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Dynamiques d'occupation côtière et valorisation de l'environnement : la néoruralité et le tourisme au Kamouraska

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Academic year: 2021

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Dynamiques d'occupation côtière et valorisation de

l'environnement : la néoruralité et le tourisme au

Kamouraska

Mémoire

David Bouchard

Maîtrise en anthropologie

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

© David Bouchard, 2017

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Dynamiques d'occupation côtière et valorisation de

l'environnement : la néoruralité et le tourisme au

Kamouraska

Mémoire

David Bouchard

Sous la direction de :

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III

RÉSUMÉ

Ce mémoire porte sur la place qu’occupe la nature au Kamouraska dans un contexte d’essor des activités écotouristiques et des processus migratoires. Il est fondé sur une approche d’écologie politique, permettant l’analyse des discours et des pratiques liés à la nature. Il vise à comprendre la construction sociale de la nature au Kamouraska, en s’intéressant à la parole et aux usages des acteurs, ainsi qu’aux enjeux soulevés par la transformation de la place qu’occupe la nature dans la région. Ce mémoire démontre comment les activités écotouristiques et l’embourgeoisement du territoire kamouraskois s’appuient sur une marchandisation de la nature, qui se voit valorisée en fonction de critères d’authenticité et de qualité visuelle. De même, il permet de démontrer que les transformations démographiques que connaît la région ont un impact direct sur les enjeux d’accès au territoire, le développement de nouvelles initiatives économiques et la perception que les habitants ont de leur environnement.

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IV

ABSTRACT

This master’s thesis is about the place of nature in the Kamouraska County, Québec, in a context of booming ecotourist activity and higher rural migration. It is based on an approach of political ecology, which allows the analysis of discourses and actions bound to nature. Its goal is to comprehend the social construction of nature in the Kamouraska County by analyzing the discourses and actions of local actors and the impacts of the transformation of nature’s definition in the area. This master’s thesis explores how ecotourist activity and gentrification of the Kamouraska County are leading to a new commodification of nature, which is valued by its authenticity and beauty. Likewise, it leads to a demonstration of how the demographic changes affecting the area are having a direct impact on issues of land accessibility, the development of new economic activities, and the way locals are seeing and thinking about their environment.

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V

TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... III ABSTRACT ... IV LISTE DES TABLEAUX ... VII LISTE DES IMAGES ... VIII LISTE DES ANNEXES ... IX LISTE DES ACRONYMES ... X REMERCIEMENTS ... XI

INTRODUCTION ... 1

1. APPROCHE CONCEPTUELLE ET MÉTHODOLOGIE ... 5

1.1. Orientation conceptuelle ... 5

1.1.1. L’écologie politique ... 5

1.1.1.1. L’écologie politique post-structurelle ... 8

1.1.2. La nature comme construit social ... 10

1.1.3. La marchandisation de la nature ... 13 1.1.4. Le phénomène de la néoruralité... 15 1.1.4.1. L’embourgeoisement rural ... 19 1.2. Approche méthodologique ... 21 1.2.1. Paradigme méthodologique ... 22 1.2.2. Choix du terrain ... 23 1.2.3. Participants ... 24

1.2.4. Recherche documentaire et Internet ... 26

1.2.5. Observation participante et entrevue semi-dirigée ... 27

1.2.6. Analyse des données ... 28

1.2.7. Considérations éthiques ... 29

2. CONTEXTUALISATION DE LA RECHERCHE ... 30

2.1. Le peuplement du Kamouraska ... 30

2.1.1. La dévitalisation : trame de fond des enjeux au Kamouraska ... 32

2.2. La néoruralité au Kamouraska ... 35

2.3. Le tourisme et l’écotourisme au Kamouraska ... 38

2.3.1. Écotourisme et marchandisation ... 41

2.3.2. L’écotourisme bas-laurentien ... 43

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VI

3. LA PLACE DE LA NATURE : DISCOURS ET PRATIQUES RURALES ET

NÉORURALES ... 46

3.1. Introduction ... 46

3.2. Les discours sur la nature au Kamouraska ... 47

3.2.1. La rive du fleuve ... 50

3.2.2. Le Haut-Pays : paysage oublié ?... 53

3.2.3. La vie urbaine en opposition à la nature ... 56

3.3. Les usages de la nature ... 58

3.3.1. Le tourisme conventionnel au Kamouraska ... 60

3.3.2. L’écotourisme et le fleuve ... 62

3.3.3. Innovation et projets alternatifs : mettre en valeur le Haut-Pays ... 65

3.3.4. Les projets de conservation au Kamouraska ... 67

3.3.5. Autosuffisance et vie rurale : la réappropriation de la nature par les pratiques des néoruraux ... 70

3.4. Conclusion ... 73

4. MIGRATION ET ENJEUX SOCIOENVIRONNEMENTAUX AU KAMOURASKA ... 75

4.1. L’embourgeoisement : une conséquence du tourisme ? ... 76

4.2. L’accès au territoire ... 83

4.3. Néoruraux et politique : remise en question du développement industriel ... 86

4.4. Assurer l’avenir du Kamouraska ... 90

4.5. Conclusion ... 95

CONCLUSION ... 97

Nature et migration ... 97

Deux types de migration ... 97

La nature comme mode de vie ... 99

La nature comme représentation de la vie rurale ... 100

Nature et écotourisme ... 102

BIBLIOGRAPHIE ... 105

ANNEXES ... 115

Annexe 1 – Schémas d’entrevue ... 115

Écotourisme ... 115

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VII

LISTE DES TABLEAUX

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VIII

LISTE DES IMAGES

Image 1 - Paysage du Kamouraska ... 47

Image 2 - Café du Clocher, Kamouraska ... 60

Image 3 - Quai Taché de Kamouraska ... 76

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IX

LISTE DES ANNEXES

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X

LISTE DES ACRONYMES

BAEQ Bureau d’aménagement de l’est du Québec CÉRUL Comité universitaire d'éthique de la recherche MRC Municipalité régionale de comté

ONG Organisation non gouvernementale ONU Organisation des Nations unies

PIIA Plan d'implantation et d'intégration architecturale du village de Kamouraska SEBKA Société d’écologie de la batture du Kamouraska

SÉPAQ Société des établissements de plein air du Québec UNEP United Nations Environment Program

UNESCO Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture

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XI

REMERCIEMENTS

Un grand merci au Conseil de recherches en sciences humaines et au Fonds Société et culture pour leur soutien financier tout au long de ma maîtrise. Sabrina, merci pour ton aide au cours de ces dernières années. Sans tes commentaires et conseils, jamais ce mémoire n’aurait pu être réalisé. Merci aussi à mes collègues d’études et de travail : Olivia, sans qui le travail de terrain aurait été bien solitaire, mais aussi Sarah, Elizabeth, François et Nakeyah. Enfin, à la femme de ma vie, Émilie, merci pour ton écoute et ta patience.

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1

INTRODUCTION

Ce projet de mémoire s’inscrit dans la foulée des travaux effectués lors de ma participation à un stage au baccalauréat en 2013, où j’ai pu me familiariser avec la région du Bas-Saint-Laurent et aux problèmes socioéconomiques qui l’affectent. Depuis ce stage, je travaille au sein d’un projet de recherche mené par ma directrice de mémoire, Sabrina Doyon, qui a éveillé ma curiosité pour la région du Kamouraska. Ce projet de recherche plus large, dans lequel se situe mon mémoire, a débuté à l’été 2013 et vise à analyser la construction sociale de l’espace côtier au Québec (Bas-Saint-Laurent) et en Catalogne (Costa Brava) par l’examen des processus de conservation environnementale et de valorisation de la nature. Les travaux effectués au sein de ce projet m’ont permis de mieux comprendre le portrait de la région du Bas-Saint-Laurent, en plus de me permettre de découvrir l’existence d’enjeux concernant l’embourgeoisement et l’exode rural affectant tout particulièrement la région de Kamouraska. De même, la recension de nouvelles initiatives écologiques effectuée au sein de ce projet m’a permis de réfléchir aux transformations de la relation de l’humain à son paysage et à la nature dans le Kamouraska, où s’observe depuis quelques années une diversification des activités économiques et sociales liées à la nature ainsi que l’arrivée en région de jeunes néoruraux. Ma collaboration à cette recherche a donc inspiré le sujet de ce mémoire et m’a permis, par les échanges et les réflexions qu’apporte le travail d’équipe, d’avoir une vision globale de la région du Bas-Saint-Laurent. Si cette recherche portait sur l’ensemble du Bas-Saint-Laurent, je m’intéresserai plus spécifiquement au sein de ce mémoire à la région du Kamouraska, où je me pencherai sur la place qu’occupe la nature dans les transformations démographiques et économiques affectant la région.

Le Kamouraska vit présentement un contexte difficile : le nombre d’emplois diminue, la population vieillit et la nouvelle génération tend à quitter la région pour rejoindre la ville à la recherche d’emplois plus payants et d’une éducation postsecondaire. La région connaît ainsi un taux d’accroissement négatif de sa population depuis au moins 15 ans, tel qu’en témoignent les statistiques du gouvernement provincial (Institut de la statistique du Québec 2014 : 136). Ce phénomène d’exode rural persiste depuis plusieurs dizaines d’années et a contribué au début des années 1970 à l’apparition d’un mouvement nommé Opérations

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recommandations de fermeture de villages « peu productifs » faites par le Bureau d’aménagement de l’est du Québec (BAEQ), qui proposait notamment la transformation de Rimouski et de Rivière-du-Loup en pôles industriels ainsi que la fermeture de 85 villages au « potentiel agricole nul », situés principalement dans les hautes-terres (Lapointe et Pilon 1995). Cette proposition a déclenché une vague d’opposition qui a permis d’empêcher la fermeture de nombreux villages tels qu’Esprit-Saint, Sainte-Paule et Les Méchins. Néanmoins, l’exode rural persiste : les jeunes quittent les villages afin de trouver de meilleurs emplois, les écoles doivent fermer en raison de la diminution du nombre d’élèves, et la population se fait de plus en plus âgée. Cet exode se produit toutefois en parallèle d’un mouvement de « retour à la terre » au Kamouraska, mené par des jeunes natifs des villes qui désirent venir s’installer en région rurale. Il est d’ailleurs plus approprié de parler d’un « retour à la nature », car tel qu’il le sera démontré dans la conclusion, ce n’est pas tant la « terre » que cherchent ces jeunes, mais bien le contact direct avec leur vision particulière de la nature, qu’ils situent en opposition à la ville et à la vie urbaine.

Sur le plan économique, le Kamouraska est une région côtière aux terres fertiles, réputée pour son industrie agricole. La région est aussi un pôle de développement technologique et industriel, grâce au Cégep de La Pocatière, à l’Institut de technologie agroalimentaire et à certaines industries telles que Bombardier, Desjardins et le groupe Dynaco. Cependant, la région a récemment vu émerger de nouvelles initiatives économiques qui se placent en alternative aux modes de production et de consommation de la nature conventionnels que sont l’agriculture industrielle, la foresterie, ou bien la pêche commerciale. Ces initiatives prennent par exemple la forme de projets écotouristiques, ou bien de fermes biologiques visant l’autosuffisance. Les initiatives écotouristiques amènent d’ailleurs un grand nombre de touristes dans la région et ce nouveau secteur d’activité forme un poids économique de plus en plus important au Kamouraska. Allant de simples initiatives de plus petite envergure telle que le café-camping Le Racoin de Kamouraska jusqu’à de grands projets offrant des activités de plein air diversifiées tels que la Société d’écologie de la batture du Kamouraska (SEBKA), les projets écotouristiques offrent à leurs clients la possibilité de profiter du paysage naturel bas-laurentien par l’entremise d’activités variées : randonnées guidées ou non, camping sauvage, escalade, kayak sur le fleuve ou en rivière,

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mycotourisme1, etc. De plus, les berges de la région sont tout particulièrement populaires auprès de néoruraux aisés, venant acheter des habitations d’été. Cette nouvelle population mène à une forme d’embourgeoisement rural2 : composée principalement de migrants urbains de classe moyenne ou aisée, elle affecte le marché immobilier en faisant augmenter le prix des terrains et des résidences, réduisant l’accès des populations natives du Kamouraska à la propriété, ceux-ci étant plus désavantagés financièrement (Simard et Guimond 2012).

Ainsi, trois phénomènes prennent forme au Kamouraska : 1) la multiplication des initiatives locales en lien avec l’environnement, dont tout particulièrement celles du secteur écotouristique ; 2) la néoruralité sur les rives du fleuve, source d’embourgeoisement rural ; 3) le retour à la nature de jeunes néoruraux provenant des villes. Dans ce mémoire, je tenterai de comprendre la relation entre ces trois phénomènes, en utilisant le concept de nature afin de saisir la manière dont elle s’insère dans l’évolution du contexte kamouraskois. Cela me mène donc à poser la question suivante :

Quelle place occupent la nature et sa mise en valeur dans le contexte de l’essor de l’écotourisme et des processus migratoires au Kamouraska ?

Le chapitre 1 permet de présenter mon approche conceptuelle, tirée du courant de l’écologie politique, ainsi que les enjeux de l’écotourisme et de la néoruralité, tel qu’ils sont traités au sein de la littérature, en plus de traiter des objectifs de la recherche et des considérations méthodologiques de ce mémoire. Le chapitre 2 vise à contextualiser la recherche en présentant l’histoire du Kamouraska, les changements démographiques touchant la région, le profil des participants ayant participé à la collecte de données et les activités touristiques et écotouristiques se développant au Kamouraska. Le chapitre 3 vise à présenter les données de la recherche par l’examen du discours et des pratiques rurales et néorurales liées à la nature au Kamouraska. Le chapitre 4 permet de dévoiler les enjeux socio-environnementaux liés

1 Il s’agit d’une activité visant à familiariser les usagers à l’identification et à la cueillette de champignons

sauvages.

2 Ce phénomène est aussi retrouvé au sein de la littérature sous la forme de gentrification rurale, mais il s’agit

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aux processus migratoires et aux changements qu’entraîne le développement de l’écotourisme au Kamouraska. Enfin, le mémoire se termine par un chapitre de synthèse, où les données et théories seront analysées plus en profondeur.

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1. APPROCHE CONCEPTUELLE ET MÉTHODOLOGIE

1.1. Orientation conceptuelle

Cette section du mémoire examinera les principaux concepts utilisés tout au long du texte : la néoruralité, l’embourgeoisement, la construction sociale de la nature ainsi que sa marchandisation seront présentés grâce à une revue de la littérature existant sur ces thèmes. Toutefois, il sera d’abord question de l’écologie politique, l’approche conceptuelle qui guidera l’analyse et la mise en relation de chacun de ces concepts. L’utilisation de cette approche permet de saisir le contexte politique, historique et naturel dans lequel se situe un phénomène, ce qui en fait une approche idéale pour aborder et mettre en lien les dynamiques démographiques et l’essor touristique au Kamouraska avec la transformation de la place que prend la nature pour les habitants de la région. Cette approche nécessitant la prise en compte du contexte politico-économique dans l’analyse d’une problématique, une brève présentation de certains principes du néolibéralisme sera aussi effectuée, comme il s’agit de l’une des trames de fond guidant le développement écotouristique et l’embourgeoisement de la côte du Kamouraska.

1.1.1. L’écologie politique

Éric Wolf, anthropologue connu pour ses recherches sur les populations paysannes, a été le premier à proposer l’approche de l’écologie politique (Wolf 1972). Ce faisant, il a établi au sein de l’anthropologie et de la géographie les fondements d’une approche qui n’a fait que gagner en popularité et en complexité depuis les 40 dernières années et dont les concepts-clés sont présentés au sein de cette courte définition : « […] une façon de conceptualiser la relation entre l’économie politique et la Nature dans un contexte de mouvements environnementaux » (Gauthier et Benjaminsen 2012 : 5). L’écologie politique englobe un large éventail de recherches qui ont en commun d’étudier le lien entre l’environnement et la société en intégrant la nécessité d’analyser les réalités politiques et économiques contextualisant les problématiques étudiées. Plusieurs définitions de l’écologie politique ont été proposées dans les écrits scientifiques et les plus pertinentes pour ce mémoire sont :

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La political ecology combine les préoccupations de l’écologie et l’économie politique au sens large. Ensemble, cela englobe la dialectique sans cesse changeante entre la société et les ressources naturelles, mais aussi au sein des classes et des groupes de la société elle-même.

(Blaikie et Brookfield 1987, traduction par Gauthier et Benjaminsen 2012 : 10) La political ecology est l’étude des articulations multiples de l’histoire et de la biologie, ainsi que de la médiation culturelle grâce à laquelle ces articulations sont nécessairement établies.

(Escobar 1999, traduction par Gauthier et Benjaminsen 2012 : 10)

En proposant d’intégrer à l’économie politique la prise en compte des contextes écologiques, Wolf (1972) a aidé à populariser cette approche qui s’intéresse à la manière dont la politique et l’environnement affectent les changements socio-environnementaux (Stonich 1998; Wolf 1972). Une longue tradition de recherche s’est ainsi formée autour de cette approche, qui est généralement divisée en deux phases chronologiques : l’une matérialiste, développée au cours des années 1980, où les études portaient principalement sur les impacts sociaux des changements environnementaux, et l’autre, poststructuraliste, développée au milieu des années 1990, où l’étude du contexte politique, à la lumière des différents discours, prend généralement plus d’importance que l’écologie (P. A. Walker 2005 : 74).

L’écologie politique étudie l’accès et l’utilisation des ressources naturelles par différents acteurs sociaux dans un contexte de mondialisation, s’inscrivant ainsi dans une critique du capitalisme et des inégalités du développement amenées par cette même mondialisation. L’écologie politique étudie entre autres les enjeux de dégradation environnementale, d’accès aux ressources naturelles et de marginalisation socio-environnementale à travers une approche sociopolitique qui tienne compte des origines contextuelles des changements environnementaux (Bryant 1992; Blaikie et Brookfield 1987). C’est une approche où sont présentement traités des thèmes tels que l’impact de la conservation sur les déplacements de population (West, Igoe et Brockington 2006), la marchandisation de l’écologisme par les corporations internationales (Watts 2002), le néolibéralisme vert (Bakker 2010), ou encore l’étude critique de l’écotourisme (Young 1999; Vaccaro et Beltran 2007; Duffy 2009; Carrier et Macleod 2005; Peace 2005). Aussi, comme Hines (2010a) l’a fait dans l’Ouest américain, une recherche dont il sera question plus loin dans le texte, je tenterai de comprendre comment l’écotourisme et les processus migratoires

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ont mené à une transformation du rapport à la nature et des usages qui en sont faits au Bas-Saint-Laurent.

Les thèmes de la marchandisation, du néolibéralisme, de la mondialisation et ses impacts socioécologiques, ainsi que de la gestion des ressources naturelles sont au cœur des recherches situées dans l’approche de l’écologie politique. Les études ont permis de dévoiler comment les contraintes politiques et économiques jouent généralement un rôle plus important dans la création de problèmes socioécologiques que ne le font des phénomènes locaux tels que la surpopulation ou la mauvaise gestion locale des terres (Peet et Watts 1996; Stonich 1998). L’apport de l’écologie politique à l’étude des relations socio-environnementales réside ainsi dans la prise en compte du contexte politique dans l’étude des problèmes écologiques. Paul Robbins, un géographe, présente cette approche :

The difference between this contextual approach and the more traditional way of viewing problems like this is the difference between a political and an apolitical ecology. This is the difference between identifying broader systems rather than blaming proximate and local forces; between viewing ecological systems as power-laden rather than politically inert; and between taking an explicitly normative approach rather than one that claims the objectivity of disinterest. (Robbins 2012 : 13)

L’écologie politique propose donc d’examiner les relations de pouvoirs qui lient l’environnement et l’humain, ainsi que l’influence du rapport à l’environnement sur les relations entre êtres humains : c’est une approche qui se soucie du contexte politique, environnemental et historique dans lequel agit l’humain (Bryant 1992; Robbins 2012). Au sein de mon projet, je m’intéresserai à la place de la nature au Kamouraska, dans un contexte d’essor de l’écotourisme et de l’arrivée de néoruraux dans la région. Il sera ainsi question des discours et des pratiques liées à la nature du Kamouraska, deux éléments qui ne peuvent être étudiés sans la prise en compte des contextes politiques, environnementaux et historiques dans lesquels ils se situent.

D’une part, étudier l’écotourisme dans une perspective d’écologie politique permet de noter sa place dans le contexte politique actuel ainsi que les changements qu’il apporte aux rapports de pouvoirs locaux : la mondialisation a favorisé un contexte de développement de

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politiques néolibérales à différentes échelles, menant de ce fait à une logique de marchandisation de la nature, et c’est dans ce contexte que s’est développé l’écotourisme (Castree 2008; Igoe 2010). Ce contexte sera présenté plus en détail dans une prochaine section du texte. D’autre part, l’analyse de la néoruralité dans une perspective d’écologie politique éclaire certains rapports de pouvoirs existants entre les ruraux et les néoruraux, et permet de saisir le discours écologiste qui forme la perception que plusieurs néoruraux ont du paysage rural : un paysage naturel, où les traditions et l’esprit communautaire seraient toujours présents, à l’opposé de la ville polluée aux prises avec des comportements liés à l’individualisme. Il est à noter que la littérature existante sur la néoruralité traite principalement de l’embourgeoisement rural, un phénomène bien présent au Kamouraska et intimement lié à l’arrivée de néoruraux en région.

Des auteurs tels que Vaccaro (2009; 2010; 2007), Hines (2010b; 2010a; 2012) et Daugstad (2008) ont pu dévoiler comment les phénomènes de l’écotourisme et les processus migratoires affectent les relations socioécologiques et les rapports de pouvoirs locaux. Pour ce faire, ils ont porté un intérêt particulier au contexte sociopolitique et environnemental des problématiques qu’ils ont étudiées. Hines (2010b : 520) a par exemple mis à jour le rapport de pouvoir inégalitaire qui s’est formé entre les ruraux et néoruraux de l’Ouest américain, où la gestion de certaines terres et de certains projets de conservation environnementale est contrôlée par des groupes communautaires composés principalement de néoruraux pour qui la conception du paysage est différente de celle des agriculteurs vivant traditionnellement dans la région. C’est une situation similaire à celle du Bas-Saint-Laurent, où les néoruraux semblent être les plus impliqués sur le plan des activités sociocommunautaires et politiques, propageant ainsi leurs valeurs relatives à la gestion du paysage et au rapport à entretenir avec la nature.

1.1.1.1. L’écologie politique post-structurelle

L’analyse du discours des acteurs est une composante importante de la variante post-structurelle de l’écologie politique. Cette approche de l’écologie politique examine entre autres la construction sociale de la nature, soit la création et l’évolution des discours et des pratiques produisant la nature (Escobar 1996 : 325). C’est l’examen des relations politiques,

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des discours et de leur participation à la création d’un savoir sur la nature qui permet de parvenir à une meilleure compréhension des enjeux socio-environnementaux d’accès et de gestion des ressources.

Cette approche accorde beaucoup d’importance à l’examen du langage, car c’est celui-ci qui expose la réalité des acteurs telle qu’ils la définissent : « Post-structuralism focuses on the role of language in the construction of social reality ; it treats language not as the reflection of ‘reality’ but as constitutive of it » (Escobar 1996 : 326). Ainsi, l’analyse de la construction sociale de la nature permet par exemple de saisir de quelle manière les ONG internationales proposent une conception de la nature qui corresponde principalement à celle des pays occidentaux : soit une nature séparée de l’humain, statique, que l’action humaine ne peut que dénaturer (West, Igoe et Brockington 2006). En interdisant aux populations locales l’accès à des terres qui étaient auparavant les leurs, les ONG produisent, par la manière dont elles utilisent et organisent les territoires protégés, une construction de la nature différente de celle de populations locales qui ne partagent pas forcément cette même vision de la nature (West, Igoe et Brockington 2006 : 256).

Hines (2010b; 2012; 2010a) présente un bon exemple d’écologie politique post-structurelle au cours de ses recherches produites sur la néoruralité et l’écotourisme dans l’ouest rural américain. Il y démontre entre autres comment le discours de l’UNESCO, en offrant au parc Yellowstone le statut officiel d’espace possédant une « valeur universelle exceptionnelle pour l’humanité » (Hines 2010a), a participé à la construction sociale d’une nature comme étant « authentique » et devant être protégée, alors que des natifs de la région voient plutôt le parc et sa périphérie comme un espace d’exploitation agricole et minière. La situation examinée par Hines est intéressante à mettre en parallèle avec Kamouraska, un territoire qui comporte lui aussi de nombreux espaces protégés ainsi qu’un secteur écotouristique gagnant en importance. L’examen fait par Hines du discours de l’UNESCO et de son impact sur la création d’une réalité sociale sur la nature, qui devrait être protégée, présente toute l’importance de l’étude du langage. À la lumière de cette étude, je tenterai de comprendre les distinctions pouvant exister entre le discours des natifs du Kamouraska et celui des néoruraux. Dans ses recherches, Hines présente de quelle manière certains néoruraux de l’Ouest américain de même que les activités écotouristiques valorisent la nature

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en fonction de son « authenticité » et de sa beauté (Hines 2010a). Des recherches telles que celles de Simard et Guimond (2011; 2012) tendent à supporter l’existence d’un discours semblable chez les néoruraux québécois. Elles font état du discours des néoruraux des régions d’Arthabaska et Brome-Missisquoi, un discours qui serait idyllique, valorisant la nature pour sa beauté et son authenticité, un terme qui représente dans le cas présent la nature « vraie » ou pure, n’ayant pas été altérée par l’être humain et par la modernité. Les néoruraux et les écotouristes seraient ainsi à la recherche d’une nature aussi authentique que possible, « […] immaculée, primitive, naturelle, qui n’a pas encore été touchée par la modernité » (Cohen 1988 traduction libre).

Ce mémoire permettra de documenter le discours lié à la nature au Kamouraska, de même que les distinctions existant entre la parole des ruraux et néoruraux, qui ne valorisent peut-être pas la nature selon les mêmes critères. En me situant au sein de l’approche de l’écologie politique, j’examinerai les dynamiques d’occupation du paysage rural kamouraskois dans toute leur complexité sociale, politique, économique et environnementale. Cela me permettra aussi, par l’étude du discours, de mettre en lumière les distinctions existant entre la manière dont les ruraux de longue date et les néoruraux perçoivent et utilisent la nature.

1.1.2. La nature comme construit social

L’écologie politique post-structurelle s’intéresse au discours et à la manière dont l’humain « crée » quelque chose, construit socialement un élément tel que la nature. Qu’est-ce qui permet d’affirmer que la nature est un construit social ? Pourquoi est-il important de penser et d’étudier la nature et sa place dans l’imaginaire humain ? S’intéresser à la nature permet de comprendre la relation des humains à ce qui les entoure, de saisir quelles limites font la distinction entre l’humain et le non-humain et comment celles-ci sont, par les valeurs et les croyances humaines, déterminées. La distinction entre l’humain et la nature est elle-même une preuve de son statut de construction sociale : elle est issue, pour reprendre les écrits de Descola (2005; 2008), d’une ontologie naturaliste, propre aux sociétés occidentales, qui définit la nature par sa séparation de l’humain, par son état sauvage, distinct de la société et de la culture. Au-delà de la distinction de la nature et de l’humain, cette vision comporte

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son lot de distinctions quant à la manière dont l’humain doit entrer en relation avec son environnement.

Cette relation est culturelle : elle est influencée par les valeurs, les perceptions et les coutumes. Par exemple, l’ontologie naturaliste, liée à l’histoire occidentale et à l’Europe, a été teintée de la logique judéo-chrétienne, où est proposée l’idée d’une valeur intrinsèque accordée à la nature, et ainsi à l’impératif de préservation de la biodiversité, une notion qui n’est pas universelle, mais bien tirée d’une conception du monde où l’homme serait investi du devoir divin de préserver la Terre, création divine (Descola 2008 : 4). Ce même exemple de préservation de la diversité, qui prend aujourd’hui la forme de parcs naturels et de territoires protégés, dévoile comment, toujours dans un contexte naturaliste où la nature est séparée de l’homme, celle-ci peut revêtir diverses formes. La nature peut être préservée dans une vision utilitariste, qui se soucie de préserver une biodiversité utile à l’industrie biomédicale. Elle peut aussi être préservée par intérêt pour sa beauté qui, comme le remarque Descola, ne bénéficie qu’à l’humain, seul être apte à « […] se délecter du spectacle de la nature […] » (2008 : 4). La nature, même lorsqu’elle représente le monde physique qui nous entoure, prend une place qui varie en fonction de l’humain, qui lui seul la définit.

Dans le cadre de ce mémoire, la nature est ainsi liée à l’être humain par un lien culturel. Elle est une construction sociale, qui occupe dans la société une place qui peut être définie par les pratiques et les discours des acteurs. Elle est aussi intrinsèquement liée au paysage, où sont disposés les objets de la nature formant l’espace visuel s’offrant au spectateur (Descola 2005 : 94). Tant la nature, comme monde physique, que le paysage, comme espace extérieur exposant les éléments de la nature à l’être humain, sont des constructions sociales avec lesquelles l’humain entre en relation par sa parole et par ses actes. Au sein de la littérature des sciences sociales, l’espace visuel et la nature sont largement présentés comme des processus en constante transformation, modulés par les usages qui en sont faits et les discours et mots utilisés pour les présenter (Hines 2010a; Vaccaro et Beltran 2009; Frisvoll 2012; Mitchell 2013). L’espace visuel de même que la nature sont construits physiquement et symboliquement à travers l’action humaine (West, Igoe et Brockington 2006 : 252 traduction libre). Cela est bien illustré par l’une des propositions de l’écologie politique post-structurelle qu’a présentée Escobar (1996) : l’espace existe de manière

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symbolique et matérielle, mais il n’est possible de le comprendre et de lui donner sens qu’en fonction des actions humaines (West, Igoe et Brockington 2006 : 252). La nature est alors un objet matériel, qui existe concrètement, mais que l’humain interprète afin de lui donner forme et de le définir (Doyon 2013). Aussi, la nature peut faire partie de l’environnement, mais celui-ci n’est pas forcément limité à être composé de la nature. L’environnement représente tout ce qui entre en relation avec les humains et n’est pas limité à une définition stricte d’écosystème ou de ressource naturelle (Doyon 2013; Ingold 2008). Il n’est pas neutre et divers groupes le constituent en fonction de leurs propres définitions. L’environnement des habitants du village de Saint-André de Kamouraska peut être ainsi défini par ceux-ci comme les habitations et commerces de leur village, le fleuve, les îles du Kamouraska, le marais et les champs agricoles composant la plaine kamouraskoise, tandis qu’un hypothétique biologiste peut limiter sa conception de l’environnement de la région aux écosystèmes naturels qu’il tente de protéger.

L’usage du concept de construction sociale de la nature permet une analyse plus poussée de la relation qui existe entre les humains et leur milieu. Les recherches de l’anthropologue Ismael Vaccaro (2007; 2009; 2010) dans les Pyrénées Catalanes en sont un bon exemple. Il y démontre entre autres comment les centres de ski et les politiques de conservation qui ont été instaurées dans la région redéfinissent le paysage et l’usage qui en est fait, créant de ce fait de nouvelles manières d’entrer en relation et de produire le paysage, qui, dans ce cas-ci, se voit devenir un paysage de consommation néolibérale par l’activité touristique et sportive. Par ce portrait, Vaccaro porte un regard critique sur ces nouvelles pratiques dans le paysage des Pyrénées catalanes. Son exemple illustre bien comment, en se servant de notions développées au sein de l’écologie politique, il est possible d’en arriver à une compréhension approfondie des pratiques et des discours entourant le paysage, une notion qu’il présente comme étant vivante, constituée par les usages et pratiques humaines. Ces similarités permettent de supposer que la commercialisation de ces espaces de conservation puisse mener à une redéfinition du paysage et de la nature bas-laurentienne ; en passant de la pêche et de l’agriculture au tourisme écologique, les usages et les conceptions du paysage et de la nature se transforment : on y met en valeur l’attrait visuel de l’environnement plutôt que sa capacité à produire de la nourriture. Cette redéfinition de la

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construction du paysage peut prendre diverses formes : par exemple, le fleuve n’est plus seulement une voie de navigation et une source de poissons pour la pêche, mais aussi un lieu de choix où observer les baleines (Tourisme Québec 2014). Ce contexte a guidé les objectifs de ce mémoire, qui seront définis à la section 1.2.

1.1.3. La marchandisation de la nature

Le néolibéralisme prend une place importante dans les pratiques et les discours qui construisent la nature à travers le monde, et joue un rôle dans le processus de marchandisation de la nature. Il s’agit d’une idéologie politique et économique qui s’inspire du capitalisme classique du 19e et du début du 20e siècle et qui l’applique à toutes les sphères de la vie. Elle est présentée comme une alternative aux approches keynésiennes favorisant l’intervention de l’état dans la régulation du marché. Clairement inspirée des travaux de Milton Friedman et de son livre Capitalism and Freedom (1962), l’idéologie néolibérale avance l’idée voulant que la diminution des interventions de l’État permette d’augmenter l’efficacité économique et de favoriser l’entrepreneuriat personnel (Pinkerton et Davis 2015 : 4). Dans le cadre de ma recherche, je m’inspire de la définition du néolibéralisme proposée par Harvey dans son livre

A Brief History of Neoliberalism:

Neoliberalism is in the first instance a theory of political economic practices that proposes that human well-being can best be advanced by liberating individual entrepreneurial freedoms and skills within an institutional framework characterized by strong private property rights, free markets, and free trade. (Harvey 2005 : 2‑3)

Le néolibéralisme est souvent l’objet d’analyses critiques de la part de chercheurs des sciences sociales, qui contestent son but premier : amener toutes les actions humaines dans le domaine du marché (Castree 2010; Kingfisher et Maskovsky 2008; O’Connor 1991; Harvey 2005). Plus encore, la relation particulière existant entre le néolibéralisme et la construction sociale du paysage a mené à la création d’une grande quantité d’écrits traitant de la marchandisation et de la néolibéralisation du paysage (Peck et Tickell 2002; Cousins, Evans et Sadler 2009; Ferguson et Gupta 2002; Bakker 2010; McAfee 1999). Ceux-ci examinent de quelle manière l’action humaine sur les paysages est amenée dans le domaine du marché, pour ainsi construire un paysage et une nature qui seraient des marchandises

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pouvant être consommées. Cette marchandisation peut se manifester par la création de nouvelles activités économiques qui visent à maximiser les profits monétaires qui peuvent être tirés de régions qui ne sont pas perçues comme étant assez profitables. Cela peut par exemple prendre la forme, au Kamouraska, d’initiatives écotouristiques qui remplacent une économie fondée sur une industrie de la pêche et de la foresterie en perte de vitesse, menant ainsi à une nouvelle forme de marchandisation de la nature fondée non plus uniquement sur son extraction, mais bien sur sa valeur esthétique et sur l’expérience d’authenticité qu’elle peut offrir. La marchandisation de la nature la réduit à sa valeur économique, qui doit être maximisée par le développement de nouveaux créneaux économiques.

Castree (2003) présente la marchandisation comme un processus affectant la future marchandise. L’étude de la marchandisation se concentre sur le processus par lequel est assigné à un objet, un espace ou une personne le statut de marchandise (Castree 2003 : 277). Ce serait en s’intéressant à la marchandisation qu’on pourrait en arriver à comprendre le processus de construction sociale de la nature en tant que marchandise consommable. L’analyse de ce processus doit mettre l’accent sur les transformations et restructurations des systèmes menant à la transformation de la nature en une marchandise (Peck et Tickell 2002 : 383). La marchandisation doit être étudiée comme un processus, car la manière dont elle fonctionne est influencée par les contextes géographiques, politiques et historiques locaux. Elle prend forme à travers un contexte particulier, et se limiter à une étude du résultat du processus ou à une comparaison de la marchandise à sa forme précédente ne mène pas à un portrait adéquat du phénomène.

La marchandisation ne se produit pas toujours de la même manière : les recherches sur l’écotourisme à Madagascar effectuées par Duffy (2009), la conservation en Afrique étudiée par Scholfield et Brockington (2010), ou encore l’embourgeoisement rural de l’ouest des États-Unis présenté par Bryson et Wyckoff (2010) traitent tous de contextes de marchandisation de la nature et du paysage fort différents. Le contexte politique des États-Unis, de Madagascar et de l’Afrique n’est pas le même et l’embourgeoisement rural américain n’est pas mis en place par l’action concertée d’ONG et d’entreprises privées, contrairement à l’écotourisme à Madagascar. Toutes ces situations ont mené à une transformation des usages et des perceptions de la nature, mais cette marchandisation s’est

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matérialisée sous des formes variées au sein de contextes politiques, géographiques et historiques différents. Ces exemples démontrent l’importance de la prise en compte du contexte local dans l’analyse de la marchandisation de la nature, et c’est l’approche utilisée au sein de ce projet.

Tel que mentionné précédemment, il y a une croissance rapide de l’écotourisme au Kamouraska, ainsi qu’un phénomène de plus en plus important de migration rurale menant parfois à de l’embourgeoisement. En étudiant le processus de marchandisation dans le contexte politique et culturel de la région, je tenterai de comprendre de quelle manière l’écotourisme et l’embourgeoisement rural, insérés dans un processus néolibéral de marchandisation de la nature kamouraskoise, se déploient. J’examinerai la relation, qui au sein de la littérature scientifique semble étroite, entre le développement écotouristique, l’embourgeoisement, ainsi que la transformation de la nature par les discours et les pratiques valorisant celle-ci en fonction de la qualité visuelle du paysage qu’elle offre. Au sein du chapitre 2, je présenterai d’ailleurs comment l’écotourisme, comme nouvelle forme de tourisme, mène à une marchandisation du paysage naturel ayant pour objectif d’en financer la conservation.

1.1.4. Le phénomène de la néoruralité

C’est depuis les années 1950 que le Bas-Saint-Laurent est l’objet d’études sociologiques et anthropologiques. Avec sa monographie d’une communauté de l’Île-Verte, l’anthropologue Marcel Rioux (1954) a été l’un des premiers à s’intéresser aux communautés rurales du Bas-Saint-Laurent. À sa suite, ce sont principalement les écrits du sociologue Bruno Jean qui forment la plus grande source d’informations sur la région. Produisant un grand nombre d’écrits scientifiques, il a depuis le milieu des années 1980 contribué à la création d’une importante littérature sur la région, mais aussi sur le fait rural et régional (Jean 1996; Jean 1988; Jean 1985; Jean 1993). De ses écrits, une citation particulière représente bien le portrait qu’il a dressé du Bas-Saint-Laurent du début du 20e siècle : « Il m’est apparu frappant comment au début du siècle on assiste, de manière concomitante, à une urbanisation rapide du Québec pendant qu’il se met en place une société rurale dans le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie […] » (Jean 2006). L’urbanisation rapide du Québec du début du 20e siècle est

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venue chercher les ressources matérielles et humaines dont elle avait besoin dans les campagnes, menant à la création d’une « société rurale » apparue alors que se développait en même temps une nouvelle classe ouvrière au sein des villes.

Tel que présenté par Parent (2014), cette société rurale serait caractérisée par la centralité de la logique familiale dans la structure de ses réseaux sociaux : « les rapports de parenté et d’alliances auraient été les « rapports sociaux dominants » sur lesquels s’appuyaient tous les autres rapports sociaux, qu’ils soient religieux, économiques, ou politiques » (Parent 2014 : 229). C’est d’ailleurs cette logique familiale qui expliquerait les choix politiques plus « conservateurs » des populations rurales, qui tendraient à élire des partis politiques favorisant la non-intervention de l’État, dans le but de préserver leur propriété privée et la possibilité de transmettre leur patrimoine familial (Parent 2014 : 246). L’identité rurale et agricole québécoise a aussi été traitée par l’anthropologue Bernard Bernier (1976), qui, par une perspective marxiste, a présenté comment l’agriculture québécoise a subi une centralisation accélérée au cours du 20e siècle. Il a dévoilé que les fermes québécoises sont moins nombreuses, mais s’étendent sur un bien plus grand territoire et que l’agriculture québécoise demeure une agriculture principalement familiale.

C’est à cette « société rurale » que se joignent les néoruraux. Ce groupe représente des habitants de la ville venus s’installer à la campagne. Leurs motifs de migration sont souvent présentés au sein de la littérature comme étant liés à un désir de retour à la nature, une nature idéalisée qui leur procurerait une meilleure qualité de vie que celle retrouvée en ville, que ce soit par son environnement plus sain, la liberté d’action qu’elle offre, ou encore par simple désir de consommation de la « pittoresque » vie de village (Montpetit, Poullaouec-Gonidec et Saumier 2002; Roy, Paquette et Domon 2005). Phénomène répandu dans divers pays, la néoruralité a fait l’objet de recherches tant en Amérique qu’en Europe (Attané, Langewiesche et Pourcel 2004; Van Auken 2010; Hines 2010a). Pourquoi s’y intéresser ? C’est généralement la cohabitation parfois difficile entre les ruraux et les néoruraux qui suscite l’intérêt des chercheurs, de même que l’examen de l’impact de cette migration sur la transformation des campagnes, qui perdent peu à peu leur fonction agricole primaire pour laisser place à une diversification économique reposant de plus en plus sur l’industrie des services (Mitchell 2013).

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Des auteurs tels que Hines (2010b) et Walker et Fortmann (2003) dévoilent comment la cohabitation rurale-néorurale se fait parfois difficilement, alors que se rencontrent des perceptions différentes de l’environnement qui mènent à des conflits d’usage du territoire : l’agriculture doit-elle demeurer la principale activité, ou bien faut-il développer le tourisme et les services haut de gamme répondant aux besoins de cette nouvelle population aux plus amples moyens financiers? Un autre auteur, Van Auken (2010), présente quant à lui dans ses écrits une situation différente de celle décrite par Hines (2010b) et Walker (2003) : la néoruralité, bien qu’elle existe depuis longtemps dans la région de Bayfield County, y demeure pour le moment marginale et n’a pas encore mené à un même éventail de tensions que celui décrit par ces autres auteurs. À la lumière de ces écrits, il sera pertinent d’examiner la dynamique relationnelle des ruraux et néoruraux au Kamouraska afin de comprendre s’il y a présence de telles tensions, ainsi que de comprendre ce qui les unit. Par ailleurs, le portrait du développement économique et démographique de la région permettra de dévoiler l’existence ou non d’inégalités entre les différents villages, une situation pouvant être propice aux conflits entre ruraux et néoruraux, tel que le dévoile cet avertissement de Van Auken :

The unevenness of amenity-led development is evident in Bayfield County; despite the fact that the neighboring communities under study have similar natural resource endowments, they occupy very different positions in the trajectory of development. This inequality, accompanied, and in part driven by, the presence of a large number of seasonal residents and tourists – from Minneapolis, Chicago, Texas, and beyond – in a rural county in transition may be a recipe for conflict, if the values, interests, and behaviors of newcomers and long-time residents collide, hindering development of the sense of community necessary to effectively manage change to the economy, culture, and natural resources of the area.

(Van Auken 2006 : 16‑17)

Enfin, il est important de mentionner la diversité existant au sein des migrants néoruraux, qui peuvent être divisés en plusieurs catégories. Celle la plus souvent présentée au sein de la littérature est celle de ces vacanciers et retraités désirant posséder une habitation d’été ou de retraite à la campagne; c’est d’elle que traitent entre autres Hines (2010b; 2010a) au Montana, Vaccaro (2007) dans les Pyrénées catalanes, Van Auken (2006; 2010) au Wisconsin, et Walker et Fortmann (2003) en Californie. Leurs recherches traitent toutes de lieux où le

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paysage naturel attire, grâce à sa beauté, des vacanciers désirant profiter des grands espaces et de l’expérience offerte par la vie rurale.

Quoique ces vacanciers soient présents au Kamouraska, les principaux participants rencontrés au sein de ce mémoire sont toutefois de jeunes néoruraux effectuant un retour à la nature. Cette catégorie de néoruraux a principalement été étudiée au cours des années 1970, où des chercheurs tels que Beale (1975; Beale 1976), Blackwood et Carpenter (1978) et Williams et Sofranko (1979) ont travaillé à comprendre le changement de valeurs ayant mené à un mouvement « d’anti-urbanisation » et « pro-rural » aux États-Unis, où des jeunes ont quitté les villes pour la campagne à la recherche d’une meilleure qualité de vie. Depuis la fin des années 1970, les recherches portant sur ce type de néoruralité ont peu à peu disparu, à l’exception de quelques études ayant tenté de présenter l’état de la néoruralité des années 1980 (Brunet 1980; Dugas 1988). Aujourd’hui, les recherches s’intéressant aux jeunes néoruraux migrant pour effectuer un retour à la nature demeurent rares, mais certains chercheurs continuent à s’intéresser à la place que « l’anti-urbanisation » et l’attrait pour la qualité de vie retrouvée à la campagne occupent dans leur décision de migrer (Walmsley, Epps et Duncan 1998; Attané, Langewiesche et Pourcel 2004). L’étude d’Attané, Langewiesche et Pourcel (2004), qui ont analysé le phénomène néorural en haute Provence, permet d’identifier les principales caractéristiques de ces néoruraux : ils sont généralement jeunes et désirent vivre en région rurale par idéalisme pour la campagne et par opposition à l’urbanité. La vie rurale est pour eux associée à la liberté, à plus de solidarité, à l’autonomie, au respect de la nature et à une vie en meilleure santé. Plus encore, la vie rurale serait la vie

alternative, où il serait possible d’échapper à la société marchande néolibérale. La campagne

permettrait de vivre de la terre, d’éduquer ses enfants à sa manière et de ne pas se conformer aux idéaux de surconsommation proposés par la société néolibérale.

Ce rapport à la marchandisation rappelle les écrits de Lacasse (1999 : 490), qui affirme que les ruraux sont de plus en plus nombreux à adhérer à une remise en question du productivisme et à une promotion d’une vie plus saine en petites communautés. Si ce type de migrants néoruraux forme l’essentiel des participants à ce mémoire, ils demeurent une minorité au sein de la littérature, d’où l’importance de s’y intéresser ici. Ce phénomène de retour à la nature par de jeunes néoruraux ne peut toutefois pas être expliqué sans traiter de

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l’embourgeoisement rural, qui fait partie des dynamiques démographiques et économiques du Kamouraska.

1.1.4.1. L’embourgeoisement rural

Plus récemment, un phénomène intimement lié à la néoruralité a été l’objet des études rurales québécoises : l’embourgeoisement rural. Il s’agit d’un processus dont l’étude s’est popularisée au cours des années 1970, suite à sa définition par Ruth Glass (1964) au cours de ses recherches sur la transformation physique et sociale de quartiers ouvriers de Londres par des migrants de classe moyenne aisée. Si le processus a au départ été utilisé afin de définir un phénomène urbain (Smith 1979; Palen et London 1984), il est désormais abordé dans les contextes ruraux (Hines 2010b; Bryson et Wyckoff 2010; Phillips 2002; Sutherland 2012). La définition du phénomène et la forme qu’il prend ont aussi évolué : il ne se limite d’ailleurs plus à être un phénomène de rachat de propriétés par une classe aisée désirant faire du profit, mais se présente aussi comme un phénomène plus large où les pratiques de consommation et les personnes sont transformées par le déplacement d’une classe de la société plus riche au détriment des plus pauvres (Phillips 2002 : 286).

Dans le cas du Québec, trois chercheurs se démarquent au sein de la recherche sur l’embourgeoisement et l’identité rurale : Myriam Simard, Laurie Guimond et Majella Simard. Ceux-ci ont, au cours des dix dernières années, produit un large éventail de connaissances sur la ruralité québécoise. Ils ont traité de l’identité rurale et de l’embourgeoisement des campagnes (Simard et Guimond 2012), ainsi que des relations entre ruraux et néoruraux Québécois (Simard, Desjardins et Guimond 2011; Guimond, Gilbert et Simard 2014; Guimond et Simard 2011). Ils présentent notamment comment l’embourgeoisement rural est un phénomène en expansion au Québec, se caractérisant par la migration d’urbains de classe moyenne ou aisée vers les campagnes. Cette « colonisation de classe », un thème fréquemment repris au sein de la littérature existant sur l’embourgeoisement (Phillips 1993; Phillips 2002; Smith 2002; Smith 1979), aurait pour effet de refouler certaines populations désavantagées sur le plan social, culturel et économique, entre autres en raison de l’implication fréquente de ces nouveaux arrivants au sein du bénévolat et de la politique locale. Cette implication leur permettrait de propager

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leurs valeurs et de contrôler l’accès aux ressources par la mise sur pied d’initiatives écologiques et de réglementation sur l’usage de la nature (Simard et Guimond 2012; Simard, Desjardins et Guimond 2011; Hines 2012). Cet intérêt pour la nature est d’ailleurs au cœur de l’une des explications du phénomène de l’embourgeoisement rural, qui serait causé par la consommation du paysage rural par les acteurs de l’embourgeoisement, qui le conçoivent comme étant un « […] espace de vie bucolique et idyllique, refuge à l’abri de tous les maux urbains » (Simard et Guimond 2012).

Le thème de l’étude du paysage rural et de ses transformations a aussi été abordé par Mitchell (2013), qui présente comment les villages ruraux de St. Jacobs, de Ferryland et d’Elora, dans le sud de l’Ontario et au Nouveau-Brunswick, ont fait la transition d’une économie productiviste fondée sur l’agriculture à une économie multifonction où cohabitent tourisme, agriculture et artisanat. Le portrait dressé par Mitchell de ces villages canadiens est tout particulièrement intéressant : il présente comment le paysage naturel et le patrimoine de ces villages ont contribué au développement d’activités visant une clientèle touristique riche, provenant des villes, au détriment des résidents locaux, pour qui les services ont diminué. Ces phénomènes transforment l’économie de la région, où le tourisme et le commerce de détail et d’artisanat prennent en importance. Tout comme dans les études de cas effectuées par Mitchell, il semble que le village de Kamouraska présente de plus en plus un espace multifonction fondé sur une offre de consommation variée, comptant par exemple : 1) le patrimoine, avec la mise en valeur du patrimoine bâti du village, la création d’un musée patrimonial et d’un site présentant la pêche à l’anguille traditionnelle; 2) le loisir, par l’entremise de l’offre écotouristique se développant depuis 30 ans dans la région; 3) le commerce au détail, représenté par la multitude de commerces d’artisanat et de souvenirs présents dans le village. Cette offre serait destinée aux touristes, mais aussi à certains néoruraux désireux de consommer le paysage rural tel qu’ils se le représentent, à travers les produits du terroir, l’artisanat, la nature et une certaine forme de rusticité. Cette clientèle aisée peut se permettre de profiter de ces services coûteux, qui sont développés en saison estivale et remplacent des commerces destinés aux résidents de la région.

Cet embourgeoisement mène ainsi souvent à l’accroissement de l’exode rural des populations natives de la région, qui ne peuvent se permettre d’accuser la hausse du coût de

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la vie que connaît leur village. L’impact de l’embourgeoisement n’est toutefois pas entièrement négatif pour la population locale, qui peut parfois, tel que l’ont présenté Thompson, Johnson et Hanes (2016 : 173), profiter d’une diversification de son économie par le développement d’entreprises spécialisées dans les services aux touristes ainsi que de l’afflux de ressources financières pour la municipalité que représentent ces néoruraux. En faisant augmenter la valeur des habitations et des terrains du village, ils permettent à la municipalité de profiter d’une hausse de revenus liés aux taxes foncières. Un élément demeure cependant : l’embourgeoisement transforme les villages, que ce soit sur les volets économique, démographique ou culturel. C’est ce qui en fait un phénomène important à étudier au sein de ce mémoire, où je m’intéresserai aux conséquences économiques, démographiques et politiques de l’embourgeoisement, de même qu’à la place qu’occupe la nature en relation avec les transformations qu’il entraîne dans la région.

1.2. Approche méthodologique

Cette recherche est orientée autour d’un concept central, soit celui de la nature. Plus spécifiquement, ce mémoire traitera de deux phénomènes y étant liés : la néoruralité et l’écotourisme. Afin de comprendre la relation entre la nature et ces deux phénomènes, ce mémoire se situe dans une approche d’écologie politique poststructuraliste, qui implique l’étude des discours et des pratiques des acteurs locaux, et leur rôle de créateurs et de transformateurs de la nature (Escobar 1996). Ce mémoire tentera ainsi de répondre à la question suivante :

Quelle place occupent la nature et sa mise en valeur dans le contexte de l’essor de l’écotourisme et des processus migratoires au Kamouraska ?

Plus spécifiquement, ce mémoire est structuré autour de trois objectifs précis :

1. Présenter les discours des ruraux et néoruraux liées à la nature et à sa mise en

valeur au Kamouraska.

2. Présenter les pratiques des ruraux et néoruraux liées à la nature et à sa mise en

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3. Examiner les liens entre les dynamiques de migration au Kamouraska et la

relation à la nature, ainsi que leurs incidences pour les rapports socio-environnementaux.

Ces objectifs, traitant des discours et des pratiques liées à la nature, permettront de comprendre comment la nature est construite par les acteurs locaux. Les objectifs 1 et 2 seront davantage descriptifs, permettant d’établir les discours et pratiques liées à la nature au Kamouraska. Je répondrai à ces deux objectifs en documentant les processus migratoires et l’écotourisme, tous deux menant à des discours et des pratiques nouvelles dans la région. L’objectif 3 permettra quant à lui d’examiner les enjeux et impacts des processus migratoires, de l’essor de l’écotourisme et de leur influence sur la construction sociale de la nature.

1.2.1. Paradigme méthodologique

Le paradigme méthodologique au sein duquel se situe cette recherche est celui de la méthodologie qualitative de type empirico inductif ; une méthode axée sur le discours des acteurs. Comme présentée par Merriam, la recherche qualitative est fondée sur l’idée que « […] le sens est socialement construit par les individus en interaction avec leur monde » (Merriam 2002 : 3 traduction libre). Il s’agit donc du choix méthodologique utilisé pour répondre aux objectifs de recherche, car la méthodologie qualitative permet entre autres de comprendre le sens que les acteurs donnent à leurs actions, à leurs paroles et à leur monde, et cela de manière approfondie. Cette recherche n’effectuant pas de comparaison entre des variables numériques, mais s’intéressant plutôt au langage et aux actions des habitants du Kamouraska, ce paradigme méthodologique est le plus adéquat. De même, la méthodologie qualitative permet une description riche des informations recueillies sur le terrain, menant à une meilleure compréhension du contexte et des interactions sociales et environnementales qui forment la construction sociale du paysage bas-laurentien (Merriam 2002). Enfin, ce projet se situe aussi au sein d’un processus itératif, où la recherche a été adaptée en fonction des données nouvelles qui ont émergé au sein du terrain.

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1.2.2. Choix du terrain

Cette recherche a été effectuée dans la municipalité régionale de comté de Kamouraska, au Bas-Saint-Laurent, Québec. Il s’agit d’une région s’étendant sur 60 kilomètres, de la ville de La Pocatière au village de Saint-Alexandre-de-Kamouraska, longeant la berge Sud du fleuve Saint-Laurent. En 2014, la population y était de 21 213 personnes et l’âge médian y était de 49,4 ans, soit un âge médian bien plus élevé que celui de 41,9 ans de la population du Québec en son ensemble (Institut de la statistique du Québec 2015a). Sur le plan de l’emploi, la région se compare toutefois avantageusement aux autres MRC du Bas-Saint-Laurent, avec un taux de travailleurs de 25-64 ans de 73,4% la situant en troisième position sur huit et croissant sans cesse depuis au moins 2008. Cela demeure cependant bien en deçà du taux de l’ensemble du Québec de 78,9% (Institut de la statistique du Québec 2014 : 25). La région fait aussi partie des MRC ayant connu les plus grandes pertes de populations entre 2006-2013 ; elle connaît une baisse démographique presque constante depuis 2001. Cette baisse démographique est paradoxalement accompagnée d’un mouvement de migration de certains citoyens des villes vers la campagne, dont l’âge et la région natale ne sont cependant pas représentés au sein des statistiques compilées par le gouvernement du Canada et du Québec. Leur présence dans la région a néanmoins pu être constatée sur le terrain, ainsi que validée par les entrevues effectuées auprès d’acteurs impliqués dans la promotion de la migration au Kamouraska. Les données existantes dévoilent que la MRC du Kamouraska a reçu 647 nouveaux arrivants entre 2014 et 2015, mais a sur la même période perdu 691 habitants (Institut de la statistique du Québec 2016a). Cette migration ne permet ainsi pas de contrer un phénomène d’exode rural important, alors que les 20-24 ans quittent la région, tout particulièrement pour la Capitale-Nationale, ce qui laisse à la région un solde migratoire négatif (Institut de la statistique du Québec 2013).

Le Kamouraska est donc une région à la population vieillissante et à l’économie plus fragile que celle du reste du Québec. C’est cependant aussi un lieu « d’innovation écologique » important : dans le cadre de la recherche à laquelle je collabore depuis trois ans, nous avons recensé 272 initiatives qui mettent en valeur la nature de façon alternative aux démarches conventionnelles dans le Bas-Saint-Laurent, et le Kamouraska comportait le plus grand nombre d’entre elles, avec 51 initiatives. Ces nouvelles initiatives ont d’ailleurs un

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impact assez important pour qu’elles soient mentionnées au sein du Plan stratégique de développement 2009-2014 de la MRC de Kamouraska :

Une nouvelle génération d’entreprises se déploie actuellement au Kamouraska, notamment grâce à l’apport des jeunes entrepreneurs. Ces nouvelles entreprises sont flexibles et polyvalentes, elles produisent rapidement dans des marchés de niche, elles sont respectueuses de l’environnement puisque les résidus d’une production traditionnelle leur servent parfois de matière première. Elles sont souvent maillées entre elles et savent profiter de leur proximité et de leur ancrage au territoire.

(MRC de Kamouraska 2008)

Celles-ci sont réparties au sein de diverses catégories, dont la pêche, l’écotourisme, l’agriculture et l’agroalimentaire. De ce nombre, 73 sont des initiatives écotouristiques, faisant de ce secteur d’activité l’un des plus importants dans le Bas-Laurent, et cela principalement dans la région de Kamouraska, de Rivière-du-Loup, de Témiscouata et de Rimouski, comme en témoigne l’existence d’initiatives telles que la SEBKA, le Parc national du Lac-Témiscouata, Duvetnor et les Jardins de Métis. La récolte de données de terrain fût donc l’occasion d’en apprendre plus sur les activités de celles se trouvant au Kamouraska, dont tout particulièrement la SEBKA, au Kamouraska, qui existe depuis un peu plus de 30 ans et offre des activités de camping, de randonnée, de kayak sur mer et d’escalade dans une perspective écotouristique d’éducation et de respect de la nature. Il fût aussi question de Duvetnor, société établie en 1979 dans la région de Rivière-du-Loup, qui se concentre sur l’offre d’hébergement et d’excursions sur certaines îles « sauvages » du fleuve Saint-Laurent faisant partie du territoire du Kamouraska.

1.2.3. Participants

Tableau 1 - Liste des répondants, été 2015

CODE SECTEUR D'EMPLOI ORIGINES MOTIF DE MIGRATION

N1 Écotourisme Néorural(e) Retour à la nature

N2 Écotourisme/Développement rural Néorural(e) Retour à la nature

N3 Développement rural Néorural(e) Recherche d'emploi

N4 Tourisme/agriculture Néorural(e) Études

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N6 Développement d’énergies renouvelables Néorural(e) Retour à la nature

N7 Conservation Néorural(e) Inconnu

N8 Tourisme Néorural(e) Travail

R1 Écotourisme Rural(e)

R2 Tourisme Rural(e)

R3 Produits forestiers non ligneux Rural(e)

R4 Tourisme Rural(e)

R5 Industrie de la tourbe Rural(e)

R6 Développement rural Rural(e)

R7 Écotourisme Rural(e)

R8 Écotourisme Rural(e)

Afin d’obtenir des données représentant bien la population du Kamouraska, les participants à cette recherche ont été choisis au sein de deux catégories. Ainsi, la population interrogée est constituée de ruraux natifs du Kamouraska et de néoruraux. Parmi les néoruraux, il faut noter l’existence de natifs de la région effectuant un retour au Kamouraska et de néoruraux originaires de grands centres tels que Québec et Montréal. Seize entrevues ont été effectuées auprès d’un même nombre de participants et de ce nombre la moitié étaient ruraux et l’autre moitié néoruraux. Cet échantillon de population fut sélectionné par la technique « boule-de-neige », à mesure que le terrain progressait, en tentant de favoriser un maximum de variabilité dans les âges, occupations et statuts socioéconomiques des individus interrogés. Parmi les ruraux natifs du Kamouraska ayant été interrogés, trois faisaient partie de ce sous-groupe de jeunes ayant quitté la région pour ensuite y revenir. Cette expérience les a rapprochés des néoruraux, un groupe qu’ils fréquentent sans problèmes et avec qui ils partagent des valeurs similaires ; les membres de ce groupe ayant été interrogés se considèrent tous comme des néoruraux. Les autres ruraux interrogés sont généralement plus âgés, mais possèdent tout de même une idéalisation de la nature semblable à celle des néoruraux. Cela s’explique par le profil des personnes interrogées, qui étaient toutes actives dans des initiatives de promotion environnementale.

Toutefois, il est à noter qu’un choix a dû être fait dans la sélection des participants. Les participants de certaines industries telles que l’agriculture et la pêche n’ont pas été interrogés, car l’objet de ce mémoire était d’étudier le phénomène de la néoruralité et du tourisme. Sans nier l’importance de leurs discours, ceux-ci ne font pas l’objet de ce mémoire, mais mériteraient d’être étudiés au sein d’un projet de plus grande envergure. Aussi, aucun

Figure

Tableau 1 - Liste des répondants, été 2015

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