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La règle des syzygies et le dualisme dans les Homélies et les Reconnaissances pseudo-clémentines : études littéraires

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La règle des syzygies et le dualisme dans les Homélies

et les Reconnaissances pseudo-clémentines

Études littéraires

Mémoire

Philippe Therrien

Maîtrise en études anciennes

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

© Philippe Therrien, 2016

(2)

La règle des syzygies et le dualisme dans les Homélies

et les Reconnaissances pseudo-clémentines

Études littéraires

Mémoire

Philippe Therrien

Sous la direction de :

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iii

RÉSUMÉ

Les Homélies et les Reconnaissances du Clément, aussi appelées

Pseudo-Clémentines, sont des témoins privilégiés du foisonnement intellectuel et théologique des

premiers siècles chrétiens. Alors que la recherche moderne a longtemps tenté de déterminer les différentes étapes de leur constitution (ne posant pour seule conclusion certaine que l’existence d’un « Écrit de base » à leur origine), le présent mémoire offre une enquête littéraire qui permettra de situer l’état final des Pseudo-Clémentines dans leur contexte rédaction, en établissant comment elles dialoguent avec les principaux groupes religieux de leur milieu (chrétiens, judéo-chrétiens, juifs, gnostiques et païens).

Dans ce cadre, cette étude définit le dualisme pseudo-clémentin selon ses quatre aspects : la règle de syzygies ou des couples antagonistes, qui veut que tout, dans la création, soit organisé par Dieu en couples opposés ; les prophéties masculine et féminine, dont la première apporte la vérité alors que la seconde apporte le mensonge ; la doctrine des deux rois, dont l’un, qui est bon, gouverne le royaume du monde à venir, alors que l’autre, qui est mauvais, règne sur le monde présent ; la doctrine des deux voies, dont l’une mène au salut et l’autre à la perdition.

Après une analyse de ces thèmes au sein des Pseudo-Clémentines, qui révèle les différences qui existent entre les deux textes, ces mêmes motifs sont recherchés dans la littérature apparentée, en particulier dans les textes gnostiques de la bibliothèque de Nag Hammadi, les textes découverts à Qumrân et la littérature judéo-chrétienne.

Les conclusions dégagées permettent de définir précisément le dualisme des

Homélies et celui des Reconnaissances, d’identifier des fonctions polémiques et rhétoriques

de ce dualisme et de cerner des groupes religieux possiblement alliés et ennemis des

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iv

ABSTRACT

Pseudo-Clement’s Homilies and Recognitions, also called the Pseudo-Clementines, are important witnesses of the intellectual and theological explosion that took place in the first Christian centuries. Modern research tried for a long time to elucidate the multiples steps of their constitution, and the only result was that the existence of a ‘‘ Basic Writing’’ that had been the source material for the Pseudo-Clementines. This master’s thesis presents a literary investigation that will resituates the Pseudo-Clementines in their final form in the context of their redaction, while establishing their relations to the main religious groups of their milieu (Christians, Judeo-Christians, Jews, Gnostics and Pagans).

This study defines the four aspects of the Pseudo-Clementine’s dualism : the rule of syzygies or antagonist couples, which states that everything in the creation is organized by God in opposite couples ; male and female prophecies, in which the first one brings truth while the second one brings falseness ; the doctrine of the two kings, in which one, who is good, rules the kingdom of the world to come and the other, who is evil, rules the present world ; the doctrine of the two ways, in which one leads to salvation, the other to damnation.

After an analysis of these themes in the Pseudo-Clementines, one that reveals the differences between the two texts, this project looks for these patterns in similar literature, especially in the Gnostics writings of the library of Nag Hammadi, the Qumrân’s scrolls and Judeo-Christian literature.

The other results are the identification of the dualism's polemic and its rhetorical functions, as well as the establishment of possible religious allies and enemies of the

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v

TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... iii

ABSTRACT ... iv

TABLE DES MATIÈRES ... v

REMERCIEMENTS ... vii

INTRODUCTION ... 1

1. Description du corpus ... 3

2. Problématique et intérêt du sujet ... 6

3. Approche théorique et méthodologique ... 7

CHAPITRE PREMIER : ÉTAT DE LA QUESTION ... 10

1. États de la question antérieurs ... 10

2. La recherche sur les origines des Clémentines ... 13

3. Nouvelles orientations de la recherche ... 19

4. Doctrines de la connaissance dans les Pseudo-Clémentines ... 22

4.1 Le vrai Prophète ... 22

4.2 Les fausses péricopes ... 24

4.3 La règle des syzygies ou des couples antagonistes ... 25

CHAPITRE DEUXIÈME : LA RÈGLE DES SYZYGIES DANS LES CLÉMENTINES .. 27

1. Les Reconnaissances ... 27

1.1 Allusions aux deux royaumes (Rec., I, 22, 5 ; 24, 5) ... 27

1.2 Premiers éléments de doctrine (Rec., III, 52-61) ... 27

1.3 Retour sur les deux royaumes (Rec., V, 9) ... 30

1.4 Reprises et développements (Rec., VIII, 52-55) ... 31

1.5 Derniers échos (Rec., IX, 3) ... 34

1.6 Reconstruction du système dualiste des Reconnaissances ... 35

2. Les Homélies ... 39

2.1 Premiers enseignements (Hom., II, 15-18 ; 23 ; 33-34) ... 40

2.2 Précisions sur la règle (Hom., III, 16, 2 ;19 ; 22-28 ; 59,2)... 45

2.3 Les applications de la règle : Tyr, Sidon et Béryte (Hom., VII, 1-5 ; 5 ; 11) ... 51

2.4 À Tripoli (Hom., VIII, 19, 21-22) ... 54

2.5 Retour sur les deux rois (Hom., XV, 7-8) ... 55

2.6 Enseignement final sur les deux royaumes et les deux rois (Hom., XX, 2-3) .... 56

2.7 Reconstruction de la règle des syzygies des Homélies ... 57

2.8 Passages supplémentaires ... 58

2.9 L’intrigue de reconnaissances ... 62

2.10 Remarques conclusives ... 64

3. Comparaison entre les Homélies et les Reconnaissances ... 65

3.1 Contextes d’exposition ... 66

3.2 Les deux versions de la doctrine ... 68

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vi

CHAPITRE TROISIÈME : ANALYSE EXTERNE ... 74

1. Définitions du mot « syzygie » ... 74

1.1 Emplois littéraires ... 75

1.2 Emplois chez Platon ... 76

1.3 Emplois en géométrie et en mathématique ... 77

1.4 Emplois en grammaire ... 79

1.5 Emplois en astronomie ... 80

1.6 Emplois en médecine ... 81

1.7 Emplois chez les gnostiques valentiniens ... 83

1.8 Conclusion ... 84

2. Remarques préliminaires sur le dualisme ... 84

3. Les oppositions entre masculinité et féminité ... 88

3.1 Aperçu du gnosticisme : les valentiniens ... 89

3.2 Oppositions cosmiques ... 97

3.3 Les essences masculine et féminine dans l’homme ... 98

3.4 La nature féminine de l’âme... 100

3.5 Les deux types de prophéties ... 102

3.6 Le langage de la misogynie ... 103

3.7 Utilités polémiques : païens, gnostiques et montanistes ... 105

4. Les listes de prophètes ... 111

4.1 Une source chez Aristote? ... 112

4.2 Le cas des testimonia... 112

4.3 Le cas des « sept piliers » ... 115

4.4 Les fonctions spécifiques des listes des Clémentines ... 116

5. Les deux rois ... 122

5.1 Le dualisme dans la littérature qumrânienne... 123

5.2 Les ébionites et les Clémentines... 132

6. Les deux voies ... 135

6.1 Les textes de Qumrân et les pseudépigraphes de l’Ancien Testament ... 136

6.2 Les deux voies comme influence judéo-chrétienne ... 138

6.3 Relations entre les différentes traditions ... 146

6.4 Fonctions des deux voies dans les Clémentines ... 147

6.5 Les deux voies, les deux camps et les deux rois : trois aspects d’une même doctrine ... 149

CONCLUSION ... 152

BIBLIOGRAPHIE ... 161

1. Éditions et traductions des Clémentines ... 161

2. Oeuvres anciennes ... 161

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vii

REMERCIEMENTS

À M. Paul-Hubert Poirier, sans qui ce projet n’aurait jamais vu le jour, pour m’avoir conseillé à chaque étape de sa réalisation. Merci pour votre disponibilité, votre confiance, vos réponses judicieuses. Vous m’avez laissé apprendre à marcher par moi-même, mais avez toujours été là pour m’empêcher de tomber ou de m’égarer. Travailler avec vous a été un privilège. À M. Thomas Schmidt, pour m’avoir accueilli à l’Université de Fribourg, m’avoir guidé en terre étrangère. Merci pour votre présence, autant dans le cadre de mes travaux universitaires que sur le terrain, lorsque j’ai dû m’ajuster au mode de vie fribourgeois. À Mme Anne Pasquier, pour votre appui en début de parcours qui m’a permis de m’ancrer solidement dans les Clémentines, et pour avoir assuré la prélecture du mémoire. Vos commentaires précieux m’ont ouvert de nouveaux horizons et m’ont fait découvrir des univers passionnants et mystérieux, dont j’espère, un jour, percer les secrets. À Mme Anne-France Morand, pour avoir accepté d’évaluer mon mémoire et pour m’en avoir fait considérer certains aspects sous un autre angle. À M. Alban Baudou, pour votre patience et votre bienveillance lorsque mes idées n’étaient pas encore tout à fait en ordre. À la Faculté des lettres, au Groupe de recherche sur le christianisme et l’Antiquité tardive (Grécat), au Bureau International et au Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) qui ont permis, grâce à leur soutien financier, la réalisation de mes projets. À mes amis de la Sarinia et de la Société des étudiants suisses, pour avoir fait de mon séjour à Fribourg une expérience enrichissante et inoubliable, mais surtout pour avoir fait fructifier des amitiés inestimables, sans lesquelles les travaux intellectuels ne s’épanouissent qu’avec beaucoup de peine. À M. Thiery Parrot, pour avoir été un patron conciliant et m’avoir accordé le temps nécessaire pour achever mon mémoire dans un délai raisonnable. À ma mère, qui s’intéresse depuis plus longtemps que moi aux apocryphes, pour avoir cultivé cette curiosité qui m’anime toujours, m’avoir inculqué le goût du travail et pour m’avoir fait comprendre que rigueur et discipline viennent à bout des projets les plus ambitieux.

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1

INTRODUCTION

Pour le profane, l’appellation « littérature apocryphe chrétienne » évoque sans doute le mystère, le secret, peut-être même le complot. Lire un texte apocryphe permettra certainement de découvrir des informations inédites sur Jésus, Marie, les apôtres et d’éventuelles relations conjugales ; cette prémisse a été la pierre angulaire de la fortune de plus d’un romancier. Plus encore, la découverte d’un nouveau texte, complet ou fragmentaire, est souvent présentée dans les médias comme la preuve de l’existence de vérités cachées sur telle ou telle question, et que ces nouvelles informations vont à coup sûr faire beaucoup de vagues. Tout cela prend des allures de thrillers et fait vendre tout aussi bien des exemplaires de journaux que des entrées au cinéma.

Mais l’historien et le philologue savent bien que la réalité des textes apocryphes, même si elle est passionnante, ne pourrait guère être adaptée en « blockbuster » américain. Car, si la découverte d’un texte révèle une activité humaine derrière sa production, le contenu de ce texte dit « apocryphe » ne constitue pas nécessairement une preuve historique au sujet des personnages ou des événements énoncés.

Même s’il est possible d’utiliser les écrits chrétiens comme sources historiques, pour faire en ce sens l’histoire du christianisme ancien, il est plus problématique de porter un jugement sur le contenu du texte lui-même : Jésus a-t-il vraiment prononcé telle parole? Tel apôtre est-il vraiment allé fonder telle communauté? Les circonstances de la mort de tel apôtre sont-elles exactes?

La raison de ces incertitudes historiques vient du fait que, comme l’affirme S. C. Mimouni :

Les écrits apocryphes chrétiens […] transmettent un grand nombre de représentations que les chrétiens de divers lieux et de divers temps se sont faites de la figure de Jésus, du rôle de ses apôtres, de l’origine de leur communauté. Ils témoignent également des questions qui les ont agités, et de nombreuses

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2 réponses qu’ils leur ont données.1

En ce sens, la méthodologie utilisée pour lire un texte apocryphe ou un texte canonique est la même : tous les deux sont des documents permettant l’étude du christianisme ancien et sont les vestiges de communautés ayant réfléchi sur différentes questions théologiques. Si l’apocryphité ou la canonicité d’un texte est utile pour faire l’histoire du texte, dans une perspective diachronique, elle n’influencera pas la méthode avec laquelle il sera étudié, ni ne permettra « d’accéder à la vérité historique de Jésus et de ses apôtres » 2.

L’appellation même de « littérature apocryphe chrétienne » n’implique pas que cette littérature constitue un corpus homogène. Elle est plutôt constituée de textes ayant une très grande diversité dans leur contenu, leur genre littéraire, leur milieu et époque de constitution. La définition d’É. Junod reste encore aujourd’hui pertinente ; il définit la littérature apocryphe comme un ensemble de

textes anonymes ou pseudépigraphes d'origine chrétienne qui entretiennent un rapport avec les livres du Nouveau Testament et aussi de l'Ancien Testament parce qu'ils sont consacrés à des événements racontés ou évoqués dans ces livres ou parce qu'ils sont consacrés à des événements qui se situent dans le prolongement d'événements racontés ou évoqués dans ces livres, parce qu'ils sont centrés sur des personnages apparaissant dans ces livres, parce que leur genre littéraire s'apparente à ceux d'écrits bibliques.3

Dans ces conditions, le Roman du pseudo-Clément est un apocryphe chrétien de plein droit. Mis sous le nom de Clément de Rome, bien qu’il se soit constitué progressivement, le Roman pseudo-clémentin met en scène des personnages du Nouveau Testament dont Clément, Pierre, Simon le Magicien et Jacques le Juste. Plus encore, les traditions que

1 S. C. MIMOUNI, « Le concept d’apocryphité dans le christianisme ancien et médiéval. Réflexions en guise

d’introduction », dans Apocryphité : histoire d'un concept transversal aux religions du livre, S. C. MIMOUNI, (éd.), Bibliothèque de l'École des hautes études, Sciences religieuses, 113, Turnhout, Brepols, 2002, p. 20.

2 S. C. MIMOUNI, « Le concept d’apocryphité dans le christianisme ancien et médiéval », p. 20.

3 É. JUNOD, « Apocryphes du Nouveau Testament ou apocryphes chrétiens anciens ? », Études théologiques et

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3

transmet le Roman sont précieuses pour l’histoire des communautés chrétiennes : elles témoignent, entre autres, des questions qui animaient certains groupes concernant la relation entre le judaïsme4 et le christianisme.

1. DESCRIPTION DU CORPUS

Le Roman du pseudo-Clément, aussi appelé les Pseudo-Clémentines ou simplement les Clémentines5, nous est parvenu sous deux versions : les Homélies grecques et les

Reconnaissances latines. Seul roman chrétien antique, ce recueil raconte l’histoire du jeune

Clément de Rome, futur successeur de Pierre comme évêque de Rome, en proie à des questionnements existentiels profonds. Déçu par les écoles philosophiques, il entend parler d’un homme, en Judée, qui annonce la venue du royaume de Dieu. Il décide alors de s’y rendre pour enquêter ; à Césarée, il rencontre Pierre, qui le convainc de la vérité de la doctrine chrétienne. Clément se convertit et se joint à Pierre dans ses voyages en Palestine, durant lesquels ce dernier enseigne aux foules et affronte dans des joutes oratoires Simon le Magicien, un faux prophète qui sème le mensonge et le chaos partout où il passe.

Au fil de ses pérégrinations, Clément retrouve les membres de sa famille qui s’étaient séparés plusieurs années auparavant, et ce, dans des circonstances qui rappellent les péripéties des romans gréco-latins : naufrages, fausses morts, enlèvement par des pirates, changements de noms et d’identités.

Les Pseudo-Clémentines superposent ainsi deux trames : d’une part, l’histoire de Clément qui voyage avec Pierre et retrouve les membres disparus de sa famille (ce qui a donné leur titre aux Reconnaissances), et d’autre part, les enseignements théologiques dispensés par Pierre, autant dans un cadre didactique (en enseignant à Clément et aux

4 Pour des raisons historiques, S. C. Mimouni utilise, plutôt que « juif », le terme « judéen », puisqu’il rend

mieux la réalité de l’Antiquité. Toutefois, puisque les deux mots ont des sens suffisamment proches, et par commodité, l’emploi du terme « juif » sera préféré à celui du terme « judéen ». Voir S. C. MIMOUNI, Le judaïsme ancien : du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère : des prêtres aux rabbins,

Nouvelle Clio, Paris, Presses universitaires de France, 2012, p. 22-24.

5 Les termes « Roman », « Pseudo-Clémentines » et « Clémentines » sont synonymes et seront employés dans

les pages suivantes pour faire référence au corpus clémentin, à savoir, dans le cadre spécifique de la présente recherche, les Reconnaissances et les Homélies, exclusivement.

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4

foules) que dans un cadre polémique (en combattant Simon le Magicien).

Si les deux formes des Pseudo-Clémentines se ressemblent par leurs péripéties communes et leur longueur similaire (environ trois cent soixante-quinze pages chacune dans l’édition de la Pléiade), elles se différencient par la division en un nombre différent de livres (vingt dans les Homélies et dix dans les Reconnaissances), la présence chez les unes de certains passages absents chez les autres, et vice versa6. De plus, si l’histoire, dans les grandes lignes, est la même dans les deux versions, plusieurs points ne sont pas identiques : le nom des membres de la famille de Clément7, les lieux visités8 et les doctrines théologiques exposées n’en sont que quelques exemples. Également, en prologue aux

Homélies se trouvent trois lettres, l’Épître de Pierre à Jacques, l’Engagement solennel et

l’Épître de Clément à Jacques, tandis que les Reconnaissances n’étaient précédées que de l’Épître de Clément à Jacques9.

Les Homélies dateraient du début du IVe siècle. A. Y. Reed les situe entre 300 et 32010, et A. Le Boulluec place leur constitution avant le Concile de Nicée, en 32511. Les

Reconnaissances (le texte grec original portait le titre d’Ἀναγνωρισμοί) furent traduites du

grec en latin par Rufin d’Aquilée entre 397 et 406-40812 ; la version grecque originelle ne

6 Pour la liste complète des passages concordants et différents, voir L. CIRILLO, « Introduction », dans Écrits

apocryphes chrétiens II, P. GEOLTRAIN et J.-D. KAESTLI, (éds.), Bibliothèque de la Pléiade, 516, Paris,

Gallimard, 2005, p. 1181-1182.

7 Dans les Homélies, la mère de Clément se nomme Mattidie, ses frères Faustinus et Faustinianus et son père

Faustus, alors que dans les Reconnaissances ces personnages se nomment respectivement Mattidia, Faustus et Faustinus ainsi que Faustiniaus.

8 Par exemple, dans les Homélies, Clément se rend à Alexandrie avant de se rendre à Césarée (Hom., I, 8-14),

ce qui ne se trouve pas dans les Reconnaissances. Également, dans les Reconnaissances (Rec., IV, 1, 4), Pierre et son groupe font des arrêts à Tyr, Sidon et Béryte, sans toutefois que le texte ne raconte ce qui s’y est passé, contrairement aux Homélies (Hom., VII, 1-12).

9 Dans la Préface de Rufin aux Reconnaissances, celui-ci affirme qu’il ne l’a pas mise en prologue de sa

traduction des Reconnaissances puisque, d’une part, il avait déjà traduit la lettre et, d’autre part, parce qu’elle était postérieure aux Reconnaissances. Voir Préface de Rufin, 12.

10 A. Y. REED, « ‘‘ Jewish Christianity ’’ after the ‘‘ Parting of the Ways ’’ : Approaches to Historiography

and Self-Definition in the Pseudo-Clementines », The Ways that Never Parted : Jews and Christians in Late

Antiquity and the Early Middle Ages, Texts and Studies in Ancient Judaism, 95, A. H. BECKER et A. Y. REED, (éds.), Mohr Siebeck, Tübingen, 2003, p. 197.

11 A. LE BOULLUEC, « Jésus selon les Homélies clémentines : du vrai prophète au prince de l’âge à venir »,

dans Pensée grecque et sagesse d'Orient, M.-A. AMIR-MOEZZI et al., (éds.) Bibliothèque de l'École des

hautes études, Sciences religieuses, 142, Turnhout, Brepols, 2009, p. 369.

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5

nous est pas parvenue et est habituellement considérée comme étant postérieure aux

Homélies. Il existe également une version des Clémentines transmise en syriaque dans un

manuscrit daté de 411, ainsi que des épitomés en grec, arabe, éthiopien, géorgien, arménien, et vieux slave13.

En ce qui concerne les traductions et éditions modernes, les textes latin et grec furent édités par B. Rehm et publiés après sa mort à partir de la seconde moitié des années soixante14.

La traduction française que nous utiliserons est celle de la « Bibliothèque de la Pléiade »15, qui comprend les deux textes annotés et précédés d’introductions : les Homélies ont été traduites par P. Geoltrain, A. Le Boulluec, D. Côté, B. Pouderon, A. Schneider et M.-A. Calvet-Sebasti ; les Reconnaissances ont été traduites par L. Cirillo et A. Schneider. Mentionnons que cette traduction des Reconnaissances se trouve aussi publiée indépendamment chez Brepols16. De plus, l’ancienne traduction d’A. Siouville a été

sa mort. En ce qui concerne la traduction des Reconnaissances, deux dates comme terminus ante quem sont possibles : la mort de l’évêque Gaudentius en 406, à qui la traduction est dédiée, ou bien 407-408, dates auxquelles se trouve mentionnée, dans sa correspondance, son entreprise. Sur cette question, voir notamment Y.-M. DUVAL, « Le texte latin des Reconnaissances clémentines. Rufin, les interpolations et les raisons de sa traduction », dans Nouvelles intrigues pseudo-clémentines. Plots in the Pseudo-Clementine

Romance. Actes du deuxième colloque international sur la littérature apocryphe chrétienne, F. AMSLER et al., (éds.), Publications de l'Institut romand des sciences bibliques, 6, Prahins, Éditions du Zèbre, 2008,

p. 79.

13 F. S. JONES, « The Pseudo-Clementines : A History of Research, Part I-II », Second Century, 2, 1982, p. 6-7

et p. 80-84.

14 B. REHM, G. STRECKER et F. PASCHKE, (éds.), Die Pseudoklementinen I, Homilien, Berlin,

Akademie-Verlag, Die griechischen christlichen Schriftsteller der ersten Jahrhunderte, 42, 1992 (1952) ; B. REHM,et G. STRECKER, (éds.), Die Pseudoklementinen II, Rekognitionen in Rufins Übersetzung, Die

griechischen christlichen Schriftsteller der ersten Jahrhunderte, 51, Berlin, Akademie-Verlag, 1994 (1965) ; G. STRECKER, (éd.), Die Pseudoklementinen III, Konkordanz zu den Pseudoklementinen. Erster Teil :

Lateinisches Wortregister Berlin, Akademie-Verlag, Die Griechischen christlichen Schriftsteller der ersten

Jahrhunderte, 1986 ; G. STRECKER, (éd.), Die Pseudoklementinen III, Konkordanz zu den Pseudoklementinen. Zweiter Teil : Griechisches Wortregister, Syrisches Wortregister, Index nominum, Stellenregister, Die griechischen christlichen Schriftsteller der ersten Jahrhunderte, Berlin,

Akademie-Verlag, 1989 ; F.-X. RISCH, (éd.), Die Pseudoklementinen IV, Die Klemens-Biographie. Epitome prior. Martyrium Clementis. Miraculum Clementis, Die griechischen christlichen Schriftsteller der ersten

Jahrhunderte, NF 16, Berlin / New York, Walter de Gruyter, 2008.

15 A. LE BOULLUEC, et al., (éds.), « Homélies » ; A. SCHNEIDER et L. CIRILLO, (éds.), « Reconnaissances »,

Écrits apocryphes chrétiens II, P. GEOLTRAIN et J.-D. KAESTLI, (éds.), Bibliothèque de la Pléiade, 516,

Paris, Gallimard, 2005.

16 L. CIRILLO, et A. SCHNEIDER, (éds.), Les Reconnaissances du Pseudo Clément : roman chrétien des

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6 rééditée par Verdier17.

Signalons aussi la première traduction en langue moderne des passages en syriaque des Clémentines, réalisée par F. S. Jones18 à partir de l’édition de W. Frankenberg19 de 1937.

2. PROBLÉMATIQUE ET INTÉRÊT DU SUJET

Les Pseudo-Clémentines constituent une énigme littéraire et historique20 qui n’est pas encore résolue. En effet, ni la date de rédaction ni l’auteur ne peuvent être déterminés précisément, et l’existence de ce double corpus pose la question de la relation qu’entretiennent les deux versions entre elles. Plus encore, le caractère hétéroclite des deux œuvres génère deux interrogations : d’une part, quelle fut la forme des versions antérieures du Roman? Et d’autre part, quelle place dans le christianisme antique faut-il attribuer aux doctrines et aux concepts théologiques clémentins?

Si la recherche moderne s’est longtemps efforcée de répondre à la première interrogation, sans remporter de véritable succès, nous nous appliquerons plutôt à comprendre la signification du Roman pseudo-clémentin dans son milieu de rédaction, en nous limitant à l’étude des Homélies et des Reconnaissances, l’état dans lequel elles nous sont parvenues. Nous chercherons ainsi à découvrir ce que le contenu de ces textes peut nous apprendre sur les préoccupations des rédacteurs, l’image du groupe auquel ils appartenaient et leurs relations aux autres groupes religieux. Pour y parvenir, il sera nécessaire également de relier les Clémentines avec d’autres œuvres apparentées, pour déterminer comment elles se construisent dans leur milieu littéraire et théologique.

17 A. SIOUVILLE, (éd.), Les homélies Clémentines, Paris, Verdier, (1933) 1991.

18 F. S. JONES, The Syriac ‘‘ Pseudo-Clementines ’’ : An Early Version of the First Christian Novel,

Apocryphes, 14, Turnhout, Brepols, 2014.

19 W. FRANKENBERG, Die syrischen Clementinen mit griechischem Paralleltext. Eine Vorarbeit zu dem

literargeschichtlichen Problem der Sammlung, Texte und Untersuchungen zur Geschichte der

altchristlichen Literatur, Bd. 48, 3, Leipzig, J. C. Hinrichs, 1937.

20 Pour reprendre l’expression d’O. CULLMANN dans Le problème littéraire et historique du roman

pseudo-clémentin : étude sur le rapport entre le gnosticisme et le judéo-christianisme, Études d'histoire et de

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7

Mais pour cela, il faut avoir un angle d’attaque étroit et précis ; il est nécessaire de nous munir d’un fil d’Ariane pour retrouver notre chemin dans ce véritable labyrinthe littéraire. À ce jour, beaucoup de thèmes importants des Clémentines, comme le vrai Prophète, les fausses péricopes ou encore l’astrologie, ont déjà été les sujets d’études rigoureuses ; il ne nous aurait pas été judicieux de répéter ce qui a déjà été dit.

Par contre, une sujet brille par son absence : le dualisme, avec en son centre la règle des syzygies, n’a pas encore été fouillé de fond en comble. Si certains chercheurs en ont abordé des aspects spécifiques, aucune recherche n’a encore tâché de le reconstituer dans son ensemble, en traitant autant des Homélies que des Reconnaissances.

La problématique que nous voudrions éclairer par le présent mémoire est donc de voir comment la règle des syzygies peut révéler des informations pertinentes sur le contenu des

Clémentines et leur signification dans leur contexte de rédaction. Il nous sera donc essentiel

de faire l’étude approfondie de cette doctrine dans les deux versions du Roman pour y déceler toutes les manifestations de la règle, les implications et les différences ou les ressemblances entre les définitions qu’on en donne de part et d’autre. Cette analyse révélera quatre principaux aspects de la règle des syzygies : l’opposition entre les prophéties masculine et féminine, les listes de figures prophétiques, les deux rois ainsi que les deux voies.

3. APPROCHE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE

Comme nous l’avons mentionné précédemment, la recherche moderne s’est surtout efforcée de faire la Quellenforschung des Clémentines. Puisqu’il n’est pas nécessaire de reconstituer les états antérieurs du Roman pour comprendre les préoccupations des rédacteurs les plus récents, et comme cette approche n’a généré aucune conclusion solide, nous travaillerons sur l’état final du texte, comme l’ont fait N. Kelley21 et D. Côté22.

21 N. KELLEY, Knowledge and Religious Authority in the Pseudo-Clementines, Wissenschaftliche

Untersuchungen zum Neuen Testament 2, 213, Tübingen, Mohr Siebeck, 2006.

22 D. CÔTÉ, Le thème de l’opposition entre Pierre et Simon dans les Pseudo-Clémentines, Collection des

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Toutefois, comme l’a souligné C. Touati, « parce que le corpus pseudo-clémentin est une œuvre complexe, rassemblant un matériel quelque peu disparate, la multiplication des approches devient une nécessité »23. Ainsi, deux approches seront principalement employées pour cerner efficacement notre problématique.

Nous devrons aborder avant tout les passages sélectionnés selon une approche doctrinale et théologique, afin de saisir les tenants et les aboutissants de la règle des syzygies, au sein de chacune des deux versions du Roman, puis dans le contexte plus large de l’Antiquité.

Dans ce cadre, nous travaillerons les textes selon la méthode philologique traditionnelle, qui consiste à traduire et analyser les textes dans le détail pour ensuite dégager des perspectives globales sur l’auteur et ses intentions. Il nous faudra réaliser l’étude du vocabulaire dans la langue originale pour pouvoir apprécier toutes les nuances de sens.

En somme, notre approche des Clémentines est essentiellement littéraire, puisque nous nous efforcerons de concevoir les structures littéraires, rhétoriques et narratives en place au sein des œuvres étudiées. Nos analyses seront posées à partir des textes eux-mêmes et nos conclusions seront tirées en ce sens.

Après un premier chapitre réservé à un état de la question, qui donnera un aperçu des grandes tendances de la recherche moderne depuis ses débuts, nous procéderons à une analyse interne du corpus, en étudiant la règle des syzygies dans les Reconnaissances, dans les Homélies, puis en comparant les deux présentations de la règle.

23 C. TOUATI, « Pierre et Simon dans le roman pseudo-clémentin : notes critiques », Revue d’histoire des

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9

Au troisième chapitre, nous irons à la recherche, dans la littérature apparentée aux

Clémentines, des différents aspects de la règle des syzygies. L’étude des quatre principaux

thèmes nous amènera à nous intéresser aux gnostiques valentiniens, aux judéo-chrétiens et à plusieurs corpus de textes anciens : les manuscrits découverts près de la mer Morte (aussi appelés manuscrits de Qumrân), les textes de la bibliothèque de Nag Hammadi, divers apocryphes de l’Ancien Testament ainsi que des sources judéo-chrétiennes.

Au terme de ce mémoire, nous aurons une meilleure connaissance de la nature des

Homélies et des Reconnaissances, de leur identité idéologique, de leur composition

littéraire et de leur visées polémiques. Grâce à cette double analyse, à la fois interne et externe, les multiples fonctions du dualisme clémentin (littéraire, narrative, rhétorique, polémique, théologique) apparaîtront clairement.

Comme aucun étude exhaustive n’a encore été faite sur le sujet, nous avons choisi de prendre la longue route. En effet, devant un sujet qui présente certaines difficultés, il nous a paru plus utile de présenter à fond chacune des versions de la doctrine dans son contexte spécifique, au risque de ralentir notre progression. C’est pour cette raison que le lecteur pourra nous reprocher de nous répéter, ou de retenir trop longtemps les conclusions de nos travaux. C’est un choix qui a dû être fait, et nous estimons que cette démarche est la plus appropriée, considérant qu’il nous faudra défricher une bonne fois pour toutes ce champ dont seulement quelques lots épars ont été cultivés.

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CHAPITRE PREMIER : ÉTAT DE LA QUESTION

À cause du foisonnement d’études qui ont été produites depuis l’édition synoptique des Reconnaissances et des Homélies côte à côte en 1672 par J.-B. Cotelier, il serait trop ambitieux de les présenter exhaustivement. Plus encore, comme l’écrit F. Amsler, le genre de l’état de la question a connu un franc succès24, depuis celui de F. S. Jones en 198225, et il n’est pas pertinent ni utile de reprendre dans son ensemble un travail qui a déjà été maintes fois accompli.

Néanmoins, il nous a semblé important d’offrir notre contribution à cet édifice, ne serait-ce qu’à des fins de références. Ainsi, après avoir passé en revue les différents états de la question disponibles, nous dessinerons le contour des tendances générales qui ont alimenté la recherche moderne depuis ses débuts, en présentant également ses nouvelles tendances, en accordant un regard plus attentif aux recherches touchant à notre problématique.

1. ÉTATS DE LA QUESTION ANTÉRIEURS

Dans son ouvrage de 1930, O. Cullmann propose un état de la question complet et précis sur les tout débuts de la recherche sur les Pseudo-Clémentines. Il offre une compréhension claire de la genèse de la recherche, et opère une analyse critique des travaux de ses prédécesseurs.

L’état de la question de F. S. Jones reste encore à ce jour le plus exhaustif et demeure incontournable dans toute approche des Clémentines ; cet article recense les recherches effectuées des origines jusqu’aux années 80. Son article comporte la recension des études concernant huit sujets : les éditions et les traductions ; la Grundschrift ; les sources de la

Grundschrift ; les citations du Roman ; les Homélies ; les Reconnaissances ; les épitomés

grecs ; le judéo-christianisme dans les Pseudo-Clémentines. L’auteur y fait preuve d’une grande objectivité, se démarquant par son souci de rendre disponibles et accessibles toutes

24 F. AMSLER, « État de la recherche récente sur le Roman pseudo-clémentin », p. 25.

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11 les thèses posées.

Dans son étude sur les Anabathmoi Jacobou26, R. Van Voorst consacre son premier chapitre à faire l’histoire de la recherche, en s’attardant aux travaux qui ont cherché à déterminer les sources à Rec., I, 27-71, le passage qui aurait utilisé les Anabathmoi Jacobou ou les Montées de Jacques (aussi appelées Ascensions de Jacques).

L’introduction de L. Cirillo et A. Schneider à leur traduction des Reconnaissances27,

sans présenter d’état de la question fouillé, expose sommairement les principaux problèmes du texte et les pistes de solutions avancées par la recherche.

Celui de P. Geoltrain28 pose comme point de départ les travaux de O. Cullmann. P. Geoltrain expose ses thèses avant d’explorer comment elles ont été reçues par la recherche postérieure, esquissant brièvement les travaux B. Rehm, G. Strecker, H. J. Schoeps et F. S. Jones, entre autres. Il termine par une liste des travaux qui, en 1998, étaient en cours29.

L’état de la question de F. Manns30, clair et concis, résume les thèses concernant les sources et le judéo-christianisme des Clémentines ; son article vise plutôt à présenter la recherche plutôt qu’à la critiquer ou la commenter.

26 R. VAN VOORST, The Ascents of James : History and Theology of a Jewish-Christian Community,

Dissertation Series (Society Of Biblical Literature), 112, Atlanta, Scholars Press, 1989. L’existence de ce texte perdu est rapporté par Épiphane dans « Ébionites », Panarion, 30, 16,7.

27 L. CIRILLO, et A. SCHNEIDER, « Introduction », Les Reconnaissances du Pseudo Clément, p. 13-61.

28 P. GEOLTRAIN, « Le Roman pseudo-clémentin depuis les recherches d’Oscar Cullmann », dans Le

judéo-christianisme dans tous ses états : actes du Colloque de Jérusalem, 6-10 juillet 1998, S. C. MIMOUNI

et F. S. JONES, (éds.), Lectio divina, Hors série, Paris, Éditions du Cerf, 2001, p. 31-38.

29 Notamment, l’édition du syriaque de F. S. Jones, parue en 2014, le commentaire des Homélies de

J. Wehnert, paru en 2010, et les traductions françaises des Reconnaissances et des Homélies, parue dans le volume de la Pléiade des Écrits apocryphes chrétiens, en 2005.

30 F. MANNS, « Les Pseudo-Clémentines (Homélies et Reconnaissances). État de la question », Liber Annuus,

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Dans les introductions de leurs thèses de doctorat, D. Côté31 et N. Kelley32 effectuent un résumé des recherches, en particulier celles entourant la question de la Grundschrift et les problèmes historiques et littéraires des Clémentines ; N. Kelley, pour sa part, s’intéresse aux questions de l’astrologie et de la philosophie.

F. Amsler complète le travail de F. S. Jones en couvrant les années 1983 à 200633. L’intention de F. Amsler n’est pas de recenser tous les travaux, mais de montrer les principales tendances de ces dernières années ; son article est critique, puisqu’il propose certaines améliorations méthodologiques pour les recherches futures. Il soutient qu’il serait judicieux de ne plus aborder les Clémentines selon une approche strictement diachronique, mais de privilégier une approche thématique. Également, comme les personnages des

Clémentines sont des constructions littéraires, il faut cesser de fouiller pour trouver les

figures historiques qui pourraient se cacher derrière eux. En outre, il affirme qu’il serait nécessaire que tous les chercheurs adoptent les mêmes définitions, en particulier concernant le judéo-christianisme34.

L’état de la question de B. Pouderon, paru en 2007, fut réédité en 2012 dans La

genèse du roman pseudo-clémentin35. Il présente, comme F. Amsler, les recherches selon une approche critique. Il se concentre sur les questions toujours débattues, à savoir la nature des différentes composantes des Clémentines, dont la Grundschrift et ses sources, l’intrigue de reconnaissances, les personnages et les doctrines36.

31 D. CÔTÉ, Le thème de l’opposition entre Pierre et Simon dans les Pseudo-Clémentines, p. 7-18. 32 N. KELLEY, Knowledge and Religious Authority in the Pseudo-Clementines, p. 17-23.

33 F. AMSLER, « État de la recherche récente sur le roman pseudo-clémentin », p. 25-45.

34 Parmi les spécialistes sur la question judéo-chrétienne, S. C. Mimouni, dans son article « Pour une

définition nouvelle du judéo-christianisme ancien » propose de fixer les bornes de ce courant religieux ; pour lui, « le judéo-christianisme ancien est une formulation récente désignant des juifs qui ont reconnu la messianité de Jésus, qui ont reconnu ou qui n’ont pas reconnu la divinité du Christ, mais qui tous continuent à observer la Torah ». Voir S. C. MIMOUNI, « Pour une définition nouvelle du judéo-christianisme ancien »,

New Testament Studies, 38, 1992, p. 184.

35 B. POUDERON, La genèse du Roman pseudo-clémentin : études littéraires et historiques, Collection de la

Revue des études juives, 53, Paris, Peeters, 2012, p. 285-316.

36 Mentionnons aussi deux états de la question en allemand, J. WEHNER, « Literarkritik une Sprachanalyse.

Kritische Anmerkungen zum gegenwärtigen Stand der Pseudoklementinen-Forchung », Zeitschrift für die

Neutestamentliche Wissenschaft, 74, 1983, p. 268-301 ; M. VIELBERG, Klemens in den Pseudoklementinischen Rekognitionen. Studien zur literarischen Form des spätantiken Romans, Texte und

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13

2. LA RECHERCHE SUR LES ORIGINES DES CLÉMENTINES

Le début de la recherche moderne a été marqué par l’édition des deux versions des

Clémentines par J.-B. Cotelier en 1672. Dès lors, on s’efforça de déterminer les rapports

qu’elles pouvaient entretenir entre elles : un seul auteur a-t-il écrit les deux versions, ou alors quelle version est la source de l’autre? Leclerc considéra que les Homélies étaient plus anciennes et avaient servi de base pour les Reconnaissances37 ; il attribua les passages hétérodoxes des Pseudo-Clémentines à un auteur ébionite38 qui aurait vécu au IIe siècle. H. Dodwell39, pour sa part, a posé l’existence de sources et fut le premier à supposer l’existence du Kerygma Petrou40, dont l’auteur aurait été un ébionite ; il montra comment elles se sont développées en Periodoi Petrou41, puis en Anagnorismoi, puis traduites en latin par Rufin dans ses Reconnaissances, qui aboutirent aux Homélies ; A. Schliemann42 et A. Hilgenfeld43 argumentèrent l’un contre l’autre afin de déterminer lesquelles, des

Homélies ou des Reconnaissances, étaient antérieures : le premier affirma que les

Également, un en italien, A. DI DONNA, La catechesi nelle Pseudo-clementine, Rome, Università Pontifica

Salesiana, 1992.

37 Cité d’après O. CULLMANN, Le problème littéraire et historique du roman pseudo-clémentin, p. 44.

38 Les ébionites sont un groupe au sein du christianisme ancien qui se caractérisait par une observance de

certains aspects de la Loi juive. Encore à ce jour, certains chercheurs voient des influences ébionites dans les Clémentines. Nous en traiterons plus abondamment au point 5.2 du chapitre troisième, p. 132.

39 H. DODWELL, Dissertationes in Irenaeum, Oxford, Sheldonian Theater, 1689, p. 439-446.

40 Les Kérygmes de Pierre sont un ouvrage perdu rapporté principalement par Clément d’Alexandrie

(Stromates, I, 29, 182 ; II, 15, 68 ; VI, 5, 39-41 ; VI, 5, 43 ; VI, 6, 48 ; VI, 7, 58 ; VI, 15, 128). C’est à cet ouvrage que sont parfois attribués les éléments judéo-chrétiens des Clémentines. D. Côté affirme qu’à partir de celui-ci, on a pu « reconstituer tout un milieu judéo-chrétien situé dans la Syrie du IIe siècle, caractérisé

par son ésotérisme, son gnosticisme, et ses affinités avec l’elchasaïsme ou l’ébionisme. » Voir D. CÔTÉ, Le

thème de l’opposition entre Pierre et Simon dans les Pseudo-Clémentines, p. 11. Pour O. Cullmann, la

preuve de l’existence de cette source se trouve dans l’Épitre de Clément à Jacques, 20, lorsque Clément écrit avoir déjà envoyé à Jacques un « Résumé des prédications populaires de Pierre, par Clément ». O. Cullmann voit dans ce passage la preuve que l’auteur de la Grundschrift s’est servi d’une source appelée les Prédications de Pierre, les Kerygmata Petrou. Mais B. Pouderon soulève que cette mention ne pourrait être qu’un mécanisme de l’auteur pour placer son ouvrage sous l’autorité protectrice d’un autre écrit, complètement imaginaire. B. POUDERON, La genèse du Roman pseudo-clémentin, p. 300.

41 Les Itinéraires de Pierre sont un texte mis sous le nom de Clément de Rome, perdu mais cité par Origène

dans la Philocalie, 23, par Épiphane dans sa notice sur les ébionites en Panarion, 30, 15,1 et par Jérôme,

Commentaire de la Lettre aux Galates, I, 18. L. Cirillo soutient qu’il s’agit de la Grundschrift : L. CIRILLO, « L’écrit pseudo-clémentin primitif (‘‘Grundschrift’’) : une apologie chrétienne et ses sources », dans Pierre

Geoltrain, ou comment faire l’histoire des religions?, Bibliothèque de l'École des Hautes Études, Sciences

religieuses, 128, S. C. MIMOUNI et I. ULLERN-WEITÉ, (éds.), Turnhout, Brepols, 2006, p. 223-237.

Toutefois, B. Pouderon nuance ce propos en affirmant qu’il « est difficile de savoir si les Periodoi doivent être identifiées à la Grundschrift, ou si elles n’en sont qu’une des adaptations » : B. POUDERON, La genèse du Roman pseudo-clémentin, p. 340.

42 A. SCHLIEMANN, Die Clementinen nebst den verwandten Schriften und der Ebionitismus, Hamburg,

Friedrich Perther, 1844.

43 A. HILGENFELD, Die clementinischen Recognitionen und Homilien nach ihrem Ursprung und Inhalt

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14

Reconnaissances étaient une réécriture tardive des Homélies, qui ne dépendaient d’aucune

source ; A. Hilgenfeld, pour sa part, était plutôt d’avis que les Reconnaissances étaient antérieures aux Homélies. Il s’efforça de trouver les sources des écrits clémentins et établit un modèle semblable à H. Dodwell : les Kerygma Petrou, combinées aux Periodoi Petrou, constituèrent les Anagnorismoi, puis les Reconnaissances, qui furent remaniées pour donner les Homélies. Pour F. C. Baur44, les Pseudo-Clémentines témoignaient de l’existence d’un groupe anti-paulinien au début de l’Église, qui serait né durant la vie de Paul. En rapport avec la nature judéo-chrétienne des Clémentines, F. S. Jones distingua deux tendances dans la recherche45 : (1) celle d'attribuer, comme F. C. Baur, une datation haute aux éléments judéo-chrétiens ainsi qu'une grande importance au judéo-christianisme dans l'histoire de l'Église ; (2) celle de nier la présence d'éléments judéo-chrétiens dans les

Pseudo-Clémentines ou remettant en question l'importance du judéo-christianisme dans

l'histoire de l'Église.

Par une comparaison entre les trames narratives et doctrinales des deux éditions, G. Uhlhorn46 affirma que les Reconnaissances tiraient leur origine des Homélies ; il situa la rédaction des Clémentines en Syrie dans un milieu judéo-chrétien gnostique. Il distingua aussi une source au premier livre des Reconnaissances, les Anabathmoi Jakobou.

C’est à R. A. Lipsius47 que l’on doit le concept et le terme de Grundschrift, cet Écrit

de base (c’est-à-dire la source commune) à l’origine des Reconnaissances et des Homélies48. Pour lui, la Grundschrift était composée des Kerygmata Petrou (et non plus

Kerygma), qui dépendaient d’une ancienne source ébionite, et d’un roman ; sa thèse fut

44 F. C. BAUR, Das Christentum und die christliche Kirche der ersten drei Jahrhunderte, Tübingen, Fues,

1853.

45 F. S. JONES, « The Pseudo-Clementines : A History of Research, Part II » p. 86.

46 G. UHLHORN, Die Homilien und Recognitionen des Clemens Romanus nach ihrem Ursprung und Inhalt

dargestellt, Göttingen, Dieterische Buchhandlung, 1854.

47 R. A. LIPSIUS, Die Quellen der römischen Petrus-Sage kritisch untersucht, Kiel, Schwers'sche

Buchhandlung, 1872.

48 O. Cullmann définit la Grundschrift comme n’étant pas « une œuvre originale conçue d’un seul jet. Le

cadre romanesque jure singulièrement avec les parties didactiques, et chacun de ces éléments renferme, à son tour, des incohérences irréductibles. […] L’Écrit fondamental est une encyclopédie à laquelle différents auteurs ont collaboré. Avant de pouvoir utiliser cet ouvrage avec profit, il faut distinguer ses sources. ». Voir O. CULLMANN, Le problème littéraire et historique du roman pseudo-clémentin, p. 78-79.

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ensuite généralement acceptée par les chercheurs. J. Chapman49, toutefois, rejeta les résultats de la recherche sur la Grundschrift. Pour lui, les Kerygmata Petrou n’ont pas existé. Il ne décela aucun élément judéo-chrétien ni anti-paulinien. Il affirma que l’auteur des Pseudo-Clémentines était un arien, vivait au IVe siècle et destinait l’ouvrage aux païens.

Malgré ces oppositions, la théorie de la Grundschrift fut consolidée par les travaux de H. Waitz50. En comparant les deux textes et en étudiant leurs références chez les Pères de l’Église, H. Waitz situa la rédaction de la Grundschrift à Rome, entre 220 et 230, dans un milieu chrétien syncrétique mais tout de même catholique. Pour lui, la Grundschrift était composée des Prédications de Pierre, des Actes de Pierre, une source catholique et antignostique, du dialogue entre Clément et Appion ainsi que du Livre des lois des pays de Bardesane. Les Actes de Pierre n’étaient en aucune façon ébionites, mais catholiques ; la

Grundschrift faisait état d’un catholicisme syncrétique pré-nicéen et ne manifestait aucune

tendance judéo-chrétienne. Les auteurs des Homélies et des Reconnaissances étaient ariens, et non pas judéo-chrétiens. W. Heintze51, pour sa part, affirma qu’une des sources des

Pseudo-Clémentines était une apologie du judaïsme, présentant trois thèmes : la critique du

polythéisme, de la magie et de l’astrologie ainsi que l’affirmation de l’existence de la Providence.

En 1930, O. Cullmann publia un ouvrage dans lequel il approfondit la thèse de l’existence de la Grundschrift et la question des sources. Pour lui, celles-ci, en particulier les Kerygmata Petrou, étaient d’origine judéo-chrétienne. Il étudia ensuite les relations qu’entretenaient les Pseudo-Clémentines et le début de l’histoire du christianisme avec ce qu’il nomme le « gnosticisme juif »52. En outre, la Grundschrift était constituée des passages que les Homélies et les Reconnaissances partagent. Il identifia trois sources principales à la Grundschrift : les Prédications de Pierre, une apologie juive et un cadre

49 J. CHAPMAN, « Origen and the Date of Pseudo-Clement », The Journal of Theological Studies, 3, 1902,

p. 436-441 ; « On the date of the Clementines », Zeitschrift für die Neutestamentliche Wissenschaft und die

Kunde der älteren Kirche, 9, 1908, p. 147-159.

50 H. WAITZ, Die Pseudoklementinen, Homilien und Rekognitionen : eine quellenkritische Untersuchung,

Leipzig, J.C. Hinrichs, 1904.

51 W. HEINTZE, Der Klemensroman und seine griechischen Quellen, Leipzig, J.C. Hinrichs, 1914. 52 O. CULLMANN, Le problème littéraire et historique du roman pseudo-clémentin, p. 256-257.

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romanesque. À une époque où les éditions scientifiques des Clémentines n’existaient pas, il a su, par une méthodologie rigoureuse et une analyse littéraire méticuleuse, paver une route qui n’était alors qu’un sentier tortueux.

B. Rehm53 se distingua du reste de la recherche par son hypothèse d’un interpolateur : l’auteur de la Grundschrift était en réalité un compilateur, modifiant très peu ses sources. Pour lui, les Kerygmata Petrou n’ont pas existé et tous les passages qu’on leur attribuait traditionnellement, comme les passages anti-pauliniens, la Lettre de Pierre, et aussi les références à Jacques, ont été ajoutés plus tard aux Homélies par des ébionites.

H. J. Schoeps54 et G. Strecker55 soutinrent la théorie de l’interpolateur. Pour H. J. Schoeps, les Pseudo-Clémentines étaient ébionites, puisque les sources ébionites surpassent en importance les sources chrétiennes. Il identifia deux sources, l’Écrit de base, rédigé par un judéo-chrétien au deuxième siècle, et les Kerygmata Petrou, également rédigées par un judéo-chrétien, qui combattaient le marcionisme et le gnosticisme. G. Strecker, pour sa part, accepta la reconstruction de l’Écrit de base de H. J. Schoeps mais distingua une source au passage en Rec., I, 27-71, les Montées de Jacques II, qu’il distingua des Montées de Jacques rapportées par Épiphane. Selon lui, les Kerygmata Petrou n’étaient pas une œuvre ébionite, mais s’efforçaient plutôt de montrer la continuité entre Israël et la communauté chrétienne. G. Strecker s’accorda avec H. Waitz pour affirmer que les auteurs des Homélies et des Reconnaissances n’étaient pas responsables des éléments judéo-chrétiens dans les Clémentines ; la Grundschrift n’était ni chrétienne ni judéo-chrétienne, mais était plutôt issue d’un milieu où la relation entre judaïsme et christianisme était mal définie.

J. Rius-Camps56 défendit la thèse de B. Rehm au sujet des interpolations ébionites

53 B. REHM, « Zur Entstehung der pseudoclementinischen Schriften », Zeitschrift für die Neutestamentliche

Wissenschaft, 37, 1938, p. 77-184.

54 H. J. SCHOEPS, Theologie und Geschichte des Judenchristentums, Tübingen, J. C. B. Mohr, 1949. 55 G. STRECKER, Judenchristentum in den Pseudoklementinen, Berlin, Akademie-Verlag, 1981 (1958). 56 J. RIUS CAMPS, « Las pseudoclementinas : bases filologicas para una nueva interpretación », Revista

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dans les Homélies. Il fut le premier à réaliser une étude linguistique complète du corpus clémentin, autant des Homélies, des Reconnaissances que des fragments syriaques, pour reconstituer la Grundschrift.

F. S. Jones présenta son modèle de l’Écrit de base, qu’il identifia comme étant les

Periodoi Petrou, dans son article « Eros and Astrology in the Periodoi Petrou. The Sense

of the Pseudo-Clementine Novel »57. Se basant sur le fait que les Homélies et les

Reconnaissances ont utilisé la Grundschrift séparément, il conclut que tous les passages

qu’ils partagent découlent de l’Écrit de base. Il a plus récemment publié sous une forme plus succincte son modèle des Periodoi Petrou, qu’il situa en 220 après J.-C., écrit par un judéo-chrétien de Syrie58.

J. Wehnert59 considéra que l’Épître de Pierre à Jacques, l’Engagement solennel et l’Épître de Clément à Jacques étaient des fictions écrites par l’auteur des Homélies. Pour lui, les Kerygmata Petrou n’ont pas existé. Par une analyse du vocabulaire, il arriva à la conclusion qu’il était erroné d’utiliser le terme de Grundschrift, puisqu’il n’existe pas derrière les Homélies et les Reconnaissances une seule entité littéraire, mais plutôt plusieurs couches de traditions qui empêchent de déterminer si les deux versions conservées du Roman ont eu accès aux mêmes sources60. Il reconstitua le développement du Roman en quatre étapes61 : un texte appelé les Actes de Pierre, racontant le combat entre Pierre et Simon ; l’intrigue concernant Clément, ses interrogations et sa famille, ajoutée vers 220-270 ; l’Écrit de base, constitué quand les écrits furent intégrés à une correspondance avec Jacques ; enfin, une dernière étape dans laquelle l’homéliste et le recognitioniste firent leurs adaptations. Pour B. Pouderon, « la thèse de Wehnert n’ébranle

57 F. S. JONES, « Eros and Astrology in the Periodoi Petrou. The Sense of the Pseudo-Clementine Novel »,

Apocrypha, 12, 2001, p. 53-78.

58 F. S. JONES, The Syriac ‘‘ Pseudo-Clementines ’’, p. 15-27.

59 J. WEHNERT, « Literarkritik und Sprachanalyse. Kritische Ammerkungen zum gegenwärtigen Stand der

Pseudoklementinen-Forschung », Zeitschrift für die Neutestamentliche Wissenschaft, 74, 1983, p. 268-301.

60 J. WEHNERT, « Abriss der Enstehungsgeschichte des pseudo-klemeninischen Romans », Apocrypha, 3,

1992, p. 211-235.

61 J. WEHNERT, « Petrus versus Paulus in den pseudoklementinischen Homilien 17 », dans Christians as a

Religious Minority in a Multicultural City : Modes of Interaction and Identity Formation in Early Imperial Rome, Journal for the study of the New Testament, Supplement 243, J. ZANGENBERG et M. LABAHN, (éds.), Londres / New York, T & T Clark International, 2004, p. 175-185.

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pas véritablement la théorie de la Grundschrift, mais elle rend en revanche quelque peu illusoire toute tentative de reconstitution minutieuse du texte ou même simplement de la structure de la Grundschrift »62.

Dans un article publié en 200663, L. Cirillo tenta, non pas de reconstruire la

Grundschrift dans sa totalité, mais d’en indiquer les traits principaux et le milieu d’origine.

Selon L. Cirillo, les Periodoi Petrou doivent être identifiées à l’Écrit de base : il s’agissait d’un roman rédigé en Syrie du Nord, faisant l’apologie de la foi judéo-chrétienne. L’ouvrage racontait les voyages de Pierre et ses affrontements avec Simon sur la question de l’unicité de Dieu, principalement.

Le modèle de B. Pouderon, même si les mêmes méthodes sont utilisées, diffère considérablement de celui de J. Wehnert. B. Pouderon distingue six étapes de constitution des Pseudo-Clémentines64 : d’abord, un roman païen, peut-être d’origine stoïcienne, présentant une intrigue de reconnaissances ; celui-ci aurait été ensuite adapté par un Juif hellénophone, qui aurait fait du roman une apologie du judaïsme, avec le personnage de Clément, inspiré de Flavius Clemens, parent de Domitien, martyr du judaïsme ; ensuite, un rédacteur judéo-chrétien aurait christianisé le roman ainsi que le personnage de Clément, qui devint le Clément de Rome, successeur de Pierre, et y aurait ajouté l’affrontement entre Pierre et Simon ainsi que différents documents doctrinaux d’origine judéo-chrétienne, dont, possiblement, les Kerygmata Petrou : il s’agirait là de la Grundschrift ; celle-ci aurait pu devenir ensuite les Periodoi Petrou citées par Origène65, bien qu’il soit difficile de déterminer si les Periodoi Petrou et la Grundschrift furent un seul et même écrit ; puis, issues de la Grunschrift ou des Periodoi Petrou, les Homélies, qui en ont conservé plus fidèlement la structure, et les Reconnaissances grecques ; finalement, Rufin traduisit les

Reconnaissances grecques en latin66.

62 B. POUDERON, La genèse du Roman pseudo-clémentin, p. 287.

63 L. CIRILLO, « L’écrit pseudo-clémentin primitif (‘‘Grundschrift’’) : une apologie judéo-chrétienne et ses

sources ».

64 B. POUDERON, La genèse du Roman pseudo-clémentin, p. 317-340. 65 ORIGÈNE, Philocalie, 23.

66 Ce modèle, ainsi que la méthodologie utilisée par B. Pouderon, ne font toutefois pas l’unanimité :

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Au terme de ce tour d’horizon des différentes théories sur les sources des

Clémentines, deux tendances sont perceptibles, selon l’analyse de F. Amsler67 : (1) le modèle de la compilation des sources, utilisé de H. Waitz à G. Strecker, qui considère que l’Écrit de base est une compilation de plusieurs sources, dont les Kerygmata Petrou et les

Montées de Jacques ; (2) le modèle du développement progressif, avancé principalement

par J. Wehnert et B. Pouderon : selon eux, même si leur modèle diffère largement, le processus de constitution du corpus se serait fait par strates, chaque étape de développement reprenant un texte antérieur.

3. NOUVELLES ORIENTATIONS DE LA RECHERCHE

Comme le remarque D. Côté68, la recherche des sources, la Quellenforschung, qui s’effectue depuis plus de cinquante ans, n’a pas produit de résultats convaincants ni unanimes, hormis l’acceptation de l’existence de la Grundschrift (même si sa composition diffère d’un chercheur à l’autre), et sa datation, au début de IIIe siècle. Ainsi, F. Amsler propose de « faire méthodologiquement le deuil de la critique des sources pour s’intéresser à chacun des textes pour lui-même dans l’état que nous le connaissons »69.

Ainsi, depuis J. Wehnert, qui a affirmé l’impossibilité de reconstruire la Grundschrift et qui a ouvert la voie à de nouvelles approches du corpus clémentin, la recherche a pris une nouvelle tangente, préférant une approche synchronique à une approche diachronique, sans toutefois délaisser complètement la critique des sources.

M. J. Edwards70 propose de comparer les passages que les Reconnaissances et les

Homélies ont en commun, qui sont de fait ceux qui contiennent le plus d’éléments narratifs.

La thèse de M. J. Edwards est que les Reconnaissances, dont l’intrigue est plus développée

n’est pas un guide fiable pour la reconstruction des sources de la Grundsschrift. Voir J. N. BREMMER,

« Pseudo-Clementines: Texts, Dates, Places, Authors and Magic », dans The Pseudo-Clementines, J. N. BREMMER, (éd.), Studies on Early Christian Apocrypha, 10, Louvain, Peeters, 2010, p. 3-5.

67 F. AMSLER, « État de la recherche récente sur le Roman pseudo-clémentin », p. 33.

68 D. CÔTÉ, Le thème de l’opposition entre Pierre et Simon dans les Pseudo-Clémentines, p. 3. 69 F. AMSLER, « État de la recherche récente sur le Roman pseudo-clémentin », p. 44.

70 M. J. EDWARDS, « The Clementina : A Christian Response to the Pagan Novel », Classical Quarterly, 42,

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que celle des Homélies, furent une création originale chrétienne et qu’elle n’est pas issue d’un modèle romanesque païen, comme l’affirment O. Cullmann et B. Pouderon. Après une série de comparaisons détaillées et fouillées avec les romans antiques, analysant notamment la place de la Fortune au sein de ceux-ci, M. J. Edwards conclut que le but du rédacteur clémentin était de christianiser le modèle du roman classique, qui contenait beaucoup de concepts incompatibles avec la foi chrétienne, comme l’idée du déterminisme astrologique.

En contrepartie, I. Czachesz71 affirme que les Clémentines s’inscrivent difficilement dans le genre du roman. Si les topoi habituels s’y trouvent (l’amour, la chasteté, les naufrages, les séparations des membres d’une famille), ils ne servent qu’à colorer le récit, sans constituer une part majeure de l’intrigue. Seul le motif des reconnaissances est présent avec force, mais il ne suffit pas à faire des Clémentines un roman. Selon I. Czachesz, il faudrait plutôt les classer dans le genre de la biographie antique, plus spécifiquement la biographie de philosophe.

En terme de nombres de travaux publiés, F. S. Jones est le chercheur le plus prolifique à avoir travaillé sur le corpus clémentin. Il s’est penché notamment sur la question de ses sources et de son judéo-christianisme72. Il est aussi l’auteur d’un article dans lequel il étudie le thème de l’astrologie et son influence sur la structure des

Clémentines73.

D. Côté, dans sa thèse de doctorat, étudie plus précisément l’opposition entre Pierre et Simon, ce qu’elle apporte au texte et l’effet qu’elle produit sur le lecteur. Après avoir abordé l’opposition ente les deux personnages dans les Homélies, puis dans les

Reconnaissances, il compare les Clémentines avec des types et formes littéraires, comme la

figure du magicien et du philosophe. Finalement, il explore les autres traditions des confrontations entre Pierre et Simon. Son approche est narrative et elle délaisse

71 I. CZACHESZ, « The Clement Romance : Is It a Novel ? », dans The Pseudo-Clementines, p. 24-35.

72 Pour une bibliographie récente de ses travaux, voir F. AMSLER et al., (éds.), Nouvelles intrigues

pseudo-clémentines, p. 473-474.

73 F. S. JONES, « Eros and Astrology in the Periodoi Petrou. The Sense of the Pseudo-Clementine Novel ».

Figure

Figure 1 : illustration de la proposition XVII

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