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LA POSTURE D’ACCOMPAGNANTE PAR L’ART EN SOINS PALLIATIFS

L’expérience d’accompagnement par l’art en soins palliatifs m’a permis de développer une posture d’accompagnante artistique. Mes connaissances dans les domaines de la pédagogie et de l’art m’ont apporté un grand soutien et elles ont teinté ma démarche. Notamment, les activités artistiques étaient montées selon le modèle pédagogique d’apprentissage par projet et autour de l’idée de la rencontre des images et des mots qui sont les deux principaux médiums sur lesquels s’appuie ma propre pratique artistique. Cependant, l’accompagnement dans le contexte spécifique des soins palliatifs nécessite certaines aptitudes particulières que je présenterai ci-dessous.

Bien que les lectures préparatoires soient importantes, l’expérience est quant à elle bien plus formatrice. Les éléments que je retiens pour rendre possible et profitable l’accompagnant par l’art, c’est l’importance de la présence à l’autre, la capacité d’adaptation et dans le contexte particulier des soins palliatifs, la nécessité de tenir compte du processus de détachement.

88 4.5.1 La présence à l’autre

La présence à l’autre est un concept qui revient souvent lorsqu’il est question d’accompagnement. Comme je n’ai pas un tempérament très calme, j’ai dû développer davantage ma capacité d’écoute. Cela est apparu avec force lors de la quatrième activité avec Sofia. Je lui ai demandé si elle voulait me parler de son collage. Elle a pris un moment avant de parler et j’ai gardé le silence dans le but de ne pas l’interrompre et de laisser ses pensées se former. Elle m’a parlé de ses images très lentement et je demeurai silencieuse et attentive. Cela a vraiment été profitable. Elle m’a fait part de ses émotions et de ses réflexions comme jamais auparavant.

J’ai appliqué cette même approche (silence et écoute) dans l’activité suivante avec Michel et le résultat fut tout aussi bénéfique. Je développe ma présence à l’autre et le résultat est salutaire. C’est par le silence et l’écoute que l’accompagnant encourage l’accompagné à s’exprimer.

4.5.2 La capacité d’adaptation : attention et ouverture

Au cours de la recherche à la MSPL, plusieurs situations ont exigé de ma part de la flexibilité, des décisions rapides et des changements, cela fut notamment le cas lors de la dernière activité avec Rose. Tel que nous l’explique Runtz-Christian dans son livre Enseignant et comédien, un même métier? « Savoir-agir suppose que l’on ait la capacité d’écouter, d’accueillir et de transformer ce qui arrive en quelque chose de pertinent pour que, dans une répartie in situ, l’imprévue vivifie le prévu. (2000, p. 119) ». Bien que l’auteur parle du métier d’enseignant, il n’en demeure pas moins que ce savoir-faire peut être également applicable au rôle d’animatrice et d’accompagnante en art.

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Il est important de souligner que la capacité d’adaptation est des plus importantes dans le contexte des soins palliatifs étant donné qu’il n’y a pas d’horaire et que l’état des personnes est très changeant. En somme, l’attention, l’ouverture et la disponibilité sont essentielles au bon déroulement de l’accompagnement par l’art. Ces qualités spécifiques manifestées par l’accompagnant, permet de modifier les activités lors de leur déroulement selon ce qu’il perçoit de la situation et d’ainsi améliorer l’expérience de l’accompagné tout en favorisant l’expression artistique de celui-ci, par exemple, si l’accompagné a besoin d’aide pour l’écriture ou pour coller ses images. Cette écoute et cette flexibilité permettent donc à l’accompagnant de réagir au meilleur de ses moyens aux situations qui se présentent.

4.5.3 Le contexte des soins palliatifs

Mon expérience d’accompagnante par l’art a été conditionnée par l’environnement dans lequel elle a eu lieu. Je ne fus pas qu’une accompagnante par l’art, mais une accompagnante par l’art dans le contexte des soins palliatifs. Dans ce contexte, les difficultés physiques et psychologiques vécues par les personnes en fin de vie sont à prendre en compte lors des interventions.

Les personnes en soins palliatifs vivent des difficultés dues, entre autres, à la perte d’autonomie. Elles en viennent à avoir besoins d’aide pour des gestes simples, comme s’assoir, s’habiller ou se lever. Il revient donc à l’accompagnant d’aider et de seconder l’accompagnée dans les tâches simples devenues maintenant complexes. Par exemple, si une personne n’est pas capable de découper elle-même ses images pour un collage, je dois prendre les ciseaux et lui demander de me dire comment faire la découpe. Il est va de même si la personne a besoin d’aide pour s’assoir par exemple, pendant une activité artistique, je n’ai pas à appeler quelqu’un pour faire cette tâche.

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Il revient donc à l’accompagnant d’agir avec empathie et d’aider la personne lorsque cela est nécessaire. Ceci rejoint ce qui a été dit précédemment sur la capacité d’attention et d’ouverture.

Parallèlement à son état physique, le patient en soins palliatifs vit un processus de détachement qui teinte ses réactions et son comportement. Dans la recherche, je me suis rendu compte que cela était très important. Il était essentiel de connaître et comprendre la réalité que vit l’accompagné afin de réagir le plus adéquatement possible selon où il se trouve dans son processus de détachement. Toutefois, même si l’étude du processus de détachement est importante pour acquérir certaines connaissances de base avant d’entrer dans le milieu des soins palliatifs, c’est l’expérience vécue qui saura le mieux nous renseigner à cet égard.

En résumé, le moyen le plus efficace de connaître les besoins du patient en soins palliatifs, en vue d’y répondre, c’est l’écoute, l’attention, la présence afin d’être apte à s’adapter aux évènements imprévus. Dans le développement de ma posture d’accompagnante par l’art j’ai mis à l’épreuve ma capacité d’adaptation, mais j’ai surtout développé ma présence à l’autre, créant ainsi des conditions propices à l‘expression artistique des participants.

4.5.4 La relation accompagnant-accompagné

Chalifour (2005) écrit que le processus d’accompagnement c’est, d’abord, être en relation. Effectivement, dans le processus d’accompagnement une relation se crée entre l’accompagnant et l’accompagné, bâtie principalement sur l’engagement et la confiance. Cette relation est égalitaire et fonctionne dans les deux sens, pour que l’accompagné se confie, se sente en confiance, il revient à l’accompagnant de répondre honnêtement et le plus directement possible aux questions de l’accompagné pour lui démontrer que l’entente et la confiance sont mutuelles.

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Les personnes en soins palliatifs vivent un temps relativisé par le fait que leur fin approche, par conséquent, ils s’investissent plus intensément dans leurs relations. Les rapports humains sont souvent tout ce qu’ils leur restent et leur importent. Au début, les personnes ne veulent pas, parfois même ils craignent, que l’accompagnant prenne la place de leur visite et de leur proche. Puis peu à peu, la confiance s’installe entre la personne et l’accompagnant et ce dernier est même au bout d’un certain temps la bienvenue auprès de l’accompagné en tout temps, comme un membre à part entière de leur vie et les liens n’en deviennent que plus forts.

En définitive, l’élaboration d’une relation de confiance est indispensable dans un accompagnement par l’art en soins palliatifs. C’est grâce à elle que l’accompagné se laissera davantage aller à l’expression de ses émotions faisant en sorte que l’accompagnement devienne bienfaisant.

Accompagner par l’art en soins palliatifs c’est mettre une activité artistique au centre d’une relation. C’est aussi planifier et s’assurer que l’activité soit agréable et adaptée afin de permettre à des personnes vulnérables de s’exprimer. De plus l’accompagnement par l’art en soins palliatifs, c’est pour l’accompagnante d’être présente, ouverte et attentive, c’est aussi d’avoir à s’ajuster à l’autre, de se montrer authentique et de s’engager réellement dans le processus d’accompagnement.