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ARTheque - STEF - ENS Cachan | L'énergie : thème intégrateur pour une culture scientifique

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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L'ÉNERGIE THÈME INTÉGRATEUR POUR UNE CULTURE SCIENTIFIQUE

Ivan GILLET Université de Liège

MOTS-CLÉS ÉNERGIE - INTERDISCIPLINARITÉ CULTURE SCIENTIHQUE-BIFURCATION - DÉVEWPPEMENT DURABLE

RÉSUMÉ : Le thème de l'énergie permet de relier un grand nombre de notions en un réseau cohérent. A travers ce réseau, cet exposé effectue deux parcours: l'un, assez bref, autour de l'énergie elle-même; l'autre racontant le rôle de "énergie dans l'histoire de nos origines, dans l'impasse industrielle et dans la nécessité d'en sortir par une bifurcation radicale.

SUMMARY : Around the topic of energy. a large number of concepts can be linked ioto a coherent network. Over such a network, this paper goes through [wo different parhs : one, rather shon, about energy itself ; another one telling the part of energy in the hislory of our ongin, in the industrial dead-Iock, and in the necessity of escaping from it through a radical forking.

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1. INTRODUCTION

Actuellement, le rôle primordial d'une culture scientifique me parait être celui de système de compréhension du monde el des conditions de surviedeJ'humanité au 3e millénaire.

Cette culture doit viser à la cohérence plutôt qu'à l'encyclopédie. Pour comprendre notre monde et pouvoir ainsi agir en citoyen responsable, il nous faut une vision structurée autour de quelques repères majeurs.

Lanotion d'énergie me semble être assez générale et ramifiée pour remplir cette fonction de repère, de thème intégrateur dans une vision intelligible du monde. Ce thème permet, en effet, de relier en une Structure cohérente un grand nombre de notions appartenant à des disciplines très diverses.

En cherchant à faire l'inventaire de ces notions que l'on peut relierà l'énergie d'une façon ou d'une autre, j'en ai trouvé plusieurs centaines fonnant un réseau eXlrêmement touffu avec de multiples noeuds. Cela pose évidemment un problème pour l'exposé d'une courte communication.

Pour résoudre ce problème, j'ai choisi de faire seulement deux parcours dans ce réseau: un premier assez bref en petites touches, puis un second plus long et continu.

2. AUTOUR DE L'ÉNERGIE

Travail, mouvement, chaleur, lumière, électricité, etc.. Voilà quelques fonnes connues d'énergie. A côté de la définition du dictionnaire, pas fausse, mais incomplète, cette énumération peut amorcer le premier parcours.

On peut également dire: l'énergie senàdéplacer ou transformer de la matière en utilisant de l'information dans des systèmes plus ou moins complexes. Lors des transfonnations de matière, de l'énergie peut entrer dans la matière (ex. : photosynthèse), ou en sortir (ex. : combustion).

A partir du concept d'énergie et des notions connexes, on peut consrruire tout un cours dans différentes disciplines comme la physique, la chimie, la biologie, l'écologie, l'économie, l'urbanisme, la technique industrielle, etc... En chimie, j'en ai fait personnellement l'expérience, et j'ai pu constater une amélioration sensible de la motivation des élèves. En biologie, on peut citer le biochimiste bien connu Albert LEHNINGER lorsqu'il écrit: "Une étude bien conduite de la biologie devrait avoir pour point de départ le thème de l'énergie et de ses transformations". En physique, outre les notions déjà citées, on rencontrera la force, la vitesse, la puissance, l'espace, la durée, etc...

larrête ici cette brève énumération pour ne pas qu'eHe devienne fastidieuse. Elle contient déjà 27 mots-clés liésà l'énergie.

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3. L'ÉNERGIE DANS L'HISTOIRE CENTRALE DE NOS ORIGINES

Il Ya environ 15 milliards d'années, lors de ce que les astrophysiciens ont appelé le "big bang", l'univers n'était encore qu'une "purée" indifférenciée de particules élémentaires (quarks, électrons). Il n'y avait ni atomes ni molécules parce que la température était bien trop élevée (des milliards de degrés).

Puis l'univers a évolué par un double processus où l'énergie a joué un rôle primordial : D'une part la température (facteur de l'énergie thennique) a baissé graduellement pendant que l'univers se dilatait; expansion que l'on constate encore de nos jours.

D'autrespart,grâce à l'abaissement de température, la matière s'est progressivement "auto-organisée", formant ainsi des structures de plus en plus complexes. Les quarks se sont d'abord groupés en nucléons (protons, neutrons). Ceux-ci ont ensuite donné naissance à des noyaux d'atomes; lesquels, avec les électrons ont formé des atomes. Puis les atomes, en se liant entre eux, ont fonné des molécules, puis des biomolécules, etc... jusqu'aux. cellules, aux organismes vivants et au cerveall humain.

Où est le rôle de l'énergie dans ce processus d'auto--organisation ? TI se trouve dans l'énergie de liaison, c'est-à-dire dans les forces qui s'exercent entre (es particules de la matière: forces nucléaires entre les panicules élémentaires dans les noyaux d'atomes; force électromagnétique entre les atomes dans les molécules, ainsi qu'entre les molécules; force gravitationnelle entre les masses de matière. Le jeu de ces forces permet, en effet, un très grand nombre de possibilités. Grâceà ce grand nombre et à la longue durée (des milliards d'années), des phases aléatoires de déséquilibre ont pu faire émerger la complexité, donnant l'immense diversité des formes que nous connaissons.

Pour expliquer comment des phases aléatoires de déséquilibre peuvent faire émerger de la complexité, il faut faire appel à la notion de "structure dissipative" introduite par Prigogine. Cette expression désigne certains systèmes matériels capables d'entretenir ou de complexifier leur structure grâce à une dissipation d'énergie: lorsqu'une perturbation énergétique, imposée au hasard par l'environnement, entraîne une "structure dissipative" assez loin de l'équilibre, il arrive que celle-ci ne revienne pasà son équilibre initial, mais bifurque vers une structure plus riche, plus complexe. Dans ce cas, il y a "auto-organisation" du système matériel. Plus un système est déjà complexe, plusilbifurque facilement vers du plus complexe encore. D'où l'accélération progressive de l'auto-organisation complexifiante au cours des milliards d'années d'évolution de la matière.

Cette évolution a ainsi mené, il y a environ 4,6 milliards d'années,à la naissance de notre système solaire avec ses planètes, dont la Terre. Puis, grâce à la présence d'eau liquide sur notre Terre, les premières traces de vie sont apparues ilya environ 3,5 milliards d'années. Après une tangue évolution biologique, toujours par auto-organisation complexifiante, le processus d'hominisation, commencé ilya une dizaine de millions d'années, s'est poursuivi jusqu'au cerveau humain actuel dont on date ('origine ily a environ 35.000 ans. A partir de là, c'est l'évolution culturelle qui a marqué l'espèce humaine.

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Après les bifurcations, importantes pour nous, de la naissance du Soleil et de la Terre, de la vie, de l'espèce humaine, une nouvelle bifurcation s'est insinuée progressivement depuis deux siècles environ dans notre évolution culturelle. C'est l'ère industrielle qui a changé radicalement nos modes de vie.

3.1. Le fonctionnement de la biosphère

Depuis environ 2 milliards d'années jusqu'à l'apparition de l'espèce humaine, la biosphère a fonctionné selon une économie cyclique, animée par un flux d'énergie, et répondant aux 4 principes suivants:

- Toute l'énergie venait du rayonnement solaire.

- Cette énergie était fixée dam, la matière selon le principe du stockage chimique d'énergie effectué par la photosynthèse végétale.

- L'énergie chimique ainsi stockée était transmise aux animaux. par la "chaîne alimentaire" .

- Toute la matière était perpétuellement recyclée grâce aux décomposeurs transfonnam les déchets d'un processus en matières premières pour un processus ultérieur.

Avec l'espèce humaine, avant l'ère industrielle, le fonctionnement de la biosphère s'est complexifié, mais les 4 principes ci-dessus étaient encore respectés. Les humains se trouvaient au boutde la chaîne alimentaire.

3.2. La bifurcation industrielle

Depuis la civilisation industrielle, les principes de la biosphère ne sont plus respectés A part l'alimentation (partiellement), l'énergie utilisée ne vient plus du soleil actuel, mais essentiellement des combustibles fossiles et nucléaires (épuisables).Dece fait, l'équilibre thermique de la Terre semble bien compromis.

Une grande partie de la matière utilisée n'est plus recyclée, ce qui entraîne une accumulation submergeante des déchets.

Les écosystèmes et la biosphère (y compris l'espèce humaine) sont pollués et perturbés jusqu'à mettre leur survie en péril.

La civilisation industrielle est donc dans une impasse dont les causes entraînent aussi d'autres conséquences graves: injustice sociale grandissante et explosion démographique non maîtrisée.

4. SORTIR DE L'IMPASSE INDUSTRIELLE

Actuellement, on cherche à la crise des remèdes symptomatiquesà coun tenne : dépollution en aval, utilisation dite "rationnelle" de l'énergie (mais pas nécessairement judicieuse!).

A mon avis, c'est absolument insuffisant. Des transformations radicales sont indispensables, s'attaquant aux causes, aux facteurs profonds qui nous ont fourvoyés dans celte impasse.

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4.1. Facteurs énergétiques

Pour sortir de l'impasse et retrouver un développement durable, il faudra nécessairement revenir aux principes selon lesquels fonctionnait la biosphère avant l'ère industrielle. Mais il faudra le faire avec des techniques nouvelles, car il n'est pas question de retourner deux siècles en anière. Pour ce qui concerne le rôle essentiel de l'énergie dans ces tecbniques nouvelles, j'ai développé ce point l'an dernierà Chamonix (voir Actes flES XIII, 1991, p.202-212). Je n'y reviens donc pas ici. 4.2. Facteurs culturels

Il importe ici de commencer par distinguer deux fonctions de l'énergie : l'énergie de commande et l'énergie d'action. Par exemple: lorsque je conduis une voiture, l'énergie de commande que fournissent mes muscles pour manier le volant et les pédales est infime par rapport à J'énergie d'action développée par le moteur. De là peut découler une définition du "pouvoir" : c'est la capacité de t'énergie de commande de déclencher la mise en oeuvre de grandes quantités d'énergie d'action.

Avec la croissance exponentielle de la puissance technique pendant l'ère industrielle, "l'imaginaire social" s'est développé vers la fascination de la puissance, de la vitesse et de la croissance quantitative comme progrès. Cela a entraîné une déviation culturelle du "pouvoir" vers la recherche de toujours plus de puissance pour elle-même et par tous les moyens possibles..., mais sans vision sage des conséquences à long terme ni du caractère limité des ressources. Dans les décisions prises, le "faisable à coun tenne" a eu la priorité sur le "souhaitableà long tenne". D'où l'impasse!

5. CONCLUSION

Maintenant que commence heureusement à se répandre une prise de conscience de la situation, il nous faut une nouvelle bifurcation, consciente et volontaire celte fois, vers un développement qualitatif durable. Un nouvel "imaginaire social" est à construire pour un changement culturel radical.

C'est là un projet passionnant auquel les enseignants ensemble devraient contribuer de toute leur imagination et de toute leur énergie. Dans ce changement radical, la culture scientifique aura une importance primordiale autour de thèmes intégrateurs comme l'énergie.

Je pense que tout cela est possible si on le veut vraiment, car le cerveau humain est loin d'avoir réalisé toutes ses potentialités. L'évolution culturelle de l'humanité peut encore se prolonger très longtemps. Il fautycroire et agir ensemble.

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BIBLIOGRAPHIE

CASTûRIADIS (C.), 1975,jeéd. 1983. -L'Tnstitution imaginaire de la société, Paris: Seuil, col. L'imaginairesociaL

GILLET (1), 1991. - Éduquer pour l'énergie et l'environnement, in Actes des Be Journées internationales sur l'Éducation Scientifique,p.202-212.

JACQUARD(A.),1983. -Moi et les autres, Paris; Seuil, p. 129-132 (Auto-organisation). JACQUARD(A),1989. -Abécédaire de l'ambiguité, Paris: Seuil, p. 157-162 (Bifurcation). PRIGOGINE(1.),STENGERS(1)., 1979. - LaNouvelle Alliance, Paris: Gallimard,.p. 153-173 (Structures dissipatives).

REEVES (H), 1981. -Patience dans l'azur, L'évolution cosmique,Paris.; Seuil. REEVES (1-1.), 1986. -L'Heure de s'tnivrer, L'universa-t-il un sens ?, Paris: Seuil.

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