouvés dans le cytoplasme de cellules intactes, indiquant qu'ils ont été phagocytés par des cellules voisines ou des phagocytes ( 8 ). Ces corps apoptotiques sont décrits depuis longtemps en histologie, sous le nom de corps de Councilman, par exemple dans les hépatites virales où des lymphocytes cytotoxiques tuent par apoptose des hépatocytes chargés de particules virales (9). Dans l'apoptose, la membrane plasmatique reste intacte et une image caractéristique d'hydrolyse de l'ADN apparaît (image d'échelle, ladder pattern).
Les signaux menant à l'apoptose peuvent être la conséquence d'agents pathogènes ou toxiques, d'un stress oxydatif ou de l'activation de récepteurs spécifiques par des ligands tels que le TNF-a ou le FasL (10).
Pour comparer de manière imagée les deux processus, on peut résumer que dans la
nécrose la cellule est la victime innocente de stimuli toxiques, eüors que dans l'apoptose, la
cellule participe activement à sa disparition en activant im programme spécifique
d'autodestruction (suicide). Suite à un apoptose hépatocytaire massive, on peut voir ime
13
augmentation massive des transaminases, ce qui indique que les processus de phagocytose sont dépassés (11). En réalité, nécrose et apoptose sont souvent présents tous les deux en pathologie. Il est effectivement établi, par des critères morphologiques, que dans de nombreux modèles expérimentaux, les agents induisant la mort cellulaire sont capables d'induire à la fois l'apoptose et la nécrose, dans le même tissu ou la même cellule, et que l'apoptose précède souvent la nécrose (7,12-14). Durant la mort cellulaire, on assiste à une dysfonction mitochondriale par transition de la perméabilité mitochondriale (MPT, mitochondrial permeability transition) et perméabilisation des membranes des mitochondries (15). La progression ultérieure vers l’apoptose ou la nécrose dépendrait de la présence ou de l'absence d'ATP dans le cytoplasme (7,16) et de la phase du cycle cellulaire dans lequel se trouve la cellule (17,18).
Chez l'homme, les mécanismes de mort cellulaire impliqués au niveau du foie sont aujourd'hui décrits dans diverses maladies (19-23).
2.2 Le facteur de nécrose tumorale (TNF)
Initialement caractérisé sur la base de ses propriétés antitumorales et également décrit sous le nom de cachectine, en référence à ses propriétés cachectisantes, cette cytokine est produite principalement par les mono/macrophages et dans une moindre mesure par d'autres types cellulaires tels que les lymphocytes et les fibroblastes. C'est un médiateur important impliqué dans la régulation physiologique de nombreux systèmes mais aussi dans des conditions physiopathologiques. Il provoque un large spectre de réponses cellulaires, parmi lesquelles la fièvre, le choc, des lésions tissulaires, la nécrose tumorale, l'anorexie, l'induction de la synthèse d'autres cytokines et médiateurs inflammatoires, la prolifération et la différentiation cellulaire et l'apoptose (24,25).
Le TNF fait partie d'une famille de molécules apparentées comportant entre autres les
lymphotoxines LTa et LTp et le Fas ligand (FasL). Le TNF existe sous une forme
transmembranaire de 26kDa (TNFm) et une forme soluble de 17 kDa (TNFs) qui rend compte
de la majorité des effets biologiques du TNF et qui est obtenue par clivage protéolytique de la
première par une enzyme transmembranaire appelée T ACE (TNF-a converting enzyme). Le
TNF existe sous la forme d'homotrimères. Son récepteur appartient à la superfamille des
récepteurs au TNYInerve growth factor et existe sous 2 formes, le TNFRl (p55) et le TNFR2
(p75). Le TNFs interagit préférentiellement avec le TNFRl alors que le TNFm se lie avec une
meilleure affinité au TNFR2. La plupart des activités biologiques du TNF-a sont transduites
par le TNFRl, bien que beaucoup d'entre elles puissent l'être par le TNFR2, mais celui-ci est un pauvre inducteur de l'apoptose. Des formes solubles de ces récepteurs (sTNFR) bloquent l'interaction du TNF-a avec ses récepteurs et agissent donc comme antagonistes du TNF-a ou comme réservoir prolongeant son activité.
La transmission du signal par le TNFRl au niveau d’ime cellule cible est schématisée à la figure 1 (10,26,27). La liaison du TNFs sur le TNFRl trimérisé induit le recrutement de différentes protéines adaptatrices sur les domaines cytoplasmiques du récepteur. La combinaison des protéines TRADD (TNF-R-associated death domain) et FADD (Fas- associated death domain) recrutées sur le death domain du TNFR permet de transmettre un signal conduisant à l'apoptose, par activation de la caspase 8 , la transition de la perméabilité mitochondriale et le largage du cytochrome c, résultant en l'activation de la caspase 3 et d'autres caspases (des cystéine protéases). Dans les stratégies thérapeutiques potentielles de THF, bloquer l’apoptose en neutralisant les caspases est une voie qui semble prometteuse (28). FADD peut également induire la mort cellulaire par nécrose (29). La transduction du signal de TNFRl à d'autres protéines adaptatrices, TRAF {TNF receptor-associatedfactor) ou RIP {receptor interacting protein) conduit par contre à l'activation de kinases et à l'activation des facteurs de transcription AP-1 et NF-kB, impliqués dans la réponse inflammatoire et qui induisent l'expression de gènes anti-apoptotiques (30,31).
Un des stimuli le plus puissant pour la sécrétion de TNF par les macrophages est le
lipopolysaccharide (LPS) de la paroi bactérierme. In vivo, de grandes quantités de TNF
peuvent être produits dans les infections à bacilles gram négatives. In vitro, les hépatocytes
isolés sont relativement insensibles au TNF-a. Le TNF-a peut induire l'apoptose des
hépatocytes in vitro et in vivo, après un arrêt de la transcription par des poisons cellulaires tels
que l'a-amanitine, l'actinomycine D ou la D-galactosamine (32-35). Ceci implique que le
TNF-a induit un facteur protecteur qui s’oppose à l’apoptose. Des tentatives pour utiliser le
TNF comme moyen anticancéreux chez l'homme ont échoué de par l'apparition d'effets
secondaires sérieux avant que les doses thérapeutiques ne puissent être atteintes. Un des effets
du traitement avec le TNF-a consistait en une élévation des transaminases et de la bilirubine,
ce qui indiquait un rôle cytotoxique direct du TNF-a sur les hépatocytes humains (36).
15
ROS
Peroxydation lipidique
\
Activation de caspases
MORT CELLULAIRE
Figure 1 : voies de signalisation du TNF
2.3 La voie Fas/FasL
Le récepteur Fas (encore appelé CD95 ou APO-1) est constitué de 3 domaines extracellulaires riches en cystéine et un domaine intracellulaire appelé death domain. La liaison de FasL avec son récepteur entraîne la trimérisation de celui-ci et la liaison du death domain avec une protéine de liaison, FADD (pour Fas associated death domain), qui lie la caspase 8 , recrute la cascade des protéases et induit in fine l'apoptose ( 10 ) ou la nécrose (13).
La voie Fas/FasL est le mécanisme majeur de cytotoxicité des lymphocytes CD 8 , CD4 Thl et NK, qui lorsqu'ils sont activés, expriment à leur surface le FasL. Cette voie de mort cellulaire joue un rôle physiologique dans l'homéostasie et la régulation du système immunitaire (par exemple dans la délétion périphérique des cellules autoréactives ou des cellules après activation polyclonale (AICD, activation-induced cell death). Le FasL peut être clivé de la membrane cellulaire par une métalloprotéinase et exister sous forme soluble. Il peut donc agir comme une molécule cytotoxique effectrice et agir à distance de la cellule productrice
Les hépatocytes expriment de manière constitutive le récepteur Fas, qui lorsqu'il est activé par son ligand (FasL) ou par cross-linking avec un anticorps anti-Fas, induit l'apoptose.
L'injection d'un anticorps anti-Fas chez la souris induit en 2 heures une apoptose massive des hépatocytes et une hépatite fulminante mortelle (11). Une expression accrue de Fas a été décrite dans de nombreuses maladies hépatiques comme l'hépatite fulminante, les hépatites virales liées aux virus HBV et HCV, la maladie de Wilson, la cirrhose biliaire primitive et l'hépatite alcoolique (22,37-41). De même, une expression de FasL est retrouvée sur les lymphocytes infiltrant le foie. Dans l’hépatite alcoolique, affection où l’apoptose hépatocytaire semble être un des mécanismes de destmction des hépatocytes, une expression accrue de FasL est observée sur les hépatocytes eux-mêmes (41-43). Le FasL agirait ici de manière autocrine (suicide cellulaire) ou paracrine (cytotoxicité fratricide envers les hépatocytes voisins).
Enfin, outre le TNF-a et FasL, l'IFN-y , le TGF-pl et le système TRAIL {TNF-related apoptosis-inducing ligand) ont des propriété cytotoxiques directes en induisant l'apoptose.
L'IFN-y active directement des gènes impliqués dans la mort cellulaire (44) et il entraîne in
vitro l'apoptose des hépatocytes de souris (45). L'IFN-y accroît par ailleurs l'expression de Fas
au niveau des hépatocytes, entraînant une sensibilité accrue de ceux-ci à l’apoptose.
17
3. Les cellules impliquées dans les phénomènes d'hépatotoxicité
3.1 Introduction
Dans la plupart des maladies hépatiques, des infiltrats inflammatoires peuvent être mis en évidence sur des coupes histologiques de foie. Ces cellules inflammatoires contribuent au développement des lésions hépatiques soit comme élément déclenchant (par exemple dans l'hépatite auto-immune), soit comme réponse secondaire à un autre processus (comme dans l'hépatite virale). Ces cellules résident le plus souvent dans les sinusoïdes hépatiques, au contact des cellules bordant ces sinusoïdes : les cellules endothéliales et les travées d’hépatocytes (figure 2). Lors d’une réponse inflammatoire locale, d’autres cellules inflammatoires telles que des lymphocytes ou des polynucléaires peuvent être recrutées et infiltrer le parenchyme hépatique. On peut aussi distinguer les cellules du système immunitaire adaptatif qui reconnaissent des déterminants antigéniques, les lymphocytes, et les actions non spécifiques des cellules du système immunitaire inné, par exemple celles des macrophages. La compréhension des mécanismes par lesquels ces cellules contribuent aux dommages hépatiques est importante pour développer des interventions thérapeutiques permettant de moduler le processus inflammatoire.
3.2 Les cellules de Kupffer
3.2.1 Fonction
Les cellules de Kupffer (CK) sont les macrophages résidents du foie. Ils résident au
niveau des sinusoïdes hépatiques, au contact des cellules endothéliales et possèdent des
extensions cytoplasmiques dans l'espace de Disse en contact direct avec les cellules étoilées et
les hépatocytes. Ils représentent environ 30% des cellules sinusoïdales et constituent environ
80-90% des macrophages résidents chez l’homme (46). Ils possèdent une coloration
caractéristique de leur réticulum endoplasmique pour la peroxydase endogène. Comme les
autres macrophages, les CK ont trois propriétés principales: l'endocytose (avec destruction du
matériel ingéré), la présentation d'antigènes et la sécrétion de produits biologiquement actifs
(47-50). Parmi ceux-ci, citons diverses protéases, des dérivés de l'acide arachidonique
(prostaglandines et leucotriènes), des radicaux libres oxygénés, l'oxyde nitrique (NO) et
diverses cytokines. Les CK possèdent des récepteurs pour Fc et C3 et expriment des
molécules du complexe majeur d'histocompatibilité de classe II (46).
Figure 2 : cellules du sinusoïde hépatique
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