2016-2017 LM371 Théorie des groupes
Deuxième partie
6. Groupe opérant sur un ensemble.
6.1. Définition
Soit E un ensemble et G un groupe. On dit queG opère surE s’il existe une application
ϕ:G×E→E telle que :
1)∀x∈E,ϕ(eG, x) =x
2)∀x∈E,∀g∈G, ∀g0∈G,ϕ(g,ϕ(g0, x)) =ϕ(gg0, x).
SiGopère sur E, on dit aussi queE est unG-ensemble Notation :
On note en généralg·xau lieu deϕ(g, x). Avec cette notation, les conditions 1) et 2) deviennent :
1’) eG·x=x.
2’) g·(g0·x) = (gg0)·x.
Exemples :
1) Le groupe S3 opère sur le triangle équilatéral ABC par permutation des sommets.
2) Tout groupe opère sur lui-même : - par multiplication à gauche : (g, x)7−→gx - par multiplication à droite : (g, x)7−→xg−1 - par conjugaison : (g, x)7−→gxg−1.
3) Le groupe additifRopère sur Cpar(θ, z)7−→θ·z=eiθz.
4) Le groupe symétriqueSn opère sur l’ensemble {1, ..., n}. 5) Les groupesGln(R),On(R),SOn(R)opèrent surRn.
6) Le groupeOn(R)opère sur la sphère unitéSn ={x∈Rn/kxk= 1}.
6.2.Orbites.
Définition :
Soit E un ensemble et Gun groupe opérant sur E. Soit x∈E. On appelle orbite de xl’ensemble O(x) ={g·x/g∈G}.
Proposition :
1)Soit xet y deux éléments de E :
y∈O(x)⇐⇒x∈O(y)⇐⇒O(x) =O(y).
2) Les orbites forment une partition de E.
Démonstration :
1) Supposons quey∈O(x). Il existeg∈Gtel quey=g·x, d’où g−1·y=g−1·(g·x) = (g−1g)·x=e·x=x.
Par conséquent,x∈O(y).
De même,x∈O(y) =⇒y∈O(x).
De plus,y∈O(x) =⇒O(y)⊂O(x), d’oùO(y) =O(x).
2) On définit sur E la relation
xRy⇐⇒O(x) =O(y).
C’est évidemment une relation d’équivalence. Les classes d’équivalence sont les orbites, qui forment donc une partition deE.
QED
Corollaire :
Soit E un G-ensemblefini et soit E’ un système de représentants des orbites pour l’opération de G. Alors
card(E) = X
x∈E0
card(O(x)).
Exemples :
1) Quand un groupe opère sur lui-même à gauche (ou à droite), il y a une seule orbite.
2) Quand un groupe opère sur lui-même par conjugaison, les orbites sont les classes de conjugaison.
3) SoitGun groupe etH un sous-groupe deG:
H opère surGà gauche : h·g=hg. L’orbite deg∈Gest la classe à droite Hg.
De même,H opère sur Gà droite : h·g =gh−1. L’orbite deg ∈Gest la classe à gauchegH.
6.3. Stabilisateurs.
Définition :
Soit Gun groupe et Eun G-ensemble. Soit x∈E. On appelle stabilisateur de xl’ensemble
St(x) ={g∈G/g·x=x} Proposition :
Pour tout x∈E,St(x)est un sous-groupe de G.
Démonstration : exercice.
Théorème :
Soit G un groupe et E un G-ensemble. Soit x∈E, et g, g0∈E. Alors : 1)g·x=g0·x⇐⇒gSt(x) =g0St(x).
2) Il existe une bijection entre O(x)et G/St(x).
En particulier, Si G est fini, alors
cardO(x) = [G:St(x)].
Démonstration :
1) Supposons queg·x=g0·x. Soith∈St(x). Alors(gh)·x=g·x=g0·x, donc(g0−1gh)·x=x, d’oùg0−1gh ∈St(x)etgh∈g0St(x). On en déduit que gSt(x)⊂g0St(x).
De même,g0St(x)⊂gSt(x).
Réciproquement, supposons que gSt(x) =g0St(x). Alorsg ∈g0St(x) et il existeh∈g0St(x)tel queg=g0h. Par conséquent,g·x= (g0h)·x=g0·(h·x) = g0·x.
2) On pose
F :O(x)→G/St(x) g·x7−→gSt(x)
D’après 1) l’application F est bien définie et est injective. Elle est évidem- ment surjective.
QED
Corollaire (équation des classes) :
Soit G un groupe opérant sur un ensemble fini E. Soit {x1, ..., xn} un système de représentants des orbites. Alors
card(E) = Xn i=1
[G:St(xi)].
Définition :
Soit G un groupe et E et F deux G-ensembles. Soit f : E → F une application. On dit que f est un morphismes de G-ensembles si,
∀g∈G,∀x∈E,f(g·x) =g·f(x).
Exemple : L’applicationF :O(x)→G/St(x)décrite dans la démonstra- tion du théorème ci-dessus est un morphisme deG-ensembles.
Proposition :
Soit G un groupe opérant sur un ensemble E. Alors cette opération induit un homomorphisme de groupes de Gdans le groupe S(E) des bijections de E.
Démonstration :
Pour toutg∈G, soit σg:E→El’application définie parσg(x) =g·x.
Cette application est bijective puisqu’elle possède pour application réciproque σg−1.
L’applicationg7−→σg est clairement un homomorphisme de groupes.
QED
Corollaire (Théorème de Cayley) :
Soit Gun groupe de cardinal n. Alors Gest isomorphe à un sous-groupe de Sn.
Démonstration :
On fait opérerGsur lui-même à gauche : G×G → G
(g, x) 7−→ g·x=gx
L’homomorphismeg7−→σg est injectif et, commeGest d’ordren,S(G)est isomorphe àSn.
QED
Opération fidèle :
Si l’homomorphismeG→S(E) est injectif, on dit queGopère fidèlement surE.
Opération transitive :
On dit queGopère transitivement surE s’il y a une seule orbite.
Points fixes :
SoitGun groupe etE unG-ensemble. On pose EG={x∈E/∀g∈G, g·x=x}. Proposition :
Soit pun nombre premier. Soit Gun p-groupe opérant sur un ensemblefini E. Alors
|E|≡¯¯EG¯¯ (modp).
Démonstration :
SoitO(x1), ..., O(xn)les orbites de cardinal supérieur ou égal à 2.
|E|=¯¯EG¯¯+ Xn
i=1
|O(xi)|.
Comme|O(xi)|>1, |O(xi)|= [G:St(xi)]est une puissance positive dep.
QED
Théorème :
Soit pun nombre premier. Le centre d’un p-groupe n’est jamais trivial.
Démonstration :
On fait opérerGsur lui-même par conjugaison : G×G → G
(g, x) 7−→ gxg−1
L’ensemble des points fixes est GG = Z(G), le centre de G. D’après la proposition précédente,
|Z(G)|≡|G|≡0 (modp).
CommeeG∈Z(G), on a|Z(G)|≥1, doncpdivise l’ordre deZ(G).
QED Lemme :
Soit G un groupe tel que G/Z(G)est cyclique. Alors Gest abélien.
Démonstration :
Notons Z = Z(G). Il existe h ∈ G tel que G/Z(G) =< hZ >. Par conséquent, G = ∪n(hZ)n et, pour tout g ∈ G, il existe un entier n tel que g∈(hZ)n=hnZ. Il existe doncz∈Z tel que g=hnz.
Soitg=hnz etg0=hn0z0 deux éléments de G.
gg0=hnzhn0z0 =hn+n0zz0 =hn+n0z0z=hn0z0hnz=g0g.
QED
Proposition :
Soit pun nombre premier. Tout groupe d’ordre p2 est abélien.
Démonstration :
SoitG un groupe d’ordrep2. Le centre Z(G) est un sous-groupe distingué de G, qui n’est pas trivial d’après le théorème précédent. Par conséquent, le cardinal deZ(G)est égal àpou à p2.
Supposons queGn’est pas abélien, c’est-à-dire que le cardinal deZ(G)est égal àp. Alors le groupeG/Z(G)est d’ordrep, donc cyclique. D’après le lemme, Gserait alors abélien, une contradiction.
Par conséquent,Gest abélien.
QED
7. Théorèmes de Sylow 7.1. Premier théorème Lemme de Cauchy :
Nous allons utiliser le lemme de Cauchy, précédemment démontré :
Soit G un groupe abélien fini et pun nombre premier qui divise l’ordre de G. Alors Gpossède un élément d’ordre p.
Théorème:
Soit G un groupe fini, k ≥1 un entier et pun nombre premier tel que pk divise l’ordre de G. Alors Gpossède un sous-groupe d’ordre pk.
Démonstration :
On procède par récurrence sur l’ordre deG.
Si |G| = 1 il n’y a rien à démontrer. Supposons le théorème vrai jusqu’à l’ordren−1et soitGun groupe d’ordren.
On fait opérerGsur lui-même par conjugaison. L’ensemble des points fixes est le centreZ deG. La formule des classes s’écrit donc :
|G|=|Z|+X
i
[G:Stab(hi)],
où l’on prend un élémenthi dans chaque orbite de cardinal au moins égal à deux.
Deux cas se présentent alors.
1er cas : pne divise pas|Z|. Il existe alors un indiceitel quepne divise pas [G:Stab(hi)]. Commepk divise|G|=|Stab(hi)| ×[G:Stab(hi)], on en déduit quepk divise|Stab(hi)|.
De plus, commehi∈/Z,|Stab(hi)|<|G|et on peut donc appliquer l’hypothèse de récurrence àStab(hi).
2ème cas : pdivise|Z|. D’après le lemme de Cauchy,Z contient un élément g d’ordrep. Le sous-groupe< g > est distingué dans Get le groupe quotient G/ < g >a pour cardinal |Gp|. Par hypothèse de récurrence,G/ < g >contient donc un sous-groupeKd’ordrepk−1. Ce sous-groupe est de la formeK=H/ <
g >, oùH est un sous-groupe deGcontenant< g >. Alors
|H|=|K| × |< g >|=pk. QED
Définition :
Soit Gun groupefini, et pun nombre premier qui divise l’ordre de G. On appelle p-sous-groupe de Sylow de G, tout sous-groupe dont l’ordre est égal à la plus grande puissance de pqui divise l’ordre de G.
Le premier théorème de Sylow nous assure l’existence de tels sous-groupes.
7.2. Deuxième théorème : Proposition :
Soit Gun groupefini et pun nombre premier qui divise l’ordre de G. Soit H un p-sous-groupe de Sylow de Get soit K un p-sous-groupe de G. Alors il existe g∈Gtel que K⊂gHg−1.
En particulier, tout p-sous-groupe de G est contenu dans un p-sous-groupe de Sylow.
Démonstration :
On fait opérerK surG/H par translation : K×G/H → G/H
(x, gH) 7−→ (xg)H
Il existe au moins un pointfixe. En effet, d’après l’équation des classes :
|G/H|=|{points f ixes}|+ X
|O(giH)|≥2
|O(giH)|
Or|O(giH)|= [K : St(giH)], qui est une puissance dep, alors que |G/H| est premier àp.
gH estfixe ⇐⇒ ∀x∈K, xgH=gH
⇐⇒ ∀x∈K, g−1xgH=H
⇐⇒ ∀x∈K, x∈gHg−1
⇐⇒ K⊂gHg−1.
QED
Corollaire 1 (deuxième théorème de Sylow):
Soit Gun groupefini et pun nombre premier qui divise l’ordre de G. Alors tous les p-sous-groupes de Sylow de G sont conjugués.
Démonstration :
SiK est lui-même unp-sous-groupe de Sylow, alorsK=gHg−1. QED
Corollaire 2 :
SoitGun groupefini et pun nombre premier qui divise l’ordre de G. Soit H unp-sous-groupe de Sylow distingué dans G. Alors H est le seul p-sous-groupe de Sylow de G. Réciproquement, si G possède un seul p-sous-groupe de Sylow, alors ce dernier est distingué.
7.3. Troisième théorème de Sylow : : Théorème :
Soit Gun groupefini et pun nombre premier qui divise l’ordre de G. Soit np le nombre de p-sous-groupes de Sylow de G. Alors :
1)np= [G:NG(H)], où H est un p-sous-groupe de Sylow quelconque de G.
En particulier,np divise l’ordre de G.
2)np≡1 (modp).
Démonstration :
1) SoitX l’ensemble desp-sous-groupes de Sylow deG.
Gopère surXpar conjugaison, et il y a une seule orbite d’après le deuxième théorème de Sylow. SoitH ∈X :
Stab(H) ={g∈G/gHg−1=H}=NG(H).
L’équation des classes s’écrit donc
np=|X|= [G:NG(H)].
2) Soit H unp-sous-groupe de Sylowfixé. H opère surX par conjugaison.
Nous allons montrer qu’il y a un seul pointfixe, qui estH lui-même.
SoitK un pointfixe. Pour touth∈H,hKh−1=K, et doncH ⊂NG(K).
En particulier,Hest unp-sous-groupe de Sylow deNG(K). D’autre part,Kest distingué dansNG(K), c’est donc l’uniquep-sous-groupe de Sylow de NG(K).
On en déduit queH =K.
Ecrivons l’équation des classes : np= 1 +X
i
|O(Ki)|,
où |O(Ki)| = [H : Stab(Ki)] ≥ 2. Comme |H| = pk,on en déduit que
|O(Ki)|≡0 (modp).
QED
7.4. Cas où les sous-groupes de Sylow sont distingués : Lemme :
Soit Gun groupe ,et soit H et K des sous-groupes distingués tels que H∩ K={e}. Alors quels que soient h∈H et k∈K,hk=kh.
Démonstration :
CommeKCG, il existek0∈K tel que hkh−1=k0. De même, il existeh0 ∈H tel que k−1hk=h0. On en tire
hk=k0h=kh0, d’où
k−1k0=h0h−1∈H∩K={e}. Finalement,h=h0 etk=k0.
QED
Théorème :
Soit G un groupe ,et soit H et K des sous-groupes tels que 1) HCGet KCG.
2) H∩K={e}. 3) |H| × |K|=|G|.
Alors Gest isomorphe au produit cartésien H×K.
Démonstration : Soit
f :H×K→G (h, k)7−→hk
Il découle du lemme précédent que f est un homomorphisme de groupes. De plus, f est injectif :
hk=e=⇒h=k−1∈H∩K=⇒h=k=e.
QED
Théorème :
Soit Gun groupefini. On suppose que tous les sous-groupes de Sylow de G sont distingués. AlorsG est isomorphe au produit cartésien de ses sous-groupes de Sylow.
Démonstration :
SoitH1, ..., Hr les sous-groupes de Sylow deG, avec pour chaque i,|Hi| = pαii. D’après le lemme, sii6=j, pour toushi∈Hiethj∈Hj, on ahihj =hjhi.
Par conséquent,
f :H1×...×Hr→G (h1, ..., hr)7−→h1· · ·hr
est un homomorphisme de groupes.
Supposons que f(h1, ..., hr) =e, alorsh−r1=h1· · ·hr−1. Pour chaquei∈{1, ..., r}, on ahp
αi i
i =e.
Soitm=Qr−1
i=1pαii, de sorte que metpαrr sont premiers entre eux. Alors (h1· · ·hr−1)m=hm1 · · ·hmr−1=e,
d’où
hmr =e.
Or l’ordre de hr est une puissance depr. Ceci n’est possible que si l’ordre dehr est égal à 1, c’est-à-dire sihr=e. On a alorsh1· · ·hr−1=e.
En itérant on obtientfinalementh1=...=hr=e, etf est injectif. Comme
|G|= Yr
i=1
|Hi|, f est un isomorphisme.
QED
7.5. Simplicité des groupes alternés.
Définition :
On dit qu’un groupe est simple si ses seuls sous-groupes distingués sont {e}
et lui même.
Nous allons montrer que, pourn≥5, le groupe alternéAn est simple.
Lemme :
Si n≥4, le groupe alterné An est engendré par les cycles de longueur 3.
Démonstration :
Comme toute permutation paire est le produit d’un nombre pair de trans- positions,An est engendré par les doubles transpositions¡
i j ¢ ¡ k l ¢
. Si{i, j}∩{k, l} 6=∅, par exemple sij=k,¡
i j ¢ ¡ j l ¢
=¡
i j l ¢ . Si{i, j}∩{k, l}=∅, alors
¡ i j ¢ ¡ k l ¢
=¡
i j ¢ ¡
j k ¢ ¡
j k ¢ ¡ k l ¢
=¡
i j k ¢ ¡
j k l ¢ . QED
Proposition :
Le groupe alterné A5 est simple.
Démonstration :
Le groupe A5 contient 60 éléments :
·l’identité
·15 doubles transpositions¡
i j ¢ ¡ k l ¢
·20 cycles de longueur 3¡
i j k ¢
·24 cycles de longueur 5¡
i j k l m ¢ . SoitH un sous-groupe distingué propre de A5.
Tous les cycles de longueur 3 forment une seule classe de conjugaison dans A5(et plus généralement dans An sin≥5). Soit en effetσ1=¡
a1 a2 a3 ¢ etσ2=¡
b1 b2 b3 ¢
deux cycles de longueur 3. Soit τ=
µ a1 a2 a3 b1 b2 b3
¶ . On aτ σ1τ−1=σ2.
Si τ ∈/ A5, soit a4 eta5 deux éléments n’appartenant pas à {a1, a2, a3} et soitρ=¡
a4 a5 ¢
. Soitτ0=τ ρ. Alors τ0∈A5 etτ0σ1τ0−1=σ2.
Par conséquent, siH contient un cycle de longueur3, alorsH =A5, ce qui est exclus.
De même, tous les éléments d’ordre 2 sont conjugués dans A5. Car soit τ1=¡
a1 a2 ¢ ¡
a3 a4 ¢
etτ2=¡
b1 b2 ¢ ¡
b3 b4 ¢ . Soit σ=
µ a1 a2 a3 a4 a5
b1 b2 b3 b4 b5
¶
;
On aστ1σ−1=τ2. Siσ∈/A5, soitσ0 =σ◦¡
a1 a2 ¢
. Alors σ0∈A5 etσ0τ1σ0−1=τ2. Par conséquent, siH contient une double transposition, alors il les contient toutes et|H| ≥16. Comme 16n’est pas un diviseur de 60, H doit également contenir.au moins un cycle de longueur5. Par conséquent,H doit contenir un 5-sous-groupe de Sylow de A5. Mais il doit alors contenir tous les conjugués de ce 5-Sylow, donc tous les cycles de longueur 5. On on déduit que |H| ≥ 16 + 24 = 40. Ceci entraîne que|H|= 60, ce qui est exclus.
QED
Théorème :
Pour tout n≥5, le groupe alterné An est simple.
Démonstration :
On procède par récurrence sur n.
Sin= 5, le théorème est vrai d’après la proposition précédente.
Soitn≥6et soitH un sous-groupe distingué de An, distinct de{id}. Soit
S={σ∈An/σ(1) = 1}.
L’ensemble S est un sous-groupe deAn isomorphe à An−1. comme H est distingué dans An, H ∩S est distingué dans S. L’hypothèse de récurrence entraîne queH∩S ={id}ouH∩S=S.
Soitσ6=idun élément deH :
Siσ(1) = 1alorsσ∈S, doncH∩S=S.
Si σ(1) = i 6= 1, soit j 6= 1, i et k = σ(j). Soit l et m deux éléments de {1, ..., n} distincts et distincts de 1, i, j, k, soit ρ = ¡
j l m ¢
et τ = ρσ−1ρ−1σ. Comme H est distingué, ρσ−1ρ−1∈H et doncτ ∈H.
Alorsτ(1) = 1etτ6=idcarτ(j) =l. On a donc à nouveauH∩S=S.
Il s’ensuit que S⊂H, par conséquentH contient un cycle de longueur3et H=An.
QED
8. Théorèmes d’isomorphisme :
8.1. Premier théorème d’isomorphisme Théorème :
Soit G un groupe. Soit H et K deux sous-groupes. On suppose que KCG.
Alors
1) HK=KH est un sous-groupe de G.
2) H∩KCH.
3) H/H∩K'HK/K.
Démonstration :
1) Il suffit de montrer que, sih, h0∈H etk, k0∈K, alorshkh0k0∈HK. CommeKCG, il existek1∈Ktel queh0k0 =k1h0, d’oùhkh0k0 =hkk1h0 = hk2h0 (k2=kk1∈K).
De même il existek3∈K tel quek2h0=h0k3, d’oùhkh0k0=hh0k3∈HK. 2+3) On considère l’application
Cl:G→G/K, et soitusa restriction à H.
Im(u) ={hK/h∈H}=HK/K.
Soith∈H :
h∈Ker(u)⇐⇒hK=K⇐⇒h∈H∩K.
Par conséquent,Ker(u) =H∩K. En particulier,H∩KCK et H/H∩K'HK/K.
QED
8.2. Applications :
1) PrenonsG=Z,H=mZ,K=nZ. Soitd=m∧nete=m∨n. Alors
H+K = dZ H∩K = eZ mZ/eZ ' dZ/nZ
2) Soit Gun groupe d’ordre pqr, oùp etq sont des nombres premiers tels quep < q. AlorsG=P Q, oùP est unp-Sylow etQest unq-Sylow.
En effet :
Notonsnpetnqle nombre dep-Sylow et le nombre deq-Sylow. On anq= 1 oup.
Si nq = p, alors p ≡ 1 (modq), d’où q < p, ce qui est impossible. Par conséquent, nq = 1. Ainsi, il y a un seul q-Sylow, qui est distingué dans G.
Appelons leQ.
SoitP unp-Sylow. On aP Q=QP etQ∩P={e}. Par conséquent, P Q/Q'P/P∩Q'P.
On en déduit que|P| |Q|=|P Q|, d’où |P Q|=pqr=|G|. Finalement,G=P Q.
Attention : on n’a pas en général G ' P ×Q. Par exemple, Si G = S3, P={id,¡
1 2 ¢
} 'Z/2Z,Q={id,¡
1 2 3 ¢ ,¡
1 3 2 ¢
} 'Z/3Z. 3)
Théorème :
Si n≥5, le groupe alterné An est le seul sous-groupe distingué non trivial du groupe symétrique Sn.
Démonstration :
SoitH un sous-groupe distingué de Sn distinct de{id}et deSn. Le sous- groupe H∩An est distingué dans An et, comme ce dernier est simple, on a H∩An=An ouH∩An={id}.
Supposons que H∩An={id}, alors
H 'H/H∩An'HAn/An, d’où
|H|=|HAn|
|An| ≤ |Sn|
|An| = 2.
Par conséquent, H ={id,σ}, où σ est une permutation d’ordre 2, c’est-à- dire un produit de transpositions disjointes. C’est impossible car un tel produit a nécessairement des conjugués qui lui sont distincts.
On en déduit que H ∩An = An, donc que An ⊂ H. Et comme An est d’indice 2,An=H.
QED
Remarques :
Le théorème est encore vrai pourn= 3: A3est le seul sous-groupe distingué non trivial deS3.
MaisS4 contient les deux sous-groupes distinguésA4 et {id,¡
1 2 ¢ ¡
3 4 ¢ ,¡
1 3 ¢ ¡
2 4 ¢ ,¡
1 4 ¢ ¡
2 3 ¢
} 'Z/2Z×Z/2Z.
8.3. Deuxième théorème d’isomorphisme : Théorème :
Soit Gun groupe. Soit H et K deux sous-groupes distingués de Gtels que K⊂H.
Alors KCH et
(G/K)/(H/K)'G/H.
Démonstration : Soit
f :G/K→G/H gK7−→gH
Ceci définit bien une application car
gK =g0K=⇒g0−1g∈K⊂H =⇒gH =g0H.
De plus, f est un homomorphisme de groupes et
gK ∈Ker(f)⇐⇒gH=H ⇐⇒g∈H ⇐⇒gK∈H/K.
DoncKer(f) =H/K et on conclut par le théorème de factorisation.
QED
9. Produit semi-direct.
9.1. Position du problème.
SoitH et K deux sous-groupes d’un groupeG. On suppose que H∩K = {eG}
HK = G.
Soit alors
f :H×K→G (h, k)7−→hk
Cette application est bijective. Mais, si on munit le produit direct H×K de sa structure naturelle de groupe, ce n’est pas en général un homomorphisme (C’est le cas si les sous-groupesH etKsont distingués, comme nous l’avons vu en 8.4.).
On se pose alors la question suivante : est-il possible de munir le produit H×Kd’une structure de groupe qui fasse de l’applicationf un homomorphisme (et donc un isomorphisme) ?
Cette question est liée à cette autre question : étant donné des éléments h1, h2 ∈H et des éléments k1, k2 ∈K, il existe des éléments h∈H et k∈K (uniques puisquef est injective) tels que
h1k1h2k2=hk.
Peut-on exprimerhetken fonction deh1, h2, k1, k2?
Nous allons voir que la réponse à ces deux questions est positive si on suppose que l’un des deux sous-groupes est distingué dansG.
Supposons que HCG. On peut écrire :
h1k1h2k2 = h1k1h2(k−11k1)k2
= h1(k1h2k−11)k1k2.
CommeH est distingué dansG, k1h2k1−1∈H et donc h=h1(k1h2k1−1)et k=k1k2.
9.2 Théorème et définition.
SoitGun groupe. Pour toutg∈Gnotonsσg la conjugaison parg : σg(h) =ghg−1.
SiH est un sous-groupe distingué deG, alors pour toutg∈G,σg ∈Aut(H).
De plus, l’application
G → Aut(H) g 7−→ σg
est un homomorphisme de groupes puisqueσgg0 =σg◦σg0. Théorème :
Soit G un groupe,HCGun sous-groupe distingué et K < Gun sous-groupe tcls que
H∩K = {eG} HK = G.
Alors : 1) La loi
(h1, k1)o(h2, k2) = (h1σk1(h2), k1k2)
munit l’ensemble H ×K d’une structure de groupe. Ce groupe est noté HoK.
2) L’application
f :HoK→G (h, k)7−→hk est un isomorphisme de groupes.
Démonstration :
1) On voit immédiatement que(e, e)est élément neutre.
L’inverse de(h, k)est(σk−1(h−1), k−1).
La loi est associative :
[(h1, k1)o(h2, k2)]o(h3, k3) = (h1σk1(h2), k1k2)o(h3, k3)
= (h1σk1(h2)σk1k2(h3), k1k2k3)
= (h1σk1(h2)σk1(σk2(h3)), k1k2k3)
= (h1σk1(h2σk2(h3)), k1k2k3)
= (h1, k1)o(h2σk2(h3), k2k3)
= (h1, k1)o[(h2, k2)o(h3, k3)].
2)
f((h1, k1)o(h2, k2)) = f((h1σk1(h2), k1k2))
= h1σk1(h2)k1k2
= h1k1h2k−11k1k2
= h1k1h2k2
= f(h1, k1)·f(h2, k2).
QED
9.3 Réciproque.
Soit maintenant H etK deux groupes. On suppose qu’il existe un homo- morphisme
ϕ:K→Aut(H) k7−→ϕk
On peut alors munir l’ensembleH×Kd’une loi interne en posant : (h1, k1)oϕ(h2, k2) = (h1ϕk1(h2), k1k2)
Cette loi est une loi de groupe : la démonstration est identique à celle du précédent théorème. Le groupe ainsi obtenu est notéHoϕK.
Soit He = H × {eK} etKe = {eH} ×K. Ce sont des sous-groupes de G, isomorphes àH et àK respectivement.
De plus,He est distingué dansHoϕK. En effet, c’est le noyau de l’homomorphisme π:HoϕK
(h, k)7−→k
Observons que, pour toutk∈K, l’automorphismeϕk∈Aut(H)correspond à la conjugaison des éléments deHe dans le sens suivant. Soitek= (eH, k)∈Ke eteh= (h, eK)∈He
e
kehek−1 = (eH, k)oϕ(h, eG)oϕ(eH, k)−1
= (ϕk(h), k)oϕ(eH, k)−1
= (ϕk(h), eK)
= ϕ^k(h)
En d’autres termes, on a un diagramme commutatif : ϕk: H → K
↓ ↓
σek He → Ke
Remarque :
Le cas où l’homomorphisme ϕ:K →Aut(H) est trivial (c’est-à-dire ∀k∈ K,ϕk =idH) correspond à la structure naturelle de groupe du produit direct H×K.
Proposition :
Si l’homomorphisme ϕ : K → Aut(H) n’est pas trivial, alors le groupe HoϕK n’est pas abélien.
Démonstration :
Soit h∈H et k∈K. On a
(eH, k)oϕ(h, eK) = (ϕk(h), k) et
(h, eK)oϕ(eH, k) = (h, k).
Comme ϕn’est pas trivial, il existe k∈K tel que ϕk 6=id. Il existe alors h∈H tel que ϕk(h)6=h.
Corollaire :
Le groupe HoϕK est abélien si et seulement si : 1) H et K sont abéliens.
2) L’homomorphisme ϕ:K→Aut(H)est trivial.
9.4 Exemples.
1)Sn 'Ano{id,¡
1 2 ¢ }. En effet, soitK={id,¡
1 2 ¢
}. Alors K∩An ={id}. De plus, soitσ∈Sn. Ou bienσ∈An, ou bienσ=σ◦¡
1 2 ¢
◦¡
1 2 ¢
∈ AnK. On a doncSn=AnK.
2) Considérons le groupe diédralD2n des isométries qui conservent un poly- gone régulier àncôtés. Le sous-groupeRndes rotations deD2n est distingué (il est d’indice 2) et cyclique. Fixons une réflexionσ∈D2n. Pour toute réflexion σ0∈D2n, il existe une rotationρ∈Rn telle queσ0 =ρ◦σ. Ainsi,
D2n=Rno{id,σ} 'Z/nZ o Z/2Z.
3) Le groupeHdes quaternions n’est pas un produit semi-direct. En effet, ses sous-groupes propres sontK = {±1}1 qui est d’ordre 2, et les trois sous- groupesHi={±1,±i}, Hj ={±1,±j}et Hk ={±1,±k}, qui sont d’ordre 4.
SiHétait un produit semi-direct, il possèderait un sous-groupe d’ordre 2 et un sous-groupe d’ordre 4 dont l’intersection est triviale. Ce n’est pas le cas.