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Récits d'un processus d'accompagnement par l'art en soins palliatifs

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Academic year: 2021

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Récits d’un processus d’accompagnement par l’art en

soins palliatifs

Mémoire

Alexandra Bellegarde

Maîtrise en arts visuels (art avec la communauté)

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

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Récits d’un processus d’accompagnement par l’art en

soins palliatifs

Mémoire

Alexandra Bellegarde

Sous la direction de :

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RÉSUMÉ

Ce mémoire présente une expérience d’accompagnement par l’art réalisé dans le milieu des soins palliatifs. Plus précisément, la recherche a donné lieu à l’élaboration d’un processus d’accompagnement par l’art assortie d’activités artistiques adaptées. De plus, la recherche se concentre sur la posture d’accompagnante par l’art en soins palliatifs en proposant des moments de création en tenant compte de la réalité des personnes en fin de vie.

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Table des matières

RÉSUMÉ ... iii

INDEX DES TABLEAUX ... vii

INDEX DES ILLUSTRATIONS ... viii

REMERCIEMENTS ... x INTRODUCTION ... 1 CHAPITRE I ... 3 PARAMÈTRES DE LA RECHERCHE ... 3 1.1 ORIGINE DE LA RECHERCHE ... 3 1.2 CONTEXTE DE LA RECHERCHE ... 5 1.2.1 Ma pratique artistique ... 5

1.2.2 Les retombées positives de la pratique artistique ... 8

1.2.3 Les soins palliatifs au Québec... 10

1.3 PROBLÉMATIQUE ... 11

1.3.1 La pratique des arts en soins palliatifs ... 11

1.4 QUESTION ET OBJECTIFS DE RECHERCHE ... 13

1.5 CONCLUSION DU CHAPITRE ... 14

CHAPITRE II ... 15

ÉLÉMENTS CONCEPTUELS DE LA RECHERCHE ... 15

2.1 L’ARTISTE ET L’AUTRE ... 15

2.2 L’ACCOMPAGNEMENT PAR L’ART EN SOINS PALLIATIFS ... 17

2.2.1 L’accompagnement ... 18

2.2.2 L’accompagnement en soins palliatifs ... 19

2.2.3 L’accompagnement par l’art ... 20

2.3 LA PROBLÉMATIQUE DES SOINS PALLIATIFS ... 24

2.3.1 Définition et fonction ... 24

2.3.2 Les maisons de soins palliatifs ... 25

2.3.3 La Maison de soins palliatifs du Littoral ... 25

2.4 LE PROCESSUS DE DÉTACHEMENT ... 26

2.5 CONCLUSION DU CHAPITRE ... 31

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v

ÉLABORATION DE LA RECHERCHE ET DU PROJET D’ACCOMPAGNEMENT

PAR L’ART ... 32

3.1.1 La recherche qualitative ... 32

3.1.3 L’approche ethnographique ... 34

3.2 LE PROCESSUS D’ACCOMPAGNEMENT PAR L’ART : LES ACTIVITÉS ARTISTIQUES ... 35

3.3 MÉTHODES ET OUTILS POUR LE RETOUR SUR L’EXPÉRIENCE D’ACCOMPAGNEMENT PAR L’ART ... 39

3.3.1 La documentation visuelle ... 40

3.3.2 L’observation participante ... 41

3.3.3 Le journal de bord ... 41

3.3.4 L’entrevue semi-dirigée ... 43

3.4 LES PARTICIPANTS ... 45

3.5 LES ASPECTS ÉTHIQUES DE LA RECHERCHE ... 45

3.6 PROCÉDURE POUR LE RETOUR SUR L’EXPÉRIENCE D’ACCOMPAGNEMENT ... 47

3.6.1 Le récit de l’expérience d’accompagnement ... 47

3.6.2 Analyse par logique inductive ... 48

3.7 CONCLUSION DU CHAPITRE ... 49

CHAPITRE IV ... 50

RÉCIT ET ANALYSE DE L’EXPÉRIENCE D’ACCOMPAGNEMENT PAR L’ART EN SOINS PALLIATIFS ... 50

4.1 RÉCITS DE L’EXPÉRIENCE D’ACCOMPAGNEMENT PAR L’ART ... 50

4.1.1. L’organisation de la Maison de soins palliatifs du Littoral ... 52

4.2 LE RÉCIT DE L’ACCOMPAGNEMENT AVEC MICHEL ... 53

4.3 LE RÉCIT DE L’ACCOMPAGNEMENT DE SOFIA ... 69

Rencontre 1, lundi le 11 août, prise de contact (durée 30 minutes) ... 69

4.4 LE RÉCIT DE L’ACCOMPAGNEMENT AVEC ROSE... 79

Rencontre 1, jeudi le 21 août, prise de contact (durée 15 mintes) ... 80

4.5 LA POSTURE D’ACCOMPAGNANTE PAR L’ART EN SOINS PALLIATIFS 87 4.5.1 La présence à l’autre ... 88

4.5.2 La capacité d’adaptation : attention et ouverture ... 88

4.5.3 Le contexte des soins palliatifs ... 89

4.5.4 La relation accompagnant-accompagné ... 90

4.6 ÉVALUATION DU PROCESSUS D’ACCOMPAGNEMENT PAR L’ART EN SOINS PALLIATIFS... 91

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vi

4.6.1 Les activités artistiques ... 92

4.3.2 Les effets de l’accompagnement par l’art ... 96

4.7 CONCLUSION DE L’EXPÉRIENCE D’ACCOMPAGNEMENT PAR L’ART . 98 CONCLUSION ... 100

BIBLIOGRAPHIE ... 103

ANNEXE A ... 106

LES PLANS DES ACTIVITÉS ARTISTIQUES ... 106

ANNEXE B ... 118

FEUILLET EXPLICATIF ... 118

ANNEXE C ... 121

FORMULAIRE DE CONSENTEMENT ... 121

ANNEXE D ... 126

RÉALISATIONS DES PARTICIPANTS DANS LE CADRE DES ACTIVITÉS ARTISTIQUES ... 126

ANNEXE E ... 141

PHOTOGRAPHIES DE L’ARTISTE-CHERCHEURE PRÉSENTÉES AUX PARTICPANTS À LA RECHERCHE LORS DE L’ACTIVITÉ APPRÉCIATION D’UNE IMAGE ... 141

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INDEX DES TABLEAUX

Tableau 1 : Adaptation de la dynamique de la recherche création selon Francine Chaîné (2010, p. 63) ... 22 Tableau 2 : Les étapes du mourir (processus de détachement) selon Elisabeth Kübler-Ross (Elisabeth Kübler-Kübler-Ross Foundation, 2014) ... 27 Tableau 3 : Les différentes activités artistiques proposées ... 37 Tableau 4 : Schéma d’entretien semi-dirigé portant sur l’expérience artistique des participants ... 44 Tableau 5 : Tableau synthèse du matériel recueilli ... 51

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INDEX DES ILLUSTRATIONS

Figure 1 : Alexandra Bellegarde, Deuil, 2010, photographies argentiques et cadres, 193,5 x 28 cm. ... 6 Figure 2 : Alexandra Bellegarde, détail de Deuil, 2010, photographies argentiques et cadres, 193,5 x 28 cm ... 7 Figure 3 : Collage de Michel pour l’activité Le film de ma vie, 9 x 11½ po, 12 août 2014 ... 55 Figure 4 : Michel durant l’activité Changement de direction, 13 août 2014 ... 56 Figure 5 : Montage réalisé à la suite de l’activité Changement de direction avec Michel, 8½ x 11 po, 13 août 2014 ... 56 Figure 6 : Montage réalisé à la suite de l’activité Punctum avec Michel, 8½ x 11 po, 15 août 2014 ... 57 Figure 7 : Michel durant l’activité Punctum, 15 août 2014 ... 57 Figure 8 : Collage de Michel pour l’activité Narration imagée, 9 x 11½ po, 16 août 2014 ... 59 Figure 9 : Réalisation de Michel pour l’activité Narration écrite, 9 x 11½ po, 19 août 2014... 59 Figure 10 : Une des photographies de Michel pour l’activité Prise de photographie, 21 août 2014 ... 61 Figure 11 : Michel durant l’activité Prise de photographie. 21 août 2014 ... 61 Figure 13 : Michel durant l’activité changement de direction 2, 25 août 2014 ... 64 Figure 14 : Montage réalisé à la suite de l’activité Changement de direction 2 avec Michel, 25 août 2014 ... 64 Figure 15 : Réalisation de Michel pour l’activité Association image-mot, 9 x 22 po, 29 août 2014 ... 65 Figure 16 : Michel durant l’activité Association image-mot, 1er septembre 2014 ... 66 Figure 17 : Réalisation de Michel pour l’activité Association image-mot, 24 x 44 po, 1er septembre 2014 ... 66 Figure 18 : Collage de Michel pour l’activité Le panier, 11½ x 18 po, 3 septembre 2014 ... 67 Figure 19 : Alexandra Bellegarde, 2014. Photographie présentée à Sofia lors de l’activité Appréciation d’une image. ... 77 Figure 20 : Rose durant l’activité le film de ma vie ... 82 Figure 22 : Partie 2 de 2 de la réalisation de Rose pour l’activité Le film de ma vie, 9 x 11½ po, 27 août 2014 ... 83 Figure 21 : Partie 1 de 2 de la réalisation de Rose pour l’activité Le film de ma vie, 9 x 11½ po, 27 août 2014 ... 83 Figure 23 : Montage corrigé de l’activité Le film de ma vie avec Rose, 8½ x 11 po, 29 août 2014 ... 84 Figure 24 : Montage réalisé à la suite de l’activité Changement de direction avec Rose 85 Figure 25 : Collage de Michel pour l’activité Le film de ma vie, 9 x 11½ po, 12 août 2014 ... 127

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Figure 26 : Montage réalisé à la suite de l’activité Changement de direction avec Michel, 8½ x 11 po, 13 août 2014 ... 128 Figure 27 : Montage réalisé à la suite de l’activité Punctum avec Michel, 8½ x 11 po, 15 août 2014 ... 129 Figure 28 : Collage de Michel pour l’activité Narration imagée, 9 x 11½ po, 16 août 2014... 130 Figure 29 : Réalisation de Michel pour l’activité Narration écrite, 9 x 11½ po, 19 août 2014... 131 Figure 30 : Une des photographies de Michel pour l’activité Prise de photographie, 21 août 2014 ... 132 Figure 31 : Montage réalisé à la suite de l’activité Changement de direction 2 avec Michel, 25 août 2014 ... 133 Figure 32 : Réalisation de Michel pour l’activité Association image-mot, 9 x 22 po, 29 août 2014 ... 134 Figure 33 : Réalisation de Michel pour l’activité Association image-mot, 24 x 44 po, 1er septembre 2014 ... 135 Figure 34 : Collage de Michel pour l’activité Le panier, 11½ x 18 po, 3 septembre 2014 ... 136 Figure 35 : Partie 1 de 2 de la réalisation de Rose pour l’activité Le film de ma vie, 9 x 11½ po, 27 août 2014 ... 137 Figure 36 : Partie 2 de 2 de la réalisation de Rose pour l’activité Le film de ma vie, 9 x 11½ po, 27 août 2014 ... 138 Figure 37 : Montage corrigé de l’activité Le film de ma vie avec Rose, 8½ x 11 po, 29 août 2014 ... 139 Figure 38 : Montage réalisé à la suite de l’activité Changement de direction avec Rose ... 140

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REMERCIEMENTS

Au terme de ce travail, je tiens à témoigner ma gratitude à toutes les personnes qui ont contribué à la réalisation de ce mémoire.

Tout d’abord, je remercie vivement mon directeur de recherche, M. Richard Baillargeon, professeur à l’École des arts visuels de l’Université Laval, pour ses commentaires toujours pertinents, ses réponses à mes questionnements et surtout pour m’avoir toujours considéré comme une artiste même lorsque moi-même j’en doutais.

Je remercie chaleureusement le personnel de la Maison de soins palliatifs du Littoral (MSPL) que j’ai rencontré, qui m’a accueillie à bras ouverts. Un merci tout particulier à M. Carl Gosselin, directeur général de la MSPL pour son aide et son soutien tout au long de ma recherche entre les murs de son établissement. Un immense merci aux trois volontaires qui ont participé à mon étude, Michel, Sofia et Rose, sans qui cette recherche n’aurait pas eue lieu. Vous avez été généreux, vous m’avez touché et jamais je ne vous oublierai.

Finalement, je tiens à dire merci aux membres de ma famille qui, malgré leur incompréhension parfois devant ma démarche artistique, m’ont toujours encouragé et soutenu. Merci aussi à ma mère, Linda Turgeon, qui m’a montré le chemin de la persévérance et de la générosité, ainsi qu’à mon époux, Guillaume Lépine, pour ses nombreuses relectures, pour son écoute et son support inconditionnel et sans qui je n’y serai pas arrivée.

Ce travail est dédié à la mémoire de feu Denis Bellegarde et feu Léona Saint-Louis pour leur contribution significative dans mon parcours d’accompagnante par l’art en soins palliatifs.

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INTRODUCTION

Dans une maison de soins palliatifs, nombreux sont les bénévoles qui, avant d’accompagner les mourants, ont subi eux-mêmes des deuils et des pertes. Johanne de Montigny et Marie de Hennezel écrivent, dans leur livre L’amour ultime (1990), que la perte d’un être cher est souvent l’étape préalable à l’amorce d’un travail auprès des mourants. En ce qui me concerne, c’est précisément le parcours que j’ai suivi suite au décès de mon père en 2009. Néanmoins, je souhaitais mettre à profit mes connaissances et mon expérience d’artiste dans mon travail auprès des personnes mourantes. De plus, selon de nombreux auteurs, dont on fera état plus loin, la pratique des arts a démontré ses bienfaits dans plusieurs milieux dont celui des soins de santé. C’est ainsi qu’est née cette recherche comme une manière d’accompagner par l’art les personnes en soins palliatifs.

Ce mémoire témoigne donc de mon expérience d’accompagnante par l’art auprès de personne en fin de vie. Outre le fait de développer une posture d’accompagnante par l’art, la recherche avait aussi pour but de concevoir et de valider un processus d’accompagnement artistique en soins palliatifs, assorti d’activités artistiques adaptées et d’en décrire les particularités propres au milieu. La recherche a eu lieu à la Maison de soins palliatifs du Littoral (MSPL) auprès de 3 volontaires qui ont accepté de participer aux activités artistiques proposées.

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Le présent mémoire suit le parcours réflexif depuis la conception de la recherche jusqu’à l’expérience vécue. Le premier chapitre expose l’origine du questionnement, la problématique et les objectifs de la recherche liés au projet d’accompagnement par l’art en soins palliatifs. Le second chapitre définit les concepts clés entourant la recherche : l’accompagnement par l’art en soins palliatifs, les soins palliatifs et le processus de détachement, puis les liens entre ces concepts et le projet de recherche comme tel. Quant au troisième chapitre, il expose les choix méthodologiques retenus pour cette recherche. Les activités artistiques proposées aux participants y sont décrites, ainsi que les différentes stratégies pour organiser le retour sur l’expérience d’accompagnement par l’art. Finalement, le quatrième et dernier chapitre rapporte sous forme de récits l’expérience vécue à la MSPL auprès des participants. Dans ce chapitre sont aussi approfondis certains aspects de l’accompagnement par l’art en soins palliatifs afin de produire une approche d’accompagnement par l’art en soins palliatifs qui serait adapté et bienfaisant.

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CHAPITRE I

PARAMÈTRES DE LA RECHERCHE

Dans ce premier chapitre, les différents paramètres sur lesquels s’appuie la recherche sont présentés. D’abord, l’origine du projet de recherche et le contexte dans lequel il s’insère seront présentés. Je présenterai également ma pratique artistique, ainsi que les retombées positives de la pratique des arts et la question des soins palliatifs au Québec. La problématique relative à la pratique des arts en soins palliatifs sera ensuite développée. Finalement, les objectifs et la question de recherche seront énoncés pour conclure le chapitre.

1.1 ORIGINE DE LA RECHERCHE

En août 2009, j’étais inscrite pour ma troisième session au baccalauréat en Arts visuels et médiatiques de l’Université du Québec à Montréal. Mon objectif de carrière a toujours été de devenir enseignante en art, aussi il était important pour moi de m’accomplir d’abord en tant qu’artiste. Cet été-là, mon père nous annonçait, à mes sœurs et moi, qu’il avait reçu un pronostic réservé, ce qui signifiait qu’il était atteint d’une maladie incurable. Cependant, il espérait vivre au-delà des 6 à 12 mois qu’on lui avait prédits. Je me souviendrai toujours de ce soir d’août où j’allais connaître ma première expérience de deuil profond, laquelle allait me faire prendre un chemin inattendu. Malgré cette très mauvaise nouvelle, je pris quand même la décision de poursuivre mes études à temps

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plein. Les cours recommencèrent comme à la normale. Toutefois, le pronostic évolua rapidement si bien qu’en septembre, j’appris que mon père ne survivrait peut-être pas jusqu’à Noël. Je fus bien sûr envahie par les émotions. Dans cette situation, deux choix s’offraient à moi, soit abandonner ma session pour être auprès de mon père, soit continuer et extérioriser mes émotions par le biais de l’art.

Je choisis la seconde option et mes projets artistiques devinrent un espace de création où je pouvais exprimer mon expérience personnelle face au deuil. Au cours de cette période, mon père me confia que si je n’avais pas été aux études à ce moment-là, il aurait aimé que je m’occupe de lui à temps plein. C’est seulement quelques années plus tard que je réalisai toute la portée que cette simple phrase avait eue sur moi. Pendant cette période, il me confia également des regrets et des désirs qu’il avait et il me raconta des moments de sa vie qui lui tenaient à cœur. À travers ces échanges, même si nous n’avions pas réalisé d’activité artistique ensemble, j’ai perçu le potentiel que pouvait avoir l’expression artistique dans cette phase de la vie. Je réalisais alors qu’une personne peut ressentir à l’approche de sa mort le besoin de s’exprimer et que l’art peut être employé comme un moyen d’expression. Au cours du mois de novembre, mon père décéda, mais je continuai ma pratique artistique autour des questions liées au deuil, à la mémoire, à l’oubli, à la trace et à l’absence. Ces questions étaient et sont toujours celles qui alimentent ma pratique artistique. Durant cette période, je m’apercevais déjà que les œuvres réalisés autour de ces sujets, portant sur mon vécu et mon ressenti, me permettaient d’extérioriser une grande part des émotions vécues et de ce fait pouvaient m’apporter un certain soulagement face aux dures réalités de la mort et du deuil.

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Les saisons passèrent, mon deuil évolua et devint moins pesant. Du coup, j’éprouvais moins le besoin de réaliser des œuvres sur mon expérience personnelle. J’ai eu alors envie de réaliser des projets artistiques impliquant d’autres personnes. Des projets qui les intègreraient et qui les feraient participer. Mais, en même temps, je souhaitais toujours devenir enseignante en art et je voulais explorer davantage cette avenue. Par conséquent, à la suite de mon baccalauréat, je fis un programme court de 2e cycle en pédagogie de l’enseignement supérieur. Ce fut une véritable révélation, j’y ai découvert la pédagogie, un domaine passionnant et je décidai de me concentrer dans ce domaine pendant un certain temps. Suite à ces études, j’ai accumulé de l’expérience auprès de différents groupes d’âge et milieux socio-économiques. Cependant, je ressentais toujours la volonté de réaliser un projet artistique qui solliciterait la participation d’autrui.

Cette volonté de travailler avec le public a continué de grandir et mon intérêt se tourna vers les personnes en fin de vie et l’expérience de cette phase de l’existence. Je me souvenais de mon père à cette époque de sa vie et de son besoin de s’exprimer et c’est ce qui m’a mené à vouloir partager cette expérience vécue avec mon père auprès de personne en phase terminale, mais, cette fois-ci avec l’art comme centre de la relation.

1.2 CONTEXTE DE LA RECHERCHE

1.2.1 Ma pratique artistique

Dès mes premières années d’étude en arts, la photographie a pris une grande place dans ma pratique artistique et j’ai réalisé de nombreux projets artistiques avec ce médium.

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Cela dit, dans ma pratique artistique la photo n’est pas seule, elle est souvent accompagnée d’autres images et du texte allant du simple mot au texte plus élaboré.

Figure 1 : Alexandra Bellegarde, Deuil, 2010, photographies argentiques et cadres, 193,5 x 28 cm.

Les photographies présentées en série comportent la plupart du temps un effet narratif. Lorsque le texte s’ajoute aux images, celui-ci « participe à l’émergence narrative » (Yavuz, 2008) de l’œuvre. Je cherche à créer ainsi un ensemble où l’image et le texte sont en interdépendance et se complète l’un l’autre. Dans l’œuvre Deuil (2010) (voir figure 1), les photographies et les mots sont complémentaires où chacun des éléments est un indice pour la saisie de l’œuvre dans son ensemble. Il y a également une volonté de ma part de laisser des vides ou des manques, comme des blancs dans le texte, mais surtout dans l’ensemble de l’œuvre où tout n’est pas donné (voir figure 2). Dans un tel contexte, le travail d’interprétation est important, donnant l’occasion aux spectateurs d’extrapoler et de « reconstruire l’histoire représentée » (Schaeffer, 2001, p.17) par les images et les

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textes présentés. Tout compte fait, les images et les mots sont des outils qui me servent, comme mentionnés précédemment, à explorer les questions liées au deuil, à la mémoire, à l’oubli, à la trace et à l’absence.

Figure 2 : Alexandra Bellegarde, détail de Deuil, 2010, photographies argentiques et cadres, 193,5 x 28 cm

Comme l’inspiration pour créer autour de ces questions me vient principalement de mes expériences personnelles, on peut dire que mes projets ont un caractère fortement autobiographique. D’un autre côté, les travaux d’artistes comme Raphaëlle De Groot et son projet 8 x 5 x 363 + 1, Sophie Calle avec Prenez soin de vous, Vik Muniz avec Waste Land, où les artistes collaborent avec des personnes néophytes en art m’intéresse et me stimule grandement. Mon deuil s’étant atténué avec le temps, la réalisation de projets artistiques avec des personnes en soins palliatifs me semblait une suite logique dans ma

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pratique artistique, en plus d’être une réponse à mes interrogations et à mon désir de collaboration artistique avec autrui.

Dans cette recherche et en lien avec ma pratique artistique, il apparaissait pertinent que le travail des images et des mots soient à la base des activités artistiques qui seraient réalisées avec les personnes en soins palliatifs. De plus, c’est également en tant que pédagogue en art que je m’investis dans ce projet. C’est pourquoi, mes connaissances et mon expérience teintent non seulement la façon dont sont construites les activités, mais également mon approche avec les participants de la recherche.

1.2.2 Les retombées positives de la pratique artistique

Comme le mentionnent certains auteurs (Lagoutte, 2002; Lafon, 2001), l’art est un moyen de s’exprimer, de communiquer et en ce sens il répond au besoin d’expression. De surcroît, on croit aussi que l’art peut être utilisé pour s’évader du réel, se libérer (Lagoutte, 2002; Lafon, 2001). Mona Trudel, professeure à l’École des arts visuels et spécialiste dans l’accompagnement par l’art de personnes en situation de vulnérabilité, dans une entrevue avec Valérie Martin, maintient que « l’art fait du bien » (Martin, 2014, p.9). En effet, il est vrai que plusieurs effets positifs ont été observés chez les personnes réalisant des activités artistiques (Gérin, 2010; Trudel et Mongeau, 2008; Lorenzato et Dumont, 2013a).

Au cours du 20e siècle, le milieu médical, plus particulièrement celui de la psychologie, s’est intéressé à la pratique des arts et la thérapie par l’art, mieux connue sous le nom d’art-thérapie. L’art-thérapie est une discipline qui nécessite des connaissances

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spécifiques en art et en psychologie en vue d’une amélioration de la santé psychologique du patient (Hamel et Labrèche, 2010). Dans le contexte de cette recherche, l’accompagnement par l’art n’est pas employé à des fins thérapeutiques, bien que, selon Devora Neumark, « L’expression créative partagée possède une valeur thérapeutique même lorsque la thérapie n’est pas un objectif avoué de la démarche ». (2005, p. 36) Contrairement à l’art-thérapie, dans le cadre de ma recherche, l’art n’est pas utilisé afin de favoriser une transformation (psychologique) chez le participant. L’accompagnement par l’art est plutôt centré sur les intérêts de la personne et vise à l’accompagner dans son processus de fin de vie.

Devora Neumark, artiste dont le travail se fait en collaboration étroite avec des personnes de diverses provenances, remarque que « le processus créatif peut aider toutes personnes qui participent à des projets d’art communautaire à reprendre possession de leur propre pouvoir, et leur permettre d’explorer des parties d’elles-mêmes auxquelles elles n’ont pas accès dans d’autres domaines de leur vie. » (2005, p.35). En effet selon Lagoutte (2002, p.46), la pratique des arts par ses qualités expressives entraîne une « prise de possession de la réalité » pour les personnes s’y adonnant. Dans le contexte de ma recherche, cette prise de pouvoir ou reprise de pouvoir peut s’exprimer chez les personnes en soins palliatifs par le rôle actif qu’elles prennent sur leur qualité de vie (Lorenzato et Dumont, 2013a). Lorenzato et Dumont (2013a) expliquent que la réalisation d’activités artistiques permet aux personnes en soins palliatifs d’avoir un rôle actif dans une des sphères de leurs soins. Plus particulièrement, on pourrait ainsi penser qu’en soins palliatifs, la pratique des arts amène les personnes malades à se concentrer sur autre chose que la maladie (Lorenzato, 2008a). Par conséquent, bien au-delà d’une

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manière de se divertir, la réalisation de travaux de nature artistique par des patients en soins palliatifs pourrait engendrer plusieurs effets positifs tels qu’une diminution des douleurs physiques, du stress et de l’angoisse (Lorenzato et Dumont, 2013a) ainsi que l’accroissement de la confiance en soi et du sentiment de bien-être (Gérin, 2010). Tout bien considéré, on peut établir que la pratique des arts, tant au sein d’un établissement de santé que de manière générale, a des effets positifs et peut être utilisée comme moyen de transformation personnelle.

1.2.3 Les soins palliatifs au Québec

À l’annonce d’un pronostic réservé, une personne atteinte d’une maladie incurable a peu d’options en termes de services et de soins professionnels adaptés. Au Québec, environ 35 000 personnes meurent de maladies chroniques et pourraient bénéficier de soins palliatifs (Association québécoise des retraité(e)s des secteurs public et parapublic (AQRP), 2013). Au Québec, 80 % des patients pouvant bénéficier de soins palliatifs préfèrent demeurer chez eux, toutefois seulement 9,7 % de ceux-ci décèderont à domicile. Plusieurs raisons sont en cause, notamment le manque d’organisation et de ressources (Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, 2010). Seulement quelques lits sont offerts dans certains hôpitaux et centres d’hébergement et de soins longue durée (CHSLD) et les services de soins palliatifs y varient énormément d’un établissement à l’autre. Une autre possibilité qui s’offre aux malades est d’aller dans une maison de soins palliatifs. Au Québec en 2014, on dénombrait 31 de ces maisons qui, à l’aide d’équipes interdisciplinaires, assurent des soins palliatifs aux personnes en phase

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terminale (ASPQ, 2014). En 2010, le Québec offrait en moyenne 43,1 lits pour 500 000 habitants dans les centres hospitaliers, les CHSLD et les maisons de soins palliatifs. Or selon le ministère de la Santé et des Services sociaux, le besoin serait de 50 lits pour le même nombre de citoyens. Ce n’est donc pas toutes les personnes nécessitant des soins palliatifs qui auront accès à ce type de service dans une institution reconnue.

Dans la région de Chaudière-Appalaches, en 2014, il y a deux maisons de soins palliatifs en fonction, soit la Maison Catherine de Longpré et la Maison de soins palliatifs du Littoral (MSPL). Ces deux organismes offrent un total de 15 places pour les habitants de la région ayant reçu un pronostic de moins de deux mois de vie. Pour réaliser mon projet de recherche, j’ai choisi la MSPL puisqu’elle est située à Lévis, là où je demeure, et qui est dans une communauté pour laquelle je ressens un vif sentiment d’appartenance. De plus, mon choix a également été guidé par le fait que la MSPL n’offrait pas d’activité de nature artistique à ses résidents et que la direction était prête à ouvrir la porte à de telles expériences.

1.3 PROBLÉMATIQUE

1.3.1 La pratique des arts en soins palliatifs

Tel que mentionné précédemment, au Québec, le nombre de malades qui ont accès aux services d’une maison de soins palliatifs est relativement restreint. Par conséquent, peu de personnes en phase terminale auront droit aux services offerts par ces établissements. Parmi les services offerts, certaines maisons de soins palliatifs possèdent un centre de jour offrant des ateliers d’expression artistique, comme c’est le cas pour la Maison

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Michel-Sarrazin (Maison Michel-Sarrazin, 2015), dans la ville de Québec et qui dessert principalement la région de la Capitale-Nationale. Cependant, l’offre pour ce type de service spécifique demeure bien en dessous des besoins. Dans la région de Chaudière-Appalaches, la Maison Catherine de Longpré et la MSPL n’offrent pas d’atelier artistique à ses résidents, du moins pas avant mon intervention dans cette dernière. Par conséquent, dans la région de Chaudière-Appalaches, comme dans la majorité des régions du Québec, les personnes ayant reçu un pronostic réservé, et résidant dans une maison de soins palliatifs, n’ont pas la possibilité de bénéficier d’activités favorisant l’expression artistique adaptées à leur situation.

Il a été évoqué précédemment que la pratique des arts avait des retombées positives pour les malades y prenant part, par conséquent on peut penser que cette pratique serait bénéfique pour les personnes en soins palliatifs. Des activités artistiques adaptées à leur réalité leur offriraient la possibilité de s’exprimer et possiblement d’avoir un rôle actif sur leur situation. Comme l’ont démontré Lorenzato et Dumont (2013a), lorsque le patient participe activement à une activité, il prend plaisir à être actif dans l’approche de ses traitements.

Comme il a été mentionné, le projet de recherche a donc eu lieu à la MSPL, avec des résidents de l’établissement. Le processus d’accompagnement par l’art s’est effectué à partir d’activités artistiques individuelles sollicitant les intérêts des participants. Dans le processus que j’ai mis en place, une atmosphère ludique était privilégiée afin que les participants puissent plus facilement s’engager dans l’expérience artistique.

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1.4 QUESTION ET OBJECTIFS DE RECHERCHE

Mon désir de partager une expérience artistique avec des personnes en soins palliatifs m’amène à expérimenter un processus d’accompagnement par l’art et par conséquent de développer un rôle d’accompagnante. À cet égard, la recherche est donc orientée par la question suivante :

Comment accompagner par l’art des personnes en soins palliatifs?

En lien avec la question de recherche, l’objectif principal de la recherche est d’élaborer un processus d’accompagnement par l’art pour des personnes en fin de vie. Cet objectif se décline en quatre objectifs spécifiques :

-Le premier objectif spécifique est de concevoir un processus d’accompagnement par l’art en soins palliatifs assorti d’activités artistiques. Ces activités artistiques sont au centre du projet de recherche, de l’accompagnement et de la relation développée entre la chercheure et les participants.

-Le second objectif consiste à valider ce processus d’accompagnement par l’art par la description et l’analyse de l’expérience vécue auprès des personnes en soins palliatifs ayant participé à des activités artistiques.

-Le troisième objectif spécifique est, en tant qu’artiste, de développer une posture d’accompagnante par l’art auprès de personnes en soins palliatifs.

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-Finalement, en rapport avec l’expérience d’accompagnement, le quatrième objectif spécifique est de mettre en évidence certaines des particularités propres à ce type d’accompagnement dans le milieu des soins palliatifs.

1.5 CONCLUSION DU CHAPITRE

De nombreux auteurs, tels que Marcia Lorenzato, Serge Dumont, Johanne Hamel et Jocelyne Labrèche, ont démontré et expliqué les effets positifs d’une pratique des arts en soins palliatifs. Pourtant très peu de maisons de soins palliatifs proposent à ses résidents des activités artistiques ou un service de ce type. Tel que mentionné, dans Chaudière-Appalaches aucune des deux maisons de soins palliatifs n’offrait un tel service. Avec mon bagage personnel, mes connaissances artistiques et pédagogiques, j’ai décidé d’élaborer, de proposer et de valider un processus d’accompagnement par l’art auprès de personnes en soins palliatifs en insistant sur la définition de ce que doit être la posture d’accompagnante par l’art.

Enfin, tel que mentionné, c’est à la MSPL, de Lévis, que j’ai réalisé la recherche sur le terrain et que, par conséquent, j’ai pu accompagner par l’art des personnes en soins palliatifs. Maintenant que les différents paramètres de la recherche sont établis, le chapitre suivant définit et contextualise les notions qui constituent l’assise conceptuelle de la recherche.

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CHAPITRE II

ÉLÉMENTS CONCEPTUELS DE LA RECHERCHE

Dans ce chapitre, les différents concepts qui servent de fondements à la recherche sont définis et mis en perspective, afin de mieux comprendre la perspective artistique dans laquelle s’inscrit le projet de recherche. Je présenterai d’abord, l’art communautaire en faisant ressortir les éléments en rapport avec ma recherche. Par la suite, les différentes notions sur lesquelles repose l’accompagnement par l’art en soins palliatifs sont présentées suivies ensuite d’un bref historique de la question des soins palliatifs et du contexte des maisons de soins palliatifs au Québec. Finalement, puisqu’il est important de connaître l’état psychologique des patients en soins palliatifs, je ferai état des sept étapes du deuil par lesquels passent ces personnes, et cela dans le but de faire un accompagnement qui soit adapté et sensible aux conditions particulières que vivent les personnes en soins palliatifs.

2.1 L’ARTISTE ET L’AUTRE

Comme je le mentionnais au début du mémoire, au cours des dernières années, après avoir produit plusieurs œuvres à partir de mon expérience personnelle du deuil, je souhaitais élargir ma pratique et travailler avec autrui. C’est ce qui m’a poussé à réaliser des activités artistiques avec des personnes en soins palliatifs et à regarder du côté de l’art communautaire. Devora Neumark, une artiste qui s’intéresse à l’art communautaire,

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définit type de pratique artistique comme étant « une gamme hétérogène de pratiques relevant des arts visuels et de la scène qui impliquent une collaboration entre un ou plusieurs artistes et des membres d’une communauté qui s’identifie comme telle. » (2005, p.34) Mon projet d’accompagnement par l’art en soins palliatifs ne s’inscrit pas comme tel dans une démarche d’art communautaire, cependant il en partage certains aspects, puisqu’il s’agit d’amener des personnes en fin de vie à la pratique d’activités artistiques. De plus, tout comme pour un projet d’art communautaire, l’important repose sur le processus, sur la démarche de réalisation et non pas juste sur le produit ou le résultat attendu.

Dans le même ordre d’idées, le projet d’accompagnement par l’art, impliquant des collaborations, engendre des échanges entre les personnes. Par le fait même, avec le temps, des relations s’établissent et des liens de confiance se créent entre les différents acteurs. Ces relations, jumelées au travail effectué, occasionnent des changements, des transformations autant chez les participants que chez l’artiste instigateur du projet. Mais pour ce faire, il importe que l’artiste et les participants s’engagent à fond dans le travail artistique proposé, car c’est seulement ainsi que des changements pourront s’effectuer. D’ailleurs, Devora Neumark (2005), souligne la nécessité d’un engagement profond pour la réussite du projet. Dans le cadre de ma recherche, les participants réaliseront leurs travaux artistiques avec l’aide de l’artiste et leur engagement, signe d’implication et de souci, sera primordial. Pour ma part, mon engagement se manifestera à travers mon implication dans mon rôle d’accompagnante par l’art.

Essentiellement, mon projet d’accompagnement par l’art en soins palliatifs s’inscrit dans une démarche singulière, mais se rapproche de l’art communautaire dans la mesure où il

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s’adresse à un groupe particulier : les personnes en soins palliatifs. L’engagement est une notion centrale pour décrire l’investissement demandé aux participants et à l’artiste dans le projet. Selon Lamoureux (2009, p.123), l’engagement agit comme « une stratégie efficace pour encourager les personnes à se rapprocher de l’art et à développer leurs habiletés créatrices. Deuxièmement, il joue sur l’estime de soi, sur la réalisation personnelle et sur le développement d’un sentiment d’appartenance. » Comme pour l’art communautaire, l’objectif du projet de recherche n’est pas de produire une œuvre d’art à exposer, mais plutôt de vivre une expérience autour de l’art avec des personnes en soins palliatifs. En définitive, ce qui compte c’est le partage et les échanges issus de ce processus d’accompagnement par l’art.

2.2 L’ACCOMPAGNEMENT PAR L’ART EN SOINS PALLIATIFS

Comme je l’ai mentionné plus haut, la réalisation d’activités artistiques avec des personnes dans le contexte des soins palliatifs et la relation privilégiée établie avec chaque participant s’inscrit dans une démarche d’accompagnement par l’art. Pour mieux comprendre cette approche, il est important de commencer par définir quelque peu la notion d’accompagnement. Par la suite, on regardera de plus près son utilisation dans le milieu des soins palliatifs et dans le milieu de l’art, étant donné que ces deux contextes sont ceux du projet de recherche.

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18 2.2.1 L’accompagnement

Maela Paul, dans son livre, L’accompagnement : une posture professionnelle spécifique (2004) explique que le concept d’accompagnement recouvre trois notions importantes. Selon cette auteure, accompagner suppose en premier lieu de se joindre à une personne, en second lieu, d’aller dans la même direction qu’elle, et troisièmement de le faire en même temps qu’elle (Paul, 2004).

Le premier élément de cette définition, se joindre à une personne, se rattache au concept de collaboration (ou d’association) entre deux individus : l’accompagné (la personne accompagnée) et l’accompagnant (ou l’accompagnateur), la personne qui accompagne. Ce qui s’oppose à l’idée de diriger, de dominer ou d’obéir. Se joindre veut donc dire « être avec » la personne « pour aller où il va » (Paul, 2004).

En ce qui concerne le second élément, aller dans la même direction, celui-ci contient l’idée d’un mouvement ou d’une évolution, bref, d’un chemin à parcourir (Paul, 2004). Ce parcours peut être un cheminement personnel ou un travail à effectuer, comme c’est le cas pour un enseignant qui accompagne ses élèves dans la réalisation de leurs travaux individuels. La direction prise appartient à l’accompagné, alors qu’à « l’accompagnant revient de fournir en quelque sorte "la carte et la boussole", les repères et les outils afin qu’autrui soit en mesure d’exprimer la direction qu’il se choisit » (Paul, 2004, p. 61).

Quant au troisième élément de la définition, en même temps que lui, cela suppose qu’il y a une dimension temporelle au chemin parcouru. Il s’agit à ce moment pour l’accompagné et l’accompagnant de cheminer en synchronicité (Paul, 2004). Par conséquent, l’accompagnant ne devance, ni ne suit la personne qu’il accompagne, il reste

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à ses côtés. L’accompagnant accepte d’être au second plan et de laisser à l’autre toute la place qui lui revient (Paul, 2004).

2.2.2 L’accompagnement en soins palliatifs

Dans le milieu des soins palliatifs, le concept d’accompagnement est bien connu, en témoigne la quantité de documentation disponible sur le sujet dont en particulier les travaux de Mona Trudel et Suzanne Mongeau (2008). Les personnes en phase terminale sont vulnérables et leur situation exige la collaboration de plusieurs intervenants pour répondre à l’ensemble de leurs besoins (Beaulieu, 2005), tel que des bénévoles aux soins, des infirmières, des médecins, etc. D’ailleurs, comme le mentionne Jacques Chalifour (2005), le travail en équipe interdisciplinaire est l’une des caractéristiques propres à l’accompagnement en soins palliatifs. Les autres aspects qui caractérisent l’accompagnement dans ce contexte particulier sont, selon Chalifour (2005), l’état de crise, la courte durée de la relation, l’intensité des liens créés, la présence des proches et la variété des lieux de pratique. Ces aspects doivent être pris en compte afin de procurer le meilleur accompagnement possible selon les circonstances.

Dans l’accompagnement en général, l’écoute et la présence sont des qualités requises pour être un bon accompagnant. En soins palliatifs, c’est d’autant plus nécessaire puisque le temps d’intervention disponible est souvent de courte durée. Ces qualités sont primordiales lorsque l’accompagnant s’engage dans une démarche auprès d’une personne malade. Pour les intervenants en soins palliatifs interrogés par Chalifour « la qualité de leurs interventions est intimement liée à la qualité de leur engagement et à leur présence

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auprès du patient » (2005, p.17). Outre la présence et l’écoute, la compassion, la disponibilité et le respect des silences sont des qualités essentielles pour accompagner les personnes en fin de vie (Giroux, 2012). Ainsi, l’objectif premier de l’accompagnement en soins palliatifs est le bien-être, le plaisir et les besoins de la personne accompagnée (Beaulieu, 2005; Chalifour, 2005; Trudel et Mongeau, 2008). En fait, même si la personne en phase terminale est vulnérable et souvent affaiblie, elle demeure une personne à part entière, capable de faire des choix (Chalifour, 2005; Giroux, 2012; Trudel et Mongeau, 2008). Considérer la personne dans son intégrité, avec sa personnalité et ses besoins, c’est reconnaitre qu’elle est toujours vivante et qu’elle joue un rôle dans sa vie, malgré la maladie (Chalifour, 2005; Giroux, 2012; Trudel et Mongeau, 2008).

En revanche, si accompagner signifie être en relation, être disponible et compatissant, il est possible que l’accompagnant développe, consciemment ou non, de l’attachement pour l’accompagné (Beaulieu, 2005). Suite au décès de la personne accompagnée, ce sentiment conduit éventuellement chez l’accompagnant à de la peine et à de la souffrance. Il s’agit donc pour les accompagnants de trouver le bon équilibre entre offrir les meilleurs services possibles et maintenir une distance émotive afin de s’épargner ultérieurement des souffrances profondes et répétées (Beaulieu, 2005; Chalifour, 2005).

2.2.3 L’accompagnement par l’art

En ce qui concerne les activités artistiques proposées dans la démarche d’accompagnement par l’art, celles-ci découlent en partie de l’approche pédagogique

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d’apprentissage par projet.1 Selon Proulx, l’approche par projet « prend forme et sens dans une activité concrète, tangible et qui donne lieu à une production. » (2008, p. 30-31). Plus précisément, cette approche met l’apprenant dans une situation où il doit organiser et réaliser un produit fini, que ce soit seul ou en équipe, accompagné d’un enseignant (Proulx, 2008). L’apprentissage par projet a l’avantage de placer l’apprenant en action et de favoriser ainsi sa motivation (Proulx, 2008). Cependant, mon projet de recherche n’a pas pour objectif premier l’apprentissage de nouveaux savoirs par l’accompagné comme ce serait le cas dans un cadre pédagogique. Quoi qu’il en soit, je crois que l’approche par projet et ses avantages s’appliquent tout de même aux activités artistiques proposées aux personnes en soins palliatifs.

En somme, le rôle de l’accompagnant est de guider et soutenir l’accompagné au travers des activités proposées. Lorsqu’il est question d’une réalisation de nature artistique, l’activité artistique se situe alors au centre de l’interaction. Autrement dit, le projet en élaboration opère comme objet de médiation entre l’accompagné et l’accompagnant. Adapté des travaux de Francine Chaîné (2010) le tableau (voir tableau 1) sur la dynamique de recherche création permet d’illustrer la dynamique de l’accompagnement par l’art.

1 Selon mon expérience personnelle et mes études en pédagogie, c’est une approche qui s’applique très

bien à la réalisation d’activité artistique, de par la mise en place d’une activité observable et la réalisation d’un produit fini.

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Tableau 1 : Adaptation de la dynamique de la recherche création selon Francine Chaîné (2010, p. 63)

Le processus de recherche création décrit par Chainé demeure, bien sûr, différent de celui de l’accompagnement par l’art réalisé dans le cadre de ma recherche, dans le contexte des soins palliatifs. Néanmoins, il est possible de faire des rapprochements entre ces deux accompagnements. D’abord, ces deux types d’accompagnement sont de nature individuelle, ce qui signifie qu’ils opèrent entre deux personnes, l’accompagné et l’accompagnant. De plus, l’objectif d’une réalisation artistique agit comme un objet de médiation entre ces deux individus.

En fait, même si des liens sont possibles avec le domaine de la pédagogie artistique, le modèle d’accompagnement par l’art d’enfants gravement malades décrit par Trudel et Mongeau (2008) correspond sans doute davantage au processus d’accompagnement de ma recherche, compte tenu du contexte similaire dans lequel il s’insère. Ce modèle, en plus d’être basé sur une relation privilégiée accompagné-accompagnant, est plus flexible et plus adapté aux réalités vécues par les accompagnés qui sont ici des personnes en fin

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de vie. De telle sorte que les activités artistiques proposées aux accompagnés sont modulées selon leurs intérêts, leurs désirs, leurs besoins et leurs capacités (Trudel et Mongeau, 2008).

Même sans formation en art, chaque personne a des intérêts, des désirs et des expériences qui lui sont propres et c’est le rôle de l’accompagnant d’en tenir compte (Chaîné, 2010; Trudel et Mongeau, 2008). C’est-à-dire que même si les accompagnés sont néophytes en art, leurs opinions ne valent pas moins que celles de l’artiste intervenant. L’artiste, qui accompagne une personne dans la réalisation d’un projet artistique, se sert de son expérience et ses compétences pour guider et aider la personne accompagnée (Trudel et Mongeau, 2008; Neumark, 2005). Lamoureux explique qu’au-delà du rôle de créateur, un artiste qui entraîne et suit des personnes dans un processus de création incarne également « les rôles d’éducateur, d’animateur, de coordonnateur, et même, à l’occasion, de travailleur social. » (2009, p.122) Malgré tous les chapeaux que peut porter l’artiste, la relation doit demeurer égalitaire, car dans le processus d’accompagnement c’est essentiellement une relation de partage et une collaboration entre deux personnes qui se développe (Lamoureux, 2009; Trudel et Mongeau, 2008).

Finalement, on peut affirmer que l’accompagnement artistique place l’art au centre de l’intervention. En outre, dans le contexte des milieux de soins, la maladie et les difficultés vécues par les personnes souffrantes sont bien sûr tenues en compte, mais l’attention n’est jamais portée sur elles (Trudel et Mongeau, 2008). L’accompagnement par l’art et les activités artistiques qui en découlent veulent donc procurer du plaisir et faire oublier l’espace d’un instant la maladie aux personnes en soins palliatifs qui s’y engagent (Lorenzato, 2008a).

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2.3 LA PROBLÉMATIQUE DES SOINS PALLIATIFS

2.3.1 Définition et fonction

Depuis son apparition, la médecine travaille à guérir et prolonger la vie des malades. Beaulieu explique que dans le domaine de la santé « les aspects curatifs et préventifs ont été privilégiés » (2005, p.15). Selon un schéma classique, la mort était donc perçue comme un échec pour un médecin qui n’arrivait pas à guérir son patient. Vers la fin des années 1970, les mentalités ont évolué et des professionnels de la santé se sont mis à pratiquer des soins de confort pour les personnes atteintes d’une maladie terminale, acceptant par le fait même que c’est parfois la seule chose à faire si un patient est atteint d’une maladie incurable (Beaulieu, 2005). C’est ainsi que la médecine palliative est apparue, offrant des soins non curatifs, dits soins de confort, pour les personnes souffrantes d’une maladie qui allait conduire à la mort imminente. En ce sens, les soins non curatifs sont des soins qui ne cherchent pas à guérir le patient, mais à soulager la souffrance (ASPQ, 2014; Beaulieu, 2005; Giroux, 2012).

Plus qu’une simple forme de médecine, les soins palliatifs sont une philosophie, dont l’objectif est d’offrir une plus grande qualité de vie au malade sans vouloir en prolonger la durée. En soins palliatifs, l’approche de la personne est globale, elle vise à répondre à ses besoins physiques autant que psychologiques et spirituels (ASPQ, 2014; Beaulieu, 2005; Giroux, 2012). Cette approche nécessite l’implication d’une équipe multidisciplinaire composée de médecin, d’infirmière, de psychologue, de massothérapeute et même d’un guide spirituel au besoin. Ces professionnels

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accompagnent le mourant que ce soit à l’hôpital, chez lui ou encore dans une maison de soins palliatifs (Beaulieu, 2005; Giroux, 2012).

2.3.2 Les maisons de soins palliatifs

Au Québec, à ce jour, il y a 31 maisons de soins palliatifs qui reçoivent, traitent et accompagnent de nombreux patients chaque jour (ASPQ, 2014). Sur le plan administratif, les maisons en soins palliatifs sont des organismes à but non lucratif, qui offrent leur service gratuitement aux personnes ayant eu un pronostic réservé, autrement dit qui sont atteintes d’une maladie terminale (Giroux, 2012).

Les MSPL offrent à leurs patients des chambres privées qui peuvent être aménagées dans la mesure du possible selon les désirs et les besoins des résidents (Giroux, 2012). Les résidents ont accès à plusieurs commodités comme une salle de bain privée, la télévision, le téléphone, internet, etc. (Giroux, 2012). De plus, ceux-ci peuvent recevoir leur famille en tout temps, car aucune restriction quant aux heures de visite n’est imposée aux proches. Les maisons de soins palliatifs comptent chacune sur une équipe multidisciplinaire, formée de professionnels de la santé, mais également d’un grand nombre de bénévoles (Beaulieu, 2005; Giroux, 2012).

2.3.3 La Maison de soins palliatifs du Littoral

La Maison de soins palliatifs du Littoral, l’endroit où a eu lieu la recherche, est une institution qui a ouvert ses portes à Lévis en 2011. Depuis, elle accueille des citoyens du

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CSSS Alphonse-Desjardins qui y font une demande de soins et qui répondent aux critères d’admissibilité. Pour être admis à la MSPL les personnes qui en font la demande doivent être atteintes d’une maladie grave incurable et avoir reçues un pronostic médical de moins de deux mois de vie, être âgés de plus de 18 ans et résidés sur le territoire du Centre de santé et services sociaux Alphonse Desjardins (Maison de soins palliatifs du Littoral, 2014). La durée de séjour des résidents varie parfois de leur pronostic initial et l’équipe fait tout en leur pouvoir pour assurer aux patients la meilleure qualité de vie possible jusqu’à leur mort.

2.4 LE PROCESSUS DE DÉTACHEMENT

Au fur et à mesure que l’on vit, nous nous attachons à des personnes, à des biens et même à certaines activités. Selon Jean-Luc Hétu, ces liens que nous tissons « jouent un rôle cognitif aussi bien qu’affectif : chacun à leur façon, ils nous disent qui nous sommes et où nous en sommes dans l’aventure de l’existence. » (1997, p.157). Lorsque nous perdons une personne qui nous est chère, un processus de détachement doit s’effectuer, lequel s’accompagne de divers sentiments tels que de la peine et de l’anxiété. C’est ce processus et les émotions qui l’accompagnent que l’on nomme le deuil (Hétu, 1997).

Le deuil a d’abord été décrit pour les personnes subissant la perte d’un être cher. Elisabeth Kübler-Ross, médecin-psychiatre, est la première à avoir fait un parallèle entre le deuil et le processus psychologique vécu par les personnes en fin de vie, lesquelles vivent un véritable processus de détachement graduel. Après plusieurs années d’expérience auprès de malades en phase terminale, Kübler-Ross considère que le

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processus de détachement comporte en cinq étapes principales : le déni, la révolte, le marchandage, la dépression et l’acceptation (Beaulieu, 2005; Hétu, 1997; Kübler-Ross, 1975). Quelques années plus tard, Kübler-Ross ajoutait deux autres étapes, soit celle du choc comme première étape du mourir et la décontraction comme ultime étape, portant ainsi le processus du mourir à sept étapes distinctes. Chacune de ses étapes (voir tableau 2) ne sont pas nécessairement vécues dans le même ordre, elles peuvent avoir des durées variables et peuvent coexistées selon le vécu et la personnalité de la personne en processus de détachement (Kübler-Ross, 1975).

Le modèle de Kübler-Ross (voir tableau 2) montre l’évolution du processus de détachement d’une étape à l’autre, de l’annonce de la maladie jusqu’à la mort. L’espoir, qui figure au-dessus des étapes, ne constitue pas une étape comme telle, mais il reste une

Tableau 2 : Les étapes du mourir (processus de détachement) selon Elisabeth Kübler-Ross (Elisabeth Kübler-Ross Foundation, 2014)

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valeur présente tout au long du processus de détachement (Hétu, 1997; Kübler-Ross, 1975). Hétu explique que « l’espoir a plutôt pour fonction non pas de permettre au mourant de fuir la réalité, mais au contraire de la supporter telle qu’elle est, d’assumer sa souffrance jour après jour, et de se rendre ainsi au bout de son cheminement. » (1997, p. 131). Enfin, même si la personne peut vivre plusieurs étapes en même temps, il y en aura généralement une qui dominera les autres (Hétu, 1997). Par exemple, le malade peut montrer des signes de déni et de dépression tout en étant à l’étape de la colère.

Dès qu’une personne apprend qu’elle a une maladie incurable, elle subit un choc. L’annonce, cela est valable pour une multitude de bouleversements dans la vie, surprend l’individu qui voit son monde s’écrouler autour de lui (Hétu, 1997; Kübler-Ross, 1975). Cette première étape est de courte durée. Le malade, incapable de concevoir sa propre fin, tentera de nier cette nouvelle réalité (Hétu, 1997).

Le déni, comme seconde étape, est un mécanisme de défense utilisé par le malade qui consiste à nier la vérité sur son état (Beaulieu, 2005). Comme le mentionne Hétu, cette négation est « une réaction saine qui agit comme filtre permettant un ajustement progressif à la réalité » (1997, p.123). Cet ajustement progressif laisse peu à peu la place à une « acceptation partielle » tandis que la colère submerge le malade (Kübler-Ross, 1975). Le déni peut également apparaître de manière spontanée au cours du processus de détachement sans que ce soit l’étape dominante vécue par la personne.

La troisième étape du processus de détachement peut porter plusieurs noms : l’irritation (Kübler-Ross, 1975), la colère (Hétu, 1997) ou encore la révolte (Beaulieu, 2005). Tous ces intitulés caractérisent bien cette étape qui se manifeste par « des sentiments

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d’irritation, de rage, d’envie, de ressentiment. » (Kübler-Ross, 1975, p. 59). Le malade va expulser sa colère sur tout ce qui l’entoure : sa famille, les soignants, etc. (Beaulieu, 2005; Kübler-Ross, 1975). En réaction à ces débordements, il suffit souvent de se montrer respectueux et compréhensif de l’état émotionnel et physique de la personne afin que celle-ci change sa façon d’être et que se colère s’atténue (Kübler-Ross, 1975).

Se résignant progressivement à son état, le mourant tente alors de négocier (Beaulieu, 2005; Hétu, 1997; Kübler-Ross, 1975) et amorce la quatrième étape du processus de détachement. L’interlocuteur de la négociation peut prendre différents visages, cela peut être Dieu ou toute autre force supérieure selon les croyances personnelles du locuteur (Hétu, 1997; Kübler-Ross, 1975). C’est une étape plus intérieure (Beaulieu, 2005) où le patient espère passer un accord avec son interlocuteur symbolique contre un bon comportement ou contre une promesse, comme celle d’aller plus souvent à l’église. Selon Kübler-Ross : « Presque toujours, son vœu [au malade] est la prolongation de la vie suivie du vœu de jouir de quelques jours sans douleur ni maux physiques. » (1975, p.92). L’étape du marchandage sert également de stade de récrimination, les promesses étant parfois reliées à un sentiment de culpabilité, comme de n’avoir pas été assidu dans ses visites à l’église. Il est alors important en tant qu’accompagnant de ne pas négliger les remarques du patient et de tenter de soulager ses angoisses (Kübler-Ross, 1975) et de passer ainsi à la prochaine étape.

La cinquième étape, la dépression, se développe alors que l’état du malade est plus avancé et qu’il est plus affaibli (Kübler-Ross, 1975). La personne souffrante réalise que le déni, la colère et le marchandage n’ont mené à rien (Hétu, 1997). Elle préfère la solitude, commence à refuser certains visiteurs (Beaulieu, 2005). Beaulieu (2005) décrit

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cette étape comme « le temps des larmes ». La seule chose qu’il reste à faire est d’écouter le mourant lorsqu’il veut partager ses émotions.

Vient ensuite la sixième étape, soit celle de l’acceptation (Kübler-Ross, 1975). Comme lors de la précédente étape, la personne mourante dort beaucoup et préfère rester seule (Beaulieu, 2005; Hétu, 1997), mais à la différence de l’étape de la dépression, elle n’est pas triste. La personne fait le bilan de sa vie et elle n’est plus attristée ni irritée par sa fin proche. L’acceptation est plus forte après la traversée des précédentes étapes, ce qui n’empêche pas une personne d’avoir une acceptation partielle de son état au cours de son processus de détachement.

La décontraction, nommée aussi la décathexis, est la dernière étape du modèle de Kübler-Ross. Elle se produit lors des derniers instants de vie, alors que le temps de la mort est arrivé. La personne ne combat plus, elle laisse aller et peut mourir en paix.

Tel qu’expliqué précédemment, les différentes étapes du processus de détachement ont des intensités et des durées variables et peuvent coexister. Il est également possible qu’une personne en fin de vie ne passe pas par toutes les étapes. Néanmoins, le processus de détachement tel qu’établi par Kübler-Ross peut servir de guide à l’accompagnant auprès des malades en fin de vie. Comme nous le mentionne Giroux « Il est […] important de bien connaître le processus qui mène à la mort, de savoir ce que sont les états psychologiques du patient au fil des étapes le dirigeant vers sa fin de vie » (2012, p.52). Puisque connaître et comprendre les étapes du deuil, suppose être mieux outillé pour accompagner une personne qui les traverse. Dans le cadre de ma recherche, la

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connaissance du processus de détachement me permet également d’interpréter certains comportements des personnes en fin de vie afin de pouvoir y réagir de manière adéquate.

2.5 CONCLUSION DU CHAPITRE

Comme on a pu le constater dans ce qui précède, le projet de recherche s’inscrit dans une démarche particulière, soit celle d’un artiste qui accompagne des personnes en soins palliatifs dans la réalisation d’activités de nature artistique. Ces activités artistiques sont au cœur du processus de l’accompagnement et c’est la personne accompagnée qui fait le choix de la direction à prendre. L’approche d’accompagnement repose également sur une relation individuelle flexible et adaptée aux réalités de la personne accompagnée. Les personnes souffrant d’une maladie non curative entament un processus de détachement en 7 étapes comme nous l’avons expliqué précédemment. En tant qu’accompagnante en soins palliatifs, il importe de bien connaître ces étapes par lesquels cheminent les accompagnés afin de mieux comprendre l’état psychologique dans lequel ils se trouvent et ainsi agir avec plus de justesse.

Somme toute, les notions présentées dans ce chapitre s’avèrent nécessaires pour comprendre le contexte dans lequel s’effectue la recherche. Je présenterai dans le prochain chapitre la méthodologie qui encadre le travail d’accompagnement par l’art auprès de personne en soins palliatifs.

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CHAPITRE III

ÉLABORATION DE LA RECHERCHE ET DU PROJET

D’ACCOMPAGNEMENT PAR L’ART

Ce chapitre expose les différents choix sur le plan de la méthodologie et des stratégies retenues pour la recherche sur l’accompagnement par l’art en soins palliatifs et pour le traitement des résultats. D’abord, la recherche qualitative et l’approche ethnographique sont définies et situées dans le contexte spécifique de la recherche. Comme le processus d’accompagnement est basé sur des activités artistiques, celles-ci seront par la suite développées et présentées individuellement. Dans le même ordre d’idées, les outils de collecte de données employés pour le retour sur l’expérience d’accompagnement seront décrits et justifiés et les participants aux processus d’accompagnement par l’art seront présentés. Seront ensuite développés les aspects éthiques de la recherche ainsi que la procédure pour le retour sur l’expérience d’accompagnement. Le tout est complété par des précisions sur la validité de la recherche, son importance ainsi que ses limites.

3.1.1 La recherche qualitative

Cette recherche s’inscrit d’abord dans une démarche d’ordre qualitative, car elle porte sur l’expérience d’accompagnement par l’art tel que vécue par les participants et la chercheure-artiste. Pour ce faire, la recherche de nature qualitative s’effectue dans le milieu de vie des personnes (Karsenti et Savoie-Zajc, 2011) là où les phénomènes étudiés

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se produisent, soit une maison de soins palliatifs. Plongés dans le milieu de l’étude et en interaction avec ses sujets, les participants et la chercheure influencent la recherche. C’est-à-dire que la subjectivité des acteurs, des participants et de la chercheure, est prise en compte en reconnaissant que chacun a des valeurs et une personnalité qui influencent ses actions, ses interactions et sa prise de décision. C’est à la chercheure d’employer des stratégies afin de produire un savoir qui soit le plus objectif possible et d’augmenter la validité de sa recherche. Une des techniques employées pour objectiver les résultats et les valider est d’avoir recours à la triangulation des données (méthode que l’on abordera plus loin). Le résultat produit par la recherche demeure néanmoins ce que Karsenti et Savoie-Zajc qualifient de savoirs contextuels « car les milieux de vie des participants colorent, orientent les résultats » (2011, p. 128) et ils ne peuvent être en totalité reproduits puisqu’ils évoluent et changent selon les individus y prenant part.

La recherche d’accompagnement par l’art s’inscrit donc dans une démarche qualitative. D’autant plus qu’elle répond aux cinq critères établis par Mucchielli pour définir une recherche de type qualitative. Ces critères sont les suivantes :

« 1) la recherche est conçue en grande partie dans une optique compréhensive, 2) elle aborde son objet d’étude de manière ouverte et assez large, 3) elle inclut une cueillette de données effectuée au moyen de méthodes qualitatives […], 4) elle donne lieu à une analyse qualitative des données […], et 5) elle débouche sur un récit ou une théorie (et non une démonstration). » (Mucchielli, 1996, p. 196)

Ma recherche correspond aux critères de Mucchielli, puisqu’elle aborde le sujet de recherche dans une perspective d’élaboration, d’application et de compréhension d’un processus, soit celui de l’accompagnement par l’art dans le domaine des soins palliatifs. De plus, la chercheure emploie des outils de collectes de donnée propres au type de

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recherche qualitative, tels que l’entrevue semi-dirigée, l’observation participante et le résultat de matériaux visuels et textuels générés lors du processus d’accompagnement (Karsenti et Savoie-Zajc, 2011). Finalement, les données recueillies seront analysées d’après une approche inductive, laquelle est une méthode d’analyse reliée à la recherche qualitative.

3.1.3 L’approche ethnographique

Mucchielli définit l’ethnographie comme une méthode « de relation directe, vécue par le chercheur, dans une société dans laquelle il va vivre un certain temps » (1996, p. 69). La recherche à caractère ethnographique cherche à décrire et analyser une société et à « comprendre le sens que construisent les acteurs à travers leurs actions et leurs discours » (Pepin, 2011). Dans cette perspective, l’outil principal de l’ethnographe est l’observation (Mucchielli, 1996 et Pepin, 2011). Cet outil s’avère des plus efficaces pour faire la description d’un milieu, de ses intervenants et des activités quotidiennes qui s’y déroulent. D’ailleurs, l’ethnographe ou le chercheur, fait plus qu’observer une société, il s’intègre à celle-ci et en devient un membre (Pepin, 2011).

Ma recherche revêt un caractère ethnographique, puisque la démarche d’accompagnement par l’art s’effectue dans le contexte d’une maison de soins palliatifs, soit dans le milieu de vie des participants. En tant que chercheure, j’observe le milieu, mais prends également part à ses activités et à celles de ses différents intervenants. Une fois l’expérience terminée, ce contexte particulier fera l’objet d’une description détaillée, grâce à l’observation participante qui aura été faite.

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