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Prévalence et incidence de la douleur lombaire récurrente au Québec : une perspective administrative

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Université de Sherbrooke

Prévalence et incidence de la douleur lombaire récurrente au Québec : Une perspective administrative

Par Nicolas Beaudet

Programmes de Sciences Cliniques

Thèse présentée à la Faculté de médecine et des sciences de la santé en vue de l’obtention du grade de philosophiae doctor (Ph.D.)

en Sciences Cliniques

Sherbrooke, Québec, Canada Octobre, 2013

Membres du jury d’évaluation

Pr Alain Vanasse, Département de médecine de famille et de médecine d’urgence Pr Philippe Sarret, Département de physiologie et biophysique

Pre Patricia Bourgault, École des sciences infirmières

Pr Clermont E. Dionne, Département de Réadaptation, Faculté de Médecine, Université Laval

Pre Anaïs Lacasse, Unité d'enseignement et de recherche en sciences de la santé, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue

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ii RÉSUMÉ

Prévalence et incidence de la douleur lombaire récurrente au Québec : Une perspective administrative

Par Nicolas Beaudet

Programmes de Sciences Cliniques

Thèse présentée à la Faculté de médecine et des sciences de la santé en vue de l’obtention du diplôme de philosophiae doctor (Ph.D.) en Sciences Cliniques, Faculté de médecine et des sciences de la santé, Université de Sherbrooke, Sherbrooke, Québec, Canada, J1H 5N4 La douleur lombaire (DL) est l’une des conditions musculosquelettiques les plus fréquentes et couteuses au Canada. La prévalence annuelle de DL aigüe varierait de 19 % à 57 %, et un patient sur quatre souffrirait de récurrence dans la même année. La présente étude vise donc à produire une analyse descriptive de l’épidémiologie de la DL récurrente à l’échelle de la population. Une nouvelle approche méthodologique est proposée afin d’optimiser l’identification de vrais cas incidents de DL récurrente à partir d’une analyse secondaire de données administratives. Puisque 10 % des patients ayant de la DL seraient responsables de 80 % des couts qui y sont associée, nous avons également déterminé la tendance séculaire des couts d’interventions médicales des patients récurrents incidents entre 2003 et 2008. En utilisant le fichier des services médicaux rémunérés à l’acte de la Régie de l’assurance maladie du Québec, des cohortes prévalentes ont été construites à partir de 401 264 dossiers de patients ayant consulté au moins trois fois pour de la DL entre 1999 et 2008. Onze ans d’historique médical des 81 329 patients de la cohorte de 2007 ont ensuite été analysés afin d’exclure les patients ayant eu des consultations antérieures de DL. Une valeur prédictive positive et un coefficient de Kappa élevés ont permis d’identifier une clairance optimale pour récupérer les cas véritablement incidents. Les couts de consultations ont ensuite été calculés pour tous les patients incidents de 2003 à 2007 à partir des manuels de facturation. Nous avons observé une prévalence annuelle de la DL récurrente de 1,64 % en 2000 chez les hommes diminuant à 1,33 % en 2007. Cette baisse a majoritairement eu lieu dans le groupe d’âge des 35-59 ans. Les femmes âgées (> 65 ans) étaient 1,4 fois plus à risque de consulter un médecin de manière récurrente que les hommes du même âge. L’incidence annuelle de la DL en 2007 était de 242 par 100 000 personnes. Les hommes de 18 à 34 ans étaient 1,2 fois plus à risque que les femmes de développer un premier épisode récurrent et les personnes âgées 1,9 fois plus à rique que les jeunes. L’incidence annuelle a diminué de 12 % entre 2003 et 2007 pendant que les couts totaux augmentaient de 1,4 %. La médiane des couts était la plus élevée chez les femmes âgées et tendait à augmenter dans le temps. Ces analyses secondaires suggèrent de s’intéresser particulièrement à la DL chez les personnes très âgées, et de déterminer si la baisse de fréquence de consultations récurrentes observée dans le temps est liée à une meilleure gestion de la DL ou à un problème d’accessibilité. Les couts devraient faire l’objet d’un suivi continu pour limiter les hausses. Mots clés : Douleur lombaire récurrente, lombalgie, données administratives, CIM-9, épidémiologie, couts directs, analyse secondaire.

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SUMMARY

Prevalence and incidence of claims-based recurrent low back pain in Quebec: An administrative perspective

By Nicolas Beaudet Clinical Sciences Program

Thesis presented at the Faculty of medicine and health sciences for the obtention of a diploma of philosophiae doctor (Ph.D.) in Clinical Sciences, Faculty of medicine and health sciences, Université de Sherbrooke, Sherbrooke, Québec, Canada, J1H 5N4

Low back pain (LBP) is one of the most frequent and costly musculoskeletal health conditions in Canada. Annual prevalence was found to vary between 19 % and 57 % and likely one out of four patients experience a LBP recurrence within one year. The body of knowledge on the prevalence of recurrent LBP is still limited. This study sought to present a descriptive analysis on the epidemiology of recurrent LBP in a medical population. A new methodology is also proposed to identify true cases of incident recurrent LBP. Since 10 % of LBP patients have been reported to generate 80 % of the costs, we will sought to determine the secular trend of medical costs for the incident cohorts of 2003 to 2008. Using the Canadian province of Quebec medical administrative physicians’ claims database, 401 264 prevalent claims-based recurrent LBP patients were identified between 1999 to 2008 for having consulted at least three times for LBP in a period of 365 days. The medical history of 81 329 prevalent patients in 2007 was screened for a retrospective period of 11 years. High positive predictive values and Kappa statistics were used to determine the optimal clearance period for capturing true incidence cases among patients with no prior encounters for LBP. Physicians’ claims manuals were then used to apply a price for every intervention provided to LBP incident patients in their index year and follow-up years. We observed a decrease from 1.64 % to 1.33 % in the LBP annual prevalence between 2000 and 2007 for men. This decrease was mostly observed between 35 and 59 years of age. Older women (≥ 65 years) were 1.4 times more at risk to consult a physician for LBP in a recurrent manner than older men. The annual incidence in 2007 of adult claims-based recurrent LBP was 242 per 100 000 persons. Males of 18 to 34 years of age were found 1.2 times more at risk than their counterparts. Altogether, elderlies were 1.9 times more at risk than young adults to consult in a recurrent manner for LBP. The annual incidence decreased by 12 % between 2003 and 2007, while the direct costs increase by 1.4 %. The median cost for consultations was highest for elder women and increasing in time.

These secondary analyses emphasize the importance to keep the watch on the elders in regards to LBP, and to determine if the timely decrease in morbidity is related to improvements in LBP management or to a medical accessibility issue. Also, costs will need to be surveyed on a regular basis to limit the impact of future increases.

Keywords: Recurrent low back pain, administrative data, ICD-9, epidemiology, secondary analysis, direct costs, medical resource utilization.

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À tous ceux qui m’ont épaulé dans ce retour aux études, qui ont supporté mon hyperactivité et mes humeurs : Aux amis toujours à l’écoute de mes délires, À mes parents qui ont toujours encouragé leurs gars dans leurs projets de vie, … et à toi ma chérie avec qui j’ai cheminé dans cette aventure.

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Rien ne sert de courir ; il faut partir à point. Jean de la Fontaine Fables, Livre VI

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TABLE DES MATIERES

Résumé ... ii

Summary ... iii

Table des matières ... vii

Liste des figures ... x

Liste des tableaux ... xi

Liste des abréviations ... xii

1. Problématique ... 13

2. État des connaissances ... 16

2.1 Douleur lombaire : définitions. ... 16

2.1.1 Définitions cliniques ... 17

2.1.2 Algorithmes d’analyse ... 19

2.1.3 Définitions se rapportant à la gravité de la douleur lombaire ... 23

2.1.3.1 Aigüe et subaigüe ... 24

2.1.3.2 Chronique ... 24

2.1.3.3 Récurrente ... 24

2.2 Épidémiologie de la douleur lombaire ... 26

2.2.1 Prévalence de la douleur lombaire ... 26

2.2.1.1 Notions de prévalence ... 26

2.2.1.2 Survol de la littérature ... 26

2.2.1.3 Les avantages d’étudier la prévalence de la douleur lombaire ... 31

2.2.2 Incidence de la douleur lombaire ... 33

2.2.2.1 Notions d’incidence ... 33

2.2.2.2 Survol de la littérature ... 36

2.2.2.3 Les avantages d’étudier l’incidence de la douleur lombaire ... 40

2.2.3 Résumé de la section épidémiologie ... 41

2.3 L’utilisation des banques de données administratives en épidémiologie ... 42

2.3.1 Banques de données en santé ... 42

2.3.2 Provenance des données d’actes et de diagnostics consignées à la RAMQ ... 43

2.3.3 Validité des banques de données administratives ... 48

2.3.4 Précisions sur les fichiers de la RAMQ ... 50

2.3.5 Résumé de la section sur les banques administratives ... 54

2.4 Le cout sanitaire de la douleur lombaire ... 56

2.4.1 L’importance de la question économique en santé ... 56

(8)

2.4.2.1 Couts directs ... 60

2.4.2.2 Couts indirects ... 60

2.4.2.3 Couts intangibles ... 61

2.4.3 Survol de la littérature ... 61

2.4.4 Résumé de la section sur les couts de la douleur lombaire ... 62

2.5 Synthèse de la recension des écrits ... 64

2.6 Objectifs ... 64

2.6.1 Objectif principal ... 64

2.6.2 Objectif secondaire ... 64

2.7 Hypothèse ... 65

3. Méthodes additionnelles ... 66

3.1 Méthodologie présentée dans les articles 1 et 2 ... 66

3.1.1 Extraction de la cohorte ayant servi à produire l’atlas québécois de douleur chronique . 66 3.1.2 Critères de sélection pour la création d’une sous-cohorte de douleur lombaire ... 68

3.1.3 Construction des cohortes pour la détermination de la prévalence annuelle ... 71

3.1.4 Construction des cohortes pour la détermination de l’incidence annuelle ... 73

3.2 Approche méthodologique pour l’étude de couts ... 74

3.2.1 Utilisation des cohortes incidentes pour la détermination des couts ... 75

3.1.2 Préparation des matrices de couts pour les années 2003 à 2007 ... 75

3.1.3 Analyse sommaire des couts ... 77

4. Résultats ... 80

4.1 Présentation de l’article 1 portant principalement sur la prévalence de consultations récurrentes pour de la douleur lombaire. ... 80

4.1.1 Avant-propos ... 80

4.1.2 Résumé de l’article en français ... 81

4.1.3 Article sous format manuscrit ... 83

4.2 Présentation de l’article 2 portant principalement sur l’optimisation d’un algorithme de sélection de patients incidents présentant une récurrence de consultations pour de la douleur lombaire. ... 105

4.2.1 Avant-propos ... 105

4.2.2 Résumé de l’article en français ... 106

4.2.3 Article sous format manuscrit ... 108

(9)

5. résultats additionnels: analyse partielle des couts directs ... 130

5.1 Couts totaux et médians d’intervention auprès de patients incidents ... 130

5.2 Couts totaux et volume d’actes lors de l’année index et des années de suivi ... 134

6. Discussion générale ... 137

6.1 Synthèse des précédentes sections ... 137

6.2 La morbidité de la douleur lombaire récurrente en déclin? ... 140

6.3 Est-ce que vieillir rime avec une fréquence accrue de douleur lombaire? ... 146

6.4 La douleur lombaire récurrente, un phénomène masculin ou féminin? ... 152

6.5 Doit-on optimiser la construction de cohortes incidentes de douleur lombaire? ... 155

6.6 Une tendance de couts d’intervention en mal de diminution. ... 160

6.7 Limites du projet de recherche ... 166

6.7.1 Biais de sélection ... 167

6.7.2 Biais d’information ... 170

6.7.3 Limites reliées à l’analyse des couts sanitaires de la douleur lombaire ... 174

6.8 Forces du projet de recherche ... 178

7. Perspectives et Conclusions ... 182

Remerciements ... 186

Liste des références ... 187

Annexe i. Autorisation du comité d’éthique de la recherche en santé sur l’humain du chus ... 197

Annexe ii. Autorisation de la Commission d’accès à l’information du Québec ... 204

ix

205 197

(10)

x

LISTE DES FIGURES

Figure 1. Schématisation anatomique de la douleur lombaire sur

représentation de Manikin. _________________________________________________ 18 Figure 2. Définition minimale consensus pour décrire la douleur lombaire ___________ 19 Figure 3. Schématisation de la mesure de l’incidence de douleur lombaire. __________ 34 Figure 4. Provenance des données administratives ______________________________ 43 Figure 5. Bordereau de paiement de la RAMQ _________________________________ 44 Figure 6. Approche pour déterminer la validité des diagnostics dans une

source de données à l’étude ________________________________________________ 49 Figure 7. Comparaison de la validité de diverses banques administratives connues ____ 50 Figure 8. Dépenses en santé (secteurs privé et public) en fonction du produit

intérieur brut (PIB)au Canada de 1995 à 2012. ________________________________ 57 Figure 9. Efficience des systèmes de santé selon le Commonwealth Fund ____________ 59 Figure 10. Exemple de parcours idiosyncrasique d’un patient avec douleur lombaire __ 69 Figure 11. Différents scénarios d’inclusion d’un patient considéré prévalent pour

de la douleur lombaire récurrente. __________________________________________ 72 Figure 12. Distribution des couts de services médicaux de patients incidents pour

une récurrence de consultations pour de la douleur lombaire ____________________ 131 Figure 13. Couts totaux d’actes selon l’année de suivi des patients incidents en 2003 _ 134 Figure 14. Rappel de l’hypothèse et des objectifs ______________________________ 137 Figure 15. Résumé des principaux résultats __________________________________ 138 Figure 16. Prévalence brute de la douleur chronique dans la population Canadienne _ 141 Figure 17. Prévalence de la douleur chronique dans la population Canadienne, par âge 147 Figure 18. Groupes de pays partageant des institutions similaires en matière

(11)

xi

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1. Description d’algorithmes de douleur au dos basés sur l’utilisation

de codes CIM-9 ... 21 Tableau 2. Résumé des études portant sur la prévalence de la douleur chronique au

Canada ... 30 Tableau 3. Résumé d’études récentes portant sur l’incidence de la douleur lombaire ... 39 Tableau 4. Pourcentage des adultes couverts par le régime d’assurance médicament

du Québec de 2000 à 2008. ... 47 Tableau 5. Taux d’ajustement pour comparer les données en dollars constants de 2007 ... 78 Tableau 6. Couts médians et totaux des patients incidents pour des consultations

récurrentes de douleur lombaire, en dollars de 2007. ... 132 Tableau 7. Couts totaux et médians des services médicaux ajustés en dollars de 2007, par âge et sexe ... 133 Tableau 8. Comparaison des couts totaux et du volume d’actes entre l’année index et l’année de suivi de 2003 à 2007 ... 135

(12)

LISTE DES ABRÉVIATIONS

APR-DRG

All-Patient-Refined-Diagnostic-Related-Group

CA Canadien

CI Intervalle de confiance

CIM-10 Classification internationale des maladies,

10e édition

CIM-11 Classification internationale des maladies,

11e édition

CIM-9 Classification internationale des maladies, 9e

édition

CSST Commission de la sécurité et de la santé du

travail

DC Douleur chronique

DL Douleur lombaire

DME Dossier médical électronique

Dx Diagnostic

ENSP Enquête nationale sur la santé de la

population

ESCC Enquête sur la santé dans les collectivités

canadiennes

EUR Euros

G Milliard

ICIS Institut canadien d’information sur la santé

IMC Indice de masse corporelle

IRR Incidence rate ratio

LBP Low back pain

MAC Médecine alternative et complémentaire

MEPS Medical Expenditure Panel Survey

MeSH Medical Subject Heading

MSSS Ministère de la santé et des services sociaux

N/D Non disponible

NEISS National Electronic Injury Surveillance

System

NHDR National Hospital Discharge Registry

NIRRU Niveau d’intensité relative des ressources

utilisées

NML National Library of Medicine

OCDE Organisation de coopération et de

développement économique

OMS Organisation mondiale de la santé

PIB Produit intérieur brut

RAMQ Régie de l’assurance maladie du Québec

USA États-Unis

VAS Visual analog scale

VPP Valeur prédictive positive

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1. PROBLÉMATIQUE1

La douleur lombaire est l’une des six conditions de santé les plus fréquentes dans les pays développés (Berenguera et al., 2011). Plus spécifiquement, la douleur du plan dorsal est depuis plus d’une décennie une des trois complications les plus rapportées parmi les troubles musculosquelettiques dans les sociétés occidentales (Urwin et al., 1998; Churcher et al., 2013), et il est attendu que la prévalence des complications musculosquelettiques soit en hausse dans le futur (McBeth & Jones, 2007). La prévalence à vie de la douleur lombaire se situerait autour de 39 % mondialement (Hoy et al., 2012). Le pic de prévalence se situerait dans la fourchette de 35 à 55 ans dans les pays industrialisés (van Tulder & Koes, 2006). Il s’agirait de la maladie musculosquelettique la plus présente chez les moins de 65 ans, bien qu’il ait été rapporté que les personnes âgées seraient plus à risque pour les cas graves de douleur lombaire et que cette population devrait être particulièrement surveillée en raison de la population vieillissante dans les sociétés occidentales (Dionne et al., 2006). Le fardeau socioéconomique de la douleur lombaire, en terme de couts de santé et de pertes de productivité estimés par différentes équipes internationales, surpasserait les maladies cardiovasculaires et pulmonaires (Maniadakis & Gray, 2000). Baldwin soulevait qu'en 1994, au Canada, les atteintes musculosquelettiques au niveau du dos comptaient à elles seules pour plus de huit milliards de dollars en couts directs (santé) et indirects (perte de productivité) (Baldwin, 2004). La douleur lombaire serait responsable d’une grande proportion des pensions d’invalidité (Bachmann et al., 2009). Dans un contexte d’austérité et de dépenses de santé atteignant un niveau alarmant au Canada (ICIS, 2012) et dans d’autres pays occidentaux (OCDE, 2011a), il importe d’identifier les maladies chroniques qui contribuent davantage à drainer les ressources économiques de manière à freiner l’hémorragie tout en maintenant une couverture de soins de qualité (Patra et al., 2007). La douleur lombaire n’a jamais été considérée par les gouvernements de divers pays comme un problème majeur car la dernière étude de la charge mondiale de la morbidité en 1990 ne portait pas spécifiquement sur cette condition, et le nombre d’études populationnelles de qualité permettant de recenser la douleur lombaire étaient limité à cette époque (Hoy et al., 2010).

1"La graphie rectifiée a été utilisée dans le présent ouvrage. Par exemple, vous ne retrouverez aucun accent

circonflexe sur les « i » et les « u » (e.g. couts directs). Le tréma est transféré sur le « u » au féminin (c.-à-d. douleur aigüe)."

(14)

Au niveau des études publiées spécifiquement sur le sujet, la douleur lombaire a généralement été qualifiée de non spécifique chez plus de 80 % des patients (Kent & Keating, 2004) et aucune différence n’a été observée entre les hommes et les femmes concernant la prévalence annuelle et à vie. Les facteurs de risque demeurent peu connus en raison de l’absence de données d’incidence qui sont nécessaires pour établir le lien de causalité (McBeth & Jones, 2007; Szklo & Nieto, 2007). La récupération suite à un épisode de douleur lombaire aigüe se situerait à l’intérieur d’une période de six semaines (van Tulder & Koes, 2006), cependant il a été rapporté que 40 % des individus continuaient d’être incommodés au-delà de six mois, dont 14 % connaissaient une aggravation de leur condition (Cassidy et al., 2005). Plusieurs études rapportent en effet qu’un épisode de douleur lombaire aigüe conduirait à une récurrence d’épisodes de consultation et pourrait être associé au phénomène de chronicisation (Wasiak et al., 2003; Kääriä et al., 2005; Stanton et al., 2008). Sur une vie entière, une proportion importante d’individus souffrirait de douleur lombaire récurrente. Il a été rapporté que un patient sur quatre était aux prises avec une condition récurrente de douleur lombaire (Stanton et al., 2009). De plus, approximativement 10 % présenteraient de la douleur lombaire chronique (Johannes et al., 2010). Au Canada, la prévalence de la douleur chronique chez les adultes a été estimée à 18,5 % en 2007-2008, la douleur lombaire représentant la condition principale avec 22,3 % des cas (Schopflocher et al., 2011). Qu’il s’agisse d’épisodes récurrents ou chroniques, ces cas graves seraient responsables de la majorité des dépenses de santé de douleur lombaire (Linton et al., 1998; Bachmann et al., 2009; Juniper et al., 2009).

Le but de la présente étude s’inscrivait donc dans ce contexte et visait à fournir le portrait de la morbidité de la douleur lombaire dans une province canadienne de manière à participer à l’effort de recherche international dans l’identification du fardeau réel de cette condition de santé. En adoptant une perspective administrative, nous avons voulu présenter le portrait de la douleur lombaire récurrente dans le système de santé québécois, quantifier le nombre de nouveaux cas par année, et établir les cout directs médicaux qui en découlaient. Les données présentées dans cette étude visaient à fournir un état de la situation pour les décideurs afin de prendre conscience de l’ampleur de cette condition de santé à l’échelle du Québec et d’identifier les populations les plus à risque. D’un point de

(15)

vue méthodologique, un des objectifs principaux était de suggérer une approche novatrice à la communauté scientifique afin de participer à l’effort qui vise l’amélioration de la qualité des études d’incidence sur la douleur lombaire, qui sont très peu nombreuses et souvent constituées de cohortes contaminées par des patients prévalents.

(16)

2. ÉTAT DES CONNAISSANCES

2.1 Douleur lombaire : définitions.

Contrairement à certaines pathologies dont la définition est tranchée et spécifique, la douleur lombaire doit à sa complexité et ses origines multiples une diversité de définitions responsable d’une littérature hétérogène (Vellucci, 2012). Avant de faire un survol de la littérature en lien avec l’épidémiologie de la douleur lombaire, il est donc primordial d’étayer les différentes définitions qui lui sont rattachées. L’ensemble des auteurs de revues systématiques sur la douleur lombaire s’entend pour dire qu’il y a une hétérogénéité importante dans les définitions. Par exemple, Walker, dans sa revue systématique de 1966 à 1998, rapporte que 75 % des études extraites présentent des définitions inadéquates de douleur lombaire ainsi qu’une période de rappel (semaine, mois, année…) mal définie une fois sur cinq (Walker, 2000). À titre d’exemple, les auteurs soulèvent que la prévalence à vie diminue significativement (c.-à-d. 13,8 % contre une moyenne de 38 %) lorsque l’on fait varier la définition de douleur lombaire d’une formulation sans durée à la formulation « la plupart des jours pendant deux semaines » (Walker, 2000). Dans la même veine, les études qui visaient à vérifier la fréquence de douleur lombaire le jour du sondage rendent une prévalence ponctuelle plus élevée que des sondages se basant sur la présence d’épisodes de plus de deux semaines (Loney & Stratford, 1999). La durée et la gravité sont donc des critères importants à inclure dans les définitions, tel que se sont récemment entendus la plupart des spécialistes dans le domaine (Dionne et al., 2008). L’éventail de définitions de douleur au dos influence sans conteste l’issue de l’étude. Idéalement, la prévalence devrait être aussi rapportée selon une analyse stratifiée de la gravité de la condition de douleur lombaire (Dionne et al., 2006). Le peu de clarté, ou même voire l’absence de définition peut faire varier énormément les résultats et la qualité d’une étude. Si une étude s’intéresse à la douleur lombaire (low back pain), alors que la définition parle en terme général de douleur au dos (back pain), le patient pourrait très bien associer le plan dorsal à des douleurs se référant au niveau thoracique, voire même cervical. La prévalence serait alors surestimée par des données sur des sites anatomiques « contaminants ». Il est également important de spécifier si les radiculopathies (c.-à-d. atteinte d’une racine nerveuse), les symptômes liés au cancer, etc. sont pris en compte. L’interprétation de

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l’étude est donc directement liée au degré de précision de la définition fournie par les auteurs.

2.1.1 Définitions cliniques

En français, la lombalgie est souvent le terme qui réfère à la douleur lombaire (DL : douleur au bas du dos) et exclut les régions cervicale et thoracique (Rozenberg, 2008). La correspondance en anglais réfère la plupart du temps à « Low Back Pain » (LBP) et les traductions spécifiques sont connues comme représentant une limite (Dionne et al., 2008).

Le terme « low back pain » est introduit en 1993 comme « Medical Subject

Heading » (aka MeSH2) à la librairie nationale de médecine des Etats-Unis (i.e. NML aka PubMed). La définition en est : « douleur aigüe ou chronique dans la région lombaire ou sacrée, qui peut être associée à des entorses ou étirements musculoligamentaires ; déplacements de disques intervertébraux ; et autres conditions ». Dans la littérature médicale, une définition avec des repères anatomiques est souvent rapportée dans les termes suivants : « toute douleur du plan dorsal se situant de l’angle costal à la fosse glutéale, et comprenant les douleurs de types lombaires et sacrococcygiennes, avec ou sans irradiation aux membres inférieurs » (voir Figure 1) (Leboeuf-Yde & Lauritsen, 1995; Airaksinen et al., 2006; van Tulder & Koes, 2006; Rozenberg, 2008; Juniper et al., 2009; Stanton et al., 2010a). Ces définitions sont d’usage courant dans les études datant d’avant 2008 dans lesquelles des variables cliniques n’étaient souvent pas évaluées ou considérées (p. ex. durée et gravité).

2 Les MeSH font partie d’un vocabulaire contrôlé. Il s’agit d’un ensemble de termes qui identifient un mot

descripteur dans une structure hiérarchique qui permet de procéder à des recherches dans la littérature en identifiant un niveau de spécificité d’intérêt. Les MeSH sont créés et mis à jour par une équipe d’experts dans chaque domaine concerné par le vocabulaire à définir."

(18)

Figure 1. Schématisation anatomique de la douleur lombaire sur représentation de Manikin.

Légende. La représentation « manikin » est souvent utilisée dans les questionnaires pour aider à situer et spécifier le site d’une douleur. Dans le cas présent, la partie ombragée permet de guider le patient à repérer anatomiquement le site décrit dans la définition susmentionnée et correspondant à de la douleur lombaire (tiré de Jones et al., 2013 avec permission).

En 2008, un panel de 28 experts internationaux a statué sur deux définitions de douleur lombaire (c.-à-d. « low back pain ») à préconiser lors de la publication d’études de prévalence. La définition minimale recommandée, pour des études comprenant des entrevues face à face ou des sondages, étant la suivante : «Dans les quatre dernières semaines, avez-vous éprouvé de la douleur dans le bas de votre dos? Si oui, assez intense pour vous restreindre dans vos activités habituelles ou modifier votre routine journalière pour plus d’une journée? » (voir Figure 2) (Dionne et al., 2008).

(19)

Figure 2. Définition minimale consensus pour décrire la douleur lombaire

Légende. Cette définition est recommandée pour les entrevues face à face ou pour les questionnaires papier ou électronique. La définition découle d’une étude Delphi et fait suite à quatre rondes d’échanges (tiré de Dionne et al., 2008 avec permission).

En plus du site et des symptômes, la définition optimale recommandée vérifie la douleur radiante aux membres inférieurs, la fréquence, la durée et la gravité et soulève quelques exclusions (Dionne et al., 2008). Bien que les auteurs n’aient pas la prétention de forcer la communauté médicale et scientifique à utiliser ces deux définitions, ils recommandent néanmoins fortement leur adoption dans tout devis basé sur des entrevues ou des questionnaires afin de rendre plus homogène la littérature sur la prévalence de la douleur lombaire et faciliter les comparaisons éventuelles à l’échelle de la population.

2.1.2 Algorithmes d’analyse

Malheureusement peu d’études d’analyses secondaires de données médicoadministratives peuvent se baser sur les définitions consensuelles en raison de l’absence de données cliniques ou autorapportées. Ainsi, dans les banques de données administratives, il est question d’algorithmes, manière différente de décrire une définition traduite en instruction logique, pour interroger à l’aide d’un logiciel des milliers, voire des millions, de dossiers médicoadministratifs liés à des patients. Ainsi, la plupart des bases de données ont un langage d’entrée uniformisé sous l’aspect d’une nomenclature diagnostique

(20)

établie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Nommément, la « classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes », suivi d’un numéro correspondant à l’édition en vigueur (c.-à-d. CIM-9, CIM-10, CIM-11) (WHO, 2013). La section 2.3 est consacrée à la description de ces banques de données médicoadministratives et à leur utilité en recherche épidémiologique. En bref, ces banques de données centralisent l’information de facturation des médecins pour des services prodigués aux patients pour un diagnostic précis, ce dernier étant codé en général en CIM-9. Plus spécifiquement, les douleurs lombaires sont regroupées sous différents codes diagnostiques CIM-9 dans la rubrique des « affectations des régions du plan dorsal ». Le plan dorsal est une description anatomique floue qui peut s’étendre du coccyx jusqu’aux vertèbres cervicales, il est donc nécessaire d’ajouter des critères d’exclusion pour se restreindre aux codes se rapportant aux définitions médicales des douleurs lombaires et/ou aux régions plus spécifiques de ce niveau. Différentes équipes ont publié des algorithmes de criblage des codes CIM-9 se rapportant à la douleur lombaire (voir Tableau 1) (Sinnott et al., 2012).

(21)

Table

au

1

. Description d’algorithmes de douleur au dos basés sur l’utilisation de codes CIM

-9 Auteur, Année Titre, Journal Source de données Inclusion Ex clusion Cherkin et al, 1992

Utilisation des CIM

-

9-CM pour identifier

les hospitalisations de problèmes mécaniques de douleur lombaire dans les banques administratives,

Spine

National Hospital Discharge Survey

Région lombaire (rachis lombosacré)

: hernie discale ; changements probable ment dégénératifs ; sténose spinale ; fractures d’instabilité suspectées

; douleur lombaire non

spécifique

; séquelle d’une chirurgie

antérieure

; divers.

Pour identifier les cas de chirurgie

:

03.0; 03.09; 80.5; 80.50; 80.51; 80.52; 80.59; 81.00; 81.06;

81.07; 81.08;

81.09; 03.6; 03.02; 78.69

<18 ans Néoplasmes Abcès intraspinal

; grossesse

;

spondylarthropathies inflammatoires

; ostéomyélites

;

fractures vertébrales ouvertes avec ou sans atteinte spinale

; dislocation vertébrale ; accidents de la rout e (E800 -E849.9) ; chordotomie (procédure 3.2 -03.29) ; fusions cervicales et thoraciques (81.01 -81.09). Volin et al, 1992

Analyse dans une petite région pour les opérations liées aux douleurs lombaires, Spine Washington State Department of Health data set

Région lombaire: 721.3; 722.10; 722.52; 722.83; 724.2; 724.3; 738.4; 756.11; 756.12; 847.2 Procédures

: 03.09; 80.5; 81.06;

81.07; 81.08

Néoplasmes Problème autre que lombaire

;

trauma, infection, sténose.

Taylor

et

al, 1998

Hospitalisations pour problèmes de dos et de cou

: une

comparaison entre la province de l’Ontario et l’état de Washington,

Health

Services Research

Canadian Institute for Health Information Database and Washington State Comprehensive Hospital Abstract Repo

rting System

Cou et dos: Cherkin Deyo pour la région lombaire et Einstadter pour la région cervicale. Cas chirurgicaux et non chirurgicaux (dos = thoracolombaire; cou = cervical) <20 ans Néoplasmes (140.0 -239.0, 733.1) Infections (324.1,730.0 –730.9) Maladies inflammatoires (720.0 –

720.9) Conditions reliées à la grossesse (630.0

–676.9)

Traumas (805.0

–806.9, 839.0

(22)

Martin

et

al, 2008

Dépenses et état de santé parmi les adultes présentant des problèmes de dos et de cou,

JAMA

Medical Expenditure Panel Survey

(MEPS)

Codes majeurs pour dos et cou: 720, 721, 722, 723, 724, 737, 805, 806, 839, 846, 847 et sous

-familles de

codes.

< 18 ans; Fracture pathologique 733.13; complication mécanique d’un système orthopédique interne

;

greffe ou implant

; raideur et

arthralgie

, car incapacité de

distinguer entre rachis ou non. Pas de codes de procédure

, car

données MEPS insuffisantes pour identifier les codes reliés au rachis.

Légende

: Ce tableau résume les études nord

-américaines qui ont trait à l’utilisation d’algorithmes basés sur des CIM

-9 pour produire

des études épidémiologiques sur la douleur lombaire ou la douleur du rachis. Ces définitions logiques basées sur des codes diagnostiques permettent d’interroger des banques médicoadministratives qui regroupent des millions de dossiers médicaux de p

atients

afin de construire une cohorte qui répond à des critères de sélection spécifiques à la douleur lombaire. La section 2.3 po

rte sur les

banques de données médicoadministratives et permet de mieux comprendre la provenance des données et la portée de telles défin

itions

pour la recherche épidémiologique.

Traduction libre

du tableau

en frança

is. Retrait des algorithmes de deux

étud

es portan

t sur la

douleur au cou et sur deux

analyses non

p

ubliées

du

Healthcare Cost and Utilization Project

. Adapté de Sinnott et al. , 2012 avec permission.

(23)

Les études rapportées dans le Tableau 1 portaient sur des analyses sur la douleur au dos et ont pour la plupart exclu les cas de cancer, les traumas et les problèmes liés à des infections, limitant ainsi la sélection des codes diagnostics liés aux problèmes majoritairement d’origine mécanique. La plupart des études publiées dans ce tableau se basent sur des données médicoadministratives ou de registres codifiées en CIM-9. Progressivement, des algorithmes adaptés pour les équivalences en codes CIM-10 feront leur apparition dans la littérature. Dans la nouvelle édition CIM-10-CA (version canadienne), les douleurs lombaires se retrouvent principalement sous l’onglet « Dorsalgies » (code M54), qui est le nouveau terme utilisé pour remplacer la précédente terminologie en CIM-9 «affectations des régions du plan dorsal » (ICIS, 2009). Notons que la version anglaise CIM-10-CA contient un diagnostic intitulé « low back pain » (M54.5) qui est traduit dans le guide français par « lombalgie basse ». Cependant, ce diagnostic ne regroupe pas toutes les affectations lombaires tels les radiculopathies, le lumbago avec indications spécifiques, les déplacements de disques, etc., pouvant être associé aux douleurs lombaires décrites précédemment. Tout comme pour les CIM-9, il est important d’analyser chaque code pour s’assurer de sélectionner les diagnostics en fonction des objectifs de l’étude et de la définition appropriée de « douleur lombaire ». Avec les avancées technologiques en informatique permettant de gérer des entrepôts de données contenant des « petabytes » d’information, le recoupement des banques de dossiers médicaux et des banques administratives (« data linking ») sera peut-être envisageable dans un futur rapproché pour améliorer la portée des algorithmes se rapportant à une condition de santé et accroitre la validité externe des études.

2.1.3 Définitions se rapportant à la gravité de la douleur lombaire

Il est toujours délicat de parler avec précision de douleur lombaire récurrente ou chronique (Cedraschi et al., 1999). En général, qu’il soit question de douleur aigüe, subaigüe, récurrente ou chronique, les définitions se basent sur le concept de la durée d’un épisode (Balagué et al., 2012), bien que les définitions consensuelles plus récentes fassent intervenir davantage de paramètres cliniques (Dionne et al., 2008).

(24)

2.1.3.1 Aigüe et subaigüe

La douleur lombaire aigüe se définit en général en Europe par un épisode d’une durée de moins de six semaines alors que la douleur subaigüe persiste de 6 à 12 semaines (Walker, 2000; van Tulder & Koes, 2006). La coupure est plutôt de quatre semaines aux États-Unis et de 4 à 12 semaines pour la douleur subaigüe (Chou et al., 2007). Ces définitions sont encore d’actualité bien que la définition consensuelle de 2008 (Dionne et al., 2008) devrait progressivement faire son apparition dans les études publiées de nos jours.

2.1.3.2 Chronique

Selon les directives européennes de prise en charge de la douleur lombaire non spécifique en soins de première ligne, la douleur lombaire chronique est considérée comme telle lorsque l’épisode persiste au-delà de 12 semaines (van Tulder & Koes, 2006). Selon la société américaine de douleur et le collège américain des médecins généralistes, la douleur doit être présente plus de trois mois, ce qui revient sensiblement à la même définition (Chou et al., 2007). Certaines équipes ont proposé d’autres approches, soit une durée de plus de 6 mois (Moulin et al., 2002; Boulanger et al., 2007) ou l’un des deux critères suivants : une durée de plus de trois mois ou plus de 24 épisodes dans la dernière année ayant limité l’activité pendant une journée (Freburger et al., 2009). Cette dernière définition s’appuyait sur une étude de 1995, qui suggérait une durée supérieure à trois mois ou 25 épisodes pendant une année (Carey et al., 1995). Cependant, les propositions de chronicité s’appuyant sur un nombre d’épisodes (>24 ou >25), tel que dans les deux précédentes études, ne sont pas référencées ou appuyées par la littérature. La définition de durée, sans référence au nombre d’épisodes, prédomine donc dans la littérature.

2.1.3.3 Récurrente

La douleur lombaire récurrente est étonnamment plus difficile à définir. En fait, plusieurs études confondent le concept de récurrence et de chronicité. Une récente analyse systématique révélait que seulement 38 % des études sélectionnées définissaient explicitement ce qu’il était entendu par douleur lombaire récurrente. Une des conclusions de l’étude avance que les chercheurs en sont encore à l’étape de créer de nouvelles

(25)

définitions de récurrence ce qui ajoute à la confusion et rend la comparaison d’études épidémiologiques ou économiques difficile (Stanton et al., 2010a). Au final, il est recommandé d’utiliser le concept de « récupération » entre deux épisodes pour considérer qu’un premier épisode est bel et bien terminé et confirmer la présence d’un nouvel épisode et donc d’une récurrence. Cependant, parmi 13 % des études qui présentent ce concept, aucune ne propose la même durée de récupération entre deux épisodes (Stanton, Latimer, Maher, & Hancock, 2010b). Les définitions de récurrence de la douleur lombaire sont donc presque aussi nombreuses que le nombre d’études publiées. Suite à ce constat, quarante experts internationaux ont donc été invités à participer à une étude Delphi modifiée. La définition consensuelle adoptée a été la suivante: « douleur lombaire étant survenue au moins deux fois dans la dernière année dont chaque épisode a eu une durée minimale de 24h et une intensité >2/11 sur une échelle numérique ou >2/10 sur une échelle visuelle analogue, et dont les deux épisodes ont été séparés par une période sans douleur d’au moins 30 jours » (Stanton, Latimer, Maher, & Hancock, 2010b). Telle la définition de douleur lombaire non spécifique de l’étude de Dionne et collaborateurs (Dionne et al., 2008), il s’agit seulement d’une recommandation, un processus pour faire progresser la qualité de la recherche et l’homogénéité des études publiées. Il faut également noter que cette définition requiert l’utilisation de variables cliniques qui ne sont malheureusement pas disponibles dans des bases de données médicoadministratives. Tel que décrit à la section 2.1.2, dans le cas d’analyses secondaires de données administratives, il sera plutôt question d’algorithmes de récurrence. En ce sens, il peut s’agir d’une récurrence de visites médicales, de réclamations, de diagnostics, etc., et il est hautement improbable de pouvoir définir la fin d’un épisode et le début d’un autre à partir de ces données. À ce jour, il n’y a pas « d’algorithme consensuel », seulement des analyses descriptives qui cherchent à décrire l’utilisation des soins en termes de récurrence ou d’espacement des visites (Wasiak et al., 2003; Ritzwoller et al., 2006).

(26)

2.2 Épidémiologie de la douleur lombaire

2.2.1 Prévalence de la douleur lombaire

2.2.1.1 Notions de prévalence

La prévalence d’une maladie, d’un état ou d’une condition de santé est définie comme la proportion de cas « existants » dans une population donnée à un moment déterminé et pendant une période définie (Szklo & Nieto, 2007). La prévalence nous renseigne sur l’étendue de la condition de santé à ce moment précis. Les termes proportion de prévalence, ou prévalence ponctuelle sont souvent utilisés comme synonymes (Rothman et al., 2008). Le bassin de prévalence est l’ensemble de la population pour laquelle une condition est à l’étude. Les conditions médicales ayant une très faible incidence peuvent avoir une prévalence importante si la condition est non-létale et incurable (Rothman et al., 2008).

2.2.1.2 Survol de la littérature

Depuis 1995, huit revues systématiques sur la prévalence de la douleur lombaire chez les adultes ont été publiées, couvrant la littérature médicale de 1954 à 2009 (Leboeuf-Yde & Lauritsen, 1995; Bressler et al., 1999; Loney & Stratford, 1999; Walker, 2000; Hestbaek et al., 2003; Dionne et al., 2006; Hoy et al., 2012), dont une revue systématique portant uniquement sur le continent africain scrutant des banques de données de 1800 à 2006 (Louw et al., 2007). Les revues systématiques de Bressler (Bressler et al., 1999) et Dionne (Dionne et al., 2006) portaient principalement sur l’influence de l’âge et du vieillissement sur la prévalence de douleur lombaire. Les revues systématiques de Walker (Walker, 2000) et de Hoy (Hoy et al., 2012), séparées de 12 années, portaient sur la prévalence globale de la douleur lombaire. D’ailleurs, Hoy et collaborateurs rapportaient que 64 % de toutes les publications ayant servi à la préparation des revues systématiques de prévalence globale entre 1980 et 2009 avaient été publiées entre 1999 et 2009. C’est donc dire qu’il y a eu une croissance du nombre de publications depuis 15 ans rapportant l’évolution de cette condition de santé dont le fardeau socioéconomique énorme est désormais reconnu (Dagenais et al., 2008). La publication de Hestbaek (Hestbaek et al.,

(27)

2003) portait sur la prévalence dans la population générale seulement et sur les études basées sur un minimum de 12 mois de suivi.

L’étude de Walker en 2000 reprend et améliore les critères d’évaluation méthodologique proposés par Leboeuf-Yde en 1995 et Loney en 1999. Sur une fourchette de 1966 à 1998, Walker (Walker, 2000) rapporte que 54 % des études extraites de la littérature, soit 30 études, ont reçu la note de passage subjective de qualité méthodologique de 75 %. De ces trente études, toutes langues de communication confondues, 21 ont défini le terme de douleur lombaire plus précisément. Les autres études faisant état de douleur au dos (« back pain ») sans précision quant à la région anatomique concernée. L’hétérogénéité des données avait également empêché de mettre en commun les données pour dériver des estimations de prévalence. L’auteur rapportait donc les fourchettes de valeurs; la prévalence ponctuelle variant entre 12 et 33 %, la prévalence à un an entre 22 et 65 % et la prévalence à vie entre 11 et 84 % (Walker, 2000).

L’étude de Hoy et collaborateurs en 2012 (Hoy et al., 2012) était basée sur un nombre considérable d’études, 165 en tout, entre 1980 et 2009. Parmi celles-ci, certaines avaient été rejetées dans l’étude de Walker en 2000. Au lieu d’exclure selon la qualité des critères méthodologiques, Hoy et collaborateurs ont plutôt proposé une analyse de 10 critères visant à mesurer les biais de mesure, de sélection et d’analyse sur l’ensemble des études sélectionnées (élevé, modéré, faible) afin de mettre en commun les données. Une analyse approfondie de sensibilité a ensuite été réalisée en fonction des risques de biais élevés, entre autres, pour évaluer leur impact sur les estimations de prévalence calculées. En tout, les 165 études ont fourni 966 estimations de prévalence de douleur lombaire aigüe selon des catégories d’âge et de sexe dans 54 pays. La prévalence ponctuelle a été estimée à 18,3 %, significativement plus basse que la prévalence à un mois à 30,8 %, et que la prévalence annuelle de 38,0 %. La prévalence à vie ne différait pas de la prévalence annuelle à 38,9 %.

Bressler et collaborateurs (Bressler et al., 1999) rapportaient que parmi les 12 études retenues pour leur revue systématique, chez les individus de plus de 65 ans, la

(28)

prévalence oscillait entre 13 et 49 %. Chez les individus très âgés (> 80 ans), celle-ci était sensiblement dans les mêmes eaux, variant entre 6 et 40 %. En général, les femmes présentaient un taux de prévalence plus élevé que les hommes. Dans une étude plus récente, Dionne et collaborateurs (Dionne et al., 2006) démontraient une tendance significative à l’augmentation de la prévalence de douleurs graves au dos en fonction de l’âge. La proportion d’épisodes de douleur lombaire grave à 21 ans était de 8 % et augmentait avec l’âge jusqu’à 25 % à 90 ans, un phénomène potentiellement responsable d’interférence avec les activités sociales et physiques diminuant la qualité de vie. Cependant, l’analyse de douleurs au dos de tous types (bénignes, mixtes et graves), dans la catégorie d’âge de 60 ans et plus, ne présentait aucune tendance à la hausse avec une prévalence constante autour de 20 % (Dionne et al., 2006).

En Afrique, la prévalence ponctuelle chez les adultes variait entre 10 et 59 %, une fourchette sensiblement identique aux pays développés (Louw et al., 2007). La prévalence annuelle a été identifiée comme se situant de 14 à 72 % et la prévalence à vie entre 28 et 74 %. Les fourchettes de taux de prévalence observés en Afrique ne différaient pas outre mesure de celles observées dans la revue systématique de Walker en 2000. L’hétérogénéité des définitions ayant empêché la mise en commun des données, il est difficile de comparer les résultats de cette revue systématique aux résultats de Hoy en 2012, outre le fait que certaines études utilisées dans Louw (2007) ont été intégrées à la revue de Hoy en 2012.

De 2010 à 2013, il y a eu plusieurs autres études publiées portant sur la prévalence de la douleur lombaire. Une étude japonaise réalisée auprès d’un échantillon de 65 000 internautes parmi la population urbaine a permis de déterminer une prévalence à vie de 83 %, bien au-delà de la moyenne et d’un écart-type de ce qui est retrouvé dans la littérature en général (39 % ± 24 %). La douleur lombaire était répandue dans la population japonaise, étant la cinquième raison la plus fréquente de consultation médicale selon des données de 2010 (Fujii & Matsudaira, 2013). Parmi l’échantillon, 3,9 % des répondants ont rapporté être atteints de douleur lombaire chronique (durée ≥ 3 mois). De manière intéressante, les répondants ayant de la douleur radiante aux membres inférieurs, et ayant eu un historique

(29)

de chirurgie dorsale avaient respectivement cinq et dix fois plus de chances d’avoir de la douleur chronique.

Au niveau de la prévalence de la douleur lombaire chronique, il existe peu d’études longitudinales ayant déterminé la tendance séculaire de cette condition. Notons l’étude de Freburger et collaborateurs (Freburger et al., 2009) qui présentait le portrait d’une progression majeure entre 1992 et 2006 dans la population de l’état de la Caroline du Nord. Dans cette étude, la définition clinique avec repères anatomiques était employée, ainsi que les deux définitions de douleur lombaire chronique (durée > 3 mois ou > 24 épisodes en un an) dans une série d’entrevues téléphoniques parmi des foyers sélectionnés de manière aléatoire en 1992 et en 2006. Sur la période étudiée de 14 ans, la prévalence de la douleur lombaire chronique a fait un bon marqué de 3,9 % à 10,2 %, un phénomène que les auteurs ne pouvaient expliquer spécifiquement.

Au Canada, l’ampleur de la douleur au dos (« back pain ») n’est soit pas évaluée dans les sondages portant sur la douleur chronique, ou soit évaluée à l’aide de questions dans une sous-section des enquêtes sur la douleur chronique. Plusieurs équipes canadiennes ont ainsi rapporté des mesures de prévalence de douleur chronique et certaines se sont intéressées à la douleur au dos comme le décrit le Tableau 2.

(30)

Table

au

2

. Résumé des études portant sur la prévalence de la douleur chronique au Canada

Au te ur s (a nn ée p ub li .) Li eu (a nn ée c oh ort e) Ca t. Â ge (n ) So ur ce Dé fi ni ti on Do ul eu r ch ro ni qu e Pr év al en ce de doul eur ch ro ni qu e Pr év al en ce Ho m. : F em . Do ul eu r au do s da ns l’ éc ha ntillo n Mi ll ar WJ (1 99 6) Ca na da (N at io na l) (1 99 6-1997) [1 8 et + ] (6 9 36 5) EN SP Do ul eu r > 6 mo is 17 % (1 5 : 2 0) 6. 3 % Mo ul in D E (2 00 2) Ca na da (N at io na l) (2 00 1) [1 8 - 75] (2 0 12 ) En tr ev ue té lé ph on iq ue (F irm e) Do ul eu r > 6 mo is 29 % (2 7 : 3 1) 35 % pa rm i 340 pa ti ent s DC (* * éc ha nt il lo n ≠ ) Mo ul in D E (2 00 2) Ca na da (N at io na l) (2 00 1) [1 8 - 75] (3 40 ) En tr ev ue té lé ph on iq ue (F irm e) Do ul eu r > 6 mo is (C oh ort e en ti ère d e pa ti ent s D C ) 10 0 % N/ D 35 % Ra pp op or t J (2 00 4) Ca na da (N at io na l) (1 99 8-1999) [2 0 et + ] (1 3 75 6) EN SP N/ D N/ D N/ D 15. 7 % Jaco bs P (2 00 4) Ca na da (N at io na l) (2 00 0-2001) [2 0 et + ] (1 29 6 95 ) ESC C Do ul eu r > 6 mo is + Do ul eu r au d os N/ D N/ D 18, 6 % (3 .5 % uni que D C ) Tr ip p D A (2 00 6) Ca na da (O nt ari o) (2 00 4) 18 et + ] (1 0 67 ) En tr ev ue té lé ph on iq ue Do ul eu r ≥ 90 jour s 49 % Mo de ra te to sev er e = 1 8. 5 % Ra pp or té p ar gr ade de dl r N/ D Bo ul an ge r A (2 00 7) Ca na da (N at io na l) (2 00 1, 2004) [1 5 et + ] (1 0 55 ) En tr ev ue té lé ph on iq ue (F irm e) So nd ag e co ur t Do ul eu r > 6 mo is Fr éq ue nc e él ev ée In te ns it é ?/ 10 29 % (2 00 1) 25 % (2 00 4) [Q ué be c] 18 % (2 00 1) 16 % (2 00 4) (2 2 : 2 7) N/ D Ca us e #1 s el on le s M D = 21 % de s ca s de D C Ra sh iq S (2 00 9) Ca na da (N at io na l) (1 99 6-1997) [1 8 et + ] (6 9 36 5) EN SP « Ar e yo u us ua ll y fr ee of pa in or di sc om for t ? » 14. 1 % (1 2. 4 : 1 5.6 ) 6. 0 % Sc ho pf lo ch er D (2 01 1) Ca na da (N at io na l) (2 00 7-2008) [1 8 et + ] (2 0 00 ) En tr ev ue té lé ph on iq ue (F irm e) So nd ag e co ur t Do ul eu r > 6 m oi s Fr éq ue nc e él ev ée In te ns it é > 5/ 10 18. 9 % [Q ué be c] 15 .7 % Ra pp or té p ar gr oupe d’ âge 6. 7 % Re it sm a M L (2 01 2) Ca na da (N at io na l) (1 99 4-2008) [2 5 et + ] (1 0 99 2) EN SP et ESC C 1 « Ar e yo u us ua ll y fr ee of pa in or di sc om for t ? » [C oh ort e de 1 99 4] 15. 3 % (1 99 6) 19, 5 % (2 00 4) ~1 4 : ~ 17 (1 99 6) ~1 6 : ~ 21 (2 00 7) N/ D

1 Enquête nationale sur la santé de la population (longitudinal

e) et

Enquête sur la santé dans les collectivités c

anadiennes (transversal

(31)

En bref, en fonction de la source de données ou de l’approche méthodologique, la prévalence de la douleur chronique variait de 14 % à 49 % au Canada entre 1994 et 2008. Dans bien des cas, la douleur du plan dorsal (« back pain ») était la condition la plus rapportée variant de 19 % à 35 % de l’échantillon de douleur chronique, soit environ 6 % de la population totale sondée. La prévalence varie énormément en fonction des définitions, de la sévérité et des populations étudiées. L’étude récente de Hoy et collaborateurs recensait une prévalence annuelle de douleur lombaire aigüe autour de 38 %. La prévalence de la douleur lombaire était relativement stable en fonction de l’âge, mais les manifestations graves étaient plus fréquentes chez les personnes âgées et chez les femmes. Les manifestations de douleur chronique du plan dorsal affichaient une tendance à la hausse, et représentaient une importante proportion des conditions de santé chroniques. Il s’agit donc d’une condition de santé dont l’impact peut être considéré comme majeur.

2.2.1.3 Les avantages d’étudier la prévalence de la douleur lombaire

La prévalence présente un intérêt autant pour les chercheurs que les décideurs. Certains prônent son utilité pour servir de base pour des études sur les fondements étiologiques, pour l’évaluation du système de santé et évaluer l’effet de la douleur lombaire sur la population générale (Walker, 2000). Les taux de prévalence peuvent permettre de prioriser la planification des services de santé sur une base annuelle, voire même à accroitre le financement de la recherche visant à améliorer l’évaluation et le traitement de cette condition (Loney & Stratford, 1999).

Au niveau des différentes mesures de prévalence qui peuvent être dérivés (ponctuel, annuel, à vie), celles-ci présentent des avantages selon la perspective de l’utilisateur. Par exemple, du point de vue d’un chercheur qui utilise des questionnaires, un des avantages de la prévalence ponctuelle par rapport à la prévalence par période (mois ou années), permet de s’affranchir du biais de rappel (Carey et al., 1995), surtout pour les recherches portant sur les populations âgées. Les estimations pourront être plus précises et comparables si les autres failles méthodologiques sont contrôlées. Si nous prenons la perspective des patients, ceux-ci peuvent être sensibilisés par l’importance de s’informer et d’adopter de bonnes pratiques de travail pour prévenir des congés forcés et limiter d’éventuelles pertes

(32)

financières. Par exemple, cela a mené à la rédaction du « Back Book », un outil informatif et préventif pour renseigner les patients sur la santé du dos (Roland et al., 2001). La perspective de l’employeur ou de la Commission de la santé et de la sécurité au travail (CSST) peut être d’effectuer une surveillance mensuelle ou annuelle pour suivre la progression de cette condition. Par exemple, réduire les pertes de productivité en lien au présentéisme ou à l’absentéisme ou minimiser les réclamations d’invalidité dans des études sur des cohortes de travailleurs peut leur être particulièrement utile. La prévalence à vie peut servir à déterminer si la condition de santé présente une forte probabilité de survenue dans la pratique générale d’un professionnel de la santé. Il peut être intéressant à ce moment d’investir du temps et de l’argent dans la formation continue visant une meilleure gestion thérapeutique des douleurs lombaires si la prévalence s’avère élevée tel que décrit dans les précédents paragraphes. Du point de vue des décideurs, la prévalence est un indicateur simple qui dresse le portrait de l’impact d’une condition sur le système de santé ou sur l’état (Hoy et al., 2012).

Bref, les études de prévalence sont en général pratiques et abordables en termes de couts. Elles permettent de fournir un aperçu de la tendance séculaire3 de la douleur lombaire dans la population. De plus, les études de prévalence sont l’une des approches préconisées pour déterminer l’impact social, en termes de couts et de perte de productivité, à l’échelle de la population dans une société. Il existe une abondante littérature sur la prévalence des maux de dos pour des sous-populations plus spécifiques (p. ex. divers métiers, enfants et adolescents, groupes de patients avec une pathologie préexistante, etc.). Ces études sont cependant moins généralisables et bien qu’intéressantes pour de la microgestion ne font pas partie de l’objectif du présent ouvrage.

3"Tendance"séculaire":"Évolution"d’un"phénomène"de"santé"dans"le"temps"(d’une"année"ou"d’une" génération"à"l’autre)."Selon"Jenicek"M"et"Cléroux"R."(1987)"Epidémiologie":"principes,"techniques"et" applications."484p.)"

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2.2.2 Incidence de la douleur lombaire 2.2.2.1 Notions d’incidence

L’incidence cumulée (ou cumulative) est le nombre de nouveaux évènements qui surviennent dans une population définie pendant une période de temps spécifique (numérateur) divisé par la population à risque pour cet évènement pendant la même période (dénominateur) (Szklo & Nieto, 2007). L’incidence nous renseigne sur le risque de développer une maladie. L’incidence cumulative peut être déterminée sur une population stable (population fermée) qui n’a subi aucune perte de suivi. Il arrive par contre fréquemment que le suivi ne soit pas complet pour tous les individus d’une population, soit en raison du décès d’individus en raison d’une condition différente de celle à l’étude, par des « perdus de vue », ou par des individus recrutés plus tard dans l’étude. Toutes ces raisons produisent des observations censurées qui peuvent être analysées avec des tables de mortalité (Szklo & Nieto, 2007). Cependant, en présence d’observations censurées ou en présence d’une population ouverte (dynamique), les épidémiologistes se rapportent traditionnellement au concept de taux d’incidence qui s’exprime en personnes-temps (Rothman et al., 2008). Ce concept peut se baser sur la période de contribution en temps de chaque individu dans la population à risque pour la condition à l’étude et permet d’éliminer le biais de sélection dans des études de cohorte (Szklo & Nieto, 2007). Ainsi, il est possible de calculer le « taux d’incidence » d’une population en déterminant les nouveaux cas de maladie (nombre incident) divisés par la somme de tous les temps d’observation des individus : [Taux d’incidence = Nombre d’évènements / Σpersonnes temps passé dans la population]. Par contre, en utilisant cette approche, il faut partir de l’hypothèse que le risque demeure approximativement constant dans l’intervalle de temps à l’étude. Soit n personnes suivies sur une période de temps t sont équivalentes à t personnes observées pendant n unités de temps. Si nous prenons en exemple la douleur lombaire chez des ouvriers en maçonnerie, il est difficile de se faire à l’idée que le maçon suivi pendant 10 ans aura un risque équivalent à 10 maçons suivis pendant un an. La manière de pallier cette limite de l’approche personne-temps est de déterminer des intervalles de temps plus restreints et de calculer un taux pour chacun (Szklo & Nieto, 2007). Pour réduire les facteurs confondants, si la taille de l’échantillon le permet, il est aussi suggéré de stratifier selon des variables tel l’âge ou le sexe, deux variables qui peuvent influencer la survenue

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de symptômes douloureux. Une deuxième approche consiste à utiliser des données agrégées si la contribution en personne-temps ne peut être déterminée. Par exemple, le dénominateur prendra la valeur de la population moyenne de la province du Québec pour une période donnée (p. ex. l’année 2007), considérant une certaine stabilité pour la zone géographique en question et la composante démographique (Szklo & Nieto, 2007).

Au-delà de la description du concept général, déterminer l’incidence cumulée ou le taux d’incidence de la douleur lombaire demeure difficile et représente une bête noire pour les épidémiologistes. Normalement lors du calcul d’une mesure d’incidence d’une maladie infectieuse, les individus immunisés sont retirés de la population à risque suite à l’épisode initial (dénominateur) puisqu’ils ne devraient plus jamais contracter l’infection. Ce n’est pas le cas pour l’incidence de la douleur lombaire, pour laquelle la prévalence à vie et le taux de récurrence élevés complexifient l’identification de l’épisode initial. Pour faciliter la compréhension, appuyons-nous sur la Figure 3.

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Pour une sous-population hypothétique de 25 individus, les données médicoadministratives de consultation par des professionnels de la santé sont obtenues pour une durée de cinq ans. Cinq patients développent au moins un épisode de douleur lombaire durant cette période. L’incidence annuelle en 2003 est de 2/25, soit 8,0 % (patients A et B). En réalité, le patient A ne devrait pas être considéré comme incident en 2003, car son épisode a débuté en 2002. La véritable incidence devrait plutôt être de 4,2 % en 2003 (patient B / (25 – patient A)). Cependant, n’ayant pas accès aux données de 2002 (voir zone ombragée, Figure 3), nous devons supposer que le patient A développe son problème lombaire en 2003. Il y a donc surestimation de l’incidence annuelle.

Pour l’année 2004, l’incidence annuelle devrait être considérée ainsi : patient C / (25 – (A+B)) = 1/23 = 4,3 %. Cependant, la complexité vient du fait que le patient B peut être considéré comme ayant récupéré de son épisode antérieur de douleur lombaire. Devrait-il être réintégré dans la population à risque de développer un épisode de douleur lombaire, ou doit-il en être retiré, car il est désormais plus à risque de développer un deuxième épisode, et devrait donc être considéré comme un patient avec un potentiel de récurrence? Si le patient B est réintégré dans la population à risque, l’incidence annuelle sera de 4,2 % au lieu de 4,3 %, donc une légère sous-estimation s’il est considéré qu’un épisode antérieur est garant d’un épisode futur.

Prenons en dernier exemple l’année 2007, l’incidence annuelle pourrait se définir ainsi : patients E+B / (25 – (A+C)) = 8,7 %. Plusieurs questions peuvent être soulevées; 1) Le patient B devrait-il être considéré un nouveau cas de douleur lombaire, même s’il s’agit de son troisième épisode en cinq ans? Ne devrait-il pas plutôt être retiré de la population à risque comme dans la simulation de 2004?; 2) Le patient D ne devrait-il pas lui aussi être retiré de la population à risque puisqu’il a déjà développé un épisode en 2005, ou devrait-on le cdevrait-onsidérer également comme un patient pouvant développer un nouvel épisode de douleur lombaire indépendant du précédent? L’incidence annuelle pourrait donc être en réalité de 4,7 % (E/ 25- (A+B+C+D)). L’estimation de 8,7 % surestimant encore la véritable incidence.

Figure

Figure  1.  Schématisation  anatomique  de  la  douleur  lombaire  sur  représentation  de  Manikin
Figure 2. Définition minimale consensus pour décrire la douleur lombaire
Tableau 1. Description d’algorithmes de douleur au dos basés sur l’utilisation de codes CIM-9 Auteur,  AnnéeTitre, JournalSource de donnéesInclusionExclusion Cherkin  et al,  1992
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