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6. Discussion générale

6.8 Forces du projet de recherche

La présente étude comporte plusieurs forces dont la présentation de données séculaires de morbidité et de couts et la construction d’une cohorte incidente à partir d’une approche méthodologique permettant de diminuer la présence de cas contaminants.

La possibilité de construire des cohortes de prévalence ou d’incidence tout en limitant le biais de rappel a été un gain majeur dans ces analyses basées sur des données médicoadministratives. Comme discuté à plusieurs reprises, sans doute le biais le plus rapporté dans les études basées sur les enquêtes ou toute donnée autorapportée est le biais de rappel. Par exemple, la prévalence de période (p. ex. mensuelle, annuelle) peut être biaisée par des biais de rappel et peut expliquer la présence de réponses incomplètes dans les questionnaires (Walker, 2000). Selon Carey et collaborateurs, un biais de rappel peu survenir à l’intérieur de quatre mois chez des patients vivant un épisode de douleur lombaire (Carey, Garrett, et al., 1995). Cependant, il existe aussi un biais de télescopage avant (« forward telescoping ») qui implique que le patient sous-estime le temps depuis son dernier épisode. Cependant, le télescopage avant a tendance à augmenter les cas de douleur lombaire que le patient pense avoir vécus plus récemment qu’en réalité, causant un effet opposé au biais de rappel (Loney & Stratford, 1999). Dans un cas ou dans l’autre, si une étude vise à déterminer la morbidité annuelle de la douleur lombaire à partir d’enquêtes ou de sondages, les estimations ne seront pas aussi fiables que pour évaluer la morbidité ponctuelle. L’une des forces des analyses secondaires des banques administratives est sans conteste de contourner ces biais d’information. Les données consignées dans les fichiers de la RAMQ permettent d’examiner plusieurs années d’historique médical, et malgré les limites soulevées au niveau du codage des diagnostics (voir section 6.7), les données de la RAMQ sont davantage fiables que les données autorapportées au-delà de six mois.

De plus, l’utilisation de banques de données administratives peut représenter un avantage pour le calcul d’incidence en raison de leur validité. Il s’agit de banques qui possèdent du moins une bonne spécificité, et pour certaines conditions de santé également une bonne sensibilité, et leur validité externe est souvent importante. Par exemple,

Waterman et collaborateurs indiquent que la banque de surveillance NEISS a été validée et est représentative de la population américaine. Elle offre la possibilité de déterminer une population à risque, ce qui est un avantage majeur pour dégager des estimations d’incidence représentatives pour la douleur lombaire (Waterman et al., 2012). Mattila et collaborateurs rapportent également que la banque administrative NHDR de la Finlande a été validée et que sa fiabilité est excellente (Mattila et al., 2009). Les conclusions pouvant être tirées des banques de données sont donc acceptables, considérant que le nombre de limites existantes à partir d’autres approches est également grand. Avantageusement, dans le cadre de nos études, ou d’autres effectuées au Canada, il a été démontré que les sources de données administratives comme celle de la RAMQ, en raison de la couverture universelle, sont connues pour leur représentativité élevée de la population (Asghari et al., 2009) et pour la qualité des données (Tamblyn et al., 1995; Wilchesky et al., 2004; Strom et al., 2012).

Comme introduit à la section 2.1, la précision des définitions est un concept clé pour permettre de comparer les mesures d’incidence calculées dans des pays et des populations différentes. Prenons par exemple l’étude de Kopec sur la population canadienne (Kopec et al., 2004). Le fait d’avoir utilisé une définition vague de l’Enquête sur la santé dans les collectivités Canadiennes telle que : « par problème de santé de longue durée, on entend un état qui dure ou qui devrait durer six mois ou plus et qui a été diagnostiqué par un professionnel de la santé » (ESCC, 2010), rend la comparaison de la mesure d’incidence difficile vis-à-vis d’autres études d’incidence de douleur lombaire. Ce genre de définition est équivoque, le patient peut très bien considérer n’importe quelle douleur du plan dorsal des fesses à la tête si on ne lui donne aucun repère anatomique simple, voire visuel. Le biais d’information peut donc être important, menant à une surestimation du nombre de cas incidents associés à de la douleur lombaire. Le chercheur doit également réfléchir si c’est le premier épisode à vie de douleur lombaire qui l’intéresse, ou s’il ne prend en considération qu’une certaine période tampon, ce qui pourrait mener à la contamination de la cohorte incidente par des patients récurrents, par exemple dans les études de cohortes d’inception (Stanton et al., 2008). À ce moment, des intervalles de temps entre les épisodes devront être considérés avant de réintégrer un individu dans le bassin de la population à risque (Wasiak

et al., 2003), ou la considération d’une période de clairance, telle que nous l’avons proposé dans notre seconde étude (voir section 4.2.3). Si par contre, l’incidence est basée sur des cohortes prospectives sélectionnées à partir d’enquêtes ou de recrutement, d’autres limites sont à prendre en considération. Par exemple, un nombre important de perdus de vue peuvent affecter les analyses de régression et la validité externe de l’étude (Zitting et al., 1998). George en 2002 relevait une attrition de 26 % dans sa cohorte de Saskatchewan (George, 2002). Ce problème était bien documenté puisqu’il s’agit d’une province dont l’agriculture est l’un des principaux moteurs économiques, et en temps de moisson, les fermiers sont trop occupés pour répondre aux questionnaires. Il y a donc à ce moment danger de sous-estimer la morbidité s’il y a présence d’une importante sous-population qui peut affecter les résultats à l’échelle de la population. Dans le cas d’études qui portent sur des personnes très âgées qui présentent plusieurs comorbidités, il faudra tenir compte de la mortalité. Lors d’un suivi postal, Papageorgiou a également soulevé le danger de surestimer l’incidence de douleur lombaire (Papageorgiou et al., 1996). Ceci serait dû au fait que les patients présentant un nouvel épisode sont plus à risque de renvoyer le questionnaire que des individus ayant déjà eu des épisodes résolus par le passé. L’utilisation de banques de données administratives permet d’éliminer les biais d’information associés aux données autorapportées comme de réduire les perdus de vue (sauf en cas de migration) et de consigner les cas les plus graves peu importe l’emploi et la saison, ces cas devant en général être vus par des spécialistes pour une investigation approfondie ou pour une hospitalisation. L’ambigüité quant à la condition de santé est réduite par l’utilisation d’algorithmes construits sur le criblage de codes diagnostics inscrits par des médecins suite à une anamnèse et un examen du patient, ce qui accroit la validité du moins en lien avec l’exactitude du site anatomique de la condition de santé.

Enfin, l’analyse séculaire des couts représente certainement une force de l’étude. Malgré les nombreuses limites décrites à la section 6.7, et que l’analyse ne soit que partielle en regard des différentes dimensions des couts directs ou de la perspective utilisée, il demeure qu’aucune étude n’a présenté de données de couts d’interventions sur plusieurs années subséquentes. Ces couts sont également déterminés à partir de cohortes incidentes,

ce qui n’avait pas encore été tenté. Contrairement à la plupart des études qui rapporte le cout global de la douleur lombaire pour des patients prévalents, notre étude rapporte plutôt le cout initial imputé à des patients consultant pour la toute première fois pour une récurrence d’épisodes médicaux de douleur lombaire. Également, à notre connaissance, aucune étude n’a cherché à déterminer, au-delà de 12 mois, le profil de consommation de services médicaux de patients aux prises avec une récurrence d’épisodes de douleur lombaire. Ces données sont particulièrement intéressantes en ce qui a trait à la différence majeure des couts engendrés entre l’année index et l’année de suivi et contribue ainsi à générer des hypothèses qui pourraient faire l’objet de futures recherches. Enfin, l’analyse de couts stratifiée par âge et selon le sexe met l’accent sur l’importance de suivre particulièrement le groupe des personnes âgées qui affiche une tendance séculaire de couts à la hausse dans notre population vieillissante.