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4.6 ÉVALUATION DU PROCESSUS D’ACCOMPAGNEMENT PAR L’ART EN

4.6.1 Les activités artistiques

La majorité des activités artistiques planifiées se sont bien déroulées et ont donné des résultats satisfaisants, bien que chacune ait dû être adaptée en cours de réalisation. Comme ce fût le cas pour la deuxième activité réalisée avec Rose. Je me suis également aperçue que la réussite d’une activité artistique n’est pas conséquente d’une thématique particulière, elle dépend plutôt de la qualité de sa planification. L’activité doit d’abord être simple, adaptable et assez ouverte pour laisser une marge de manœuvre au participant.

Selon cette idée de simplicité, une activité artistique ne doit contenir qu’une seule action principale. C’est-à-dire être soit une activité de collage ou soit une activité d’écriture, mais pas les deux. L’activité le film de ma vie prévoyait la réalisation d’un collage représentant la vie du participant (réelle ou fictive) et l’écriture du synopsis de celle-ci. Cette activité a été réalisée par les trois participants et aucun n’a réalisé l’activité d’écriture prévue dans la planification. D’une part, parce que l’activité de collage à elle seule prend déjà le temps escompté pour l’activité artistique complète. D’autre part et principalement, parce qu’il est très délicat, voire inadéquat, de prévoir une partie d’écriture pour une première activité avec un participant si son état physique n’a pas encore été évalué par l’accompagnant. De plus, dans la majorité des cas que j’ai pu

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observer, les personnes en soins palliatifs ne sont plus aptes à tenir correctement un crayon rendant pour eux l’écriture impossible. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles, il n’existe pas de séquence d’activité, car certains participants sont incapables de réaliser des activités d’écriture alors que d’autres le pourront, mais seulement pour un temps indéterminé. Quoi qu’il en soit, il est primordial que les activités artistiques demeurent simples en intégrant un seul exercice à la fois, leur réussite en dépend.

En ce qui concerne l’ordre des activités artistiques comme je le mentionnais plus haut, il n’existe pas de séquence prédéterminée et c’est à l’accompagnant d’évaluer l’activité artistique la plus appropriée à proposer au participant selon son état physique, ses intérêts et ses aptitudes artistiques.

En ce qui a trait à l’état physique du participant, l’accompagnant doit juger si la personne est capable de faire une activité artistique de réalisation. Si le participant peut difficilement participer, l’accompagnant peut choisir une activité plus appropriée, comme une activité d’appréciation ou simplifier une activité de réalisation comme par exemple, en demandant de sélectionner 3-4 images pour un collage au lieu de 6-7 afin de diminuer l’effort demandé. En ce qui concerne l’activité Prise de photographies, celle-ci ne peut être réaliser qu’avec un participant qui a encore la capacité de se lever, ce qui diminue le nombre de personnes pouvant y participer. C’est pourquoi l’évaluation de l’état physique de l’accompagné par l’accompagnant est primordiale afin de proposer des activités simples et plaisantes pour le participant.

Les intérêts du participant sont également importants à considérer au moment de choisir une activité artistique afin de le garder motivé. Un des objectifs de l’accompagnement est de procurer

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des moments de plaisir au participant, il va de soi qu’en proposant des activités qui l’intéressent, il y a plus de chance de favoriser sa participation et son plaisir.

Quant aux aptitudes artistiques du participant, cela concerne sa créativité, son sens de l’esthétique, et surtout son ouverture à l’expression et sa capacité de symbolisation. Sans aller en profondeur sur ce sujet, disons que l’accompagnant artistique évalue à quel degré le participant manifeste ses émotions, sa pensée à l’aide des moyens artistiques mis à sa disposition et donne du sens aux images et sa réalisation. Pensons à Sofia qui voyait l’amitié dans une image de deux mains qui trinquent ou bien Michel qui se représentait la folie dans une image d’un homme en haut d’une échelle devant l’horizon (voir figure 8 ou annexe D, p. 133)

Pour ce qui est des activités d’appréciation visuelle, celles-ci m’ont donné plus de difficultés au départ et m’ont demandé une plus grande attention. J’ai fait deux erreurs lors de ma première activité d’appréciation avec Sofia, d’abord en lui présentant son propre collage au lieu d’une photographie d’un artiste-photographe et ensuite en n’animant pas suffisamment la discussion. Selon mes conclusions précédentes, le fait de prendre une œuvre connue ou encore une de mes propres photographies, comme je l’ai fait avec Sofia et Michel, me permet de faire des liens avec mes propres connaissances et analyse artistique de l’image. Il m’est possible alors d’enrichir davantage la discussion avec des questions susceptibles de stimuler la réflexion de l’accompagné.

D’ailleurs, j’ai constaté qu’il est souvent indispensable de poser des questions à l’accompagné, d’écouter ses réponses et de poser de nouvelles questions pour qu’il précise ses pensées et ses émotions afin qu’il puisse exprimer ce que l’image observée éveille en lui. En conséquence, l’accompagnant ne doit pas rester passif pendant les activités d’appréciation, au contraire, il doit animer la discussion, favoriser l’extériorisation des pensées et émotions de l’accompagné. Pour

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ces mêmes raisons, à la différence des activités de création où il m’était possible de prendre du recul pendant la réalisation de l’activité, durant les activités d’appréciation je devais demeurer près des participants pour stimuler l’échange. Pour cette raison, la prise de photographie pour la recherche durant ce type d’activité était impraticable pour ne pas interrompre l’échange et l’ambiance du moment.

Un des éléments qui a été maintes fois invoqué dans les récits de l’expérience d’accompagnement est le temps. Puisque chaque activité est adaptée selon l’état physique de la personne, éventuellement l’activité pourra être plus longue ou plus courte que le temps prévu au départ. Il va de soi que le temps est modifiable suivant les besoins et la disponibilité du participant. Cependant, lorsque l’activité s’étire dans le temps, cela a tendance à reléguer la réalisation artistique au second plan. J’ai éprouvé maintes fois ce problème avec Michel qui avait tendance à commencer des discussions sans rapport avec l’activité artistique en cours. Pour ma part, je souhaitais demeurer une accompagnante par l’art, et non pas devenir une intervenante, où l’art est absent des rencontres, et encore moins une visiteuse sans statut particulier. Bref, ce n’est pas tellement le dépassement du temps en soi qui importe si cela convient à l’accompagné, c’est de maintenir le lien avec l’expression artistique.

En dernier lieu, les activités artistiques sont toujours sélectionnées et ajustées selon les difficultés physiques et psychologiques qu’éprouvent les participants. Cependant, même si ces difficultés sont prises en compte par l’accompagnant, il tente de les faire oublier le temps d’une activité artistique. Ce qui signifie que l’accompagnant doit non seulement être attentif à la condition physique, aux manifestations de la douleur et aux effets des traitements (médicamentations) des patients dans le but d’y réagir adéquatement. Mais aussi, sans rappeler au participant son état de santé affaibli et sa perte d’autonomie, laisser la personne accomplir le plus de tâches possibles et

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lui laisser prendre les décisions quant à la réalisation du projet artistique. Dans le cas de Michel par exemple, il pouvait réaliser encore plusieurs gestes demandant un bon niveau de dextérité comme découper ou écrire, il fallait donc le laisser faire. De cette manière, en plus de valoriser l’autonomie, l’accompagnant considère la personne en soins palliatifs comme une personne à part entière et lui redonne un peu de contrôle sur sa propre vie.