C OMPOSITIO M ATHEMATICA
I. C HLODOVSKY
Sur le développement des fonctions définies dans un intervalle infini en séries de polynomes de M. S. Bernstein
Compositio Mathematica, tome 4 (1937), p. 380-393
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M. S. Bernstein
par
I.
Chlodovsky
Moscou
1. M. S. Bernstein a
démontré 1 )
que toute fonction continue définie dans[0, 1] peut
êtrereprésentée
comme la limite d’une suite depolynomes
convergeant
uniformément sur cesegment.
Le
polynome Bn [ f (x )
estappelé polynome
de M. S. Bernstein.La formule
(1)
nous montre que les coefficients despolynomes
de M. S. Bernstein sont définis au moyen des valeurs de la fonction
qu’on
cherche àapproximer
auxpoints
rationnels dusegment [0, 1].
A cepoint
de vue lespolynomes
de M. S. Bernstein serapprochent
despolynomes d’interpolation
deNewton-Lagrange.
Il est à remarquer que les
polynomes
de M. S. Bernstein ontl’avantage
d’être uniformémentconvergents quelle
que soit la fonction continuef(x),
tandis que lespolynomes d’interpolation
de Newton ne
convergent
pastoujours.
Le but du
présent
travail est d’étudier lareprésentation
parune suite de
polynomes
de M. S. Bernstein des fonctions définies dans un intervalle infini. Onpeut
se borner au cas d’une fonctionf(x)
définie dans 0 x 00. Il est facile de voir que tous les résultats obtenuspeuvent
être étendus au cas de l’intervalle- 00 0153 + oo.
2. Considérons une fonction
f(x)
définie dans 0 x oo.Soit
1) S. BERNSTEIN, Démonstration du théorème de WeierstraB fondée sur le calcul des probabilités [Communic. Soc. Math. de Charkow (2) 13 (1912), 1-2].
une suite croissante de nombres
positifs
tels queApproximons
la fonctionf ( x )
dans lesegment
fini0 x h.
au moyen du
polynome
de M. S. Bernstein dedegré égal
à n.En faisant une
simple
transformation linéaire on déduit de la suite despolynomes (1)
la suite suivante:Nous dirons que la suite
(3)
est la suite despolynomes
deM. S. Bernstein étendue à un intervalle infini.
Il est bien naturel de poser la
question
suivante:quelles
sontles conditions
qu’il
fautimposer
à lafonction f(x)
et aux nombreshn
pour que la suite(3)
converge vers la fonctionf (x )
enchaque point x, 0 0153
oo?3. Il est facile de voir que la suite des
nombres hn
nepeut
être choisie arbitrairement. Il suffit de considérer les
exemples
suivants: en calculant les suites des
polynomes
de M. S. Bernstein pour les fonctions x2 et ex on trouveet
Les
exemples
considérésprouvent
que si lerapport -"
ne tendn
pas vers zéro
quand n
croitindéfiniment,
la suitecorrespondante
des
polynomes
de M. S. Bernstein ne converge pas, engénéral,
vers la fonction
qui
l’a déterminée. Parexemple,
enposant hn
= n, on trouveSi
h.
n ne converge pas vers une limitefinie,
la suite despoly-
nomes
(3)
est, engénéral, divergente.
4. Afin d’obtenir des conditions suffisantes pour la conver-
gence des
polynomes
de M. S. Bernstein dans un intervalleinfini,
considérons
quelques propriétés
de la sommeDans son mémoire
"Démonstration
du théorème de WeierstraBfondée sur le calcul des
probabilités",
M. S.Bernstein,
en démon-trant que la suite des
polynomes (1)
convergevers f (x ), prenait
pour
point
dedépart
lapropriété
suivante de la somme(4):
En
prenant
une valeur fixe de t(0
t1)
et en considérant les valeurs entières de kqui
vérifientl’inégalité
où c5 est un nombre
positif arbitraire,
on voit que la somme(4)
étendue aux valeurs de k vérifiant
l’inégalité (5)
tend unifor- mément vers zéroquand n
croît indéfiniment. Cettepropriété
de la somme
(4)
estéquivalente
à un théorème de Bernoulli bienconnu dans la théorie des
probabilités.
Pour étendre la démonstration de M. S. Bernstein au cas d’un intervalle
infini,
il suffit d’évaluer la sommeprécédente
avecplus
deprécision
que dans le cas du théorème de Bernoulli.La méthode la
plus simple
pour évaluer la sommeest d’utiliser le théorème suivant de la théorie des
probabilités, qu’on appelle
habituellementinégalité généralisée
deTchebycheff.
Soient x1, X2’ X3’ ..., xn des
quantités indépendantes
dont lesespérances mathématiques
sontrespectivement égales
à a,, a2, ..., a.. Lesespérances mathématiques
despuissances
desdifférences Xk - ak vérifient les
inégalités
OÙ Pk
estl’espérance mathématique
de(0153k-ak)2,
c’est-à-dire ladispersion
de(Xk-ak),
et H une constantepositive.
Si la condition
(6)
estvérifiée,
laprobabilité
de chacune desinégalités
est inférieure à
Appliquons
le théorème énoncé au schéma de Bernoulli. Con- sidérons à cet effet un événement E dont laprobabilité
estégale à t,
posons xk = 1 si l’événement a lieu à la k-ièmeexpérience,
et xk = 0 dans le cas contraire. Il est évident que
l’espérance mathématique ak
de laquantité Xk
estégale à t,
ladispersion Pk
de la différence xk - ak estégale
àt(l-t).
On a ainsidonc
Il est aisé de voir que les
inégalités (6)
ont lieu si l’on pose H= .
Lesinégalités (7) prennent
la formeLa valeur
numérique
de z doit vérifierl’inégalité
Il est évident que la
probabilité
del’inégalité (8)
estégale
àoù le
signe
1* n’est étenduqu’aux
termes pourlesquels k
vérifiel’inégalité (8).
D’autre
part,
laprobabilité
del’inégalité (9)
estégale
àla somme étant étendue aux valeurs de k vérifiant
l’inégalité (9).
En
appliquant
le théorèmeénoncé,
on trouveRemarquons qu’on peut
obtenir lesinégalités (10)
directementsans faire
appel
aux résultats de la théorie desprobabilités.
5. Considérons une fonction continue
f(x)
définie dans o x + oo. Soit x une valeurpositive
fixe inférieure àhn.
Les nombres entiers 0, 1, 2, ..., n seront
répartis
en deux caté-gories :
lapremière
est formée des entiers k vérifiantl’inégalité
où ô est un nombre
positif donné;
la seconde est formée des entiers kqui
vérifient l’une desinégalités
Les
inégalités (12)
et(13) peuvent
être écrites sous la formeoù
En
comparant
lesinégalités (8)
et(9)
avec lesinégalités (14),
on obtient
Soit e un nombre
positif
aussipetit qu’on
veut; choisissons unô
positif
de manière à avoir simultanémentet
Il est évident que ô
dépend
de e et de la valeur fixée de x.Chaque
fonctionf (x ) peut
êtrereprésentée
sous la formeIl en résulte immédiatement que l’on a
Nous allons
décomposer
la somme du second membre en deux autres E* et S**. La somme E* est étendue aux termes pourlesquels
kappartient
à lapremière catégorie,
et la somme 1**à ceux où k
appartient
à la secondecatégorie.
On obtient ainsiConsidérons la
première
somme du second membre de l’iné-galité précédente.
On apuisque
la somme 1* ne contient que les termes pourlesquels
D’autre
part
il est facile de voirqu’on peut appliquer
à la somme1** les
inégalités (10).
On obtient ainsioù
M(hn}
est la valeur maximum du module def (x )
danso 0153 hn.
On obtient finalement
où
L’inégalité (18) permet
de démontrer le théorème suivant:THÉORÈME 1. Si
f (x )
est continue aupoint
x et sil’expression
tend vers zéro pour
chaque
a e 0quand
n croîtindéfiniment,
ilexiste pour cette valeur de x et pour
chaque
epositif
aussipetit qu’on
veut un entier N tel que pour tous les n > N on al’inégalité
Ainsi l’allure de la suite des
polynomes
de M. S. Bernsteinpoint dépend f(x)
l’allure de cette fonction au
voisinage
dupoint considéré,
et nedépend
pas de la continuité def(x)
dans tout l’intervalle o ae oo.6. Il est aisé d’obtenir comme corollaire du théorème
précédent
la
proposition
suivante.Si
f(x)
est continue dans 0 x oo etvérifie l’inégalité
pour toutes les valeurs
positives
de x(C
et p étant des constantesarbitraires),
la suite despolynomes
de M. S. Bernstein convergeen
chaque point
de l’intervalle 0 x oo vers la valeur corres-pondante
def(x)
pourvu que la suite des nombreshn vérifie
lesconditions
il étant une
quantité positive
aussipetite qu’on
le veut.Remarquons
quel’inégalité (18)
nepermet
aucune conclusionsur la convergence des
polynomes
de M. S. Bernstein dans le casoù la
fonction f(x)
croîtplus rapidement qu’une
fonction exponen- tielle arbitraire.7. Nous allons maintenant étudier les cas où la convergence de la suite des
polynomes
de M. S. Bernstein définis pour tout intervalle fini est uniforme. Il est très facile de démontrer le théorème suivant:THÉORÈME 2. Si
f(x)
est continue dans l’intervalle 0 x 00et si
l’expression
tend vers zéro
avec 11 quel
que soit ocfini
et nonnul,
la suite desn
polynomes B[f(x), hn]
convergeuniformément
versf(x)
surchaque segment fini
0 a x b.Pour démontrer ce théorème il suffit de remarquer que la fonction
f(x)
est uniformément continue sur lesegment
finia x
b,
doncquel
que soit epositif fixe,
il existe un ô telque pour tous les
points
Xl et x de[a, b]
on al’inégalité
D’autre
part
OC2 a un minimum sur lesegment a 0153 b,
nousle
désignerons
pary2.
Il est facile de voir que pour tous les
points
x dusegment
a x b
l’inégalité (18) prend
la formece
qui
prouve le théorèmeprécédemment
énoncé.8. La suite des
polynomes
a la
propriété remarquable
suivante:si f(x) possède
une dérivéecontinue sur le
segment [0, 1],
les dérivées despolynomes
deM. S. Bernstein
convergent
uniformément vers la dérivée def(x).
Afin d’étendre au cas d’un intervalle infini cette
propriété
despolynomes
de M. S.Bernstein,
nous avons besoin du lemme suivant:La suite des
polynomes
où converge en
chaque point
de l’intervalle 0 x oo versf(x)
sif(x)
est continue dans 0 x oo et sil’expression
tend vers zéro avec n
quel
que soit oc =1= 0.Le lemme énoncé est évident
si f(x)
est uniformément continue dans0 ae
oo.Si
f(x)
n’est pas uniformément continue sur le demi-axeréel,
il suffit pour démontrer le
lemme, d’apporter quelques
modifi-cations
insignifiantes
à la démonstration du théorème 1.9. Considérons une
fonction f(x)
continue ainsi que sapremière
dérivée dans l’intervalle 0 ae oo. Soit
M’(hn)
le maximum de la valeur absolue def’(0153)
dans lesegment 0 ae hn.
THÉORÈME 3. La - suite des
polynomes
converge vers
f’(x)
enchaque point
de 0 x oo sil’expression
tend vers zéro
quand
n croîtindéfiniment, quel
que soit (J.. =1= 0.En dérivant le
polynome Bn+1[f(0153), h.,,]
et en tenantcompte
de la formule des accroissements
finis,
on voit queoù
D’autre
part
où
donc
On obtient ainsi
En
appliquant
le lemmeprécédent,
on voit quec.q.f.d.
Il est aisé de voir que le théorème
précédent
reste vraiquand
on considère les dérivées d’ordre
supérieur.
10. Nous n’avons étudié
jusqu’à présent
que la convergence despolynomes
de M. S. Bernstein auxpoints
de continuité def(x);
étudions maintenant la convergence auxpoints
de disconti-nuité de la fonction
f (x ).
En étudiant l’allure despolynomes
de M. S. Bernstein définis sur le
segment [0, 1]
auxpoints
dediscontinuité de
f(x),
onpeut
utiliser la relation suivante2)
2) 1. CHLODOVSKY, Sur la représentation des fonctions discontinues par les
polynomes de M. S. Bernstein [Fund. Math. 13 (1929), 62201372].
On
peut
obtenir une formuleanalogue
pour lespolynomes
deM. S. Bernstein définis dans 0 0153 cc,
quand
on considèreseulement les fonctions
f (x )
bornées.En
effet,
considérons unefonction f(x)
bornée dans 0 x ooet telle que
l’intégrale
existe.
Il est nécessaire de
postuler
l’existence del’intégrale,
car onne suppose pas la continuité de
f(x).
Il est évident que sans restreindre la
généralité,
onpeut
supposerf(x) positive.
Considérons le
polynome
La somme du second membre
peut
êtredécomposée
en deuxsommes E* et E**. La
première
est étendue aux valeurs de k vérifiantl’inégalité
T étant un nombre
positif
donné et x fixe. La seconde sommecontient tout ce
qui
reste.Nous avons
supposé f(x) positive,
donc on aEn
appliquant
à la somme 1**l’inégalité
deTchebycheff,
nous avons
où M est la borne
supérieure
des valeursde f (x)
dans 0 ,- x oo;d’autre
part
enposant
quelques
où et où E tend uniformément vers zéro
quand
_ _
n croît indéfiniment. En
remplaçant
la dernière somme finie par uneintégrale,
on aAinsi
l’inégalité (19) prend
la formeEn
supposant
queh,.
n tend verszéro,
on fait un passage à la limite et on obtientLa formule
(20) permet
de démontrer laproposition
suivante:Si
f(x)
est bornée dans 0 x oc, sil’intégrale
existe et si
A"
n tend verszéro,
alors la suite despolynomes B [f(x), hn]
converge vers
f(x)
aupoint x
considéré s’il estpoint
decontinuité,
et vers la valeur moyenne s’il est
point
de discontinuité depremière espèce.
11. Il est facile de se débarrasser de
l’hypothèse
restrictive quef(x)
est bornée. Eneffet,
onpeut
démontrer le théorème suivant :THÉORÈME 4. Si
l’expression
tend vers zéro
avec1
n pourchaque
oc 0, la suite despolynome Bn[f(x), hn]
converge vers la valeur def(x)
auxpoints
de continuité et vers la valeurmoyenne 1
2[f(x+o)+f(x-0)]
auxpoints
de dis-continuité de
première espèce.
La
première partie
du théorème adéjà
étédémontrée,
il nereste
qu’à
démontrer la secondepartie. Supposons
que lepoint
0153 = a soit pour la fonction
f(x)
unpoint
de discontinuité depremière espèce.
Définissons une fonctionw (x )
enposant
La fonction
F(x) = f(x)
+w(ae)
est continue aupoint x
= aet on a
D’autre
part co(x)
est bornée dans l’intervalle - oo x o0 et sa valeur moyenne aupoint
x = a est nulle. Considérons la suite despolynomes Bn[F(x), hn].
On a évidemmentEn
remarquant
queon trouve
c.q.f.d.
12. Passons maintenant à l’étude des
polynomes
de M. S.Bernstein dans le domaine d’une variable
complexe.
Commen-çons par la considération de la suite des
polynomes Bn[zP, hn].
Si
p ç n,
on aoù les ak,p sont des nombres
positifs qu’on
calcule par récurrenced’après
la formuleLa formule
(21)
montre que la suite despolynomes
où
P(z)
est unpolynome donné,
converge uniformément versP(z)
danschaque
domaine fini duplan
de la variablecomplexez
pourvu
que -
n tende vers zéro avec1 .
nEn
remarquant
que dans les formules(21)
et(22)
tous lescoefficients sont
positifs
etréels,
on aoù
On trouve ainsi pour
chaque
valeur entièrede p
14. Soit
f(z)
une fonction entière d’ordre fini to. Endévelop- pant f(x)
en série deTaylor,
on aConsidérons maintenant la fonction
F(r)
d’une variable réeller définie par la série
Comme
f(z)
est parhypothèse
d’ordrefini e,
la fonctionF(r)
vérifie
l’inégalité
D’autre
part,
on a évidemmentd’où
En
appliquant
à cette dernière formulel’inégalité (23)
on trouvec’est-à-dire
Cette dernière
inégalité permet
de démontrer le théorème suivant:THÉORÈME 5. Si
f(z)
est unefonction
entière d’ordrefini
e et1
si les nombres
hn vérifient
lesinégalités hn nl!+l+e,
la suite despolynomes Bn[f{z), hn]
convergeuniformément
versf(z)
danschaque
cercle de rayon
fini.
En
effet,
la croissance des nombreshn
est choisie de telle manière que la suite despolynomes Bn[.F(r), hn]
converge unifor- mément sur lesegment
0 r, r r2 vers la fonctionF(r).
Donc on
peut toujours
trouver un entier N tel que pour tous les n > N et pour tous les r dusegment considéré,
on aitl’inégalité
Il en résulte que
si
Tl 1 z 1 Ç
r,.Nous avons ainsi démontré que la suite des
polynomes Bn[f(z), hn]
est uniformément bornée dans le cercle de rayon1 z 1
- T28 D’autrepart
nous avons vuprécédemment
que la suite considérée converge uniformément sur lesegment (0, T2)
de l’axeréel,
donc elle converge uniformément dans tout le domaineb 1 T28
(Reçu le 3 juin 1936.)