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CHAPITRE 3. LA TRADITION ICONOGRAPHIQUE FLAMANDE DU CHRIST

3.2 La représentation anversoise de ce thème

La popularité de cette représentation

La popularité du thème du Christ bénissant les enfants commence véritablement avec la série d’une dizaine d’œuvres de ce thème peinte par Lucas Cranach l’Ancien (1472-1553) autour des années 1540. Avant cette date, seule une quinzaine de réalisations disparates appartenant à la période médiévale ont été retrouvées181. Pour ce qui est des Flandres, l’attrait pour ce thème débute vers le milieu du XVIe siècle et continue tout au long du XVIIe siècle, prenant l’expansion mentionnée plus tôt. Seules des hypothèses peuvent être émises quant à la soudaine popularité que le thème acquiert dans la ville d’Anvers en particulier, bien que cet attrait soit inévitablement lié au contexte politique et religieux de ces années. À ce sujet, une théorie est formulée par John B. Knipping dans son Iconography of the Counter Reformation in the Netherlands. L’auteur y avance une transmission possible de cette source en Flandres par le biais du peintre bruxellois Joost van Winghe (1544-1604) qui passa les derniers dix-neuf ans de sa vie à Francfort et dont une œuvre en particulier sur le thème du Christ bénissant les enfants indique la connaissance de celles de Cranach. En 1608, cette œuvre de Winghe est gravée par Jan Sadeler (vers 1588-1665). Puisqu’il fut actif une partie de sa vie à Anvers, il est possible que l’œuvre ait connu une diffusion par cet intermédiaire182. Il semble donc que la propagation de gravures tirées de tableaux de Cranach l’Ancien ait joué un rôle considérable dans la diffusion préalable de ce thème et que le contexte religieux particulier en favorisa l’expansion.

De fait, il faut savoir que les nombreux Christ bénissant les enfants (figure 32 pour un exemple) de Cranach l’Ancien ont été réalisés dans cette idée de supporter la doctrine du baptême des enfants contre les Anabaptistes qui la rejetaient. La relation qu’entretenait Cranach avec Martin Luther est suffisamment documentée pour que l’on ne croie pas à un hasard. En effet, la production d’œuvres sur le thème du Christ bénissant les enfants par le peintre allemand coïncide

181 Christine K. Osarowska, « Lucas Cranach’s Christ Blessing the Children : A Problem of Lutheran

Iconography », The Art Bulletin, vol. 37, no 3 (septembre 1955), p. 196-197. 182 Knipping, Op. cit., p. 206.

avec une intensification des persécutions contre les anabaptistes et une constante réitération des idées de Luther sur le sujet183. De la même manière, la première impulsion en Flandres semble aussi avoir été ce besoin des Catholiques de défendre leurs idéaux contre les Anabaptistes, ce qu’ils firent notamment à travers l’expression artistique. Ce mouvement dissident, quoique plutôt modéré, émergea en Westphalie où il était dirigé par des Hollandais; la méfiance des Flamands à leur égard mena à une persécution qui fut cependant moins dévastatrice qu’en Allemagne. Ainsi, bien que le thème du Christ bénissant les enfants ait été popularisé à l’époque pour répondre aux besoins propagandistes des Catholiques, il perdit vite son statut polémique et continua d’être utilisé par les artistes et demandé par les commanditaires pour son côté plus « idyllique », porté par les idéaux de gentillesse et d’intimité humaine. Par le fait même, ce thème était moralement approprié aux idéaux de la Contre-Réforme; la calme et divine communion présente dans ces tableaux, imprégnés de la gentillesse de Dieu, en fit un thème tout à fait populaire et établi en Flandres au XVIIe siècle184. Bien entendu, une forte présence religieuse contribua fortement à cela. Dans l’Imago primi saeculi de 1640, les Jésuites écrivaient : « Notre Province regroupe quatre-vingts dix confréries avec 13 727 membres. Anvers seule est fière de compter dix confréries avec aisément 3 000 membres185. » Ces données montrent donc l’importance que prenait la vie religieuse à Anvers, une vie à laquelle Antoine van Dyck participa lui-même plus tard par son adhérence à la Confrérie des célibataires186. Cela, jumelé à la Trêve de Douze Ans (1609-1621) qui permit l’essor commercial des villes flamandes et l’émancipation des classes moyennes, créa une large demande pour les œuvres religieuses en favorisant ultimement la diffusion du thème du Christ bénissant les enfants187. Pour terminer, Knipping note également que la renommée qu’acquiert le portrait d’enfant dans les Flandres au cours de ce siècle va de pair avec l’iconographie du sujet biblique où ils y sont habituellement représentés en grand nombre; Van Dyck était d’ailleurs reconnu pour ses portraits d’enfants aux attitudes propres à leur âge188. Bref, un ensemble d’événements favorables ont participé à la popularisation de la représentation de cet épisode biblique, mais c’est parce qu’il correspondait aux idéaux moraux et

183 Osarowska, Op. cit., p. 199-201. 184 Knipping, Op. cit., p. 209.

185 John W. O’Malley, éd., The Jesuits II : Cultures, Sciences, and the Arts, 1540-1773, Toronto,

University of Toronto Press, 2006, p. 124.

186 Vergara et Lammertse, Op. cit., p. 36 187 Baetens et Blondé, Op. cit., p. 432-433. 188 Knipping, Op. cit., p. 209.

religieux flamands que ce thème acquit une telle popularité dans cette région et si peu ailleurs en Europe.

L’iconographie traditionnelle

La question de l’iconographie traditionnelle est fondamentale dans l’étude de cas concernant Laissez les enfants venir à moi de Van Dyck puisqu’elle montre de quels éléments le jeune artiste s’éloigne, concevant ainsi un ajout singulier au canon existant. En fait, l’art religieux fonctionne de manière générale selon des prototypes en usage ayant démontré leur efficacité à travers les âges. Comme il existe de nombreuses œuvres pouvant faire l’objet de cette étude, le choix s’est arrêté sur quatre œuvres réalisées par des maîtres flamands dont la réputation était établie au début du XVIIe siècle et dont Van Dyck connaissait l’art. À travers cette étude de quelques œuvres, le corollaire de l’exploitation de ce thème à Anvers met en relief ce que Van Dyck avait pu en voir et établir par le fait même sa tradition iconographique. Dans cette optique, les œuvres de Frans Floris (1516-1570), Ambrosius I Francken (1544-1618), Frans I Francken (1581-1642) et Adam van Noort (1562-1641) seront mises à contribution. Finalement, une analogie sera établie avec le modèle tel que popularisé par Cranach pour mettre en valeur les éléments qui découlent ou non de cette tradition. Toutefois, avant d’amorcer l’analyse iconographique de ces œuvres, il s’avère nécessaire d’esquisser une brève présentation de ces artistes et de leur œuvre sur le thème du Christ bénissant les enfants que l’histoire a quelque peu oubliés et dont il est souhaitable de rétablir l’importance189.

Tout d’abord, on surnommait Frans Floris le « Raphaël flamand » puisqu’il fut l’un des introducteurs de l’italianisme en Flandres. Son art à la fois fougueux et délicat en fit l’un des artistes les plus prisés en son temps et son influence continua après sa mort, jusqu’à ce que

189 À ce sujet, il existe nettement moins d’ouvrages sur les maîtres flamands de la fin du XVIe et du début

du XVIIe siècle que lorsqu’il est question de Rubens, Van Dyck ou encore de Jordaens. Les rares

informations biographiques connues à propos de ces artistes proviennent de quelques sources seulement, parfois datées, qui contiennent des jugements pour le moins surprenants sur les peintres. Par exemple, Valentin Denis parle de la « décadence générale de la peinture flamande à la fin du XVIe siècle (p. 163) »,

ajoutant au sujet de la Prédication de Saint Jean-Baptiste de Van Noort que : « Devant une œuvre de ce genre il n’y a vraiment plus aucun espoir! (p. 163). »

Rubens donne un nouveau souffle à la peinture flamande190. Il fit au moins deux représentations du Christ bénissant les enfants dont une huile sur toile (figure 33) vendue aux enchères par Christie’s le 23 janvier 2004191. Son emplacement actuel tout comme sa datation sont aujourd’hui inconnus. Floris enseigna également l’art de la peinture à trois frères appartenant à la « dynastie » Francken : Hieronymus I, Ambrosius I et Frans I. Cette « dynastie » est en fait une illustre famille de peintres anversois qui compte plus d’une quinzaine d’artistes répartis sur cinq générations192. Ils se sont principalement spécialisés dans les scènes mythologiques, les compositions religieuses, les portraits et parfois même les paysages193. Puisque leur production s’étale sur deux siècles et comptabilise plusieurs centaines d’œuvres, la majeure partie est aujourd’hui perdue ou mal attribuée entre les membres de la famille194. Ainsi, selon la liste établie par Pigler, ils ont chacun à leur actif une représentation de la scène du Christ bénissant les enfants; celles d’Ambrosius I (figure 34) et de Frans I (figure 35) présentent un intérêt en regard de la représentation traditionnelle alors que l’œuvre d’Hieronymus I (figure 36) est en lien avec l’originalité que présente l’introduction d’un portrait dans cette scène biblique. L’œuvre d’Ambrosius I est connue par le biais d’une gravure sur cuivre réalisée par Pieter Balten d’après l’artiste195. L’œuvre de Frans I est quant à elle une grisaille reproduite sur un site consacré à la reproduction d’art où manquent toutes les informations pratiques196. Pour ces deux œuvres comme pour celle de Floris, les informations disponibles sont somme toute très limitées. Le dernier artiste anversois à l’étude est Adam van Noort, aujourd’hui mal connu en raison des passions politiques qui ont nui à sa renommée vers la fin de sa vie. À un moment de sa carrière, il fut toutefois l’un des artistes les plus renommés d’Anvers : il a été doyen de la Guilde de Saint Luc durant quelques années et a accueilli dans son atelier plusieurs élèves d’importance dont Van

190 Emmanuel Bénézit, « Frans Floris ». Dans Dictionnaire critique et documentaire des peintres,

sculpteurs, dessinateurs et graveurs de tous les temps et de tous les pays, Paris, Gründ, 1959-1962, vol. 5,

p. 530-531.

191 Christie’s Auctions & Private Sales, Christie’s Auctions & Private Sales : Fine Art, Antiques, Jewels &

More. [En ligne], <www.christies.com>, (page consultée le 27 février 2014).

192 Koenraas Brosens et al., Family Ties : Art Production and Kinship Patterns in the Early Modern Low

Countries, Turnhout, Brepols, 2012, p. 103.

193 Bénézit, « Famille Francken », p. 656-660. 194 Brosens et al., Op. cit., p. 103-105.

195 Sotheby’s : Fine Art Auctions & Private, Sotheby’s : Fine Art Auctions & Private Sales, [En ligne],

<www.sothebys.com>, (page consultée le 27 février 2014).

196 Oil Painting Reproductions, Oil Painting Reproductions : 1st Art Gallery. [En ligne], <www.1st-art-

Balen, Rubens et Jordaens (qui deviendra plus tard son gendre)197. D’ailleurs, son style pouvait être à ce point similaire à celui de ces deux derniers que l’on essaya à plusieurs reprises de faire passer ses œuvres pour l’une des leurs, certains « restaurateurs » allant même jusqu’à effacer son nom. Cela montre par le fait même la mesure avec laquelle l’œuvre de Van Noort fut déconsidérée par la postérité198. Néanmoins, il réalisa au moins quatre œuvres connues sur le thème du Christ bénissant les enfants (figures 37 à 40) dont trois peuvent être considérées en lien avec la tradition; la quatrième, qui est différente sur plusieurs points mais qui rejoint l’œuvre de Van Dyck, est étudiée dans le point suivant199. Aussi, la grande similarité dans la composition et le rapprochement dans le temps de ces trois premières œuvres nous permettront de n’en étudier qu’une seule; il s’agit de celle conservée au Musée royal des beaux-arts de Belgique (figure 36)200. Cette huile sur bois conserve d’ailleurs la trace du monogramme de l’artiste, confirmant par le fait même son attribution201. D’autre part, dans son article sur « L’œuvre authentique d’Adam van Noort, maître de Rubens », Leo van Puyvelde estime sa création entre les années 1608-1610 sur la base d’une comparaison stylistique — le musée ne tente quant à lui aucune datation202. Bref, ces artistes font partis de l’élite artistique anversoise à différents moments du XVIe et du début du XVIIe siècle; de ce fait, leur production eut un impact non négligeable sur leur environnement rapproché, chose que les études ont longtemps eu tendance à négliger.

La Bible elle-même ne décrit que très peu la scène du Christ bénissant les enfants dans les synoptiques (Mt 19, 13-15, Mc 10, 13-16 et Lc 18, 15-17) et dont celui de Marc fut cité en introduction. Afin d’établir la comparaison la plus adéquate possible entre ces quatre œuvres, la description de la scène du Christ bénissant les enfants telle que définie par le moine Dionysius dans son Manuel d’iconographie chrétienne, grecque et latine sera utilisée. De fait, il y indique très simplement les éléments touchant l’iconographie traditionnelle du thème :

197 Leo van Puyvelde, « L’œuvre authentique d’Adam van Noort, maître de Rubens », Bulletin des musées

royaux des beaux-arts de Belgique, no 2 (1929), p. 36-37. 198 Ibid.

199 Dans l’œuvre de Van Noort, il existe quatre œuvres connues sur le thème du Christ bénissant les

enfants : deux datées de 1608-1610 (Bruxelles et Mayence), une entre 1610-1615 (Munich) et la dernière entre 1615-1620 (Bruxelles).

200 Elle a été choisie parce que ses informations sont les plus complètes et les plus accessibles.

201 Musées Royaux des Beaux Arts de Belgique, Musées Royaux des Beaux Arts de Belgique, [En ligne],

<http://www.fine-arts-museum.be>, (page consultée le 27 février 2014).

Le Christ assis. Des femmes amènent des petits enfants devant lui. Les apôtres veulent les repousser, mais le Christ leur donne sa bénédiction203.

Bien que la traduction de ce manuel par Didron soit postérieure de près de deux siècles à la réalisation de Laissez les enfants venir à moi d’Antoine van Dyck, la description faite de cette scène est tout à fait fidèle à ce que l’on peut observer dans la production flamande du XVIe et XVIIe sur ce thème en particulier204. Ce passage décrit précisément les représentations traditionnelles du Christ bénissant les enfants qui respectent ces quatre indications sur le positionnement du Christ, son geste, les protagonistes et l’attitude des apôtres. Ces caractéristiques servent d’ailleurs de points de comparaison pour la suite de l’analyse puisqu’elles sont à la fois révélatrices de la tradition iconographique de ce thème et de sa pérennité dans le temps.

La similarité de cette production est tout à fait symptomatique de la standardisation des images religieuses qui eut lieu aux XVe et XVIe siècles et qui servait d’appui à la dévotion privée. Le succès de ce prototype est dû à sa répétition, dont le nombre en fit manifestement l’image officielle du thème205. Ainsi, si les œuvres de ces quatre artistes comportent certaines caractéristiques distinctives, elles se révèlent néanmoins très semblables entre elles; il n’est donc pas utile d’entrer ici dans les détails individuels de chaque œuvre, mais plutôt de les considérer dans leur ensemble afin de mieux cerner les caractéristiques formelles qui les rassemblent. Tout d’abord, le Christ occupe une position centrale dans les quatre œuvres; le reste de la composition s’articule autour et en fonction de sa figure. Il est représenté de face dans les œuvres de Floris et d’Ambrosius I, adopte une légère torsion dans son geste dans l’œuvre de Van Noort et est de diagonale chez Frans I. Cette caractéristique est habituelle à la représentation du Christ bénissant les enfants où celui-ci est présenté de manière à ce que le spectateur n’ait pas de difficulté à le distinguer dans la foule. Dans le cas des frères Francken, une auréole vient s’ajouter à cette

203 Dionysius, Manuel d’iconographie chrétienne, grecque et latine avec une introduction et des notes par

M. Didron, New York, Franklin, 1844, p. 182.

204 Dans sa lettre d’introduction à Victor Hugo, Didron indique : « La moitié de ce livre est à un moine

byzantin; le reste est à moi ». Les dates de naissance et de mort du moine Dionysius ne sont malheureusement pas connues et il n’existe que des hypothèses à ce sujet, variant entre les XVe et XVIIIe

siècles. L’écriture de ce manuscrit pourrait ainsi précéder l’œuvre de Van Dyck, quoique rien ne soit moins certain.

Dans Dionysius, Op. cit., p. 2.

205 Alain Dierkens et al., La performance des images, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles,

différenciation. De plus, selon la convenance, le Christ est représenté au moment précis où on lui présente les enfants à bénir; ce geste est donc la deuxième caractéristique fondatrice de la scène. Dans les œuvres de Floris et de Van Noort, le Christ est représenté au moment de la bénédiction alors que chez Ambrosius I, il interagit parallèlement avec un deuxième enfant. L’œuvre de Frans I comporte cette particularité où l’on voit l’enfant s’approcher du Christ alors que la bénédiction n’est pas encore consommée; il s’agit donc du moment précédent le sujet véritable de l’œuvre. Le Christ adopte tout de même une gestuelle rappelant celle de la bénédiction. Une troisième caractéristique de cette scène est l’attitude des apôtres, que l’on devine agités selon les indications de la bible. Ceux-ci sont disposés sur un même plan derrière la figure du Christ dans les œuvres de Floris, Frans I et Van Noort. Dans l’œuvre d’Ambrosius I, les apôtres sont sur chacun de ses côtés. Il est toutefois difficile de distinguer ces apôtres des hommes ordinaires dans les quatre œuvres en raison de leur présence sur les mêmes plans et de leur habillement semblable en tous points. A priori, rien ne les distingue en dehors de l’attitude anxieuse des apôtres qui, lorsqu’exagérée, permet une meilleure démarcation. Par exemple, on ne pourrait faire cette différenciation avec certitude dans l’œuvre d’Ambrosius I puisque les hommes y ont tous la même gestuelle; peut-être sont-ils tous tirés de l’univers biblique? Au contraire, dans l’œuvre de Van Noort, trois des hommes autour du Christ ont des attitudes exagérées qui les distinguent du reste du groupe, fournissant ainsi une indication au spectateur quant à leur identité. La dernière caractéristique mentionnée par le moine Dyonisius est la présence supposée des familles, personnages secondaires et indéfinis mais essentiels à la représentation de la scène. Cette présence est seulement supposée parce qu’elle n’est pas décrite dans la bible; il est seulement admis que selon toute vraisemblance, les enfants sont amenés au Christ par un membre de leur entourage. Au contraire des hommes, les femmes sont toutes situées en avant-plan de la scène, debout ou agenouillées et s’occupant d’un enfant. Les enfants sont donc exclusivement associés à la figure maternelle en étant disposés aux côtés des femmes, en avant-plan. La disposition des personnages est ainsi plutôt bien établie puisqu’il n’y a qu’un homme dans l’œuvre de Van Noort – vraisemblablement un père – qui ne respecte pas cette ordonnance traditionnelle du thème, soit les hommes autour du Christ et les femmes en avant.

Deux caractéristiques supplémentaires doivent être abordées dans l’optique de l’étude puisqu’elles annoncent l’univers biblique de la scène : l’intemporalité des personnages et l’arrière-plan au caractère classique. Elles sont d’ailleurs tout aussi représentatives des œuvres

religieuses en général. Tout d’abord, tous les personnages, soit les hommes, les femmes et les enfants sont représentés de manière générique et donc non individualisée, ne permettant pas de rattacher un visage à l’époque contemporaine. De plus, les personnages masculins sont vêtus de drapés rappelant l’Antiquité et par le fait même, l’époque biblique. Les robes sont en revanche moins antiquisantes dans le cas des personnages féminins; elles restent sobres dans les œuvres des frères Francken mais chez Floris et Van Noort où ce détail est plus flagrant, les robes indiquent une époque plus rapprochée de la réalisation de l’œuvre — sans toutefois faire état d’une mode en particulier. Dans la plupart des cas, les femmes portent un fichu sur la tête qui recouvre partiellement ou alors complètement leur chevelure. Finalement, il y a présence d’un espace architectural assez élaboré tout en étant imprécisé, comportant des références à l’architecture classique et situant le plus souvent la scène à l’extérieur (ou dans le cas de Floris,