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Étude des contributions environnementales et génétiques au langage maternel lors d'interactions mère-enfant à 5 mois

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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ETUDE DES CONTRIBUTIONS

ENVIRONNEMENTALES ET GÉNÉTIQUES AU

LANGAGE MATERNEL LORS D'INTERACTIONS

MÈRE-ENFANT À 5 MOIS

Thèse présentée

à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval dans le cadre du programme de doctorat en psychologie pour l'obtention du grade de Philosophiae Doctor (Ph.D.)

ECOLE DE PSYCHOLOGIE FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES

UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC

2010

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La quantité et la qualité du langage maternel ont été associées à l'acquisition du vocabulaire chez l'enfant. Cependant, cette association est généralement étudiée après l'apparition des premiers mots ce qui signifie que le langage des mères peut être influencé par les habiletés langagières des enfants. L'étude du langage maternel durant la période prélinguistique permettrait d'isoler la contribution des verbalisations maternelles, mais peu d'études les ont évaluées à ce moment. De plus, des différences marquées existent dans le langage des mères. Elles sont habituellement associées à des caractéristiques de la mère, mais des caractéristiques de l'enfant pourraient évoquer certaines réponses verbales maternelles. L'étiologie de ces différences reste toutefois à élucider.

Cette thèse visait donc à : 1) étudier le langage maternel adressé à des nourrissons de 5 mois en lien avec l'acquisition du vocabulaire dé l'enfant à 18, 30 et 60 mois, et 2) étudier l'étiologie génétique et environnementale de ces verbalisations maternelles.

Les résultats du premier article de la thèse montrent que les verbalisations de la mère avec un bébé de 5 mois sont associées au langage de l'enfant. Plus spécifiquement, la sensibilité verbale est associée au vocabulaire expressif de l'enfant à 18 et à 30 mois et la quantité de verbalisations maternelles prédit le vocabulaire expressif à 60 mois. De plus, l'intrusion verbale contribue négativement au vocabulaire expressif à 30 et 60 mois, ainsi qu'au vocabulaire réceptif à 60 mois. Les résultats de la deuxième étude montrent une étiologie uniquement environnementale à la quantité de verbalisations et à la sensibilité verbale, mais une héritabilité significative, de même qu'une contribution des facteurs de l'environnement non partagé à l'intrusion verbale. Les différences observées au plan de la quantité et de la sensibilité semblent donc plus probablement associées à des caractéristiques propres à la mère, alors que des caractéristiques héritables de l'enfant contribuent aux verbalisations intrusives.

La thèse apporte ainsi des connaissances nouvelles sur le langage maternel durant la période prélinguistique et sur ses liens avec l'acquisition du vocabulaire chez l'enfant. De façon novatrice, elle fait la démonstration d'un effet de l'enfant sur les comportements verbaux maternels d'intrusion.

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Abstract

Maternal speech has been associated with child language development. However, it is not clear whether maternal speech causes or is a consequence of child language ability, as maternal utterances have mainly been studied after the appearance of first words. Studying maternal speech to prelinguistic infants could help clarify this contribution, but has seldom been done. In addition, important differences are found in maternal speech, but little is known about the etiology of maternal speech. Maternal characteristics are thought to be the driving forces behind maternal utterances, but child characteristics could also elicit certain maternal responses.

This dissertation looked at: 1) maternal speech to 5-month-old infants in relation to child vocabulary acquisition at 18, 30 and 60 months and 2) the genetic and environmental etiology of these maternal utterances.

Results from the first study showed that maternal utterances are associated with child language. More specifically, sensitive utterances are associated with child expressive vocabulary at 18 and 30 months and total maternal utterances predict child expressive vocabulary at 60 months. Furthermore, intrusive utterances are negatively associated with 30- and 60-month expressive vocabulary and 60-month receptive vocabulary. Results from the second study indicate environmental sources of variances only for total utterances and sensitive utterances from the mother. However, maternal intrusive utterances were shown to be moderately heritable and associated to non-shared environmental sources of variance. Differences in maternal quantity of verbal stimulation and sensitivity appear to be most probably linked to characteristics of the mother whereas intrusive utterances are associated with heritable characteristics of the child.

This dissertation adds to the body of knowledge about the association between maternal utterances to prelinguistic infants and subsequent child vocabulary acquisition. It also provides novel empirical evidence of child effects on intrusive maternal speech.

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La thèse qui suit est présentée sous forme d'articles (aux chapitres 3 et 4). Conformément aux exigences de la Faculté des études supérieures de l'Université Laval, je tiens à préciser que je suis l'auteure principale des deux articles qui composent cette thèse. J'ai participé à toutes les étapes relatives à leur création, que ce soit la codification des données, la recension de la littérature et les analyses statistiques, de même que je me suis occupée entièrement de leur rédaction. J'ai néanmoins été appuyée par différentes personnes qui ont contribué, de près ou de loin, à ces articles et qui en sont les coauteurs. L'identification des coauteurs est précisée au début de chacun des articles. D'abord, mes codirecteurs de thèse, Dre Ginette Dionne et Dr Michel Boivin m'ont soutenue et dirigée durant les différentes étapes relatives à la rédaction. Dre Nadine Forget-Dubois a également collaboré au choix et à la réalisation des analyses statistiques qui sont présentées dans les articles. Enfin, les données utilisées dans le cadre de la thèse proviennent d'une étude dirigée par Dr Richard E. Tremblay, Dr Daniel Pérusse et par Dr Boivin, ces derniers ayant généreusement accepté que je les utilise. Précisons qu'au moment du dépôt de la thèse, les articles qui y sont inclus n'ont pas encore fait l'objet d'une publication.

Je n'aurais pu réaliser cette thèse sans l'aide et le soutien de plusieurs personnes. Ainsi, je tiens à réitérer mes plus sincères remerciements à mes codirecteurs. Ginette, tu as su m'accompagner, me diriger et m'encourager tout au long de cette aventure. Merci d'avoir eu foi en moi et d'avoir partagé avec moi ta passion et ton enthousiasme pour la recherche. Michel, merci pour votre rigueur, votre aide, votre savoir et votre intérêt pour le développement de l'enfant. Je me considère choyée d'avoir pu bénéficier de vos commentaires tout au long de l'élaboration de ma thèse. Également, je tiens à exprimer toute ma gratitude aux membres de mon comité de thèse, Dre Tamarha Pierce et Dr George Tarabulsy, pour leurs judicieux conseils et leur accompagnement.

Tous mes remerciements à Elisabeth Harvey pour avoir débuté cette aventure en m'engageant comme codificatrice. Mon intérêt pour le langage des mamans provient de cette opportunité. Je tiens aussi à souligner la contribution de Valérie Boily à la codification.

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Un énorme merci à Nadine Forget-Dubois pour son aide, sa disponibilité, son écoute et son amitié. Tu as su traduire mes idées en statistiques et, par ta patience, venir à bout de mon « trouble de l'attention » relatifs aux stats. En outre, tous mes remerciements à mes collègues du GRIP : Annie, Natalia, Stefanie, Emmanuel, Nathalie, Isabelle, Nancy, Catherine, Hélène et Bei. Je remercie tout spécialement Patricia Lorman pour son aide toujours précieuse.

Je n'aurai pu terminer mon doctorat sans le soutien indéfectible de mes amis : Marianne, Claudianne, Amélie, Julie, Monica et Daniel. Votre amitié est inestimable et m'a permis d'affronter toutes ces années. Merci également à Karine Morasse et Catherine Lehoux qui ont su m'épauler à la fin de mon doctorat.

Un merci spécial à Karine, Mireille, Julie, Maxime, Amélie, Simon, Christian, Isabelle et Danny. Vous m'avez permis de maintenir un équilibre dans ma vie. Toute ma gratitude également à Jonathan Chrétien. Tes connaissances en informatique m'ont épargné bien des soucis.

Je dédie ma thèse tout particulièrement à ma famille. Yvette et Jean-Guy, mes parents, je vous remercie du fond du cœur pour vos sacrifices et votre soutien durant toutes ces années de doctorat. Merci d'avoir encouragé et d'avoir rendu possible toute ma scolarité. Je vous dois mon avenir. Merci à mon grand-frère, Simon, pour sa curiosité contagieuse. Le soutien de ma belle-famille m'a également été très précieux durant toutes ces années. Surtout, merci à mon amoureux, Pierre-Luc, pour sa patience et sa compréhension (je n'ai pas assez d'espace pour énumérer ici toutes tes qualités). Si je suis la tête derrière cette thèse, tu en es certainement le cœur.

Enfin, je remercie toutes les familles qui ont participé à l'Étude des Jumeaux Nouveau-nés du Québec. Ma gratitude s'exprime également envers les Fonds Québécois de Recherche sur la Société et la Culture et le Conseil de Recherches en Sciences Humaines du Canada qui m'ont soutenue financièrement durant mes études doctorales.

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Résumé i Abstract ii Avant-propos iii Table des matières v Liste des tableaux vi Liste des figures vii Chapitre 1. Introduction et contexte théorique 1

1.1 Le langage maternel adressé aux nourrissons 3 1.1.1. Les capacités relatives à l'apprentissage du langage chez les nourrissons 6

1.2 Le langage maternel adressé aux enfants 9 1.2.1 La quantité de verbalisations maternelles 9 1.2.2 Les fonctions des verbalisations maternelles 11

1.2.3 La qualité des échanges mère-enfant 15 1.2.4 Résumé des relations entre le langage maternel et le développement du

vocabulaire durant la période linguistique 24 1.3. Les déterminants du langage maternel 24

1.3.1 Les études phénotypiques 24 1.3.2 Les études génétiquement informatives 30

1.4. Résumé des connaissances actuelles 34

1.5 Objectifs de la thèse 35 Chapitre 2. Description du langage maternel à 5 mois : considérations méthodologiques ..37

2.1 Objectifs 37 2.2 Méthode 37

2.2.1 Procédure 37 2.2.2 Mesures 37 2.3 Conclusion 42 Chapitre 3. Premier article empirique > 44

Chapitre 4. Second article empirique 88 Chapitre 5. Conclusion générale 112

5.1 Retour sur les objectifs 112 5.2 Le langage maternel adressé à des nourrissons : relations prédictives et étiologie ..113

5.2.1 La quantité de stimulation verbale maternelle 114

5.2.2 La sensibilité verbale maternelle 117 5.2.3 L'intrusion verbale maternelle 118 5.2.4 Les fonctions des verbalisations maternelles 121

5.3 Revisiter le langage adressé aux enfants : aspects du langage maternel « dirigés » par

l'enfant 122 5.3.1 Considérations pour l'intervention 125

5.4 Limites 126 5.5 Pistes de recherche futures 128

5.6 Conclusion 130 Références pour les chapitres 1, 2, 5 et l'Annexe A 132

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Tableau présenté dans le Chapitre 2

Tableau 1. Corrélations intraclasses entre les codificatrices pour les mesures de langage

maternel 43 Tableaux présentés dans le Ier article de la thèse :

Tableau 1. Données descriptives pour le total de verbalisations maternelles, les fonctions et

les indices de sensibilité 73 Tableau 2. Corrélations entre les mesures de langage maternel 74

Tableau 3. Corrélations entre les mesures de langage maternel et le vocabulaire de

l'enfant....: 75 Tableau 4. Résultats des analyses acheminatoires pour le vocabulaire expressif à 18 mois :

prédicteurs significatifs et ajustement du meilleur modèle 76 Tableau 5. Résultats des analyses acheminatoires pour le vocabulaire réceptif à 18 mois :

prédicteurs significatifs et ajustement du meilleur modèle 78 Tableau 6. Résultats des analyses acheminatoires pour le vocabulaire expressif à 30 mois :

prédicteurs significatifs et ajustement du meilleur modèle 80 Tableau 7. Résultats des analyses acheminatoires pour le vocabulaire réceptif à 30 mois :

prédicteurs significatifs et ajustement du meilleur modèle. 81 Tableau 8. Résultats des analyses acheminatoires pour le vocabulaire expressif à 60 mois :

prédicteurs significatifs et ajustement du meilleur modèle 82 Tableau 9. Résultats des analyses acheminatoires pour le vocabulaire réceptif à 60 mois :

prédicteurs significatifs et ajustement du meilleur modèle. 84

Tableaux présentés dans le 2e article de la thèse :

Table 1. Means and SDs for maternal utterances by zygosity 109 Table 2. Intrac lass correlations with 95% confidence interval by zygosity for maternal

utterances, controlling for maternal education and child sex 110 Table 3. Model fit statistics and estimates of genetic, shared environment and non-shared

environment contributions to maternal verbal behaviors, after controlling for maternal

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Liste des figures

Figures présentées dans le 1er article de la thèse :

Figure 1. Relations attendues entre les mesures de langage maternel et le développement du

vocabulaire chez l'enfant 86 Figure 2. Prédiction du vocabulaire de l'enfant à partir de l'intrusion et de la quantité totale

de verbalisations : représentation schématique des modèles acheminatoires 87

Figure présentée dans la Conclusion générale :

Figure 1. Représentation schématique modifiée des relations entre le langage maternel et le

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Le développement du langage se caractérise par la maîtrise graduelle d'une séquence stéréotypée d'habiletés, de la reproduction de sons aux premiers mots, à la génération de phrases complètes. En l'absence de déficits physiologiques et/ou de contraintes environnementales excessives, tous les enfants apprendront à parler. Toutefois, il existe une grande variabilité entre enfants quant à la rapidité avec laquelle ils acquièrent le langage et quant à leur maîtrise relative des habiletés langagières (Bates, Dale & Thai, 1995; Fenson et al., 1994). Les différences observées en bas âge tendent d'ailleurs à rester stables durant la période préscolaire (Bornstein, Hahn & Haynes, 2004; Dionne, 2006) et sont associées à l'adaptation comportementale et à la réussite académique (Cohen, 2005; Gallagher, 1999). Ainsi, des différences individuelles importantes existent dans le développement et la maîtrise du langage, et ce, dès son apparition.

Un consensus existe en psycholinguistique à l'effet que le langage adressé aux enfants est en partie responsable des différences individuelles dans l'acquisition du langage. En effet, les études génétiquement informatives montrent que les écarts langagiers entre enfants découleraient principalement de l'environnement partagé (Dale, Dionne, Eley & Plomin, 2000; Dionne, Dale, Boivin & Plomin, 2003). Chapman (2000), dans une recension des écrits à cet effet, conclut à une influence marquée des facteurs génétiques sur les pathologies du langage, alors que le développement normal serait davantage influencé par des facteurs de l'environnement partagé, possiblement associés au langage parental.

Plusieurs études ont montré que des différences au plan du langage maternel expliquent en partie les différences entre enfants lors de l'acquisition langagière. Notamment, la quantité et la qualité des verbalisations maternelles ont été associées à l'étendue des vocabulaires expressif (Hoff & Naigles, 2002) et réceptif (Bornstein, Haynes & Painter, 1998; Huttenlocher, 1998). D'autres travaux ont également montré qu'il ne suffit pas de parler beaucoup à l'enfant : des verbalisations adaptées en complexité au niveau de développement de l'enfant et à ses capacités attentionnelles (Landry, Smith, Miller-Loncar, & Swank, 1997), des verbalisations sensibles (Baumwell, Tamis-LeMonda & Bornstein,

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& Ungerer, 2003) et suivant l'objet d'attention de l'enfant (Tomasello & Farrar, 1986) sont aussi associées à un vocabulaire plus développé.

Malgré ces appuis empiriques, deux problèmes subsistent et affectent les conclusions tirées par les travaux sur le langage maternel. Premièrement, un problème important de ces travaux est qu'ils étudient le langage maternel suite à l'apparition des premiers mots, donc auprès d'enfants qui parlent déjà. Ainsi, il est possible que l'association entre le langage maternel et celui de l'enfant soit attribuable au fait que les mères parlent davantage à des enfants plus avancés sur le plan langagier. On ne peut donc pas conclure que les différences dans le langage maternel sont la cause des variations entre enfants. Une façon de contourner ce problème est d'étudier le langage maternel avant l'apparition des premiers mots, soit durant la période prélinguistique. Cependant, peu d'études ont mis en relation le langage maternel adressé à de très jeunes enfants et le développement langagier des enfants par la suite.

Deuxièmement, le rôle de l'enfant dans les échanges conversationnels avec le parent est généralement minimisé. La majorité des études sur la contribution du langage parental considèrent l'enfant comme un receveur passif de cette stimulation verbale même si plusieurs auteurs postulent un rôle actif de l'enfant dans ces échanges (e.g. Bornstein, Tamis-LeMonda, Hahn & Haynes, 2008), alors que Celui-ci peut provoquer ou évoquer certaines réponses de la mère (Bell & Chapman, 1986). De plus, les déterminants du langage qu'un parent adresse à un nourrisson sont mal connus. Dans ce contexte, l'utilisation d'un devis génétiquement informatif permettrait de voir si des facteurs génétiques chez l'enfant contribuent à la quantité et à la qualité de la stimulation verbale émise par le parent. Un tel devis permettrait également d'évaluer si ce sont, au contraire, des caractéristiques de la mère qui sous-tendent l'utilisation qu'elle fait du langage en présence de son enfant. Or, peu d'études se sont attardées à l'étiologie génétique et environnementale des verbalisations maternelles. Répondre à ces questions permettrait de mieux cerner les déterminants du langage parental et d'identifier certains facteurs sur lesquels intervenir pour maximiser le développement langagier de l'enfant.

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maternel adressé à des nourrissons de 5 mois dans un contexte de naissances gémellaires. Dans un premier temps, la thèse a pour objectif d'évaluer dans quelle mesure la quantité, les fonctions et la qualité des verbalisations maternelles adressées à un nourrisson de 5 mois sont associées à l'acquisition du vocabulaire de l'enfant à 18, 30 et 60 mois. Le langage maternel est étudié en lien avec le vocabulaire réceptif et expressif des enfants puisque l'acquisition du vocabulaire constitue le meilleur indicateur du développement langagier chez les enfants à cette période du développement (Fenson et al., 1994). Dans un deuxième temps, la thèse a pour objectif d'examiner les contributions génétiques et environnementales au langage maternel à l'aide d'un devis de jumeaux. En comparant le discours d'une mère avec deux enfants du même âge dont on connaît la similarité génétique, il est possible d'évaluer si des caractéristiques héritables de l'enfant sont associées au langage maternel.

Avant de présenter en détails les objectifs de la thèse, une recension des écrits pertinents situe ses bases théoriques et empiriques. Les caractéristiques spécifiques au langage maternel durant la période prélinguistique sont d'abord décrites. Ensuite, les travaux portant sur l'association entre le langage maternel et le développement du vocabulaire chez les enfants plus âgés sont recensés. Enfin, les connaissances actuelles sur l'étiologie génétique et environnementale des comportements maternels sont abordées, de même que le rationnel sous-tendant l'utilisation d'un devis de jumeaux dans l'étude du langage maternel.

1.1 Le langage maternel adressé aux nourrissons

L'acquisition du langage nécessite des occasions d'apprentissage, soit une expérience de la langue (Hoff & Naigles, 2002). Or, ces expériences linguistiques surviennent dans le contexte d'interactions langagières avec un interlocuteur. Pour une majorité d'enfants en bas âge, l'interlocuteur le plus fréquent et le plus étudié est la mère. Ce serait durant les interactions langagières avec la mère que l'enfant apprendrait les rudiments du langage et les spécificités de la communication.

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caractéristiques visant à capter et à maintenir son attention sur la communication et le contenu didactique et/ou affectif du message. Ce langage dirigé à l'enfant, le motherese, se caractérise par une tonalité élevée et des variations d'intonation très marquées. Avec un enfant qui commence à parler, il tend à suppléer les éléments lexicaux et syntaxiques manquants aux vocalisations enfantines, de manière à stimuler l'apprentissage du langage. Aussi, il suit, plutôt que ne redirige, l'enfant dans ses activités et ses sujets de conversation. Ce style est également caractérisé par l'utilisation d'un discours de nature référentielle, c'est-à-dire un langage axé sur l'apprentissage de l'association mot-objet, sur l'acquisition et l'expansion du lexique, et plus tard, de la syntaxe (Hampson & Nelson, 1993). Ce sont des verbalisations simples et courtes qui incluent beaucoup de répétitions et de questions et qui sont orientées vers les sujets d'intérêt de l'enfant (Butler et al., 2003). Plusieurs théoriciens ont postulé que les caractéristiques de ce style de communication fourniraient les bases du développement langagier en exposant l'enfant au contenu et à la structure du langage dans le contexte des interactions mère-enfant (Butler et al., 2003; Tomasello, Mannle & Kruger, 1986).

Les études portant sur le langage maternel lors de la période prélinguistique se sont surtout intéressées aux éléments prosodiques et phonologiques reliés à la stimulation verbale maternelle. Ainsi, différents travaux ont montré que les contours exagérés et l'intonation élevée associés au discours dirigé vers l'enfant facilitent l'acquisition langagière (pour une revue voir Sodestrom, 2007). Par contre, peu d'études se sont attardées aux fonctions et à la quantité de stimulation verbale reçue durant la période prélinguistique. Celles qui l'ont fait offrent surtout une description du langage maternel (notamment Bornstein et al., 1992), et peu ont mis en lien les différences observées dans le discours maternel avec l'acquisition langagière subséquente chez l'enfant.

Quelques études ont néanmoins montré une association entre le langage maternel et le vocabulaire de l'enfant dès l'âge de 9 mois. Rosenthal Rollins (2003) a évalué les verbalisations maternelles contingentes à partir d'une situation de jeux libres en laboratoire (N = 11). Les commentaires contingents étaient définis comme les comportements verbaux de la mère axés sur l'enfant et sensibles à son centre d'intérêt. Cette chercheure a montré

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enfant à 9 mois prédisait le vocabulaire réceptif de celui-ci à 12 mois.

De plus, Paavola et collaborateurs (2005) ont étudié le langage maternel adressé à des nourrissons de 10 mois par l'observation de 27 dyades mère-enfant durant des périodes de jeux libres de 20 minutes à la maison. Les réponses verbales maternelles, c'est-à-dire les réponses verbales de la mère produites suite à un comportement de l'enfant, ont été codifiées selon leur fonction. Les résultats ont montré que les réponses maternelles qui nommaient un objet contribuaient positivement au vocabulaire réceptif de l'enfant à 12 mois alors que les réponses maternelles qui attiraient l'attention de l'enfant y étaient négativement associées. Par ailleurs, le vocabulaire expressif à 12 mois était associé à la proportion de questions oui/non dans le langage des mères. Ainsi, certains comportements verbaux maternels avec des enfants de 10 mois semblent prédire le langage de l'enfant deux mois plus tard.

Le langage maternel adressé à des nourrissons de 9-10 mois a donc été associé à l'acquisition du vocabulaire chez l'enfant. Néanmoins, même à ce jeune âge, certains enfants peuvent avoir déjà produit leurs premiers mots (Fenson et al., 1994), ce qui peut influencer le langage maternel qu'ils reçoivent. Paavola et al. (2005) ont tenté d'évaluer cet aspect en mesurant le nombre de vocalisations produites par les enfants durant la période d'interactions mère-enfant. Ils n'ont pas trouvé dissociation significative entre les vocalisations de l'enfant et les réponses verbales maternelles, bien qu'une association négative entre la proportion de verbalisations maternelles descriptives et le nombre de vocalisations de l'enfant tendait à être significative. Le nombre de participants limité de cette étude ne permet toutefois pas d'exclure l'hypothèse que le langage des mères puisse être affecté par le niveau langagier des enfants. Par ailleurs, seules les réponses verbales maternelles contingentes aux activités de l'enfant ont été évaluées dans les deux études précédentes ce qui ne constitue qu'une fraction des comportements verbaux maternels en présence de nourrissons. D'autres études sont nécessaires pour examiner la contribution du langage maternel adressé à de jeunes enfants avant l'apparition des premiers mots, mais également pour étudier un échantillon représentatif de comportements verbaux maternels auprès d'un plus grand nombre de participants. Par ailleurs, la question se pose à savoir si

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répondre, la section suivante présente un survol des travaux liant les capacités perceptives et cognitives du nourrisson à la stimulation verbale offerte par son environnement.

1.1.1. Les capacités relatives à l'apprentissage du langage chez les

nourrissons

Avant de pouvoir parler, l'enfant est sensible à la stimulation langagière qu'il reçoit, particulièrement en ce qui a trait au langage maternel (voir Chapman, 2000; De Boysson-Bardies, 2005). DeCasper et Fifer (1980) ont observé, à l'aide de la technique de la succion non nutritive, que des nouveau-nés âgés de moins de trois jours préféraient entendre la voix de leur mère à celle d'une étrangère. Dans cette étude, la fréquence de succion était plus élevée lorsqu'elle permettait d'entendre un enregistrement de la voix de la mère que lorsqu'une autre voix féminine était entendue. Par la même méthode, DeCasper et Spence (1986) ont également montré une préférence des nouveau-nés pour une histoire lue par leur mère durant les dernières semaines de la grossesse, comparativement à une histoire inconnue, et ce, peu importe si l'histoire était lue par la mère ou une étrangère. Par conséquent, dès la naissance et même avant, les nourrissons semblent sensibles au langage et démontrent une préférence pour la voix de leur mère.

En plus d'y être sensibles, les nourrissons possèdent des capacités leur permettant de traiter l'information linguistique, capacités associées à l'acquisition subséquente du langage (Kuhl, Conboy, Padden, Nelson & Pruitt, 2005; Newman, Bernstein Ratner, Jusczyk, Jusczyk & Dow, 2006; Tsao, Liu & Kuhl, 2004). En effet, dès l'âge de 5 mois, les enfants peuvent distinguer les phonèmes de leur langue maternelle des autres phonèmes (Nazzi, Jusczyk & Johnson, 2000; Newman et al., 2006) et cette capacité prédit leurs habiletés langagières futures (Kuhl et al., 2005). Par ailleurs, Newman et al. (2006) ont observé que les nourrissons de 7 mois sont capables de segmenter le langage pour repérer des mots auxquels ils ont été préalablement exposés. Les enfants les plus habiles à cette tâche avaient un vocabulaire plus développé à 24 mois. Ces études montrent ainsi que les nourrissons sont sensibles à certaines propriétés du langage qu'ils entendent et qu'ils peuvent en extraire l'information qui servira de base à la construction de leur lexique.

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repérer les régularités présentes dans la stimulation verbale, de sorte que les enfants procèdent à ce qui a été appelé un apprentissage statistique (Graf Estes, 2009). Safran, Aslin et Newport (1996) ont montré qu'à 8 mois les enfants utilisent les probabilités transitionnelles, c'est-à-dire la probabilité qu'une séquence de sons survienne à l'intérieur d'un mot comparativement à la probabilité qu'elle survienne entre les mots, pour identifier le début et la fin d'un mot dans la stimulation verbale. Ils sont ainsi capables d'extraire certaines régularités à partir du langage qu'on leur adresse. Chez les enfants encore plus jeunes, ces capacités à extraire les éléments qui reviennent avec régularité seraient à la base

de la reconnaissance des unités phonémiques distinctives d'une langue.

La capacité à percevoir la régularité serait en outre plus efficace lorsque la stimulation verbale survient durant des périodes d'interactions sociales. En effet, Kuhl, Tsao et Liu (2003) ont soumis des nourrissons américains de 9 mois à des séances d'exposition au mandarin : un groupe d'enfants bénéficiait de périodes d'interactions avec une personne parlant mandarin, un autre groupe était exposé au mandarin via des enregistrements vidéo et un dernier groupe n'était pas exposé au mandarin, mais à des séances d'interactions avec un adulte parlant anglais. Ils ont ensuite évalué les capacités des enfants à discriminer des contrastes phonémiques en mandarin. Les résultats ont montré que les enfants exposés au mandarin durant des périodes d'interactions sociales étaient plus habiles à cette tâche que ceux exposés au mandarin par enregistrements vidéo et ceux n'ayant eu aucune exposition au mandarin. Il semble donc que les capacités des enfants reliées au traitement de la stimulation langagière soient beaucoup plus efficaces lorsque cette stimulation se produit durant des périodes d'interactions sociales.

Plusieurs études ont aussi montré que le langage dirigé aux enfants (child-directed speech) possède des propriétés intrinsèques qui attirent l'attention des nourrissons et aident à la segmentation des mots. Thiessen, Hill et Saffran (2005) ont comparé la même séquence de mots dits en langage dirigé aux enfants et en langage dirigé aux adultes (adult-directed speech). Ils ont épuré le langage dirigé aux enfants pour n'en conserver que les contours prosodiques spécifiques, c'est-à-dire les variations d'intonations. De cette façon, les auteurs ont pu étudier l'effet facilitant des caractéristiques prosodiques du langage dirigé aux

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exposant les enfants à une même séquence de non mots en langage dirigé aux enfants et en langage dirigé aux adultes, la structure statistique du message est la même, seuls les contours prosodiques diffèrent. Les résultats ont montré qu'à 7 mois, les enfants exposés au langage dirigé aux enfants (n = 20) écoutaient plus longtemps les séquences de sons constituant des mots, que les séquences de sons constituant des parties de mots alors qu'aucune préférence n'était notée chez les enfants exposés au langage dirigé aux adultes (n = 20). Les auteurs concluent que les contours prosodiques du langage dirigé aux enfants facilitent la segmentation des mots en rendant plus saillants les indices statistiques.

Singh et collaborateurs (2009) ont également montré que le langage dirigé aux enfants facilite l'apprentissage des mots. Ils ont testé la reconnaissance de mots 24 heures suite à une exposition en langage dirigé aux enfants ou en langage dirigé aux adultes. Les résultats ont montré que les enfants de 7 mois reconnaissaient plus facilement les mots présentés en langage dirigé aux enfants que ceux présentés en langage dirigé aux adultes. Le langage dirigé aux enfants permettrait donc de segmenter plus facilement les unités significatives du langage et faciliterait la mémorisation de ces unités chez l'enfant pré verbal.

Ce survol des capacités étonnantes des très jeunes enfants montre que les nourrissons sont capables de traiter l'information langagière et que celle-ci influence leur acquisition du langage, et ce, bien avant l'apparition des premiers mots. Par ailleurs, les recherches montrent également que le langage dirigé aux enfants possède des caractéristiques facilitant le traitement de la stimulation verbale. Par conséquent, le langage maternel auquel les enfants sont exposés durant la première année pourrait déjà contribuer aux différences individuelles observées dans l'acquisition du langage.

Néanmoins, les études recensées ne considèrent généralement que certaines caractéristiques du discours maternel adressé aux enfants préverbaux, notamment en lien avec la prosodie (voir notamment Thiessen et al., 2005). Bien qu'elles permettent d'apprécier l'importance du langage dirigé, ces études négligent l'impact des différences entre les mères dans la façon dont elles s'adressent à leurs enfants. En effet, même si la plupart des mères utilisent un langage dirigé aux enfants, la quantité de stimulation verbale,

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importantes entre mères, du moins lorsque ces caractéristiques sont étudiées lors de la période linguistique. Les sections suivantes détaillent les connaissances à ce sujet, chez les enfants plus âgés.

1.2 Le langage maternel adressé aux enfants

Après l'apparition des premiers mots, plusieurs aspects du discours maternel ont été mis en lien avec l'acquisition du vocabulaire chez l'enfant. En particulier, la quantité de stimulation verbale, les fonctions du langage maternel et la qualité des interactions verbales mère-enfant ont été associées au rythme d'acquisition et à l'étendue du vocabulaire des enfants en bas âge.

1.2.1 La quantité de verbalisations maternelles

Des différences importantes ont été observées dans la quantité de stimulation verbale maternelle offerte aux enfants, que ce soit en termes de mots dits, de mots différents ou de verbalisations maternelles totales (Huttenlocher, Vasilyeva, Waterfall, Vevea & Hedges, 2007; Rosenthal Rollins, 2003). Qui plus est, les variations dans la stimulation verbale maternelle totale ont été associées à maintes reprises aux différences entre enfants dans l'acquisition lexicale (Hoff & Naigles, 2002; Huttenlocher, 1998). Huttenlocher et collègues (1991) ont mesuré la quantité totale de mots adressés par des mères à leur enfant de 16 mois (N = 22) durant une période de trois heures d'activités typiques à la maison. Ils ont observé une relation significative (P = .89) entre la quantité d'exposition et l'accroissement du vocabulaire productif entre 14 et 26 mois. Ainsi, les mères qui parlaient davantage à leur enfant de 16 mois avaient des enfants dont le vocabulaire s'est développé plus rapidement durant l'année d'observation.

Une seconde étude rapporte des résultats similaires. Lacroix et collaborateurs (2001) ont montré que la durée des verbalisations maternelles était reliée au développement langagier de l'enfant durant la petite enfance (N= 209). Le langage maternel a été mesuré durant une situation de jeux libres en laboratoire d'une durée de 3 minutes à 3 et 6 mois et de 10 minutes à 18, 30 et 36 mois. Les résultats montrent que le temps que les mères

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passaient à parler à leur enfant de 6 et 18 mois était associé à l'étendue du vocabulaire expressif et réceptif de l'enfant à 18, 24, 30 et 36 mois (r variant entre .19 et .35). Les mères qui passaient plus de temps à parler avaient des enfants au vocabulaire plus étendu.

Hart et Risley (1992) ont étudié un échantillon de 40 familles observées durant des séquences mensuelles d'une heure d'interactions non structurées à la maison, et ce, pendant deux ans et demi. Ces chercheurs ont ainsi pu évaluer qu'environ 16% de la variance du QI verbal de ces enfants à 36 mois pouvait être expliqué par la quantité totale d'interactions mère-enfant, facteur incluant le nombre total de mots dits par la mère. De plus, certaines propriétés qualitatives du discours maternel, notamment la proportion de répétitions, de questions et de restrictions dans le discours des mères, expliquaient 57% de la variance du QI verbal. Ainsi, outre la quantité de stimulation langagière, le contenu fonctionnel des verbalisations maternelles jouerait un rôle de premier plan dans le développement cognitif verbal.

Ce ne sont toutefois pas toutes les études qui rapportent un lien positif entre la quantité de verbalisations maternelles et le développement langagier chez l'enfant. Pan et collègues (2005) n'ont trouvé aucune relation entre la quantité de verbalisations émises par les mères et la croissance du vocabulaire productif entre 14 et 36 mois. Ils ont mesuré la quantité de mots dits par la mère et la diversité du vocabulaire maternel quand les enfants étaient âgés de 14, 24 et 36 mois (N=\0%) à partir d'une situation d'interactions de 10 minutes à la maison. Le vocabulaire expressif de l'enfant a été évalué en fonction du nombre de mots produits durant chacune des situations de jeux avec la mère. Seule la diversité lexicale de la stimulation verbale maternelle à 14 et 24 mois prédisait la progression du vocabulaire des enfants entre 14 et 36 mois. De plus, Masur, Flynn et Eichorst (2005) ont trouvé une relation négative entre le nombre total de verbalisations maternelles produites lors de séquences d'interactions de 8 minutes à la maison avec des enfants de 10 mois (N= 20) et le vocabulaire total de l'enfant à 13 mois.

Ainsi, durant la période linguistique, la quantité de stimulation verbale reçue a été associée au développement langagier, mais les résultats ne sont pas constants d'une étude à l'autre. Aucune étude n'a cependant examiné la contribution de la quantité de stimulation verbale maternelle adressée à des enfants plus jeunes que 10 mois.

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Comme le suggère l'étude de Hart et Risley (1992), au-delà de la quantité de stimulation verbale des mères, le contenu des verbalisations maternelles serait aussi associé au développement langagier de l'enfant. Le fait de parler beaucoup, mais aussi ce qui est dit à un jeune enfant pourraient apporter des contributions différenciées à l'acquisition du vocabulaire en bas âge. La prochaine section aborde les études qui se sont intéressées au contenu du langage maternel.

1.2.2 Les fonctions des verbalisations maternelles

Les verbalisations maternelles peuvent remplir des fonctions différentes qui affecteraient différemment le développement langagier de l'enfant (Jones & Adamson,

1987; Oshima-Takane & Oram, 2002). La fonction d'une verbalisation maternelle se définit selon le focus attentionnel qui la caractérise (Jacobson, 1960). Le discours maternel oriente alors l'attention de l'enfant sur différents éléments de l'environnement physique, linguistique, émotionnel ou social. Cette tendance à privilégier un focus attentionnel plutôt qu'un autre pourrait être associée de façon différenciée au développement langagier (Jones & Adamson, 1987). La première chercheure à parler du langage maternel en ces termes fut Nelson (1973) qui a remarqué que les mères qui mettent l'accent sur les noms des objets ont des enfants dont le vocabulaire comprend plus de noms. Nelson a qualifié cette tendance à nommer les objets dans le langage adressé à un enfant de fonction référentielle et a postulé que c'est cet élément fonctionnel qui confère au discours parental une influence sur le langage d'un enfant.

Jones et Adamson (1987) ont plus tard proposé d'analyser les verbalisations maternelles selon trois catégories fonctionnelles: les fonctions référentielle, régulation-sociale et métalinguistique. À l'instar de Nelson (1973), la fonction référentielle inclut toutes les verbalisations maternelles qui font référence à un objet de l'environnement dans une perspective didactique : le discours maternel est axé sur l'apprentissage du nom des choses et de leurs caractéristiques particulières. La mère expose ainsi l'enfant à l'objet et à son réfèrent et permet à l'enfant d'associer les sons entendus à l'objet présenté. La fonction régulation-sociale regroupe les verbalisations maternelles axées sur l'interaction mère-enfant en cours et sur les émotions. La mère décrit alors les activités entreprises et les jeux

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de l'enfant, de même qu'elle nomme et interprète les émotions exprimées. Ce type de verbalisations peut aussi être axé sur la régulation du comportement attentionnel et émotif de l'enfant. Enfin, les verbalisations de fonction métalinguistique portent sur le langage et les principes de la conversation. De telles verbalisations sont donc caractérisées par l'utilisation de questions, de rétroactions et par des tentatives de conversations dans lesquelles la mère engage l'enfant dans une prise de parole à tour de rôle. Il est présumé que ce type de verbalisations permet à l'enfant d'apprendre les rudiments du langage et le code régissant son contexte d'utilisation.

Jones et Adamson (1987) ont évalué dans quelle mesure ces trois fonctions du langage sont associées au vocabulaire de l'enfant à 20 mois (N = 32). Les fonctions des verbalisations ont été cotées à partir d'enregistrements vidéo d'une situation d'observation à la maison d'une durée de 20 minutes, durant laquelle la mère devait interagir avec son enfant à partir d'un ensemble de jouets et de livres fournis par l'expérimentateur. Le vocabulaire de l'enfant a été estimé en demandant à la mère de noter, sur une période d'une semaine, tous les mots dits par son enfant. Les résultats ont révélé une relation positive (r = .69, p < .001) entre les verbalisations maternelles de fonction métalinguistique et le vocabulaire de l'enfant. Les verbalisations référentielles et de type régulation-sociale étaient associées négativement au vocabulaire de l'enfant dans cet échantillon (respectivement, r = -.40 et r = -.36, p < .05).

D'autres études ont observé des contributions différentes de ces deux types de verbalisations maternelles en bas âge. Hampson et Nelson (1993) ont observé les interactions mère-enfant (N = 45) durant une situation de jeux libres et une situation de soins. Les résultats ont montré que le discours référentiel des mères à 13 mois était associé à une proportion plus élevée de noms dans les verbalisations de l'enfant à 20 mois. Par ailleurs, Oshima-Takane et Oram (2002) ont évalué la relation entre les trois fonctions du discours maternel et le développement lexical à partir de situations standardisées de jeux libres en laboratoire, lorsque les enfants étaient âgés de 21 mois (N= 23). Elles ont observé que le vocabulaire de l'enfant à 36 mois était associé positivement au langage maternel de fonction métalinguistique et négativement relié aux verbalisations de type régulation-sociale. Elles n'ont observé aucun lien entre les verbalisations maternelles référentielles et

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le vocabulaire de l'enfant. Ainsi, la contribution des différentes fonctions du langage parental ne semble pas constante d'une étude à l'autre.

La contribution positive de la fonction métalinguistique au langage de l'enfant est la mieux documentée (Jones & Adamson, 1987; Oshima-Takane & Oram, 2002). Il semble que lorsque la mère complète, recadre, supplée et corrige les vocalisations de l'enfant, elle a un impact positif sur le langage de son enfant. De plus, cette fonction regroupe les questions qu'une mère adresse à son enfant. La quantité de questions dans le discours maternel a été associée au QI verbal de l'enfant (Hart & Risley, 1992) et à son développement langagier (Hoff-Ginsberg, 1986). De même, dans une autre étude avec des enfants de 9 mois, le nombre de questions oui/non émises par les mères en réponse aux comportements de l'enfant prédisait le vocabulaire productif des enfants à 12 mois (Paavola et al., 2005). Cependant, comme les questions des mères, particulièrement lors de la période prélinguistique, incluent fréquemment des noms d'objet (Paavola et al., 2005), la contribution de ce type de verbalisations pourrait être en partie attribuable à son contenu didactique.

La contribution des verbalisations de type référentiel est moins bien établie. Selon Nelson (1973, 1981), l'enfant exposé à un langage maternel de type référentiel en viendrait à déduire que le langage sert particulièrement à nommer les choses; il devrait ainsi apprendre plus rapidement de nouveaux mots et développer plus efficacement son lexique. En ce sens, Paavola et collègues (2005) ont montré que la quantité de dénominations dans les réponses verbales des mères à 9 mois était associée au vocabulaire réceptif de l'enfant à 12 mois. Toutefois, les études décrites précédemment rapportent des résultats contradictoires pour ce type de verbalisations. Ces divergences semblent pouvoir s'expliquer, du moins en partie, par des différences au plan des définitions utilisées pour les verbalisations référentielles, mais également par le fait que certaines études n'ont pris en considération que les réponses de la mère, plutôt que l'ensemble des verbalisations maternelles (voir, par exemple, Paavola et al., 2005). En outre, les âges auxquels ont été étudiées les verbalisations référentielles varient grandement d'une étude à l'autre, passant de 9 mois à 24 mois. Il se pourrait donc que la contribution de ce type de fonction varie en fonction de l'âge de l'enfant.

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Seule la contribution des verbalisations de fonction régulation-sociale demeure négative dans la majorité des études (Oshima-Takane & Oram, 2002). Notamment, les verbalisations qui constituent des directives (par exemple : « prend la balle »), et qui se retrouvent dans la catégorie régulation-sociale selon le scheme d'analyse de Jones et Adamson (1987) et d'Oshima-Takane et Oram (2002), ont été négativement associées au développement langagier, particulièrement lorsque ces verbalisations ne suivent pas l'objet d'attention de l'enfant (Akhtar, Dunham & Dunham, 1991 ; Masur, Flynn & Eichort, 2005). La fréquence des verbalisations de fonction régulation-sociale pourrait refléter une difficulté de régulation attentionnelle et/ou émotionnelle chez l'enfant. Les verbalisations en elles-mêmes n'auraient donc pas une contribution négative, mais traduiraient une disponibilité réduite de l'enfant à la stimulation langagière.

Les différences langagières entre enfants semblent donc en partie associées à des fonctions différentes du discours maternel, bien que le portrait à dégager de ces études demeure confus. La contribution des fonctions du discours maternel pourrait aussi être différente selon l'âge de l'enfant. Sherrod et collaborateurs (1978) ont étudié 36 dyades mère-enfant lors d'une situation de jeux libres et attribué une fonction à chacune des verbalisations maternelles. Ils ont observé un changement dans la fréquence des fonctions du discours maternel avec l'âge : à 4 mois, les mères utiliseraient un langage davantage axé sur la description de l'état de l'enfant, alors qu'à 8 mois, les mères utiliseraient davantage de verbalisations qui dirigent les activités et l'attention de l'enfant. L'équipe de Penman (1983) est également arrivée à des résultats similaires en étudiant le langage maternel entre 3 et 6 mois selon une grille d'analyse un peu différente. Ils ont montré une augmentation des verbalisations non-contextuelles, c'est-à-dire de nature référentielle, et une diminution des verbalisations contextuelles, c'est-à-dire de nature affective et spécifique au contexte, avec l'âge. Plus récemment, Bornstein et al. (1992), sont arrivés aux mêmes conclusions en étudiant les fonctions du discours maternel auprès de mères provenant de France, d'Argentine, des États-Unis et du Japon. Ils ont montré que peu importe la culture des mères celles-ci utilisent davantage de verbalisations axées sur les émotions lorsque leur enfant est âgé de 5 mois et davantage de verbalisations axées sur l'échange d'informations avec un enfant de 13 mois.

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Ces études indiquent que la fréquence des fonctions du langage maternel change en cours de développement. Cela pourrait expliquer les résultats variables observés entre les fonctions du langage maternel et l'acquisition du vocabulaire chez l'enfant. Cela suggère aussi qu'on ne peut conclure sur l'association entre les fonctions du discours maternel et le vocabulaire de l'enfant durant la période prélinguistique à partir de travaux effectués chez l'enfant plus âgé.

En résumé, la quantité, le contenu et les fonctions des verbalisations maternelles ont été associés au développement langagier chez l'enfant, particulièrement dans les études effectuées lors de la deuxième année de l'enfant. Toutefois, peu d'études se sont attardées à évaluer la contribution de ces éléments du discours maternel avant l'âge de 9 mois (Rosenthal Rollins, 2003), de sorte que le rôle des verbalisations maternelles en bas âge est encore mal connu. De surcroît, au-delà de la quantité et du contenu du discours maternel, plusieurs théoriciens ont postulé que le contexte dans lequel surviennent les verbalisations maternelles serait un important modérateur de l'influence du langage maternel sur le développement langagier (Tomasello & Farrar, 1986). La prochaine section présente une recension des écrits sur cette question.

1.2.3 La qualité des échanges mère-enfant

Oshima-Takane et Oram (2002) proposent que l'étude de la relation entre la stimulation verbale maternelle et l'acquisition du langage chez l'enfant prenne en compte le contexte interactionnel. Tomasello et Farrar (1986) ont démontré que ce sont les verbalisations maternelles émises durant les épisodes d'attention conjointe (EAC) entre la mère et l'enfant qui sont associées à l'acquisition du langage. Lorsque la mère et l'enfant

s,

sont engagés ensemble sur un même objet ou une même activité, le discours maternel pourrait faciliter l'appariement réfèrent-référé, c'est-à-dire l'association entre un mot et l'objet qu'il désigne.

1.2.3.1 Les referents visuels conjoints

Les épisodes d'attention conjointe se définissent comme des périodes durant lesquelles une mère et son enfant portent attention à un même objet ou une même activité

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(Tomasello & Farrar, 1986; Tomasello & Todd, 1983). Ces épisodes joueraient un rôle dans le développement du langage en permettant aux enfants de faire le lien entre une séquence de sons, le réfèrent, et l'objet ou l'activité d'attention commune (Bruner, 1983). Les interactions en EAC fourniraient aussi à l'enfant un contexte où le sens du langage maternel peut être facilement inféré à partir d'indices sociaux comme la direction du regard de la mère (Morales, Mundy & Rojas, 1998). Les capacités des enfants à entrer en attention conjointe avec la mère devraient donc être associées à leur développement langagier.

L'étude de Tomasello et Farrar (1986) est une étude charnière à cet égard. Ils ont analysé les EAC durant une situation de jeux libres en laboratoire, lorsque les enfants étaient âgés de 15 et 21 mois (N = 24). Pour être considérée en épisode d'attention conjointe, la dyade devait remplir les trois conditions suivantes : (a) un membre de la dyade devait initier l'interaction, (b) les deux membres devaient porter conjointement attention à un même objet ou à une même activité pendant au moins 3 secondes et (c) l'enfant devait montrer clairement par un regard à la mère qu'il était conscient de l'interaction partagée. De cette façon, Tomasello et Farrar ont montré que les verbalisations nommant les objets durant les EAC avec des enfants de 15 et 21 mois étaient reliées positivement à l'étendue du vocabulaire chez l'enfant, alors que les verbalisations de la mère en dehors de ces épisodes n'étaient pas corrélées avec le langage de l'enfant. Cette étude montre donc que l'association entre la stimulation verbale maternelle et le développement du langage serait modérée par la capacité de l'enfant à établir et à maintenir les EAC avec un adulte.

Différentes études de nature expérimentale ont tenté d'évaluer la contribution des verbalisations maternelles suivant l'objet d'attention de l'enfant au développement langagier. Tomasello et Farrar (1986) ont mené une étude expérimentale en laboratoire où un assistant de recherche montrait une nouvelle association mot-objet à un enfant de 17 mois (N = 10) en fonction de deux conditions : (a) le nom de l'objet était présenté seulement lorsque l'enfant portait attention à l'objet et (b) le nom de l'objet était présenté quand l'enfant ne portait pas attention à l'objet. Cette étude a démontré que les enfants de 17 mois apprenaient plus facilement et plus rapidement le nom d'un nouvel objet si le nom était présenté alors que l'enfant portait attention à l'objet cible. De même, Dunham, Dunham et Curwin (1993) ont montré que des enfants de 18 mois (N = 28) exposés à un

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nouveau mot alors qu'ils étaient attentifs à l'objet de référence réussissaient mieux à une tâche de compréhension. De plus, Baldwin et ses collègues (1996) ont montré que des enfants âgés de 18-20 mois (N = 48) établissaient plus rapidement la relation mot-objet quand leur interlocuteur était placé en face d'eux et qu'ils semblaient porter attention au nouvel objet. Au contraire, l'apprentissage du nouveau mot était compromis quand les enfants ne voyaient pas leur interlocuteur. Les auteurs concluent qu'en ne voyant pas l'interlocuteur, les enfants ne pouvaient pas identifier l'objet de référence. L'ensemble de ces études appuient l'hypothèse selon laquelle les EAC fourniraient à l'enfant des indices qui lui permettent d'acquérir plus facilement de nouveaux mots.

L'âge auquel émerge la capacité des enfants à entrer en attention conjointe (AC) ne fait toutefois pas l'unanimité. En effet, Corkum et Moore (1995) concluent que les enfants démontrent cette habileté seulement vers l'âge de 10 à 12 mois. Dans leur étude, l'enfant devait ajuster son attention sur le centre d'intérêt changeant d'un adulte autre qu'un parent. Si l'enfant suivait du regard le déplacement d'attention de l'adulte, on inférait qu'il démontrait sa capacité à entrer en attention conjointe. À l'aide de cette procédure, Corkum et Moore ont observé que la consolidation de l'attention conjointe est survenue vers l'âge de 10 mois chez la majorité de leurs participants (N = 60).

Au contraire, Morales, Mundy et Rojas (1998) rapportent que, dès l'âge de 6 mois, les nourrissons peuvent suivre le regard d'un parent, capacité centrale à l'établissement de l'attention conjointe. Dans cette étude (N= 21), l'enfant devait ajuster son attention visuelle pour répondre aux changements du focus attentionnel de la mère. À deux moments précis durant une séquence d'interactions mère-enfant de 12 minutes la mère avait pour consigne d'attirer l'attention de l'enfant et de rediriger ensuite son regard vers un objet à gauche, à droite ou derrière l'enfant. Contrairement à l'étude précédente, la mère et non un assistant de recherche devait interagir avec l'enfant. Selon les auteurs, une telle procédure devait être plus naturelle pour l'enfant habitué aux interactions avec sa mère. Les résultats de cette étude ont démontré que la plupart des enfants étaient en mesure de suivre du regard le changement du focus attentionnel de la mère dès l'âge de 6 mois. De plus, les différences entre enfants dans cette capacité étaient associées positivement au vocabulaire réceptif de l'enfant à 12 mois et au vocabulaire expressif à 18 mois. Dans une autre étude, Gogate,

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Bolzani et Betancourt (2006) ont demandé à 24 mères d'apprendre deux nouveaux noms d'objets à leur enfant de 6 mois. Les résultats montrent que les enfants qui regardaient plus fréquemment leur mère et l'objet en alternance durant la phase d'apprentissage apprenaient plus facilement le nom, tel qu'indiqué par leur préférence à regarder le bon objet lorsqu'ils entendaient son nom. Les enfants qui sont très tôt capables de suivre du regard le champ d'intérêt de leur mère ont donc tendance à avoir un vocabulaire plus étendu en début d'acquisition.

La capacité de diriger son regard vers l'objet d'attention visuelle du parent apparaît donc dès 6 mois chez certains enfants. Cependant, comme la définition d'un épisode d'attention conjointe fait appel à une durée minimale d'interaction, l'attention conjointe pourrait émerger plus tard. Dans cette optique, Rosenthal Rollins (2003) a mesuré le temps passé en EAC chez des enfants de 9 mois (N= 11). En définissant les épisodes d'attention conjointe comme des périodes d'au moins 3 secondes consécutives durant lesquelles une mère et un enfant font preuve d'un intérêt partagé, cette chercheure a observé que les enfants de 9 mois passaient peu de temps en EAC : en moyenne ces enfants ne passaient que 30 secondes (ET= 21.6) sur 10 minutes en EAC avec leur mère. L'auteur conclut que la capacité à l'attention conjointe ne faisait qu'émerger à 9 mois.

L'âge auquel apparaît l'AC ne fait donc pas l'unanimité. Par ailleurs, la notion d'AC fait référence à la capacité de l'enfant à prendre en considération l'intention de son interlocuteur, capacité qui apparaîtrait seulement vers 10 mois (pour une recension voir Baldwin, 1995). Néanmoins, la capacité des enfants à établir un réfèrent visuel commun pourrait être acquise plus tôt et favoriserait le développement langagier.

Par ailleurs, ce seraient surtout les verbalisations sensibles émises durant les EAC qui favoriseraient le développement langagier chez les enfants (Rosenthal Rollins, 2003). Ainsi, une verbalisation maternelle sensible devrait suivre l'objet d'attention de l'enfant et de cette façon faciliterait l'apprentissage de nouveaux mots (Baldwin et al., 1996; Dunham et al., 1993; Tomasello & Farrar, 1986).

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1.2.3.2 La sensibilité verbale maternelle

La sensibilité dont une mère fait preuve dans ses interactions avec son enfant serait un élément essentiel du contexte d'apprentissage langagier. Les comportements maternels sensibles sont ceux qui répondent promptement aux signaux de l'enfant et qui sont adaptés à ses capacités; ce type de comportements favoriserait d'ailleurs le développement cognitif (Baumwell et al., 1997; Bornstein & Tamis-LeMonda, 1989). Landry, Smith, Miller-Loncar et Swank (1997) ont montré que des comportements maternels sensibles au centre d'intérêt de l'enfant étaient associés à un développement cognitif, langagier et social plus rapide. Ces auteurs ont évalué la sensibilité maternelle durant des visites d'observation à la maison à 6, 12, 24 et 40 mois (N = 368). Leurs résultats ont montré que les mères qui suivaient le focus attentionnel de leur enfant de 18 mois avaient des enfants avec de meilleurs scores cognitifs au Bayley à 6, 12, et 24 mois et au Stanford-Binet à 40 mois. Toutefois, les mères qui utilisaient beaucoup de restrictions dans leurs interactions avaient des enfants avec un développement cognitif-langagier plus lent. Ces auteurs concluent que le développement cognitif est associé aux comportements sensibles de la mère. Smith, Landry et Swank (2006) ont poursuivi dans cette lignée en étudiant 360 familles sur une période de 10 ans. Ils ont observé un lien entre la sensibilité maternelle à 6, 12 et 24 mois puis à 3, 4, 6, 8 et 10 ans et le développement cognitif à 3, 4, 6, 8 et 10 ans. Les analyses révèlent que ce sont les enfants exposés à des comportements maternels plus sensibles qui possèdent les meilleures habiletés cognitives.

Par ailleurs, Page, Wilhelm, Gamble et Card (2010) se sont intéressés à prédire les développements social-émotionnel et cognitif à partir de la sensibilité maternelle et de la stimulation verbale maternelle (N = 6377). Les comportements maternels ont été évalués à 10 mois à partir du Nursing Child Assessment Teaching Scale, un outil qui permet d'évaluer les conduites maternelles lors d'une tâche d'apprentissage en répondant à une série de questions oui/non. La sensibilité maternelle comprenait alors les comportements contingents et les réponses de la mère à la détresse de l'enfant, alors que la stimulation verbale maternelle faisait référence aux verbalisations de la mère qui décrivent la tâche, qui encouragent l'enfant ou qui lui donnent de la rétroaction. Les résultats montraient que la stimulation verbale et la sensibilité de la mère prédisaient toutes deux le développement

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social-émotionnel, mais que seule la stimulation verbale maternelle prédisait le développement cognitif de l'enfant.

Cette étude montre qu'il y a avantage à distinguer la sensibilité maternelle aux plans des comportements et du langage de la mère. En ce qui a trait au développement langagier, ce serait la sensibilité verbale maternelle qui serait associée à un développement plus précoce (Baumwell et al., 1997; Rosenthal Rollins, 2003; Tamis-LeMonda et al., 2001). La sensibilité verbale maternelle se définit comme une réponse verbale de la mère survenant rapidement suite au comportement de l'enfant, contingente à ce qui a été fait ou dit et appropriée à l'activité en cours et au niveau de développement de l'enfant (Bornstein, 1989; Baumwell et al., 1997). Cette sensibilité verbale serait associée positivement à l'acquisition du langage : plus une mère tend à répondre promptement aux comportements ou aux vocalisations de son nourrisson, plus celui-ci semble développer rapidement ses habiletés langagières.

Baumwell et ses collaborateurs (1997) ont effectivement montré que les verbalisations maternelles sensibles à 9 mois sont associées au vocabulaire réceptif de l'enfant à 13 mois. Ces auteurs ont étudié 40 dyades mère-enfant durant une période de jeux libres de 10 minutes pour évaluer le lien entre la sensibilité verbale maternelle et le développement langagier. Ils ont défini la sensibilité verbale comme incluant toutes les verbalisations maternelles congruentes avec les activités de l'enfant, de même que les verbalisations visant à obtenir l'attention d'un enfant distrait. Un comportement insensible était défini comme redirigeant l'attention de l'enfant ou restreignant son activité. Les résultats de cette étude ont montré que la sensibilité maternelle à 9 mois prédisait 15% de la variance de la compréhension langagière de l'enfant à 13 mois.

Par ailleurs, une étude de Tamis-LeMonda et collègues (2001) a tenté d'évaluer la contribution de la sensibilité verbale maternelle à 9 et 13 mois pour prédire l'âge d'atteinte de différentes étapes du développement langagier. Cette étude utilisait le même échantillon et une procédure similaire à celle de Baumwell et son équipe (1997), mais incluait des mesures répétées (aux deux semaines) du développement langagier de l'enfant obtenues par des entrevues avec les mères entre 9 et 21 mois. Cette procédure a été utilisée pour identifier l'âge d'atteinte des étapes importantes du développement langagier précoce : les

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premières imitations, les premiers mots, les premiers 50 mots, la capacité à combiner des mots pour faire des phrases et la capacité à utiliser le langage pour parler du passé. Les auteurs ont montré que les mères qui répondaient de façon sensible aux tentatives d'exploration et de communication de leur enfant de 9 mois avaient des enfants qui disaient leurs premiers mots plus tôt, alors que la sensibilité verbale maternelle à 13 mois prédisait l'âge d'apparition des premières combinaisons de mots et de l'utilisation du passé. Ces études semblent donc indiquer que le développement langagier est directement associé à la sensibilité verbale maternelle chez les enfants âgés d'au moins 9 mois.

La sensibilité verbale maternelle pourrait en outre présenter des variations notables, que ce soit entre mères, mais également en lien avec l'âge de l'enfant. Bornstein et collaborateurs (2008) proposent en effet de considérer la sensibilité verbale maternelle comme un construit multidimensionnel et spécifique. Ces auteurs ont étudié 40 dyades mère-enfant à 10, 14 et 21 mois, lors de périodes d'observation à la maison. Ils ont attribué une catégorie à toutes les réponses contingentes de la mère parmi six possibilités : les encouragements suite à une action de l'enfant, les expansions suivant les vocalisations de l'enfant, les descriptions, les questions, les demandes d'activité et les demandes d'attention. Ils ont ainsi démontré une variabilité importante entre les mères pour chacun de ces comportements verbaux et une trajectoire développementale différente pour chaque type de verbalisations sensibles. Il en découle que certains types de sensibilité verbale pourraient être bénéfiques à des âges précis. En ce sens, Bornstein et Tamis-LeMonda (1997) ont étudié les réponses contingentes de la mère adressées à un enfant en détresse et celles adressées à un enfant calme à 5 et à 13 mois (N= 36). Les résultats de cette étude montrent que les réponses contingentes de la mère à un enfant calme de 5 mois prédisaient les capacités attentionnelles et le jeu symbolique des enfants à 13 mois, mais n'étaient pas associées au vocabulaire réceptif des enfants à cet âge.

Masur, Flynn et Eichorst (2005) ont étudié séparément la sensibilité comportementale et la sensibilité verbale, lors d'interactions mère-enfant à la maison à 10,

13, 17 et 21 mois (N= 20), et les ont mis en relation avec le développement du vocabulaire expressif durant cette période. Ils ont coté les comportements maternels selon qu'ils étaient sensibles, directifs ou qu'ils réorientaient l'attention de l'enfant à l'aide du Maternai

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Behavior Rating Scale. De plus, les verbalisations maternelles ont été transcrites et cotées selon trois catégories : (1) les descriptions qui suivent l'objet d'attention de l'enfant (constituant la mesure de sensibilité verbale), (2) les verbalisations qui dirigent l'attention et (3) les directives verbales, les verbalisations qui dirigent un comportement (par exemple : « prend la balle »). Les résultats ont montré qu'à 10 mois, seules les mesures comportementales de la sensibilité prédisaient le vocabulaire expressif à 13 mois; la sensibilité verbale n'était pas associée au vocabulaire à cet âge. Un patron contraire émerge pour le vocabulaire à 17 mois, alors que la sensibilité verbale à 13 mois était associée au langage de l'enfant à ce moment, mais non les comportements sensibles. À 21 mois, à la fois les comportements et les verbalisations sensibles étaient des déterminants significatifs du vocabulaire de l'enfant. Ainsi, les relations prédictives changent avec le développement de l'enfant, mais également selon la définition utilisée pour mesurer la sensibilité.

Ces études suggèrent qu'on ne peut généraliser le lien entre certains aspects de la sensibilité maternelle et le langage de l'enfant à toutes les étapes du développement. Néanmoins, dans l'ensemble, les verbalisations sensibles de la mère sont associées positivement à certains aspects du développement de l'enfant, et ce, plus particulièrement lors de la deuxième année. Par ailleurs, la sensibilité verbale maternelle en bas âge pourrait jouer un rôle plus modeste dans le développement langagier. Le rôle de la sensibilité

maternelle dans le développement langagier est donc moins bien établi chez les nourrissons.

1.2.3.3 L'intrusion verbale maternelle

Les comportements maternels insensibles, c'est-à-dire intrusifs, ont été négativement associés au développement langagier des enfants (Akhtar et al., 1991; Baumwell et al., 1997; Murray & Hornbaker, 1997; Tomasello & Farrar, 1986). Ces comportements sont caractérisés par des tentatives répétées de la mère pour rediriger l'attention de l'enfant et pour restreindre ses activités, au lieu de s'adapter à son objet d'intérêt. Dans l'étude de Tomasello et Farrar (1986) présentée précédemment, le langage maternel directif à 15 mois était négativement associé à l'étendue du vocabulaire des enfants à 21 mois (r = -.46, p < .05). Ces auteurs expliquent le lien négatif entre le développement langagier et l'insensibilité verbale maternelle en proposant que ces

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comportements imposent à l'enfant de plus grandes contraintes cognitives : la relation entre l'objet de référence et le nouveau mot à apprendre est moins facilement accessible puisque l'enfant doit rediriger son attention. Masur et al. (2005) ont également observé des résultats similaires : les verbalisations qui dirigent l'attention de l'enfant vers un nouveau centre d'intérêt à 13 mois prédisaient négativement le développement du vocabulaire à 15 mois. Les verbalisations et les comportements de la mère qui dirigent l'attention de l'enfant à 15 mois étaient également négativement associés au vocabulaire de l'enfant à 21 mois. De plus, Landry et collaborateurs (1997), dans le cadre de leur étude décrite précédemment, ont aussi observé un lien négatif entre une proportion plus élevée de restrictions verbales et les développements cognitif, langagier et social. Les verbalisations insensibles de la mère, en dirigeant ou en restreignant l'activité de l'enfant, ont donc été négativement associées au développement du langage.1

Les études récentes suggèrent par contre que l'association entre l'intrusion verbale maternelle et le développement langagier de l'enfant est plus complexe en ce qui a trait aux verbalisations qui redirigent l'attention de l'enfant. Il semble que les verbalisations qui redirigent l'attention de l'enfant avec succès, c'est-à-dire qui détournent de façon efficace l'attention de l'enfant de manière à ce qu'il regarde le nouvel objet nommé par la mère, puissent apporter une contribution positive à l'acquisition langagière, du moins chez des enfants âgés entre 14 et 22 mois (Shimpi & Huttenlocher, 2007).

Cette étude semble indiquer qu'il faille également prendre en considération la réponse de l'enfant dans l'étude des comportements intrusifs de la mère. Par ailleurs, les études recensées n'ont pas évalué la contribution des caractéristiques de l'enfant à la stimulation verbale qu'il reçoit. En effet, un enfant plus turbulent pourrait évoquer plus de comportements intrusifs de la part du parent. Pour mieux comprendre le rôle de la

1 Certains auteurs considèrent également les directives (i.e. les verbalisations qui guident le comportement de

l'enfant) comme étant intrusives (pour une revue voir Masur et al., 2005). Cependant, la recherche tend à démontrer que ce sont plutôt les verbalisations directives qui redirigent l'attention de l'enfant qui sont négativement associées au développement du langage (Akthar et al. 1991 ; Masur et al., 2005). En ce sens, la définition de Baumwell et al. (1997) est retenue pour décrire l'insensibilité, puisque celle-ci inclut les verbalisations directives, mais également descriptives qui redirigent l'attention de l'enfant. Les verbalisations directives font référence au contenu de la verbalisation et non au contexte interactionnel; elles sont donc abordées dans la section traitant des fonctions du langage maternel.

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sensibilité et de l'intrusion verbale maternelle dans le développement langagier des jeunes enfants, la contribution de l'enfant aux conduites de la mère devrait aussi être évaluée.

1.2.4 R é s u m é des relations e n t r e le langage maternel et le développement du vocabulaire d u r a n t la période linguistique

Les sections précédentes ont établi que la quantité de langage maternel, les fonctions des verbalisations maternelles, la sensibilité et l'intrusion verbale maternelle sont associées au développement du langage chez l'enfant, principalement durant la deuxième année de vie. De plus, des variations importantes sont observées dans le discours des mères, de sorte que des différences individuelles prononcées existent dans la stimulation verbale maternelle reçue par les enfants (Bornstein et al., 2008; Huttenlocher et al., 2007; Rosenthal Rollins, 2003; Rowe, Pan & Ayoub, 2005), ce qui semble contribuer à l'acquisition du langage. L'étude des déterminants des verbalisations maternelles permet alors de mettre en lien ces variations avec des caractéristiques de la mère et de l'enfant. Les sections suivantes résument les connaissances sur les caractéristiques des mères et de l'enfant qui ont été associées au discours des mères pour ensuite faire état des connaissances sur l'étiologie génétique et environnemental des comportements verbaux maternels.

1.3. Les déterminants du langage maternel

1.3.1 Les études phénotypiques 1.3.1.1. Les caractéristiques de la mère

Plusieurs études phénotypiques ont associé différentes caractéristiques maternelles aux variations notables observées dans le langage des mères. En particulier, le statut socio-économique (SSE) et l'éducation de la mère, son âge, son niveau de connaissances reliées au développement de l'enfant et la présence de symptômes dépressifs ont été mis en lien avec différents aspects de la stimulation verbale maternelle.

Dans un premier temps, le SSE de la famille a été positivement associé à la quantité de stimulation offerte par la mère, de sorte que les enfants issus de milieux socio-économiques favorisés sont exposés à davantage d'interactions langagières, mais également

Figure

Figure 1. Relations attendues entre les mesures de langage maternel et le développement du  vocabulaire chez l'enfant
Figure 2. Prédiction du vocabulaire de l'enfant à partir de l'intrusion et de la quantité totale  de verbalisations : représentation schématique des modèles acheminatoires
Figure 1. Représentation schématique modifiée des relations entre le langage maternel et le  développement du langage chez l'enfant

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