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LE RÉCIT DE L’ACCOMPAGNEMENT AVEC MICHEL

Michel est le premier résident de la MSPL que j’ai rencontré. Il a immédiatement accepté de participer à la recherche et a accepté la diffusion des photos de sa personne et de ses projets. Âgé de 62 ans, Michel était photographe médical de métier. La photographie était sa passion et il appréciait les arts visuels. Tout au long du séjour sur le terrain, Michel a gardé une condition physique remarquable pour une personne en soins palliatifs. Il était capable de se lever et de marcher seul, il n’éprouvait pas de grande fatigue et il maintenait une bonne dextérité compte tenu des circonstances. Si bien que nous avons réalisé un total de 11 activités artistiques différentes dans le cadre du séjour de recherche.

Rencontre 1, lundi 11 août, prise de contact (durée 90 minutes)

À ma première journée à la MSPL, j’étais très nerveuse de présenter mon projet de recherche à de potentiels participants. Quand j’ai rencontré Michel, l’échange a été facile malgré quelques difficultés d’élocution de sa part. On s’accorda immédiatement à cause de notre passion commune pour la photographie et le monde de l’image. Plus tard, lors de l’entrevue, il me confirma qu’il avait accepté de participer à la recherche par curiosité, mais surtout parce que c’était naturel pour lui de continuer à faire de l’art. Dès cette première rencontre, Michel me donna plusieurs conseils et trucs sur la photo ou la vie en général, et il continua le partage de son savoir tout au long de la recherche.

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Rencontre 2, mardi 12 août, activité Le film de ma vie (durée 65 minutes)

Le lendemain avant-midi, je lui propose comme première activité Le film de ma vie, une activité de collage (voir Annexe A, activité 1, p. 107). L’ancien photographe prend son temps pour sélectionner les images qui feront partie de son collage. Parfois, il se met à discuter d’autres choses, fait plusieurs blagues. Je réponds volontiers aussi aux nombreuses questions qu’il me pose. Une fois le choix des images fait, il choisit de les découper, mais prend plusieurs minutes pour n’en découper qu’une seule, je lui propose de l’aide et commence à découper en suivant ses directives très précises. L’activité devait durer 20 minutes, mais cela fait plus de 40 minutes, et l’heure du diner approchant, j’offre de revenir après le repas pour terminer le collage. Michel est d’accord, mais en revanche, il me demande si je veux rester diner avec lui. Je décline l’offre, mais lui confirme que je reviendrai en après-midi. Je sors de la chambre en ayant déjà une meilleure connaissance de l’état physique de Michel, qui semble avoir gardé une bonne dextérité et qui fait preuve de bonnes aptitudes artistiques selon mon point de vue, telle qu’une bonne capacité à choisir et mettre en forme les éléments les plus signifiants pour concrétiser ses intentions et à porter un jugement critique et esthétique sur ses réalisations.

Comme l’activité a pris plus de temps que prévu et qu’elle n’est pas encore terminée, au retour en après-midi, je resserre les consignes en allouant à Michel cinq minutes pour terminer son collage. Toutefois, cela ne l’empêchera pas de discuter de plein d’autres choses que du collage sur lequel il s’applique par période plus ou moins longue. Il me raconte qu’il a encore plusieurs projets à réaliser. Il me raconte qu’il habite à St- Romuald. Je lui réponds « Ah oui, vous habitiez à St-Romuald ». Ce à quoi il me corrige « J’habite à St-Romuald » en mettant l’accent sur le temps présent du verbe

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(J1P25). J’interprète cette affirmation comme un déni de son état et j’en conclus qu’il est potentiellement dans la première phase de son processus de détachement. Par conséquent, j’accorde une plus grande attention à mes paroles et tente d’agir avec davantage de délicatesse à cet effet. Michel complète enfin son collage après 25 minutes et nous en discutons, quoi que trop peu à mon avis puisque nous n’avons pas discuté de la signification de ses images pour lui. Pour terminer et avec son accord, je colle sa réalisation au mur de sa chambre et c’est ainsi que prend fin cette première activité avec Michel qui aura duré 65 minutes au total.

Figure 3 : Collage de Michel pour l’activité Le film de ma vie, 9 x 11½ po, 12 août 2014

Rencontre 3, mercredi 13 août, activité Changement de direction (durée 20 minutes)

Le mercredi, Michel réalise l’activité d’écriture automatique appelée Changement de direction (voir Annexe A, activité 2, p. 108). Quand je lui énonce les consignes, Michel me demande « Qui va analyser tout ça? » (J1P28). Je lui réponds, en expliquant le lien avec la recherche, mais que cela n’a pas à voir avec une analyse de type psychologique. L’activité débute et il est très concentré pendant la période d’écriture (voir figure 4) qui

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va à un bon rythme. Alors qu’il prend une pause avant que je lui donne l’image sur laquelle il devra écrire, il me dit en parlant de l’activité d’écriture que « c’est plus plaisant » (J1P29). L’écriture comme telle dure une quinzaine de minutes, une fois terminée, Michel préfère que je ne lise pas le texte (voir figure 5) à voix haute. Je commente brièvement son texte que je trouve très narratif, car il écrit comme si c’était raconté. Au moment de se quitter, nous nous faisons la bise, geste qui deviendra une habitude lors de nos rencontres. J’ai senti plus d’abandon de la part de Michel dans cette activité. En plus, l’activité a duré le temps prévu, soit 20 minutes et il a apprécié. Partant de ces éléments, je considère que l’activité a été positive et je planifie faire d’autres activités de ce type avec Michel.

Figure 4 : Michel durant l’activité

Changement de direction, 13 août 2014

Figure 5 : Montage réalisé à la suite de l’activité Changement de direction avec Michel, 8½ x 11 po, 13 août 2014

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Rencontre 4, vendredi 15 août, activité Punctum (durée 30 minutes)

Je revois Michel le vendredi et lui propose alors l’activité Punctum (voir Annexe A, activité 5, p. 111) où il doit choisir une image et écrire ce que celle-ci éveille chez lui. Craignant que Michel prenne plus de deux minutes pour choisir une image, je lui présente un choix de seulement 6 photographies qui sont tirées de la revue Photo Solution. Cela semble fonctionner, car il fait son choix en moins de deux minutes et il est prêt à commencer l’écriture. Puis il me demande si ça peut être personnel? Je lui réponds que « oui, mais ce n’est pas obligé » (J1P52). Il se met à l’œuvre et écrit l’histoire de Rosie (voir figure 6).

Figure 6 : Montage réalisé à la suite de

l’activité Punctum avec Michel, 8½ x 11 po, 15 août 2014

Figure 7 : Michel durant l’activité Punctum, 15 août 2014

Une fois de plus, je ressors satisfaite de notre rencontre qui a duré une trentaine de minutes. La méthode qui consiste à présélectionner une quantité plus limitée d’images

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avant de les présenter au participant a semblé efficace. Vu que je n’ai proposé que 6 photographies à Michel et il en a quand même trouvé une qui l’inspirait, et ce en moins de 2 minutes. De plus, j’ai l’impression que Michel est plus concentré (voir figure 7) et qu’il s’abandonne plus facilement dans l’écriture que lorsqu’il travaille avec des images, du fait qu’il ne cherche pas à produire un résultat qui soit beau sur le plan esthétique. Lors de l’entrevue semi-dirigée, qui a eu lieu quelques jours plus tard, je lui ai demandé si mon impression était juste et il me confirma que j’avais raison.

Rencontre 5, samedi 16 août, activité Narration imagée (durée 26 minutes)

À ma sixième journée à la MSPL, je propose à Michel la réalisation d’une activité intitulée Narration imagée (voir Annexe A, activité 6, p. 112). Le collage de Michel contient 4 images tirées de ma banque d’images (voir figure 8), sur lesquelles je l’invite à m’entretenir. Je me tais malgré de longs moments de silence. Il me dit en désignant l’image de la mère qui tient un bébé contre elle que « la mère et l’enfant c’est un peu comme l’autre du père et de l’enfant [faisant référence au collage de la première activité], mais elle, elle est ronde, enrobante. J’aimerai être ce bébé. » Puis, en désignant respectivement l’image du sage et celles du garçon en haut de l’escalier il ajoute : « il y a la réflexion, la sagesse et la folie. » (J1P71). C’est la première fois que Michel me décrit aussi longuement une image ou son collage. Je comprends alors l’importance des silences, un constat qui me conduira à modifier ma façon d’intervenir lors des activités d’accompagnement. Puisque l’activité a duré 26 minutes, Michel transcrira l’histoire de

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son collage dans les espaces laissés vides sur le carton, trois jours plus tard, le mardi 19 août (voir figure 9).

Figure 8 : Collage de Michel pour l’activité

Narration imagée, 9 x 11½ po, 16 août 2014

Figure 9 : Réalisation de Michel pour l’activité Narration écrite, 9 x 11½ po, 19 août 2014

Rencontre 6, dimanche 17 août, entrevue (durée 23 minutes)

Ce dimanche-là, je propose à Michel de faire l’entrevue selon le schéma prévu à cet effet (voir tableau 4, p. 44). Je m’assois à ses côtés pour débuter l’entrevue. Durant celle-ci, outre ses motivations à participer à la recherche, il me révèle que ce qu’il a préféré jusqu’à ce jour c’est le fait de m’avoir rencontré et les échanges que nous avons eus. Nous discutons également de ce que lui apportent les activités artistiques et du fait de pouvoir partager celles-ci avec le personnel soignant et les visiteurs qui entrent dans sa

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chambre, puisque la majorité de ses réalisations artistiques sont affichées sur les murs de la chambre. En ce qui concerne le processus d’accompagnement par l’art, Michel m’a révélé que les activités artistiques lui procuraient du plaisir et qu’elles sont l’occasion pour lui de réfléchir sur certaines choses concernant sa vie. Pour lui, le travail artistique apporte une nouvelle dimension à son cheminement personnel et potentiellement à son processus de détachement, notamment en s’interrogeant sur les images qu’il choisit.

Rencontre 7, mardi 19 août, activité Narration écrite (durée 29 minutes)

Au cours de la deuxième semaine, ma nervosité du départ fait place à de l’aisance et à un sentiment de contrôle auprès des participants. Quant à Michel, il fait souvent des blagues et parfois se moque même de moi. Autrement dit, la complicité et la confiance se développent entre nous.

Le mardi suivant, lors de notre septième rencontre, je propose à Michel l’activité Narration écrite (voir Annexe A, activité 7, p. 113) qui est une suite à l’activité Narration imagée. Il décide d’écrire directement sur son collage réalisé pour Narration imagée (voir figure 9) et termine après 29 minutes.

Rencontre 8, jeudi 21 août, activité Prise de photographie (durée 26 minutes)

Lors de cette rencontre, je propose à Michel l’activité Prise de photographies (voir Annexe A, activité 8, p. 114), et lui demande de prendre 3 photographies à l’intérieur de sa chambre de choses qu’il aime ou qui l’intéresse, avec un petit appareil photo

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numérique que j’ai apporté. Il se met à l’œuvre et prend ses trois photographies avec sérieux (voir figure 10). Une fois la prise de photo terminée, nous nous assoyons pour regarder les trois photographies à l’aide d’un ordinateur portable. Nous discutons autour des photographies et il me dit notamment pour la dernière photographie que ça représente son état aujourd’hui (voir figure 11). De mon point de vue, sa canne, positionnée en diagonale devant ses collages, représente ses difficultés physiques qui le bloquent dans ses activités. Il semble prendre de plus en plus conscience de son état. La discussion terminée, je me lève pour quitter, tandis qu’il me dit « Ça été court » (J1P142). La rencontre a duré 26 minutes.

Figure 11 : Une des photographies de Michel pour l’activité Prise de

photographie, 21 août 2014

Figure 10 : Michel durant l’activité Prise de

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Rencontre 9, dimanche 24 août, activité Appréciation d’une image (durée 53

minutes)

Ce dimanche-là, Michel choisit, parmi les choix que je lui offre, de faire une activité d’Appréciation d’une image (voir Annexe A, activité 10, p. 116), qui consiste pour le participant à choisir et à commenter une photographie. Je présente à Michel quelques une de mes propres photographies. Nous discutons pendant presque une heure surtout autour d’images de paysage. Il me dit qu’il aimait faire de la photographie de nature (J1P160). À partir de ce moment, je remarque qu’il commence à parler au passé pour certaines choses. C’est sans doute signe qu’il avance dans son processus de détachement et que le déni et la colère le quittent tranquillement. Au terme de la rencontre, je trouve que l’activité n’a pas atteint son plein potentiel puisque Michel est resté en surface dans ses commentaires, discutant de la composition sans jamais aborder le ressenti. Je constate pour ma part, un léger manque d’organisation qui a pu jouer sur la qualité de l’activité, étant donné que j’attendais qu’il parle au lieu de lui poser des questions pour qu’il puisse approfondir sa réflexion. Quoi qu’il en soit, je termine en lui demandant quelle photographie il a préférée et il me répond la dernière que voici (voir figure 12).

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Figure 12 : Alexandra Bellegarde, 2014. Photographie présentée à Michel lors de l’activité Appréciation d’une image.

Rencontre 10, lundi 25 août, activité Changement de direction 2 (durée 42 minutes)

Le lundi matin, je présente de nouveau une de mes photographies à Michel (voir figure 12) pour une autre activité Changement de direction 2 (voir annexe A, activité 3, p. 109). Pendant cette 10e rencontre, Michel me révèle qu’il trouve difficile cette attente vers la mort. À partir de ce moment, il se confiera de plus en plus à moi, mais toujours de manière succincte. Je perçois l’évolution de son processus de détachement et en même temps de notre relation de confiance. L’écriture commence, Michel est toujours concentré durant cette étape (voir figure 13), mais il fait des pauses répétées pour s’adosser dans son fauteuil. L’écriture donne place à un texte intéressant (voir figure 13). À la fin de l’activité, il m’annonce également qu’il a apprécié cette activité et qu’il a trouvé que

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c’était plaisant. L’activité aura duré 42 minutes. Malgré ce commentaire, ce sera la dernière activité d’écriture de Michel puisque sa condition physique se détériore.

Figure 12 : Michel durant l’activité

changement de direction 2, 25 août 2014

Figure 13 : Montage réalisé à la suite de l’activité Changement de direction 2 avec Michel, 25 août 2014

Rencontre 11, vendredi 29 août, activité Association image-mot (durée 35 minutes)

Il se passe quelques jours avant que je revoie Michel pour l’activité Association image- mot (voir Annexe A, activité 4, p. 110). Le vendredi, Michel produit un schéma de mots sur lequel il ajoutera des images à une prochaine rencontre. Parmi les mots choisis, le terme « réflexion » revient pour la deuxième fois dans une activité. Une fois le schéma complété, il m’explique que la partie gauche est plus personnelle, que c’est sa vie (voir figure 15). Après 30 minutes, je ramasse mon matériel et au moment de partir Michel me dit qu’il va souper avec son fils qui vient le visiter, mais qui doit repartir sous peu pour

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son travail à l’extérieur du Québec. Je dépose mon matériel et m’assois. Il m’explique la situation pendant que je l’écoute. Mais, il met rapidement fin à la discussion et je lui dis que nous pourrons en reparler la prochaine fois que nous nous verrons et je lui souhaite bon courage. En déposant mes choses et en m’assoyant à nouveau, je souhaitais démontrer à Michel que j’étais disposé à l’écouter.

Figure 14 : Réalisation de Michel pour l’activité Association image-mot, 9 x 22 po, 29 août 2014

Rencontre 12, lundi 1er septembre, activité Association image-mot (durée 40 minutes)

Lundi après-midi, Michel décide de poser des images en dessous de chaque mot qu’il avait choisi lors de l’activité précédente. Pour la première fois, il reste dans son lit pour l’activité (voir figure 16) et c’est moi qui colle les images selon ses directives. Il prend son temps pour regarder les images et les choisir ce qui allonge l’activité à une quarantaine de minutes. Devant le montage achevé (voir figure 17), je lui demande si, malgré les changements, la partie de gauche est toujours plus personnelle comme c’était le cas dans la première version du schéma (voir figure 15). Il me répond que oui et « encore plus avec des images personnelles » (J2P38).

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Rencontre 13, mercredi le 3 septembre, activité Le panier (durée 68 minutes)

À notre 13e et dernière rencontre, Michel est toujours volontaire pour participer à d’autres activités artistiques, mais mon séjour sur le terrain tire à sa fin. Je lui propose donc de faire une dernière activité artistique avec lui et de revenir de manière bénévole pour poursuivre le travail avec lui plus tard. Il accepte volontiers cette proposition. Comme dernière activité, j’ai proposé Le panier (voir Annexe A, activité 9, p. 115). Il décide de réaliser son projet pour un de ses fils et de le lui offrir pour sa fête (voir figure 18). Pour Michel, c’est capital de laisser une trace, un héritage. Durant l’entrevue, il m’a confirmé l’importance qu’il accordait à ce que ses projets, mais surtout les photographies qu’ils

Figure 15 : Michel durant l’activité

Association image-mot, 1er septembre 2014

Figure 16 : Réalisation de Michel pour l’activité Association image-mot, 24 x 44 po, 1er septembre 2014

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avaient prises durant sa vie, reviennent à sa famille. Enfin, en poursuivant la réalisation du panier, nous abordons plusieurs sujets. Nous discutons tellement que l’activité s’étire sur plus d’une heure. Il me raconte d’ailleurs comment est arrivée la maladie dans sa vie. À la fin de cette dernière activité, je lui demande comment il a trouvé les activités artistiques? Il me répond : « C’était enrichissant, calmant, c’était valorisant. » Nous nous quittons en nous disant à bientôt.

Figure 17 : Collage de Michel pour l’activité Le panier, 11½ x 18 po, 3 septembre 2014

Bilan de l’accompagnement avec Michel

Michel a choisi de participer au projet d’accompagnement par l’art pour poursuivre ses activités dans le domaine artistique. Au début de l’accompagnement, il était aux premières phases de son processus de détachement, il demeurait parfois dans le déni et montrait des signes d’irritation. Puis il s’est dirigé vers les étapes suivantes du deuil, selon ses dires, à l’aide entre autres de l’accompagnement par l’art. Le déroulement du processus d’accompagnement par l’art a dû être constamment adapté à la réalité de

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Michel. Chaque activité était sélectionnée à la suite des précédentes, selon l’état psychologique et physique de Michel et d’après le succès de l’activité choisie.

Apparemment, Michel appréciait ma compagnie. Il parlait beaucoup durant les activités, ce qui avait pour conséquence de faire dépasser celles-ci des 20 minutes prévues à la planification. Il lui arrivait même de m’inviter à rester après l’activité ou de vouloir prolonger nos discussions lorsque j’étais sur le point de partir. Ce sont des situations complexes qui demandent d’être gérées avec délicatesse. Il existe une ligne fine entre l’accompagnement et l’accompagnement par l’art, c’est-à-dire que dans ces deux types d’interventions, il s’agit de répondre aux besoins de l’accompagné, mais le second intègre l’art comme objet de médiation. Il revient alors à l’accompagnant d’établir des limites s’il désire demeurer dans le cadre d’un accompagnement par l’art. Pour ma part, je souhaitais demeurer dans une posture professionnelle. C’est-à-dire que je voulais me montrer à l’écoute et ouverte pendant les activités artistiques, prête à entendre leurs joies comme leurs peines, mais en centrant la relation autour de l’objet de médiation, soit la réalisation artistique.

Dans le cas de Michel, son expérience de photographe l’avait amené à développer un regard artistique sur les images. Cette aptitude qui s’avérait très intéressante pour les activités artistiques, semble l’avoir mené à faire des choix d’images et d’assemblage guidés par un sens esthétique, plutôt que par son ressenti. De mon point de vue et sans vouloir tourmenter Michel, je trouvais que les activités combinant une sélection et un montage d’images n’atteignaient pas leur plein potentiel avec lui puisqu’alors il demeurait en contrôle et à distance de son ressenti. Sans compter que pendant ce type