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2. CONTEXTUALISATION DE LA RECHERCHE

3.3. Les usages de la nature

3.3.2. L’écotourisme et le fleuve

Si le tourisme traditionnel de la région est situé à Kamouraska et fait usage de la nature comme d’une trame de fond aux commerces locaux permettant d’attirer les visiteurs, il se développe depuis une trentaine d’années une nouvelle forme de tourisme dans le reste de la MRC : l’écotourisme. Misant sur des activités de plein air respectueuses de l’environnement, cette forme de tourisme place le visiteur en interaction directe avec la nature kamouraskoise, en plus de lui transmettre de nombreuses informations sur la faune et la flore de la région. L’écotourisme fait une utilisation directe de la nature, par des activités

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telles que le kayak, l’escalade, la randonnée et le camping sauvage, mais vise aussi à transmettre des connaissances sur la nature de la région et à sensibiliser la population et les touristes aux enjeux environnementaux. Il est d’ailleurs important de noter l’implication importante des néoruraux dans le développement de l’écotourisme au Kamouraska et que la clientèle de ces entreprises est généralement composée de touristes séjournant temporairement dans la région. Zone-Aventure, entreprise créée en 2010 et située dans les hautes-terres du Kamouraska est un bon exemple d’entreprise à vocation écotouristique. Grâce à plus de 20 kayaks et 7 canots, l’entreprise offre à ses clients des randonnées de canot et de kayak guidées sur la rivière du Loup, où ont été installés des panneaux d’interprétation sur la faune et la flore locale. Duvetnor, dont le siège social est situé à Rivière-du-Loup, mais qui œuvre sur les îles du Kamouraska, représente aussi cette nouvelle forme de tourisme, avec son offre de tours guidés des îles du Kamouraska, qui sont des territoires protégés.

La plus ancienne et la plus populaire des institutions d’écotourisme au Kamouraska demeure cependant la Société d’Écologie de la Batture du Kamouraska (SEBKA), un organisme à but non lucratif situé sur la rive du fleuve près du village de Saint-André de Kamouraska. Créée en 1979, cette entreprise du secteur écotouristique propose un large éventail d’activités de plein air, dont le camping dans les battures du Kamouraska, l’escalade de cabourons et le kayak de mer sur le fleuve. Cette offre d’activité s’est peu à peu développée au cours de l’existence de la SEBKA, qui à ses débuts visait principalement à promouvoir et protéger la faune et la flore des marais salés du Kamouraska. Ces objectifs de protection n’ont pas disparu, mais ont progressivement évolué : l’entreprise vise désormais à « […] concevoir, élaborer, réaliser et gérer des projets relatifs au développement régional » et se consacre particulièrement à mettre en valeur la batture de Saint-André (SEBKA 2016). La SEBKA obtient la totalité de son financement à l’aide de son offre écotouristique et de subventions obtenues pour des projets d’expansion de ses installations, ce qui est similaire au fonctionnement des autres entreprises d’écotourisme de la région, telles que Duvetnor et Zone-Aventure. L’entreprise fait aussi partie du Réseau d'observation de mammifères marins, un organisme à but non lucratif qui vise la protection des mammifères marins du fleuve Saint-Laurent, en plus d’entretenir des liens étroits avec Zone-Aventure. La SEBKA présente clairement dans ses valeurs et objectifs un désir de protéger la nature et elle met en

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pratique ces objectifs de conservation par l’énoncé de règles strictes que tout visiteur doit respecter. Celles-ci sont notamment l’interdiction des animaux domestiques sur son territoire, ceux-ci pouvant détruire la faune et la flore. La SEBKA interdit aussi à tous les visiteurs de ramasser du bois, des fleurs, des roches, des algues, ou autres éléments naturels. Autrement, le développement de ses activités touristiques s’effectue en fonction du respect de ses valeurs et de son intégrité : camping, randonnée, escalade et kayak de mer sont toutes des activités offertes, mais tentent de limiter leur impact sur la nature.

La SEBKA véhicule par ses pratiques une perception différente de la nature que celle retrouvée à Kamouraska. L’entreprise impose au sein de ses activités le respect de règles que tout participant doit respecter, par exemple l’interdiction des animaux domestiques et l’interdiction de cueillir ou de récolter du bois ou des plantes, et cela dans le but de protéger et de respecter la nature. Celle-ci propose une conception de la nature qui ne se limite pas à une trame de fond appréciée pour sa beauté, mais bien à un territoire avec lequel l’humain peut interagir de manière respectueuse, que ce soit par le camping ou la randonnée et l’escalade. Pour la SEBKA et pour les autres entreprises écotouristiques, la nature du Kamouraska est une nature dont la beauté doit être célébrée et conservée, et cela au sein de pratiques permettant de profiter de ses attraits de manière respectueuse, limitant autant que possible les effets de l’activité humaine sur l’environnement. Cette forme de relation à la nature se distingue de celle retrouvée à Kamouraska, mais aussi des pratiques agricoles retrouvées partout sur le territoire de la MRC. L’agriculture requiert un contrôle étendu de la nature permettant de la transformer en profondeur pour qu’elle réponde aux besoins de l’industrie : elle a par exemple mené au drainage des marais et à la déforestation des terres pour en faire des plaines cultivables (Hatvany 2003 : 119‑120). De telles pratiques mettent en scène une nature qui doit supporter le développement économique. Les usages de la nature faits par l’écotourisme, tel que pratiqué par la SEBKA et les autres acteurs de la région, tentent plutôt de limiter l’impact de l’humain sur celle-ci.

Plutôt que d’adapter la nature à sa vision et à ses besoins, la pratique de l’écotourisme propose une adaptation de l’humain à la nature, qui doit être protégée autant que possible des effets néfastes du développement touristique. C’est là du moins le but des pratiques de la

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SEBKA et des autres entreprises écotouristiques, mais comme il sera présenté au prochain chapitre, les effets de ces pratiques sont remis en question par certains habitants de la région.

3.3.3. Innovation et projets alternatifs : mettre en valeur le Haut-