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Submitted on 1 Jan 1929
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La structure fine des raies diffusées à l’opalescence critique. A propos de l’effet Cabannes-Daure
A. Bogros, Y. Rocard
To cite this version:
A. Bogros, Y. Rocard. La structure fine des raies diffusées à l’opalescence critique. A propos de l’effet Cabannes-Daure. J. Phys. Radium, 1929, 10 (2), pp.72-77. �10.1051/jphysrad:0192900100207200�.
�jpa-00205369�
LA STRUCTURE FINE DES RAIES DIFFUSÉES A L’OPALESCENCE CRITIQUE.
A PROPOS DE L’EFFET CABANNES-DAURE par MM. A. BOGROS et Y. ROCARD.
Sommaire. 2014 Dans ce travail, on a déterminé expérimentalement, la structure fine de la lumière diffusée par un mélange binaire opalescent, et on l’a trouvée très exacte- ment semblable à la structure fine de la lumière incidente excitatrice. Ceci est en oppo- sition apparente avec l’effet d’élargissement des raies dans la diffusion par les gaz et les
liquides, connu sous le nom d’effet Cabannes-Daure. Mais si l’on en visage les explications théoriques possibles, on trouve que cet élargissement des raies ne peut concerner toute la lumière diffusée mais seulement la diffusion due à la partie variable du moment élec- trique des molécules diffusantes. La présence d’un élargissement dans la diffusion, l’absence de tout élargissement dans l’opalescence ne sont au fond que deux aspects d’un seul et même effet, qui est l’élargissement que subissent les raies pour la fraction de la lumière diffusée avec incohérence d’une molécule à l’autre.
Dans une note récente (1), nous avons annoncé, entre autres résultats, que la structure fine de la lumière diffusée ~à l’opalescence ciitique était rigoureusement la même que celle de la lumière incidente étudiée directement. Il nous semble intéressant de revenir un
peu sur ce sujet, d’abord pour préciser le montage expérimental que nous avons employé,
ensuite pour examiner les causes de modifications à la structure fine qu’on pouvait envi-
sager dans le phénomène, et pour discuter l’interprétation à donner au fait constaté de cette absence de modification à la structure fine.
Nous avons travaillé non pas sur des corps purs à l’opalescence critique, c’est-à-dire à
une température et une pression voisines des valeurs critiques, mais sur des mélanges
binaires opalescents, au point critique de miscibilité complète, c’est-à-dire, avec la concen- tration critique, à la température critique et à la pression atmosphérique. Plus précisé- ment, après quelques essais, nous avons employé le mélange opalescent eau-phénol (taux critique en phénol : 0,36; température critique aux environs de 66° C) qui, tout compte fait,
a une très belle opalescence et est assez maniable. Le mélange était maintenu à la tempéra-
ture voulue par immersion d’un ballon scellé servant de récipient dans une cuve d’eau à paroi de verre, elle-même chauffée par un courant électrique d’intensité réglable. Après
avoir utilisé un certain nombre de fois le montage, on arrive aisément par des retouches
espacées, tous les quarts d’heure par exemple, au rhéostat de réglage à maintenir la tempé-
rature constante à un dixième de degré près par exemple.
D’autre part, il avait déjà été reconnu (2), avec une bonne sensibilité, que dans la
réflexion, la lumière ne subissait aucun changement de structure fine, et notamment aucun
élargissement en longueur d’onde. Ceci nous a permis de comparer la lumière opalescée à
la lumière réfléchie provenant de la même source. Puis, ayant pris connaissance à l’époque
des résultats de M. Cabannes CJ) d’après lesquels la lumière diffusée par une sur face telle qu’un papier noir était elle aussi inaltérée en structure, nous avons comparé notre lumière
opalescée â. la lumière diffusée par un papier noir, ce qui facilitait énormément le réglage d’égalisation des deux lumières, réglage obtenu par simple inclinaison du papier noir
modifiant son éclairement.
(1) A. BoGROs et Y. ROCARD, C. R. (18 juin 1928).
(2) Y. ROCARD et Ph. de ROTHSCHILD, C. R. (janvier 1928).
(2) J. CABALES, La diffusion moléculaire. Conférences- Rapports de Documeniation sur la Physique (1929).
Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphysrad:0192900100207200
73 Pour obtenir la structure fine de la lumière diffusée, nous avons photographié le spectre
fourni par une lame de Lummer éclairée par le ballon opalescent et aussi par le papier
noir diffusant. Notre montage, suffisamment représenté sur la figure i, permettait, en, réglant la lunette sur l’infini, et en mettant le bord intéressant du papier noir au foyer de
la lentille L, d’obtenir sur la photographie deux spectres de Lummer juxtaposés sans aucun empiètement, permettant de faire les comparaisons. L’intérêt de la lame de Lummer, comme appareil interférométrique, résidait surtout pour nous dans sa grande luminosité, car
l’éclat du mélange opalescent est encore assez faible, vu la nécessité de l’éclairer avec une
Fig. f.
lumière à raies fines, que, bien entendu, nous avons empruntée à une lampe à vapeur de-
mercure peu poussée.
Pour augmenter autant que possible cet éclat apparent du mélange opalescent, nous
avons cherché à l’observer sous une épaisseur aussi grande que possible, et en outre à profiter de la loi qui veut que l’intensité diffusée est proportionnelle à 1 + cos2 (}, 0 étant l’angle de la direction d’observation avec la direction incidente d’éclairage du milieu diffu-
sant.
Pour satisfaire à ces deux desiderata, nous avons été amenés à travailler sous le plus petit angle 6 que permettait nos appareils.
Ceci dit, en opérant avec la raie A 4 358 du mercure, les raies 7, 4 046, i, 3 650 ayant
été éliminées par une cuve à esculine, nous avions des photographies convenables en faisant varier les temps de poses de 2 heures à 6 heures. Notamment, la photographie reproduite
en figure 2, et qui est particulièrement démonstrative, a été obtenue avec une pose de 3 heures.
Ce cliché a été obtenu avec un réglage assez réussi de l’égalité d’intensité des deux.
plages, condition nécessaire pour éliminer l’influence du noircissement de la plaque dans
les comparaisons. On peut y lire aisément l’absence totale de toute variation de longueur d’onde, de tout élargissement, de tout changement de structure fine dans la raie diffusée par le ballon opalescent, par rapport à la diffusion par le papier noir. Or celle-ci (M. Cabannes) a la même structure que la raie incidente, donc il en est de même de la raie diffusée à l’opalescence critique.
Ce résultat paraît s’opposer à ceux (~) de M. Cabannes lui-même et de M. Daure,
(i) J. Conférences-rapports de Docunîei2lation.
d’après lesquels il se produirait des élargissements et déplacements notables des raies dans la diffusion (déplacement de 0,01 À vers le rouge dans la diffusion par le butane gazeux.
Elargissement pouvant atteindre 40 à 50 -i dans la diffusion par les liquides tels que le
benzène).
L’effet Cabannes-Daure, quelle qu’en soit la cause, n-existe donc pas ou est entière-
Fig. 2.
ment négligeable à l’opalescence. Ceci nous amène à réexaminer les causes possibles d’élar- gissement des raies diffusées en général. Une première cause à laquelle on pourrait songer est l’effet Doppler-Fizeau dans la diffraction par chaque molécule individuelle. Suivant que la molécule se rapproche ou s’éloigne des ondes incidentes, et des ondes qu’elle diffracte
elle-même dans la direction de diffusion, l’effet Doppler joue pour modifier vers le bleu ou vers le rouge la longueur d’onde. Mais considérons plus spécialement les groupes de molé-
Fig. 3,
-cules qui envoient des ondes diffusées en concordance de phase dans la direction d’obser- vation, plutôt que les molécules en tant qu’individualités. Ces groupes diffusant en concor- dances de phase sont tout simplement des tranches découpées dans le fluide parallèlement
à la bissectrice extérieure de l’angle incidence-diffusion, et qui diffusent à la façon dont un
miroir réfléchit (principe de Fermat).
Or nous avions déjà rappelé que dans la réflexion, la lumière ne présentait nulle trace d’élargissement par effet Doppler d’agitation thermique : pour des raisons de pure optique géométrique, il semble qu’il doive en être de même dans la diffusion, de sorte que cette
cause d’élargissement n’est pas à envisager dans la diffusion, conformément à l’expérience
qu’on vient de décrire du reste.
75 Cette méthode consistant à grouper les molécules en concordance de phase suivant des tranches est donc féconde en ce qui concerne l’effet Doppler. Nous serions tentés par consé-
quent d’en généraliser l’emploi.
Considérons donc le mouvernent de ces tranches on plutôt des fluctuations en densité dans ces tranches, puisque seules les fluctuations en densité (ou en concentration, pour les
mélanges) sont une cause de diffusion. On sait, depuis von Iiarman et Debye, que la créa- tion et la répartition désordonnées de ces fluctuations en densité peuvent se représenter
par la propagation au hasard en tous sens d’ondes de compression et dilatation dans le fluide. D’autre part parmi ces ondes de compression, les seules pratiquement importantes
pour la diffusion dans l’angle 0 sont celles dont la longueur d’onde 1,~ est liée à la longueur
d’onde de la lumière par :
et dont le iront d’onde est parallèle à la direction due la bissectrice dont on parlait plus
haut : en effet, si l’on prend une « ondulation » de ces ondes, elle réfléchit véritablement
par suite de la petite variation d’indice qu’entraîne la variations de densité) dans la direc-
"tion 8, et l’on reconnaîtra aisément que la condition pour que plusieurs ondulations succes-
gives, distantes en tre elles de multiples entiers de fois Às, diffusent en concordance de phase
la lumière X, est précisément que la relation (1) soit remplie. Nous ne faisons du reste ici que reprendre les bases d’une théorie de la diffusion développée par M. L. Brillouin (~).
,Cette théorie soulève des objections, qui ont été exposées ailleurs, mais qui n’pn entament pas le principe, surtout en ce qui concerne sa validité dans l’opalescence critique.
Mais une conséquence nouvelle à laquelle on pourrait songer et qui ne semble pas avoir été encore envisagée est l’effet Doppler produit sur la lumière diffusée par le mouve- ment même de ces ondes. Parmi ces ondes, les unes s’avancent vers les ondes lumineuses incidentes et diffusées, les autres s’en éloignent. Si leur fréquence est a, si la fréquence des
ondes lumineuses est M, les ondes observées dans la diffusion devraient avoir des
fréquences c~ + x, (0
-la fréquence ayant complètement disparu. Or :
.~, vitesse de la lumière, Vs; vitesse du son dans le fluide; sin fi/2 est de l’ordre de 1/V2 (dif-
fusion à 90° ; ) K s sera de l’ordre de 10~ cm, a = ~~ _ 1,5.105 (D À ~ .10’ o =5.10-6.
..Pour poursuivre le calcul, prenons h .--- 6 000 Á, nous en tirons un changement de longueur d’onde ± o X = 0,03 A. On aurait donc dans le spectre de la lumière diffusée deux raies distantes de 0,06 À, avec au milieu la raie initiale complètement supprimée.
On peut, si l’on préfère, présenter la même idée en faisant appel à un phénomène de
battement entre la fréquence lumineuse w et la fréquence de variation du moment électrique
d’une tranche fixe dans le fluide, cette fréquence étant due d’ailleurs au mouvement des ondes de fluctuation en densité et valant précisément Mais cette explication coïncide
entièrement dans le fond et même dans son expression mathématique avec la précédente.
En effet groupons deux à deux les ondes de compression de même fréquence se propageant
en sens contraire, leur effet Doppler se confond avec l’effet de battement, mais ceci seule- ment pour les ondes 1,~ telle,s que X _ ! ~,S sin 8/2 : or, ce sont les seules qui interviennent vraiment dans la diffusion de la lumière : en tout cas, l’expérience (voir le cliché plus haut),
montre suffisamment l’absence d’un tel phénomène.
Il paraît très vraisemblable que la compensation qui se produit pour le mouvement individuel des molécules et qui supprime l’effet Doppler d’agitation thermique moléculaire
(5) Ann. de (1922B.
’