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2. CONTEXTUALISATION DE LA RECHERCHE

3.2. Les discours sur la nature au Kamouraska

3.2.3. La vie urbaine en opposition à la nature

Un élément demeure constant dans la perception de la nature qu’ont les résidents du Kamouraska : qu’ils soient riverains ou bien qu’ils vivent dans les hautes-terres, la région du Kamouraska est sans cesse présentée de manière positive lorsque comparée à la ville et cela en grande partie en raison de l’accessibilité de la nature en région rurale. Principalement retrouvée au sein des entrevues effectuées auprès des néoruraux, l’association effectuée entre la proximité de la nature et les multiples bienfaits qui en seraient issus fait presque l’unanimité. La nature au Kamouraska est associée à la santé, à l’air frais, à la vie paisible, au silence, mais aussi à une vie plus simple et plus connectée avec la nature. De l’autre côté, la vie en ville est parfois presque diabolisée : la ville serait une prison de béton, impersonnelle et polluée, où tous agiraient en fonction du principe de chacun pour soi, au détriment de la qualité du tissu social. La ville serait aussi signe de plus grandes inégalités, de plus de violence et de l’indifférence à la souffrance de l’autre. La vie urbaine serait donc la vie

anonyme, où tous se fondent dans la masse humaine, tandis que la vie au Kamouraska, près

de la nature, permettrait de vivre une plus grande liberté, éloignée des règles bureaucratiques et du béton impersonnel qui constituent la ville. Au cours des entrevues effectuées, toutes les personnes interrogées mentionnent comment la vie en ville serait plus complexe par rapport à la vie rurale, qui serait plus simple et où la nature permettrait une plus grande liberté :

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J'ai passé une semaine à Montréal puis, non ce n’était pas pour moi. J'ai besoin d'air, j'ai besoin que l'endroit soit vaste, j'ai besoin d'être dans le bois à 5 minutes de chez nous. Ça ne me dérange pas de faire de la voiture, mais ça ne me tente pas d'être pognée matin et soir dans le trafic.

(Répondant néorural #4)

Ce que j'ai compris c'est qu'ils [les néoruraux] en ont assez d'être dans le tumulte. Ils sont dans le tumulte de la vie urbaine oppressante et ici ils trouvent ça agréable comme tout le monde se connaît, et même s'ils sont surdiplômés, ils acceptent de venir vendre du pain à la boulangerie à 10$ de l'heure, juste pour pouvoir bénéficier de ce bien-être-là, que ce soit d'être dans la forêt ou près du fleuve. (Répondant rural #6)

En fait, la vie dans le Kamouraska, que ce soit près de la rive ou dans la forêt du Haut- Pays, est idéalisée. Toutes les personnes interrogées éprouvent un attachement profond envers le Kamouraska, mais cela semble être davantage le cas pour les néoruraux, pour qui la proximité de la nature de la région est un élément important du discours qu’ils utilisent pour expliquer leur décision de s’y installer. La vie près de la nature est selon eux plus simple et permettrait même d’en arriver à une plus grande autonomie. Lorsque questionnés quant aux avantages de vivre au Kamouraska, les néoruraux interrogés reviennent sans cesse sur des points liés à la proximité de la nature : le Kamouraska serait le paradis des amateurs de plein air grâce à l’accès facile aux lacs, au fleuve et à la forêt. Cette forêt permet d’ailleurs de s’évader, de faire chaque jour des randonnées loin du bruit des camions, tels que de nombreux néoruraux le font :

La 132, ça reste une route. Le décor est beau, mais je préfère 100 fois plus me retrouver dans le bois, puis entendre les sons et simplement marcher. J'aime mieux ça que de me retrouver avec les camions et la vie qui me ramène.

(Répondant néorural #5)

Le discours des néoruraux laisse à penser qu’il y a une certaine idéalisation de la nature du Kamouraska. Celle-ci prend forme par un discours liant la vie près de la nature à une meilleure qualité de vie que celle retrouvée en région urbaine, ainsi qu’à des valeurs de solidarité, d’authenticité et de liberté. Les habitants apprécient la liberté que cette nature leur offre ; ils n’hésitent pas à affirmer qu’elle permet l’accès à une multitude d’activités de plein air, à une possibilité d’indépendance alimentaire à travers l’agriculture, au calme et au silence et à une vie en santé, loin de la pollution urbaine. Cette perception positive de la nature et de

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son accessibilité au Kamouraska mène aussi à l’apparition de certains enjeux liés au développement. Doit-on prioriser le développement à tout prix ? Certains natifs de la région, qui ont eu à vivre les fermetures de villages et un exode rural important, perçoivent le développement régional comme étant une bouée de secours lancée à une région dans le besoin. La question du développement se complexifie toutefois lorsque les néoruraux sont questionnés. Pour eux, le développement est important, mais seulement s’il est effectué sous certaines formes respectueuses de l’environnement. Ce sont là des éléments qui seront explorés plus en détail dans la section 3.2, où il sera question des pratiques entourant la nature au Kamouraska.

Les discours présentés au sein de cette section permettent d’affirmer qu’elle est formée de deux panoramas : le Bas-Pays et le Haut-Pays. Les distinctions existantes entre ces deux régions, entre la zone du fleuve et la forêt, permettent de dévoiler des paysages évoquant chacun des discours différents chez leurs habitants. Pour plus de la moitié des répondants, le Bas-Pays est principalement caractérisé par son paysage majestueux, composé du fleuve, des plaines et des cabourons, alors que le Haut-Pays est plutôt perçu comme un territoire à développer, où la nature est plus sauvage et offre par la même occasion plus de liberté à ses occupants. La nature du Kamouraska est bel et bien un motif de migration pour les néoruraux : idéalisée, elle représente l’opposé de la vie urbaine. Pour les néoruraux comme pour les ruraux, la nature du Kamouraska représente la santé, l’air frais, le silence, la vie paisible et même une source d’autonomie, mais cette vision positive de la nature n’est pas aussi forte chez les ruraux, qui ne partagent généralement pas une idéalisation aussi catégorique de la nature. Ce discours est aussi utilisé par l’industrie touristique, qui propose des pratiques mettant en scène le paysage du Kamouraska et la prochaine section présentera comment les diverses pratiques entourant la nature mettent en scène la représentation que se font d’elle les résidents de la région.