• Aucun résultat trouvé

2. CONTEXTUALISATION DE LA RECHERCHE

3.3. Les usages de la nature

3.3.1. Le tourisme conventionnel au Kamouraska

L’air de Kamouraska est particulièrement pur et vivifiant, les bains tempérés, le séjour rapide et joyeux, les plaisirs faciles, et l’on n’en revient jamais qu’avec une santé raffermie et le désir d’y retourner l’année suivante.

(Arthur Buies 1877 tiré de Gravel et Franck 1995 : 16) Le tourisme au Kamouraska

existe depuis longtemps : vers la fin du 19e siècle et au début du 20e, les touristes se rendant à Kamouraska étaient principalement des citadins aisés désirant profiter de son climat plus sain que celui de la ville, en pleine expansion industrielle. Ce phénomène était important, mais ne prenait pas la place qu’il occupe aujourd’hui dans l’économie de la région et du village, où

le tourisme est désormais le deuxième secteur économique en importance après l’agriculture au Kamouraska (Gouvernement du Canada 2007). Avec la construction de l’autoroute dans les années 1970, l’offre touristique dans la région avait quasiment été anéantie alors que les passants se rendaient directement à Rivière-du-Loup plutôt que de passer par la route 132 (Saint-Laurent 1983 : 74). La situation a toutefois changé depuis une vingtaine d’années, puisque la route champêtre, plus belle et permettant de visiter les villages, a repris en popularité. Cela a permis au village de profiter d’un nouvel influx de touristes pour développer une offre muséale misant sur l’histoire paysanne et agricole de la région. Depuis, le tourisme ne fait que gagner en importance et le statut du village de Kamouraska comme centre du tourisme dans la région fait l’unanimité chez les acteurs interrogés. Certaines transformations au cours des dernières années ont toutefois participé à une diffusion du tourisme à travers la MRC, entre autres par le développement d’une offre écotouristique de plus en plus importante. La situation dans la MRC permet de présenter deux formes de tourisme bien distinctes : le tourisme du village de Kamouraska et celui du reste de la MRC, représenté par l’écotourisme et le développement touristique du Haut-Pays.

61

Comment les activités touristiques du village de Kamouraska utilisent-elles la nature ? Qu’est-ce qui rend le village unique, qui le distingue de ses voisins pourtant eux aussi situés sur la rive du fleuve ? Une résidente du village affirme que c’est l’histoire et un effet boule de neige qui auraient mené à un si grand développement touristique : les poissonneries, qui se présentent comme étant ancestrales, auraient attiré des gens, puis une boulangerie artisanale, bien connue dans la région, se serait installée. Depuis, les restaurants ne font que se multiplier et tous tentent d’offrir à leurs clients la vue sur le quai et le fleuve, qui à travers les années est toujours demeuré le principal attrait du village. La nature au village de Kamouraska est utilisée en tant que trame de fond. Elle se résume à la beauté du fleuve et des plaines, sans être vraiment utilisée par le tourisme autrement que pour la mise en valeur du tableau qu’elle offre. Les activités au village se limitent à une offre touristique qui utilise la beauté du paysage sans mettre le visiteur en contact direct avec celui-ci : celle- ci est essentiellement composée de restaurants, d’établissements hôteliers, de centres de détente (massothérapie et bains) et de circuits et tours guidés permettant de visiter le village.

Ces activités sont populaires : dès le mois de juin, les touristes apparaissent dans le village et comblent le stationnement de l’église, centre autour duquel toutes les activités sont situées. Les restaurants, qui offrent généralement des aliments locaux, sont bondés de clients, de même que la poissonnerie Lauzier, récemment rénovée pour offrir un « Bistro de la mer » au décor reproduisant une ambiance liée à la mer, la pêche et les poissons. Le Café du Clocher, situé au sein du vieux bâtiment de l’ancien clocher, attire chaque nouvel arrivant par son aspect pittoresque. Le musée patrimonial de Kamouraska mise quant à lui sur un comédien déguisé en personnage d’époque faisant chaque jour l’animation au centre du village. Un restaurant fort populaire est situé dans l’ancien presbytère et offre une énorme terrasse donnant la vue sur le fleuve à ses clients. Il est d’ailleurs situé aux côtés de la boulangerie Nieman, qui elle aussi se trouve en bordure du fleuve et qu’aucun touriste ne manque de visiter. Un peu plus à l’Ouest, les restaurants se multiplient, de même que les boutiques d’artisanat offrant des produits aux touristes. Au total, on dénombre 20 commerces en 2016 dans le village de 567 habitants, alors qu’il n’y en avait que 13 en 2006 (Ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire 2016). En s’éloignant du centre pour aller vers la rive, ces commerces laissent place à des résidences bien souvent habitées par des

62

néoruraux plutôt aisés venus s’installer près du fleuve pour leur retraite. Il s’agit d’un phénomène qui aurait débuté, selon les répondants interrogés, il y a de cela une trentaine d’années alors qu’une vedette bien connue aurait acheté une résidence pour près de 100 000 $ de plus que sa valeur marchande, faisant tout d’un coup augmenter en flèche le prix des maisons et des terrains du village. En 2016, on dénombre 244 résidences dans le village, auxquelles s’ajoutent 79 chalets. Ces résidences et chalets ont, toujours en 2016, une valeur moyenne de 197 000$, ce qui représente une hausse de 99% de leur valeur foncière depuis 10 ans (Ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire 2016).

Selon trois répondants, l’étendue du développement touristique à Kamouraska tire son origine de l’implication des élus et des têtes dirigeantes du village, longtemps actifs dans le développement et la promotion du tourisme à Kamouraska. C’est tout le contraire d’un village voisin tel que Saint-André, où les considérations touristiques étaient consciemment limitées par les résidents, désirant conserver leur vie paisible. Pour la quasi-totalité des personnes interrogées au cours de la collecte de donnée, qu’ils soient ruraux ou néoruraux, Kamouraska représente le centre touristique de la région. Ce statut ne s’explique toutefois pas seulement par son histoire et par l’implication de ses résidents : l’accès au fleuve est sans cesse mentionné comme étant exceptionnel pour ce village et les commerces ne manquent pas d’utiliser la vue du fleuve pour bonifier leur offre. Tel qu’une résidante de Kamouraska l’indique : contrairement à Saint-André, Kamouraska n’a pas un aboiteau qui « […] gâche la

vue […] ». Il n’y a pas non plus de marais salé venant « gâcher » l’accès au fleuve et à la vue

des îles faisant face au village.