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Laissez les enfants venir à moi (1618-1620) par Antoine van Dyck : l’invention d’un portrait historié

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(1)

Laissez les enfants venir à moi (1618-1620) par

Antoine van Dyck

L’invention d’un portrait historié

Mémoire

Caroline Chamberland

Maîtrise en histoire de l’art

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

(2)

RÉSUMÉ

Ce mémoire a pour objet d’étude Laissez les enfants venir à moi d’Antoine van Dyck, peint entre 1618 et 1620. Cette œuvre est un ajout singulier au canon existant puisqu’elle se présente sous la forme d’un portrait historié; de là sa qualification d’invention dans ce mémoire. Comme il s’agit de la première fois que le terme « invention » est utilisé pour décrire cette œuvre d’art en particulier, l’objectif implicite de l’étude est de montrer la vraisemblance de cette affirmation. Dans une optique d’abord historique, l’œuvre sera analysée dans le contexte de sa réalisation, soit la jeunesse de l’artiste et son apprentissage dans le milieu anversois du début du XVIIe siècle. L’iconographie du thème du Christ bénissant les enfants sera également considérée afin de mettre en lumière l’invention du portrait historié, avant de conclure avec l’aspect performatif de l’image créée par Van Dyck et son incidence sur le spectateur.

(3)

Table des matières

RÉSUMÉ ... ii

LISTE DES FIGURES ... vi

REMERCIEMENTS ... xiii

INTRODUCTION ... 1

Problématique de recherche et délimitation du sujet ... 1

Laissez les enfants venir à moi de Van Dyck : une description préliminaire ... 2

État de la question ... 6

L’œuvre ... 6

L’artiste ... 8

Limites des sources ... 10

La question de la datation de l’œuvre ... 10

Les origines de l’œuvre... 11

Organisation de la recherche ... 11

CHAPITRE 1. LA PREMIÈRE PÉRIODE ANVERSOISE ... 13

1.1 Laissez les enfants venir à moi présente-t-il vraiment une « nouveauté saisissante »? ... 13

1.2 Les fondements de l’invention : deux conjonctures initiales ... 15

La religiosité de l’artiste ... 15

Van Dyck, un enfant prodige? ... 17

1.3 La première période anversoise : premiers succès ... 18

Posséder son propre atelier : un pas vers l’indépendance ... 18

Peindre portraits et peintures d’histoire pour la bourgeoisie anversoise ... 19

Lorsque portrait et peinture d’histoire se rencontrent : le portrait historié ... 22

1.4 Van Dyck et Rubens ... 24

Rubens et son atelier ... 24

Les années de collaboration ... 25

Rubens et Van Dyck : faits et mythes ... 27

CHAPITRE 2. IMITATION & ÉMULATION : LE CHEMINEMENT DE L’INVENTION .. 31

2.1 L’imitation ... 31

Définition des termes ... 31

Un apprentissage des bases dans l’atelier d’Henri van Balen ... 33

Peindre dans le style de Rubens ... 34

... Tout à fait comme Rubens? ... 36

(4)

Le Miracle du pain et des poissons (1618) et autres inspirations de Laissez les enfants venir à moi

... 41

2.2 L’émulation ... 44

La rivalité nécessaire ... 44

Rubens et Titien ... 45

À l’exemple de Rubens? Van Dyck et Titien ... 47

De même il faut que notre esprit, absorbant tout ce qu’il puise ailleurs, ne laisse voir que le produit obtenu ... 49

CHAPITRE 3. LA TRADITION ICONOGRAPHIQUE FLAMANDE DU CHRIST BÉNISSANT LES ENFANTS ... 55

3.1 Une période de renouveau dans l’art religieux ... 55

3.2 La représentation anversoise de ce thème ... 58

La popularité de cette représentation ... 58

L’iconographie traditionnelle ... 60

Les préludes de l’invention : le portrait qui n’est pas historié ... 66

3.3 Van Dyck et cette tradition ... 69

Les modifications apportées à l’iconographie par Van Dyck ... 69

Un prototype flamand, vénitien ou allemand? ... 71

CHAPITRE 4. LA PERFORMANCE DE L’IMAGE ... 73

4.1 La spécificité du portrait historié dans l’œuvre religieuse ... 74

Un sujet polémique aux XVIe-XVIIe siècles ... 74

Approprié au contexte privé? ... 75

4.2 L’interpellation physique et psychologique du spectateur...76

Les œuvres de dévotion privées ... 76

Désacraliser le sacré ... 79

4.3 La projection de valeurs spécifiques ... 81

La moralité ... 81

L’importance de la famille ... 83

Les allégeances politiques et religieuses ... 83

4.4 Les convictions personnelles influent-elles vraiment sur l’œuvre d’un artiste? Van Dyck versus Jordaens ... 86

4.5 L’invention et ses conjonctures ... 88

Une période exceptionnelle pour des œuvres exceptionnelles ... 88

La postérité de l’invention ... 89

(5)

BIBLIOGRAPHIE ... 94 ANNEXE I : LES FIGURES ... 102

(6)

LISTE DES FIGURES

Figure 1. Van Dyck, Antoine. Laissez les enfants venir à moi. Vers 1618-1620, Huile sur toile,

131,4 x 198,2 cm. Ottawa, Musée des arts du Canada (image tirée du Musée des beaux-arts du Canada, Musée des beaux-beaux-arts du Canada, [En ligne], <www.gallery.ca>, (page consultée le 29 avril 2013) ... ... 102

Figure 2. Van Dyck, Antoine. Laissez les enfants venir à moi (photographie en infrarouge). Vers

1618-1620, Huile sur toile, 131,4 x 198,2 cm. Ottawa, Musée des beaux-arts du Canada (image tirée du Musée des beaux-arts du Canada, Musée des beaux-arts du Canada, [En ligne], <www.gallery.ca>, (page consultée le 29 avril 2013)... 103

Figure 3. Van Dyck, Antoine. Tête de garçon. Vers 1618-1620, Huile sur bois, 41 x 29 cm.

Emplacement actuel inconnu (image tirée de Alan McNairn, Le jeune Van Dyck, catalogue d’exposition (Ottawa, 19 septembre-9 novembre 1980), Ottawa, Musée des beaux-arts du Canada, 1980, p. 16). ... 104

Figure 4. Van Dyck, Antoine. Tête de garçon. Vers 1618-1620, Huile sur papier marouflée sur

toile à une date ultérieure, 43 x 27,5 cm. Collection privée (image de Caroline Chamberland).105

Figure 5. Van Dyck, Antoine. Étude de la tête d’un enfant. Vers 1618-1620, Huile sur papier

marouflée sur toile à une date ultérieure, dimensions inconnues. Londres, Philip Mould & Company (image de Caroline Chamberland) ... 106

Figure 6. Van Dyck, Antoine. Portrait d’un homme. Vers 1618-1620, Huile sur toile, 30,5 x 23

cm. Collection privée (image de Caroline Chamberland). ... 107

Figure 7. Van Dyck, Antoine. Saint Simon. Vers 1618, Huile sur toile, 64 x 48,3 cm. Althorp

House, Collection de Lord Spencer (image tirée de ArtStor, ArtStor, [En ligne], <http://library.artstor.org>, (page consultée le 29 avril 2013). ... 108

Figure 8. Van Dyck. Antoine. Saint Paul. Vers 1619, Huile sur toile, 60 x 43 cm. Emplacement

actuel inconnu (image tirée de ArtStor, ArtStor, [En ligne], <http://library.artstor.org>, (page consultée le 29 avril 2013). ... 109

Figure 9. Van Dyck, Antoine. Étude de deux hommes. Sans date, Huile sur toile, 45 x 67 cm.

Emplacement actuel inconnu (image tirée de Sotheby’s, Sotheby’s, [En ligne], <www.sothebys.com>, (page consultée le 29 avril 2013). ... 110

(7)

Figure 10. Van Dyck, Antoine. Portrait d’une famille. Vers 1620, Huile sur toile, 113,5 x 93,5

cm. Saint-Pétersbourg, Musée de l’Ermitage (image tirée de ArtStor, ArtStor, [En ligne], <http://library.artstor.org>, (page consultée le 28 mai 2013). ... 111

Figure 11. Rubens, Pierre Paul. Vierge à l’enfant et portraits des donateurs Alexandre Goubau et

son épouse Anne Antoni. Entre 1608 et 1621, Huile sur bois, 124 x 84 cm. Tours, Musée des beaux-arts de Tours (image tirée du Musée des beaux-arts de Tours, Musée des beaux-arts de Tours, [En ligne], <www.mba.tours.fr>, (page consultée le 29 avril 2013). ... 112

Figure 12. Van Dyck, Antoine. Portrait de Sir George Viller et Lady Catherine Manners en

Adonis et Vénus. 1620-1621, Huile sur toile, 223,5 x 160 cm. Malibu, Villa J. Paul Getty (image tirée de Arthur K. Wheelock et al., Anthony Van Dyck, catalogue d’exposition (Washington, 11 novembre 1990-24 février 1991), New York, H. N. Abrams, 1990). ... 113

Figure 13. Van Dyck, Antoine. Portrait d’un homme âgé. 1613, Huile sur toile, 63 x 43,5 cm.

Bruxelles, Musées royaux des arts de Belgique (image tirée des Musées royaux des beaux-arts de Belgique, Musées royaux des beaux-beaux-arts de Belgique, [En ligne], <www.fine-beaux-arts- <www.fine-arts-museum.be>, (page consultée le 18 mai 2013). ... 114

Figure 14. Van Dyck, Antoine. Portrait d’une femme de soixante ans. 1618, Huile sur bois, 65,5

x 50,5 cm. Dresde, Gemäldegalerie Alte Meister der Staatlichen Kunstsammlungen (image tirée de Susan J. Barnes et al., Van Dyck : a Complete Catalogue of the Paintings, New Haven, Paul Mellon Center for Studies in British Art & Yale University Press, 2004, p. 119). ... 115

Figure 15. Van Dyck, Antoine. Susanna Fourment et sa fille Clara del Monte. 1621, Huile sur

toile, 172 x 117 cm. Washington, National Gallery of Art (image tirée du National Gallery of Art, National Gallery of Art, [En ligne], <www.nga.gov>, (page consultée le 18 mai 2013). ... 116

Figure 16. Rubens, Pierre Paul. Adoration des mages. 1609; 1628-1629, Huile sur toile, 355,5 x

493 cm. Madrid, Museo Nacional del Prado (image tirée du Museo Nacional del Prado, Museo Nacional del Prado, [En ligne], <www.museodelprado.es>, (page consultée le 18 mai 2013). 117

Figure 17. Van Dyck, Antoine. Saint Martin divisant son manteau. Vers 1618-1620, Huile sur

bois, 170 x 160 cm. Zaventem, Église paroissiale (image tirée de Alejandro Vergara et Friso Lammertse, The Young Van Dyck, catalogue d’exposition (Musée du Prado, 20 novembre 2012-3 mars 2013), Madrid, Musée du Prado, 2012, p. 46). ... 118

Figure 18. Van Dyck, Antoine. Saint Martin divisant son manteau. Vers 1618-1620, Huile sur

toile, 258 x 243 cm. Angleterre, Collection royale (image tirée de Alejandro Vergara et Friso Lammertse, The Young Van Dyck, catalogue d’exposition (Musée du Prado, 20 novembre 2012-3 mars 2013), Madrid, Musée du Prado, 2012, p. 47). ... 119

(8)

Figure 19. Rubens, Pierre Paul. Saint Ambroise et l’empereur Théodose. Vers 1615-1618, Huile

sur toile, 362 x 246 cm. Vienne, Kunsthistorisches Museum (image tirée de Alejandro Vergara et Friso Lammertse, The Young Van Dyck, catalogue d’exposition (Musée du Prado, 20 novembre 2012-3 mars 2013), Madrid, Musée du Prado, 2012, p. 50). ... 120

Figure 20. Van Dyck, Antoine. Saint Ambroise et l’empereur Théodose. Vers 1618-1621, Huile

sur toile, 149 x 113.2 cm. Londres, National Gallery (image tirée de Alejandro Vergara et Friso Lammertse, The Young Van Dyck, catalogue d’exposition (Musée du Prado, 20 novembre 2012-3 mars 2013), Madrid, Musée du Prado, 2012, p. 50). ... 121

Figure 21. Rubens, Pierre Paul. La fête de Vénus. Entre 1630-1640, Huile sur toile, 195 x 210

cm. Stockholm, Nationalmuseum (image tirée d’Ut pictura 18, Utpictura18 : Base de données iconographiques, [En ligne], <http://utpictura18.univ-montp3.fr> (page consultée le 2 octobre 2014). ... 122

Figure 22. Titien. La fête de Vénus. 1518-1519, Huile sur toile, 172 x 175 cm. Madrid, Museo

Nacional del Prado (image tirée du Museo Nacional del Prado, Museo Nacional del Prado, [En ligne], <www.museodelprado.es> (page consultée le 2 octobre 2014). ... 123

Figure 23. Rubens, Pierre Paul. Miracle du pain et des poissons. 1618, Crayon et encre brune sur

papier, 33,1 x 22,4 cm. Oxford, Christ Church (image tirée de Catherine Whistler et Jeremy Wood, Rubens in Oxford : an Exhibition of Drawings from Christ Church and the Ashmolean Museum, catalogue d’exposition (University of Oxford, Christ Church, 25 avril-20 mai 1988), Londres, P. & D. Colnaghi & Co, 1988, p. 33). ... 124

Figure 24. P. Pontius. Le visage du Christ. Sans date, Gravure, approximativement 30 x 25 cm.

Emplacement actuel inconnu; présumé perdu (image tirée de Hans Vlieghe, Saints (Corpus Rubenianum), Londres & New York, Phaidon, 1972-1973, vol. 1, p. 33). ... 125

Figure 25. Rubens, Pierre Paul. La pièce de monnaie du tribut. Vers 1612, Huile sur toile, 144,1

x 189,9 cm. San Francisco, Fine Arts Museums (image tirée du Fine Arts Museums of San Francisco, Fine Arts Museums of San Francisco, [En ligne], <http://www.famsf.org> (page consultée le 2 octobre 2014). ... 126

Figure 26. Titien. Charles V à la bataille de Mühlberg. 1548, Huile sur toile, 335 x 283 cm.

Madrid, Museo Nacional del Prado (image tirée du Museo Nacional del Prado, Museo Nacional del Prado, [En ligne], <www.museodelprado.es> (page consultée le 2 octobre 2014). ... 127

Figure 27. Rubens, Pierre Paul. Portrait équestre du duc de Lerma. 1603, Huile sur toile, 290,5

x 207,5 cm. Madrid, Museo Nacional del Prado (image tirée du Museo Nacional del Prado, Museo Nacional del Prado, [En ligne], <www.museodelprado.es> (page consultée le 2 octobre 2014). ... 128

(9)

Figure 28. Van Dyck, Antoine. Le mariage mystique de Sainte Catherine. Vers 1618-1620, Huile

sur toile, 124 x 174 cm. Madrid, Museo Nacional del Prado (image tirée du Museo Nacional del Prado, Museo Nacional del Prado, [En ligne], <www.museodelprado.es> (page consultée le 2 octobre 2014). ... 129

Figure 29. Titien. Vierge à l’enfant avec Sainte Marie Madeleine et d’autres saints. Vers 1520,

Huile sur bois, 138 x 191 cm. Dresde, Staatliche Kunstsammlungen (image tirée de Alejandro Vergara et Friso Lammertse, The Young Van Dyck, catalogue d’exposition (Musée du Prado, 20 novembre 2012-3 mars 2013), Madrid, Musée du Prado, 2012, p. 188). ... 130

Figure 30. Titien. Vierge à l’enfant avec Saint Étienne, Saint Jérôme et Saint Maurice. Vers

1520, Huile sur panneau, 92,7 x 138 cm. Vienne, Kunsthistorisches Museum (image tirée de Alejandro Vergara et Friso Lammertse, The Young Van Dyck, catalogue d’exposition (Musée du Prado, 20 novembre 2012-3 mars 2013), Madrid, Musée du Prado, 2012, p. 188). ... 131

Figure 31. Rubens, Pierre Paul. Buste de Sainte Domitille. Sans date, Esquisse à l’huile,

dimensions inconnues. Bergamo, Accademia Carrara (image tirée de Hans Vlieghe, Saints (Corpus Rubenianum), Londres & New York, Phaidon, 1972-1973, vol. 2, fig. 28). ... 132

Figure 32. Cranach L’Ancien, Lucas. Le Christ bénissant les enfants. Milieu des années 1540,

Huile sur bois, 16,5 x 22,2 cm. New York, Metropolitan Museum of Art (image tirée de The Metropolitan Museum of Art, The Metropolitan Museum of Art, [En ligne], <www.metmuseum.org> (page consultée le 2 octobre 2014). ... 133

Figure 33. Floris, Frans. Le Christ bénissant les enfants. Sans date, Huile sur toile, 141,5 x 226

cm. Emplacement actuel inconnu (image tirée de Christie’s Auctions & Private Sales, Christie’s Auctions & Private Sales : Fine Art, Antiques, Jewels & More, [En ligne], <www.christies.com>, (page consultée le 27 février 2014). ... 134

Figure 34. Balten, Pieter (d’après Ambrosius I Francken). Le Christ bénissant les enfants. Sans

date, Gravure, 35 x 44 cm. Emplacement actuel inconnu (image tirée de Sotheby’s : Fine Art Auctions & Private Sales, Sotheby’s : Fine Art Auctions & Private Sales, [En ligne], <www.sothebys.com>, (page consultée le 27 février 2014). ... 135

Figure 35. Francken, Frans I. Le Christ bénissant les enfants. Sans date, Grisaille, dimensions

inconnues. Emplacement actuel inconnu (image tirée de Oil Painting Reproductions, Oil Painting Reproductions : 1st Art Gallery, [En ligne], <www.1st-art-gallery.com>, (page consultée le 27 février 2014). ... 136

Figure 36. Francken, Hieronymus I. Portrait de famille avec le Christ et les apôtres. 1602, Huile

sur bois, 87 x 145 cm. Emplacement actuel inconnu (image tirée de Kunstauktion in Luzern, publiée par la Galerie Fischer à l’occasion de leur vente du 7 au 10 mai 1947). ... 137

(10)

Figure 37. Van Noort, Adam. Le Christ bénissant les enfants. Vers 1608-1610, Huile sur bois, 87

x 195 cm. Bruxelles, Musées royaux des beaux-arts de Belgique (image de Caroline Chamberland) ... 138

Figure 38. Van Noort, Adam. Le Christ bénissant les enfants. Vers 1608-1610, Huile sur bois, 92

x 132 cm. Mayence, Landesmuseum (image tirée de Leo van Puyvelde, « L’œuvre authentique d’Adam van Noort, maître de Rubens », Bulletin des musées royaux des beaux-arts de Belgique, no 2 (1929), p. 47). ... 139

Figure 39. Van Noort, Adam. Le Christ bénissant les enfants. Vers 1610-1615, Huile sur bois,

dimensions inconnues. Munich, Collection Klostermann (image tirée de Leo van Puyvelde, « L’œuvre authentique d’Adam van Noort, maître de Rubens », Bulletin des musées royaux des beaux-arts de Belgique, no 2 (1929), p. 55). ... 140

Figure 40. Van Noort, Adam. Le Christ bénissant les enfants. Vers 1615-1620, Huile sur toile,

111 x 135 cm. Bruxelles, Musées royaux des beaux-arts de Belgique (image de Caroline Chamberland) ... 141

Figure 41. Jordaens, Jacob. Portrait du maître avec sa belle-famille. Vers 1616, Huile sur toile,

116,3 x 148,2 cm. Cassel, Gemäldegalerie Alte Meister (image tirée du Museumslandschaft Hessen Kassel, Gemäldegalerie - Museumslandschaft Hessen Kassel, [En ligne], <www.museum-kassel.de>, (page consultée le 27 février 2014). ... 142

Figure 42. Van Balen, Henri. Le Christ bénissant les enfants. 1604, Huile sur toile, 142,1 x 201,8

cm. Emplacement actuel inconnu (image tirée de Bettina Werche, Hendrick van Balen (1575-1632) : ein Antwerpener Kabinettbildmaler der Rubenszeit, Turnhout, Brepols, 2004, p. 335) 143

Figure 43. Van Balen, Henri. Autoportrait avec ma femme Margareta Briers. Sans date, Huile

sur bois, dimensions inconnues. Anvers, Église Saint Jacques (Teil des Grabepitaphs) (image tirée de Bettina Werche, Hendrick van Balen (1575-1632) : ein Antwerpener Kabinettbildmaler der Rubenszeit, Turnhout, Brepols, 2004, p. 522). ... 144

Figure 44. Van den Walckert, Werner. Le Christ bénissant les enfants avec la famille de Michiel

Poppen. 1620, Huile sur bois, 200 x 156,5 cm. Utrecht, Museum Catharijneconvent (image tirée de Reformatorisch Dagblad, Reformatorisch Dagblad, [En ligne], <www.refdag.nl/> (page consultée le 10 décembre 2014). ... 145

Figure 45. Jordaens, Jacob. Le Christ bénissant les enfants. 1615, Huile sur bois, 104 x 170 cm.

Saint Louis, Saint Louis Art Museum (image tirée du Saint Louis Art Museum, Saint Louis Art Museum, [En ligne], <www.slam.org> (page consultée le 10 décembre 2014). ... 146

(11)

Figure 46. Jordaens, Jacob. Laissez les petits enfants venir à moi. 1655, Huile sur toile, 255,5 x

278 cm. Copenhague, Statens Museum for Kunst (image tirée de Statens Museum for Kunst, Statens Museum for Kunst : National Gallery of Denmark, [En ligne], <www.smk.dk> (page consultée le 10 décembre 2014). ... 147

Figure 47. Van Dyck, Antoine. La vierge aux donateurs. Vers 1630, Huile sur toile, 250 x 191

cm. Paris, Musée du Louvre (image tirée de Susan J. Barnes et al., Van Dyck : a Complete Catalogue of the Paintings, New Haven, Paul Mellon Center for Studies in British Art & Yale University Press, 2004, p. 259). ... 148

Figure 48. Van Dyck, Antoine. L’Abbé Scaglia vénérant la Vierge à l’enfant. Vers 1634-35,

Huile sur toile ovale, 107 x 120 cm. Londres, National Gallery (image tirée de Susan J. Barnes et al., Van Dyck : a Complete Catalogue of the Paintings, New Haven, Paul Mellon Center for Studies in British Art & Yale University Press, 2004, p. 258). ... 149

Figure 49. Bray, Jan de. Le Christ bénissant les enfants. Pieter Braems et sa famille. 1663, Huile

sur toile, 136 x 175,5 cm. Haarlem, Frans Hals Museum (image tirée de Frans Hals Museum, Frans Hals Museum, [En ligne], <www.franshalsmuseum.nl> (page consultée le 10 janvier 2015). ... 150

Figure 50. Bray, Jan de. Le Christ bénissant les enfants : Matthieu 19 :13-15, Marc 10 :13-16,

Luc 18 :15-17. 1663, Crayon et encre brune sur papier, 27,5 x 30,3 cm. New York, The Morgan Library & Museum (image tirée de The Morgan Library & Museum, The Morgan Library & Museum, [En ligne], <www.themorgan.org> (page consultée le 10 janvier 2015). ... 151

(12)

À la mémoire de Marcel Chamberland (1929-2013), un homme de peu de mots que je n’aurai de cesse d’admirer.

(13)

REMERCIEMENTS

Le plus grand adversaire et meilleur allié du chercheur est son propre doute, mais celui-ci peut parfois devenir paralysant. Je tiens tout particulièrement à remercier les personnes suivantes qui ont rendu la réalisation de ce mémoire possible, œuvrant à différents niveaux mais étant toutes irremplaçables.

Tout d’abord, ce mémoire ne saurait exister sans la présence constante de ma directrice de recherche, Mme Eva Struhal. Avant votre arrivée à l’Université Laval, l’art du Baroque était celui que j’appréciais le moins, mais votre grande passion m’a fait découvrir un univers qui m’était jusque-là insoupçonné. Un grand merci pour votre générosité et votre encadrement, qui me permit d’explorer mes idées avec toute la latitude nécessaire.

Je tiens également à remercier Mme Françoise Lucbert et M. Marc Grignon qui, à l’exemple de Mme Struhal, ont été de véritables exemples pour moi. Non seulement votre rigueur et votre quête d’excellence furent inspirantes pour la jeune étudiante que j’étais, mais la manière dont vous sembliez suivre ma progression m’a toujours grandement impressionnée. Même si je n’étais qu’une élève dans une classe bondée, j’ai senti un véritable intérêt de votre part. Je vous en remercie.

Finalement, je ne saurais garder sous silence le grand soutien de ma famille à travers cette longue scolarité. Le premier grand merci doit aller à ma grand-mère et mon grand-père, qui m’ont toujours encouragée dans mes démarches et sans qui je n’aurais pu accomplir cette grande aventure. Je vous remercie profondément et mille fois pour cette chance que vous m’avez offerte. Le second remerciement doit aller à ma mère, mon père et à ma marraine dont le soutien fut plus qu’apprécié. Merci d’avoir été là dans les moments les plus sombres et merci d’avoir cru en moi plus que je ne le faisais moi-même. Plus que tout, je souhaitais vous rendre fiers; j’espère avoir réussi.

(14)
(15)

INTRODUCTION

Problématique de recherche et délimitation du sujet

Cette recherche a pour objet l’étude de Laissez les enfants venir à moi (figure 1) d’Antoine van Dyck (1599-1641), peint entre les années 1618 et 1620. L’analyse est à la fois iconographique et iconologique en raison de sa capacité à englober l’activité de l’artiste, jeune alors, et l’originalité de l’œuvre précédemment mentionnée. L’étude se concentre sur les années durant lesquelles il avait une pratique indépendante tout en travaillant pour l’un des plus grands maîtres anversois jamais connus, Pierre Paul Rubens (1577-1640). Au contact de cet homme de grand talent, l’art de Van Dyck explore différentes possibilités dont seule une si grande inspiration put être la cause. De ce fait, l’art et la présence de Rubens seront étudiés en parallèle pour la grande empreinte qu’ils ont eue sur le jeune artiste. L’étude propose également d’élargir son contexte vers l’art et l’histoire du XVIe siècle flamand puisqu’ils ont des incidences fondamentales sur la formation artistique de Van Dyck.

Le sujet s’inscrit dans une situation historique et culturelle économiquement favorable et marquée par la Trêve de Douze Ans (1609-1621) survenue au cours de la guerre de Quatre-Vingts Ans (1568-1648). Cette période correspond grosso modo à la période de formation du jeune artiste, où il profita des retombées qu’eut cette paix entre les Pays-Bas catholiques et protestants. Dans le cas de Van Dyck, les années 1618 à 1620 à Anvers importent tout particulièrement puisqu’elles correspondent à la période de réalisation présumée de Laissez les enfants venir à moi. Les années sont aussi celles clôturant ce que l’on nomme la « première période anversoise » de Van Dyck qui se termine en 1621, une transition marquée par son départ pour l’Italie.

Le point de départ de notre réflexion est ce qui fait la réelle complexité de l’œuvre, ce qui l’éloigne de la tradition iconographie du thème du Christ bénissant les enfants et qui présente un véritable intérêt : il s’agit de l’introduction d’un portrait de famille dans cette scène biblique. Après avoir lu ce que les différents textes mentionnent à ce sujet, nous avons pu constater que la plupart des analyses se contentent d’étudier un seul des deux genres présents dans l’œuvre de Van Dyck, soit le sujet religieux ou le portrait. Pourtant, ne parler que de l’un ou de l’autre

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semble complètement limiter l’analyse de l’œuvre puisqu’elle présente justement une complexité à travers cette juxtaposition des deux genres. Dans le cadre de ce mémoire, nous nous concentrons donc sur l’introduction du sujet contemporain dans une scène du Christ bénissant les enfants par le biais du portrait historié. Cette contribution à l’historiographie de l’œuvre se veut modeste, mais néanmoins utile : l’usage du portrait historié appliqué au Laissez les enfants venir à moi de Van Dyck n’ayant pas encore été étudié avec l’ampleur que le sujet mérite, c’est ce que nous ferons ici.

Comme cet usage est justement ce qui permet de qualifier l’œuvre d’invention, une définition préliminaire s’impose. L’invention est considérée de par sa signification latine (tirée du mot invenzione) dont la racine transmet l’idée d’une découverte, du déterrement de quelque chose ayant existé sous une autre forme et présenté de manière nouvelle1. Il est important de différencier notre conception actuelle du terme qui équivaut à une pure création, alors qu’à l’époque de la Renaissance ce terme signifiait découvrir une idée afin de résoudre un problème artistique. Van Dyck crée à partir de sa mémoire une œuvre transformée, voire novatrice, qui se distingue de la production traditionnelle en constituant un ajout singulier au canon existant.

Laissez les enfants venir à moi de Van Dyck : une description préliminaire

Une famille, un Christ, une bénédiction et des apôtres. Ces éléments sont caractéristiques d’un thème particulièrement représenté dans l’art flamand, soit celui du Christ bénissant les enfants. Laissez les enfants venir à moi d’Antoine van Dyck, qui fait partie des quelques œuvres du Baroque flamand que possède le Musée des beaux-arts d’Ottawa, est issu de cette tendance. Les dimensions de cette œuvre en font une scène imposante : 131,5 x 198 cm.

À gauche, les apôtres sont au nombre de trois et sont représentés dans une relative obscurité; à droite, six personnages auréolés d’une lumière divine rendant la scène solennelle, composent la famille. Dans le cas des figures bibliques, il s’agit de personnages qui sont semblables au niveau du style et de la physionomie aux bustes d’apôtres réalisés simultanément par l’atelier du jeune artiste et qui ont servi dans plusieurs de ses œuvres religieuses2. Il s’agit

1 David Mayernik, The Challenge of Emulation in Art and Architecture : Between Imitation and Invention,

Farnham, Ashgate, 2013, p. 215.

2 On peut observer trois motifs tirés de ses bustes d’apôtres : le Saint Simon (figure 7), le Saint Paul

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donc de figures génériques. L’originalité de Laissez les enfants venir à moi réside dans le fait que la famille venant traditionnellement à la rencontre du Christ soit ici le portrait d’une famille contemporaine à l’artiste, traitée dans le style des portraits de famille qu’il réalisait à cette époque3. Ellis Waterhouse dit d’ailleurs de cette œuvre que les deux groupes s’y juxtaposent plutôt qu’ils ne s’y harmonisent. Cette affirmation est très juste pour décrire les deux genres que l’on retrouve dans la toile, où l’artiste établit une distinction sans que le résultat ne soit visuellement discordant4. Le résultat est une œuvre à caractère intimiste dans laquelle on observe la bénédiction divine accordée au fils ainé d’une famille anversoise ayant réellement existée.

Pour ce qui est du portrait, il est aisé d’identifier la famille représentée comme étant la commanditaire de l’œuvre — les traits fortement individualisés de ses membres tendent à confirmer cette hypothèse qu’aucun auteur n’a contesté à ce jour. Ludwig Burchard suppose à ce sujet que si le tableau a été peint pour une église, il n’était certainement pas destiné aux lieux consacrés. Plutôt, il a pu orner une chapelle privée en tant qu’offrande pour que les vœux de la famille se réalisent ou en tant qu’ex voto en remerciement de l’accomplissement de ces mêmes vœux5. Quoi qu’il en soit, le contexte entourant cette œuvre est très peu connu; ce que nous connaissons découle uniquement de ce que l’artiste y représente. Lorsque l’on considère la coiffure et les bijoux de la mère et de la fille, il est effectivement possible de déduire qu’il s’agissait là d’une famille de la bourgeoisie anversoise puisque ces éléments sont typiques de la classe sociale6. En fait, la présence même de ce portrait et ses dimensions imposantes nous suggèrent que cette famille avait les moyens de consacrer une partie de ses revenus à autre chose qu’à des nécessités immédiates.

Quant au sujet religieux abordé dans cette œuvre, il est tiré du thème biblique du Christ bénissant les enfants que l’on retrouve dans les synoptiques (Mt 19, 13-15, Mc 10, 13-16 et Lc

l’apôtre de gauche dans Laissez les enfants venir à moi. On y observe le même drapé jaune représenté de manière dramatique ainsi qu’une position corporelle et des caractéristiques faciales comparables. Le Saint Paul, qui correspond à l’apôtre de droite, montre la même expression d’intériorité que celle représentée, cela en plus d’être très similaire sur le plan physique. Il en va de même pour l’apôtre du milieu dont on retrouve l’exacte reproduction dans une étude de tête de deux hommes.

3 Alan McNairn, Le jeune Van Dyck, catalogue d’exposition (Ottawa, 19 septembre-9 novembre 1980),

Ottawa, Musée des Beaux-Arts du Canada, 1980, p. 154.

4 Ellis Waterhouse, Antoine van Dyck : Laissez les enfants venir à moi, Ottawa, Musée des Beaux-Arts du

Canada, 1978, p. 12.

5 Ludwig Burchard, « Blessing the Children by Anthony Van Dyck », The Burlington Magazine for

Connoisseurs, vol. 72, no 418 (janvier 1938), p. 30.

6 Hans Vlieghe et al., La peinture flamande dans les musées d’Amérique du Nord, Paris, A. Michel, 1992,

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18, 15-17). Voici le récit d’après l’évangile selon saint Marc et tiré de la traduction française de la Bible sixto-clémentine qui était en usage au XVIIe siècle à Anvers :

« On lui présentait de petits enfants, afin qu’il les touchât; mais les disciples repoussaient durement ceux qui les présentaient. Jésus, les voyant, en fut indigné, et leur dit : Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les empêchez pas; car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent. En vérité je vous le dis, quiconque ne recevra pas le royaume de Dieu comme un petit enfant, n’y entrera point. » (Mc 10, 13-16)

Il s’agit donc d’un épisode comprenant une certaine tension dramatique du côté des apôtres — c’est d’ailleurs dans cet état d’esprit que Van Dyck les représente, légèrement tendus et en attente du dénouement. En imaginant le groupe des apôtres et du Christ dans cette relative obscurité, l’artiste accentue à la fois l’expressivité de ces personnages de même que leur agitation. Ce jeu d’ombres et de lumière permet également d’établir une forte distinction visuelle entre les deux groupes, ce qui est particulièrement approprié dans ce cas précis.

En ce qui concerne le décor, il est plutôt neutre et n’indique pas d’espace-temps particulier au spectateur : il est composé d’un rideau rouge traversant la scène, d’une colonne d’apparence dorique ainsi que d’un ciel s’ouvrant à la droite de la composition. Ces deux éléments constitutifs du décor sont omniprésents dans les œuvres de jeunesse de Van Dyck, et ce, principalement dans les portraits7. Afin d’établir une séparation entre les deux groupes dans Laissez les enfants venir à moi, le rideau est placé de manière à encadrer les quatre personnages bibliques, entrainant ainsi une certaine délimitation dans l’espace du tableau et donc des deux genres représentés. Van Dyck choisit de représenter cette scène du Christ bénissant les enfants sur un arrière-plan qui amène une certaine neutralité dans la représentation, sans tenter de faire intervenir des éléments qui indiqueraient une époque ou un lieu en particulier. Cet arrière-plan fait également écho aux vêtements portés par la famille dont les simples drapés rappellent vaguement l’Antiquité.

7 Pour deux exemples, voir Suzanna Fourment et sa fille Clara del Monte (1621) (figure 15) et Portrait

d’une famille (vers 1620) (figure 10) dont il est question dans le point intitulé : « Peindre portraits et

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Une restauration effectuée en 1997 par le Musée des beaux-arts du Canada indique qu’à l’origine, Van Dyck avait décidé de n’utiliser qu’une partie de la surface apprêtée8. En fait, une analyse de la surface de l’œuvre révèle que le dessin d’origine devait s’étendre du haut de la toile jusqu’à un point situé sous la main du jeune garçon9. Alors que l’œuvre était toujours en cours d’exécution, l’artiste a choisi d’étendre sa composition davantage vers le bas en utilisant plus de surface. Quant à la limite inférieure gauche, elle est un peu moins évidente. Néanmoins, on pense qu’elle se situait à environ 20 cm du bord actuel. Au total, la composition fut donc agrandie de 20% pour couvrir l’entièreté de la surface apprêtée. Ces modifications furent ajoutées alors que l’œuvre était toujours sur le châssis (les marques laissées par celui-ci nous indiquent que l’œuvre ne fut tendue qu’une seule fois, donc ces changements eurent lieu alors que le jeune artiste travaillait encore sur sa toile)10. Cela indique également que le commanditaire n’avait pas fixé les dimensions de l’œuvre, ce qui, contrairement à l’usage, laissait une certaine liberté au peintre qui mena au résultat que nous connaissons11.

Un second ajustement se trouve dans l’étude du petimenti aujourd’hui visible à l’œil nu. Le temps et les restaurations ont fait apparaître un repentir entre la mère et le père que l’on peut identifier distinctement comme étant celui d’une femme d’âge moyen. Selon Waterhouse, il s’agit là d’une preuve de la jeunesse de l’artiste : il n’aurait pas pensé à la disposition des personnages avant de la peindre et aurait alors tracé la tête de la femme plus à gauche, couvrant le visage d’origine par un morceau de ciel12. Cependant, des analyses faites par le Musée des beaux-arts du Canada en 1998 ont mis au jour des réserves dans la couche du dessous pour chacune des trois têtes d’adulte (figure 2), ce qui indique que les trois têtes étaient prévues à l’origine, mais que dans un souci de simplification l’artiste a décidé de couvrir celle du milieu. Toujours selon le Musée, cette deuxième femme était vraisemblablement une nourrice ou une servante, un personnage que l’on peut aisément effacer d’un portrait de famille13.

8 Musée national des beaux-arts du Canada, Art conservé, [En ligne],

<http://www.gallery.ca/cybermuse/showcases/preserves/suffer_f.jsp#>, (page consultée le 20 novembre 2013).

9 Les analyses effectuées par le musée n’ont pas révélé de dessin sous-jacent à l’œuvre. Si l’artiste utilisa

une craie pour tracer les grandes lignes de sa composition, elle est aujourd’hui indétectable.

10 Musée national des beaux-arts du Canada, Rubens, Van Dyck, Jordaens : Comprendre nos chefs

d’œuvres, [En ligne], <http://www.gallery.ca/rubens/fr/21.htm>, (page consultée le 20 novembre 2013).

11 Ibid.

12 Waterhouse, Op. cit., p. 24.

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Finalement, il existe quatre études préparatoires connues des membres de la famille portraiturés dans Laissez les enfants venir à moi : deux du petit garçon en prière (figures 3 et 4), l’autre du petit garçon blond (figure 5) et la dernière du père (figure 6). Ces études ne seront toutefois pas abordées ici parce qu’elles ne sont en fait que des études en plan rapproché des personnages. Ces esquisses indiquent l’importance accordée par l’artiste à capturer les traits des portraiturés, mais le résultat est néanmoins trop similaire à l’œuvre finale pour que leur analyse n’approfondisse quoi que ce soit.

État de la question

L’œuvre

Un peu plus de vingt-cinq auteurs se sont prononcés au sujet de Laissez les enfants venir à moi de Van Dyck, dont la plupart ne font que mentionner sa présence dans collection du duc de Marlborough avant la vente d’une grande partie de ladite collection en 1887. Ces écrits ne sont pas d’une grande importance puisqu’ils ne proposent qu’une rapide description de l’œuvre. Il faut attendre l’article écrit par Ludwig Burchard en 1938, à l’occasion de l’achat de Laissez les enfants venir à moi par le Musée des beaux-arts d’Ottawa, pour en obtenir une véritable analyse stylistique et contextuelle14. Cet article est encore aujourd’hui une référence de premier plan pour la majorité des études la concernant. L’auteur y aborde de nombreuses questions pertinentes : il fait notamment un retour sur les sources artistiques du jeune artiste en plus de comparer le style de cette œuvre avec d’autres du même thème par Adam van Noort et Werner van den Walckert dont il sera question plus tard. Plus incontournable encore, l’auteur est le premier à avancer que cette œuvre aurait été commandée à l’occasion de la confirmation du jeune garçon en prière, une interprétation qui a depuis été retenue par les historiens. En fait, il arrive à cette conclusion en mentionnant qu’en regard de l’âge du jeune garçon et du thème de l’œuvre, une peinture commémorant cet événement est le cas le plus probable15. Cet article jette donc les bases de la présente réflexion sur cette œuvre que d’autres enrichiront par la suite avec de nouveaux éléments.

14 Burchard, Op. cit., p. 25-30. 15 Ibid., p. 30.

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La monographie écrite en 1980 par Ellis Waterhouse prenant pour sujet cette œuvre et dont la publication coïncide avec l’exposition Le jeune Van Dyck au Musée d’Ottawa se doit également d’être mentionnée16. Cette publication est, jusqu’à ce jour, l’étude la plus complète effectuée à propos de Laissez venir à moi les petits enfants. Elle s’inscrit à la suite de l’analyse commencée par Burchard : les questions de datation, d’attribution et des sources picturales sont encore une fois abordées, mais de manière plus détaillée. Ce livre est, somme toute, l’état de la question à propos cette œuvre puisque l’auteur retrace ce qui a été dit avant lui en y faisant une synthèse personnelle très complète en plus d’avancer quelques hypothèses. Waterhouse va jusqu’à proposer que la famille portraiturée dans cette œuvre était celle de Rubens, ce qui s’explique par le lien que les deux artistes avaient à cette époque17. Cette affirmation, dont Klara Garas était l’instigatrice quelques années auparavant, est aujourd’hui réfutée en raison du peu de ressemblance avec les portraits connus des membres de la famille de Rubens et du nombre d’enfants qui ne concorde pas18. Toutefois, si les portraits de jeunesse de l’artiste sont abordés en lien avec cette œuvre, le sujet religieux y est complètement ignoré; cette faiblesse dans la réflexion de Waterhouse provient du fait qu’il considère Van Dyck en fonction de ce qu’il fut plus tard, soit portraitiste à la cour d’Angleterre. Pourtant, durant sa jeunesse, Van Dyck était également reconnu comme peintre de sujets religieux, ceux-ci occupant la moitié de sa production. Laissez les enfants venir à moi étant une œuvre à thématique religieuse, il est curieux que l’auteur n’ait pas cherché à approfondir le sujet. Cette lacune est néanmoins symptomatique du peu d’études réalisées sur l’enfance de l’artiste alors que sa carrière d’adulte est largement plus considérée.

Susan J. Barnes est auteure de plusieurs publications sur la vie de Van Dyck. L’une de ses collaborations avec Arthur K. Wheelock, Christopher Brown et Julius S. Held a notamment abouti à la publication d’une monographie en 199019 et d’un catalogue raisonné en 200420. Dans la monographie de 1990, l’auteure analyse pour la première fois des documents que Burchard trouva vers la fin de sa carrière, mais qu’il n’eut pas l’occasion de publier. Alors que l’on croyait

16 Waterhouse, Op. cit. 17 Ibid., p. 22-24.

18 Klára Garas, « Ein unbekanntes Porträt der Familie Rubens auf einem Gemälde Van Dycks », Acta

Historiae Artium Academiae Scientiarum Hungaricae, vol. 2 (1955), p. 189-200.

19 Arthur K. Wheelock et al., Anthony Van Dyck, catalogue d’exposition (Washington, 11 novembre

1990-24 février 1991), New York, H. N. Abrams, 1990, 383 p., ill.

20Susan J. Barnes et al., Van Dyck : a Complete Catalogue of the Paintings, New Haven, Paul Mellon

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autrefois que cette œuvre provenait de la succession de Rubens — ce qui confirmait l’hypothèse du portrait de sa famille dans le Laissez les enfants venir à moi —, ces documents indiquent un tout autre possesseur qui sera mentionné plus tard. Finalement, dans la monographie de 1990 tout comme dans le catalogue raisonné de 2004, Barnes fait mention du « portrait historié » pour décrire cette œuvre. Elle est l’une des deux seules auteures à identifier ce mélange des genres sans tenter de voir l’un comme étant plus important que l’autre. C’est pourquoi sa réflexion est si fondamentale dans le cadre de cette recherche.

Finalement, Noora de Porter est l’auteure d’une description de l’œuvre à l’occasion de la publication en 1992 de La peinture flamande dans les musées d’Amérique du Nord21. Si la majorité de sa réflexion n’est pas novatrice, elle va cependant plus loin que Barnes dans sa présentation du portrait historié en mentionnant certaines raisons possibles à l’utilisation de ce thème, en plus de complimenter la manière avec laquelle Van Dyck harmonise les deux genres22.

L’artiste

Quant à la production de jeunesse de l’artiste, deux catalogues se distinguent tout particulièrement. Il s’agit en premier lieu de celui publié par Alan McNairn, alors conservateur au Musée des beaux-arts d’Ottawa, à l’occasion de l’exposition Le jeune Van Dyck (19 septembre au 9 novembre 1980) 23. Le second fut publié pour l’exposition The Young Van Dyck qui eut lieu au Musée du Prado entre le 20 novembre 2012 et le 3 mars 201324. Il fut édité par Friso Lammertse, expert au Musée Boijmans van Beuningen, en collaboration avec Alejandro Vergara, conservateur en chef de la peinture flamande du Prado25. Leur étude est d’une grande importance puisqu’il s’agit jusqu’à ce jour des deux seules expositions ayant eu pour thème ce sujet spécifique.

Bien qu’une trentaine d’années séparent leur parution, il est possible de considérer le catalogue de Madrid comme étant dans la continuité de celui d’Ottawa. Évidemment, l’ouvrage

21 Vlieghe et al., La peinture flamande. 22 Ibid., p. 244.

23 McNairn, Op. cit.

24 Alejandro Vergara et Friso Lammertse, The Young Van Dyck, catalogue d’exposition (Musée du Prado,

20 novembre 2012-3 mars 2013), Madrid, Musée du Prado, 2012, 416 p., ill.

25 Museo del Prado, Museo del Prado, [En ligne], <www.museodelprado.es>, (page consultée le 14 mai

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de Madrid est plus actuel que son homologue en raison des nouvelles recherches qu’il incorpore tout en poussant davantage la réflexion sur certains points essentiels comme les incertitudes concernant la datation, le style de jeunesse de Van Dyck, les genres que ce dernier aborda ainsi que les différents ateliers qu’il fréquenta. Comme cette exposition présente un nombre plus important d’œuvres d’art et que l’étude consacrée à la jeunesse de l’artiste fait presque le double de celle réalisée par McNairn, il faut garder à l’esprit que ce dernier est désavantagé sous l’aspect quantitatif26. Néanmoins, le catalogue d’Ottawa constitue un bon résumé de ce que l’on connaissait déjà en 1980, ce qui est aussi essentiellement ce que l’on connait aujourd’hui27. Ainsi, les informations présentes dans les deux catalogues sont semblables dans leurs grandes lignes. Leur principale différence réside dans la question des dessins que Van Dyck réalisa durant sa jeunesse, un sujet qui n’est qu’effleuré dans le catalogue d’Ottawa. Le catalogue de Madrid aborde toutefois ce sujet en avertissant le lecteur de la confusion qui règne à ce propos. En effet, il est très difficile de distinguer les dessins de la main de Rubens de ceux du jeune Van Dyck et cette difficulté représente un problème récurrent pour les chercheurs travaillant sur cette période28. Selon Vergara et Lammertse, cette question du dessin demeure importante en ce sens où l’on peut observer la spontanéité du jeune Van Dyck lors du stade préparatoire, notamment dans la technique, mais aussi à travers les étapes de production menant à la réalisation de l’œuvre finale29. Bien qu’une étude conséquente traitant des dessins de l’artiste fut entreprise par Christopher Brown en 1991, les certitudes restent beaucoup plus difficiles à obtenir quant à sa jeunesse — toujours pour des raisons d’attribution30. Bref, l’étude de la période de jeunesse de Van Dyck dans le catalogue d’Ottawa est beaucoup moins détaillée que celle du catalogue de Madrid, ce qui fait de ce dernier une meilleure référence sur le sujet. Néanmoins, les informations contenues dans le catalogue d’Ottawa sont pour la plupart encore d’actualité, ce qui fait de cette publication une sorte d’entrée en la matière pour le catalogue de Madrid. Finalement, il existe des lacunes dans ces deux catalogues et ce notamment en ce qui a trait à la figure de Rubens qui, bien

26 Alors que le texte accompagnant le catalogue d’Ottawa compte une trentaine de pages, celui de Madrid

en fait plus de soixante-dix.

27 En ce sens où il n’existe que très peu de sources historiques concernant la jeunesse de Van Dyck et que

la majorité d’entre elles ont été découvertes bien avant 1980.

28 Vergara et Lammertse, Op. cit., p. 80. 29 Ibid., p. 76.

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qu’abordée comme faisant partie de la formation artistique de Van Dyck, devrait être davantage mise de l’avant pour l’importance qu’il eut dans sa production de jeunesse.

Limites des sources

La question de la datation de l’œuvre

Il existe de nombreuses hypothèses quant à la datation des œuvres de cette période, les auteurs ne s’accordant pas toujours sur une année précise de réalisation. À l’exception de quelques portraits, Van Dyck ne datait et ne signait pratiquement aucune de ses œuvres, ajoutant ainsi à la confusion31. En fait, une chronologie détaillée des œuvres de jeunesse de Van Dyck apparaît très contestable puisque son style ne s’est pas développé selon une trajectoire linéaire, et ce, à un tel point qu’aucune œuvre de jeunesse n’est datée dans le catalogue raisonné de 200432. Les datations relatives aux œuvres de jeunesse de Van Dyck sont effectivement très difficiles à établir, les historiens de l’art se contentant généralement d’approximation ou ne se s’adonnant même plus à un tel exercice tellement le résultat leur semble fragile.

Dans le cas de Laissez les enfants venir à moi, on considère qu’il fut réalisé entre 1618 et 1620 bien que de nombreux auteurs ont privilégié l’expression « vers 1618 » — dont la fiche descriptive de l’œuvre sur le site du musée des beaux-arts d’Ottawa33. De même, les auteurs de premier plan Burchard et Brown ont utilisé cette datation en s’appuyant sur la forte ressemblance entre cette œuvre et le Portrait d’une famille (figure 10), daté vers l’année 162034. Nous conserverons la désignation traditionnelle de 1618-1620 en sachant que cette datation est plus vaste et que si elle permet une moindre marge d’erreur, il est toutefois considéré que cette œuvre date du début plutôt que de la fin de cet intervalle.

31 John Rupert Martin et Gail Feigenbaum, Van Dyck as a Religious Artist, Princeton, Princeton

University Press, 1979, p. 20.

32 Barnes et al.,Van Dyck : a Complete Catalogue. 33 Musée des beaux-arts du Canada, Art conservé.

34 Christopher Brown et al., Antoine Van Dyck, 1599-1641, catalogue d’exposition (Anvers, 15 mai – 15

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Les origines de l’œuvre

Si nous disposons d’un intervalle de deux ans pour situer la création de l’œuvre, il n’existe toutefois aucun indice permettant de retrouver l’identité de ses commanditaires. En fait, la première trace de l’œuvre apparaît au moment de l’inventaire du Blenheim Palace (Oxfordshire, Angleterre) en 1718 où l’on mentionne qu’elle fut achetée par le Duc de Marlborough à l’occasion d’une vente aux enchères du « Gen. Talmashes » pour £25035. Cet inventaire ne mentionne pas la date d’acquisition. Des recherches subséquentes nous apprennent néanmoins que le premier possesseur connu de l’œuvre était le général Thomas Tollemache, mort en 1694, et que la vente aux enchères eut lieu juste après sa mort (entre le 21 et le 26 mars 1713)36. Comme l’origine de l’œuvre ou de son premier possesseur est inconnue, il s’agit là d’une véritable limite à la recherche.

Organisation de la recherche

À travers le concept d’invention, Laissez les enfants venir à moi est examiné sous quatre aspects : la question biographique sera esquissée en premier lieu pour sa capacité à expliquer la manière dont est perçu aujourd’hui le talent du jeune Van Dyck. Une partie de ce chapitre se consacre à l’étude du mythe entourant sa production de jeunesse et l’autre à clarifier certains points d’intérêts, dont le sentiment religieux de l’artiste et sa relation avec Rubens. Le deuxième chapitre s’emploie à l’analyse de l’œuvre selon les concepts d’imitation et d’émulation. Traditionnellement, ces deux concepts sont les étapes successives du cheminement vers l’invention. Leur étude permet de constater de manière plus théorique la richesse du développement artistique de l’œuvre. Le troisième chapitre étudie la tradition iconographique du Christ bénissant les enfants ayant cours dans les Flandres dans le but d’expliquer en quoi l’œuvre de Van Dyck s’en éloigne, constituant par le fait même une invention singulière. Il est également question du contexte religieux renouvelé ayant cours aux XVIe et XVIIe siècles. Le quatrième et dernier chapitre s’intéresse quant à lui à la performance de l’image créée par le jeune artiste.

35 Vergara et Lammertse, Op. cit., p. 196.

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Cette analyse nous permet de mettre en lumière la spécificité du portrait historié appliqué à une œuvre ayant pour thème le Christ bénissant les enfants ainsi qu’à ses incidences sur le spectateur.

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CHAPITRE 1. LA PREMIÈRE PÉRIODE ANVERSOISE

Traditionnellement, la vie d’Antoine van Dyck est divisée en quatre périodes : la première période anversoise (1613-1621), la période italienne (1622-1627), le second séjour anversois (1627-1632) et la période anglaise (1632-1641)37. Ce chapitre est centré sur la question biographique de la jeunesse d’Antoine van Dyck, soit une étape nécessaire à la compréhension du reste de ce mémoire qui se concentre sur la première période anversoise. Cette période de la vie de l’artiste est aujourd’hui mal connue en raison du peu d’informations disponible, ce qui donne lieu à une fascination découlant du mythe qui s’est construit autour de la jeunesse de Van Dyck, un aspect abordé dans le but de se rapprocher au mieux des faits. Dans ce chapitre, quelques réflexions sont tout d’abord apportées en lien avec Laissez les enfants venir à moi, de même que cette idée de « nouveauté saisissante » telle que mentionnée par Waterhouse dans la monographie consacrée à l’œuvre38. Les questions du sentiment religieux de l’artiste et de son enfance prodige étant liées à cette idée d’invention, elles font l’objet du point suivant. Ensuite, les premiers succès de l’artiste sont examinés afin de mettre en lumière le fonctionnement de son propre atelier et des œuvres qu’il y créait. Finalement, le sujet incontournable de l’étude de la première période anversoise de Van Dyck conclut ce chapitre : il s’agit de l’association Van Dyck/Rubens.

1.1 Laissez les enfants venir à moi présente-t-il vraiment une « nouveauté saisissante »?

« Il est évident que ce tableau est le coup d’essai d’un jeune peintre et il est tout empreint d’une nouveauté saisissante, bien que celle-ci ne soit en fait que le prolongement du rôle que jouait à l’occasion le donateur dans les peintures flamandes du XVe siècle [...]39. » (Waterhouse, 1978)

Cette affirmation de Waterhouse considère Laissez les enfants venir à moi à la fois comme une œuvre issue du processus d’apprentissage alors inachevé du jeune Van Dyck, ce que l’on peut apercevoir par le repentir et l’agrandissement de la toile, mais dans laquelle l’artiste réussit néanmoins à créer une œuvre qui s’éloigne du canon existant du Christ bénissant les

37 Encyclopaedia Universalis, Antoine van Dyck (1599-1641), [En ligne], <http://www.universalis.fr>,

(page consultée le 3 février 2015).

38 Waterhouse, Op. cit., p. 12.

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enfants. À cet égard, elle constitue un écart singulier par rapport à la tradition. Parlerons-nous pour autant d’une nouveauté saisissante? Les chapitres suivants sont dédiés à montrer à quel point cette œuvre était effectivement une invention bien qu’elle ne constitue pas à proprement parler d’une « nouveauté saisissante ». Comme l’écrit Christopher Brown dans sa description de l’œuvre en 1999, il semblerait que l’idée d’intégrer le portrait d’une famille à la scène du Christ bénissant les enfants était propre à Van Dyck et que d’autres artistes l’ont suivi dans les mêmes années, notamment Adam van Noort et Jacob Jordaens40.

Comme Waterhouse le note à juste titre, cette représentation tire son origine des nombreux portraits de donateurs produits en Flandres au XVe siècle et cette tradition était toujours bien vivante au XVIIe siècle. Un exemple se trouve chez Pierre Paul Rubens dont Van Dyck était l’élève : il s’agit de la Vierge à l’Enfant et portraits des donateurs Alexandre Goubau et son épouse Anne Antoni (figure 11), peint entre 1608 et 1621. Alors que cette œuvre est représentative de la tradition de ce type de portrait, — les donateurs en habits contemporains, représentés en contrebas et dominés par la présence divine — celle de Van Dyck est d’un genre différent puisque la distinction entre le divin et le temporel (représenté par les donateurs) est plus subtile. Puisqu’il diffère de la forme classique et plutôt que de simplement parler d’un portrait de donateur dans le cas de Laissez les enfants venir à moi, le terme de portrait historié décrit de manière plus juste la réalité du tableau. Lorsque Barnes discute de cette insertion dans sa description de l’œuvre en 1990 et plus tard dans le catalogue raisonné de 2004, elle se contente de classer cette œuvre parmi les deux portraits historiés que Van Dyck réalisa avant 1622, l’autre étant Sir George Villiers et Lady Katherine Manners en Adonis et Vénus (figure 12)4142. Dans sa description de l’œuvre en 1992, Nora de Porter identifie elle aussi cette œuvre comme étant un portrait historié, ajoutant cependant de très forts éloges à son égard:

« Généralement, ce genre mixte n’aboutit pas, du point de vue artistique, à un résultat vraiment satisfaisant. Il n’est en tout cas pas tellement apprécié de nos jours, mais Le Christ bénissant les enfants de Van Dyck est une belle exception à cette règle. Cette toile nous montre en effet un des plus beaux portraits historiés du XVIIe siècle et ce, grâce à

40 Brown et al., Antoine Van Dyck, 1599-1641, p. 108-109. 41 Barnes et al., Van Dyck : a Complete Catalogue, p. 31. 42 Wheelock et al., Anthony Van Dyck, p.127.

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l’authenticité, à la simplicité de la composition et aux qualités picturales de l’ensemble43. » (Nora de Porter, 1992)

Le terme en lui-même n’existait pas en Flandres au XVIIe siècle. Les documents décrivent ces scènes comme étant par exemple « un personnage réalisé d’après nature, dans des habits anciens » (Een contrefijtseltie, in antique cleding), ou encore « un large portrait dans lequel est représenté un cheval avec le portrait d’une famille habillée en [costumes] romains » (een groot stuck schilderije daarin paart met het portrait van eene der familie op zijn romeijns geschildert)44. Selon la définition moderne, ce terme regroupe globalement les représentations d’individus connus — habillés ou identifiés par le biais d’accessoires auxiliaires ou d’un décor évocateur — sous les traits de personnages bibliques, mythologiques ou littéraires. Les portraits historiés comprennent des portraits d’individus seuls, en couple ou en groupe où s’effectue une synthèse entre le portrait et la peinture d’histoire. Cela permet par la même occasion de vastes possibilités quant à la représentation des portraiturés et du sujet choisi45. Le point commun réunissant ces œuvres réside toutefois dans la simultanéité des temps qu’elles présentent, c’est-à-dire lorsque le portraituré se retrouve projeté dans une époque qui n’est pas la sienne en faisant de cette scène une improbabilité physique. En ce sens, Laissez les enfants venir à moi de Van Dyck est bel et bien un portrait historié : sans même connaitre la véritable identité de la famille portraiturée, les traits individualisés de ses membres indiquent au spectateur l’anachronisme dans la représentation de l’épisode biblique. Finalement, bien que les portraits historiés soient utilisés dans de nombreuses représentations de scènes bibliques, cela n’avait jamais été fait pour le thème du Christ bénissant les enfants, d’où l’invention de Van Dyck.

1.2 Les fondements de l’invention : deux conjonctures initiales

La religiosité de l’artiste

Si discuter de l’invention en elle-même s’avère fondamental, il ne faut pas non plus négliger le processus duquel elle est issue. Cet aboutissement est le produit de conjonctures

43 Vlieghe et al., La peinture flamande, p. 244.

44 Ann Jensen Adams, Public Faces and Private Identities in Seventeenth-Century Holland : Portraiture

and Production of Community, New York, Cambridge University, 2009, p. 159.

45 Arthur K. Wheelock, Rembrandt’s Late Religious Portraits, Washington D. C., National Gallery of Art

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favorables qui constituèrent au final le résultat aujourd’hui connu, mais dont il ne faut pas oublier les détails et circonstances qui le rendirent possible. De là seront discutés les fondements de l’invention pour décrire ce qui relève davantage de la biographie alors que les autres chapitres s’attarderont davantage aux aspects historiques et iconographiques. En fait, à cette époque de bouleversements religieux, de nombreux artistes réformèrent l’imagerie chrétienne à travers diverses transformations iconographiques. Si la manière par laquelle chaque artiste y arrive diffère, cette volonté d’innover est toutefois hautement dépendante de la personnalité de l’artiste et de la genèse entourant la création de l’œuvre46. Dans le cas du jeune Van Dyck, cette motivation est sans contredit omniprésente bien qu’il ne faille pas pour autant négliger ses croyances personnelles dans la création de ses œuvres de jeunesse. En effet, la question de l’engagement religieux du peintre peut paraître sans importance, mais comme Laissez les enfants venir à moi est une œuvre à caractère biblique et qu’Anvers vivait alors une trêve au centre d’une guerre de religion qui devait reprendre quelques années plus tard, il se trouve que la question est inévitable. L’expression de cette ferveur religieuse peut être exprimée à l’aide de quelques faits établis, mais il faut toutefois savoir qu’il n’est pas possible de prouver la véracité d’un sentiment aussi personnel, bien que nous tenterons de nous en approcher par le biais des recherches de quelques auteurs modernes.

John R. Martin et Gail Feigenbaum sont les premiers auteurs à véritablement aborder la question du religieux chez Van Dyck47. Sans aborder directement l’expression du sentiment en tant que tel, ils ont remarqué le très grand nombre d’œuvres religieuses réalisées par l’artiste lors de sa première période anversoise alors qu’il en peignit beaucoup moins lorsqu’il se trouva par exemple en Italie catholique ou en Angleterre protestante. Selon eux, cela serait dû au contexte historique d’Anvers mais aussi, à la personnalité « prompte, sensible, amitieuse et un peu névrosée48 » de l’artiste. Christopher Brown est quant à lui l’un des premiers auteurs à avoir cherché des éléments qui témoigneraient directement du sentiment religieux de Van Dyck. De fait, ses recherches indiquent que le jeune artiste était issu d’une famille profondément catholique: l’un de ses frères était prêtre, l’une de ses sœurs religieuse et trois autres étaient béguines. Son père fut également président de l’importante Confraternité du Saint Sacrement —

46 Koenraad Jonckheere, Antwerp Art After Iconoclam : Experiments in Decorum, 1566-1585, Bruxelles,

Mercatorfonds, 2012, p. 268.

47Martin et Feigenbaum, Op. cit., 177 p., ill.

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confraternité qui avait une fonction à la fois religieuse et sociale en plus de posséder sa propre chapelle à la cathédrale d’Anvers. À une époque plus tardive, Van Dyck fut lui-même membre d’une confraternité anversoise en lien avec les Jésuites : la Confrérie des Célibataires (Sodaliteit der bejaerde jongmans)49. En définitive, le nombre d’œuvres religieuses qu’il créa tout au long de sa vie et particulièrement durant sa jeunesse, ajouté à la dramatique et au sentiment que ses œuvres provoquaient chez le spectateur, étaient tout à fait dans l’optique de l’église catholique. En ce sens, Van Dyck était un peintre religieusement engagé.

Van Dyck, un enfant prodige?

La seconde conjoncture concerne quant à elle la qualification d’enfant prodige qui est généralement utilisée pour décrire l’enfance artistique de Van Dyck. Certes, de nombreux auteurs ont dit de Van Dyck qu’il était un enfant prodige et d’autres qu’il avait un talent précoce50. Tout comme l’est son sentiment religieux, cette habileté à créer, si extraordinaire soit-elle, ne reste qu’une partie de la réponse. Disons simplement que Van Dyck a su profiter de chaque occasion d’apprendre pour perfectionner son art et que son talent rendit cette invention possible. Si l’appellation d’enfant prodige reste subjective, quelques éléments témoignent encore aujourd’hui de la mesure de sa compétence. Par exemple, la première œuvre connue de Van Dyck est le Portrait d’un homme âgé (figure 13) sur laquelle est inscrite la date de réalisation — 1613, alors que l’artiste avait quatorze ans. Bien qu’il s’agisse là d’un portrait tout à fait traditionnel, le coup de pinceau est très sûr et la technique maitrisée. L’âge à laquelle il la réalise démontre son talent précoce, même s’il est peu probable que ce soit la première œuvre peinte par l’artiste51. Finalement, les œuvres de jeunesse de Van Dyck ont ceci de particulier qu’aucune ne peut être qualifiée d’ « œuvre d’apprenti »; dès le début, il fait preuve d’une technique assurée aussi bien dans les portraits que dans les imposantes peintures d’histoire qu’il réalise pour ses différents commanditaires. En plus de la qualité des œuvres produites durant cette période, il faut également en souligner la quantité : à l’âge de 22 ans (donc à la fin de la première période anversoise), Van

49 Christopher Brown, Van Dyck, Oxford, Phaidon, 1982, p. 9.

50 Parmi ceux qui ont qualifié Van Dyck d’enfant prodige, il y a Waterhouse (1978), Doron & Lev (1995)

et Brown (1999). Quant à l’artiste au talent précoce, l’on peut noter McNairn (1980) et Vergara & Lammertse (2012).

Figure

Figure  3.  Van  Dyck,  Antoine.  Tête  de  garçon.  Vers  1618-1620,  Huile  sur  bois,  41  x  29  cm
Figure 4. Van Dyck, Antoine.  Tête de garçon. Vers 1618-1620, Huile sur papier marouflée sur  toile à une date ultérieure, 43 x 27,5 cm
Figure  7.  Van  Dyck,  Antoine.  Saint  Simon.  Vers  1618,  Huile  sur toile,  64  x  48,3 cm
Figure 8. Van Dyck. Antoine. Saint Paul. Vers 1619, Huile sur toile, 60 x 43 cm. Emplacement  actuel  inconnu  (image  tirée  de  ArtStor,  ArtStor,  [En  ligne],  &lt;http://library.artstor.org&gt;,  (page  consultée le 29 avril 2013)
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