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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Ignorances et questionnements sur la problématique de Chagas

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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A. GIORDAN, J.-L. MARTINAND et D. RAICHVARG, Actes JIES XXV, 2003

IGNORANCES ET QUESTIONNEMENTS

SUR LA PROBLÉMATIQUE DU CHAGAS

Mariana SANMARTINO

LDES, Université de Genève (Suisse) – Fondation INCALP, La Plata (Argentine)

MOTS-CLÉS : MALADIE DE CHAGAS – CONCEPTIONS – IGNORANCE

RESUME : Dans les régions endémiques du Chagas, différentes études ont montré que les habitants ont une connaissance limitée de cette maladie et de sa transmission. Mais, de quoi parle-t-on en réalité quand parle-t-on parle de “ l’ignorance des populatiparle-t-ons touchées ” ? Est-ce toujours de “ l’ignorance ” dans ce cas ? Face à ce genre de questionnement, et pour mieux avancer vers une façon intégrale d’aborder cette problématique, tout en tenant compte de la vision des populations concernées, une approche qualitative du sujet s’avère nécessaire.

ABSTRACT : Several studies have shown that inhabitants of different endemic regions of Chagas have a limited knowledge of the disease and its transmission. But, what are we really referring to when we talk about "the ignorance of the infected populations"? Does it always mean that kind of "ignorance"? In order to answer these questions and have a thorough understanding of the situation, it becomes necessary to take into account the point of view of populations involved, and adopt a qualitative approach to the subject.

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1. INTRODUCTION

Le protozoaire flagellé Trypanosoma cruzi est à l’origine de la maladie de Chagas connue aussi sous le nom de “trypanosomiase américaine”. Ses vecteurs sont des insectes hémiptères aux habitudes hématophages : des punaises qui s’alimentent de sang. Les punaises s'infectent en se nourrissant du sang d'un homme (ou animal) déjà infecté. L’infection s’effectue alors à travers les excréments déposés par ces punaises pendant qu’elles s’alimentent. En dehors de la phase aiguë qui peut être traitée, la maladie est incurable.

La maladie de Chagas affecte les populations rurales, semi-rurales et urbaines défavorisées habitant les zones de l’Amérique Latine où les températures sont les plus élevées. Il s’agit de l’une des maladies endémiques les plus répandues sur le continent. Les estimations de 1990 de l’OMS chiffraient entre 16 et 18 millions le nombre de personnes ayant une sérologie positive, à 50.000 le nombre annuel de décès dus à cette affection et enfin, à environ 90 millions celui des personnes faisant face à un très haut risque de contamination (WHO, 1991). Ces chiffres, liés aux rapports étroits entre cette maladie et le sous-développement social et économique à des niveaux inquiétants, font de cette maladie l’un des problèmes de santé publique les plus graves de l’Amérique latine. L’impact social et économique de cette maladie est immense. On constate même une discrimination du travail vis-à-vis des personnes présentant une sérologie positive (Storino, 2000).Étant donné que la présence des insectes vecteurs est considérée comme un signe de pauvreté extrême, être porteur de la maladie de Chagas conduit à une perte de l’estime de soi et à une dévalorisation sociale (Uchôa et al., 2002 ; Storino, 2000).

2. PROBLÉMATIQUE

En règle générale, les actions mises en œuvre dans la lutte contre cette affection visent principalement le contrôle chimique des insectes vecteurs (connus en Argentine sous le nom vulgaire de “vinchucas”) (Storino, 2000 ; WHO, 1991). À quelques exceptions près, ces mesures ne tiennent pas compte de l’existence d’éléments qui favorisent la prolifération de "vinchucas" à l’intérieur et aux alentours des maisons (facteurs de risque), tels que certaines caractéristiques de la construction, le manque d’hygiène, le désordre (Esteso, 1984 ; Pinto Dias et Borges Dias, 1982). Il est donc évident que la seule utilisation d’insecticides n’est pas une mesure suffisante pour éradiquer le risque d’infection (Sanmartino et Crocco, 2000 ; Storino, 2000 ; Esteso, 1984).

En même temps, il existe un énorme décalage entre les progrès scientifiques sur la maladie de Chagas et la situation quotidienne des populations atteintes de ce fléau (Sanmartino, 2003 ; 2002).

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Déjà en 1976, Walter Petana signalait que, dans la problématique du Chagas, les obstacles principaux à l’application de mesures préventives ce sont l’indigence, les habitations précaires, les mauvaises conditions d’hygiène et, surtout, l’ignorance des populations touchées1 concernant la présence de vecteurs à l’intérieur des maisons, ainsi que le rapport entre ces insectes et la maladie. C’est une idée très répandue qui, prise textuellement, pourrait conduire - et en fait, a déjà conduit - à une “ culpabilisation des victimes ” et à une simplification du problème.

Dans les régions endémiques, différentes études ont montré qu’en effet les habitants ont une connaissance limitée de cette maladie et de sa transmission (Sanmartino, 2003 ; Sanmartino et Crocco, 2000 ; Ávila Montes et al., 1997 ; Martínez, 1996 ; Esteso, 1984 ; Pinto Dias et Borges Dias, 1982 ; Petana, 1976). Mais il s’agit d’une “ ignorance ” qui n’est pas libre de contenu ou de volonté ; bien au contraire, elle renvoie à une longue histoire de discrimination et d’abandon (Storino, 2000). Et ces aspects n’ont pas encore été étudiés de façon accomplie. On constate alors une ignorance vis-à-vis des conceptions que possèdent les habitants des régions endémiques concernant cette problématique (Sanmartino, 2003 ; 2002).

1 Souligné par l'auteur

IGNORANCE

Facteurs

de

Risque

Notions scientifiques

Population

touchée

Conceptions de la

population

touchée

Scientifiques et

décideurs

Ampleur réelle du

problème

Société

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Certes, la méconnaissance des notions fondamentales sur le Chagas doit être considérée comme un facteur de risque additionnel (Sanmartino et Crocco, 2000). En même temps, les connaissances insuffisantes - autant du côté des chercheurs que des décideurs - des croyances et des pratiques des gens atteints de ce fléau (découlant directement de leurs conceptions), constituent aussi un obstacle au moment d’envisager et de mettre en œuvre de nouvelles stratégies intégrales de contrôle (Sanmartino, 2003).

3. CONCLUSION

Il est donc évident qu’il faut essayer de trouver la bonne réponse à des questions du type : Quelles sont les conceptions qui se cachent derrière les chiffres ? De quoi parle-t-on en réalité quand on parle de “ l’ignorance des populations touchées ” ? Est-ce toujours de “ l’ignorance ” dans ce cas ? Face à ce genre de questionnement, et pour mieux avancer vers une façon intégrale d’aborder cette problématique, tout en tenant compte de la vision des populations touchées, une approche qualitative du sujet s’avère nécessaire.

Une telle approche permettra de connaître les conceptions des habitants des régions endémiques. Car, face à un problème, les communautés réagissent selon les connaissances qu’elles possèdent, leur degré de motivation interne et le rapport absolu entre ce problème et les perspectives de vie immédiates, ainsi que les priorités ressenties par les habitants (Pinto Dias, 2001). On constate alors que les individus adaptent leurs décisions et leurs comportements aux perceptions qu’ils ont de la réalité (Giordan, 1998). D’où l’importance de connaître les conceptions des gens face à des problématiques concrètes de leur vie quotidienne (Giordan, 1998), comme c’est bien le cas de la maladie de Chagas pour un grand nombre de communautés défavorisées d’Amérique Latine.

À partir des conceptions des personnes concernées par la maladie, il est possible d’élaborer et de mener à bien des stratégies éducatives (formelles et non formelles) permettant d’optimiser les mesures traditionnelles de contrôle, telles que l’application d’insecticides et l’aménagement des habitations. Cela aboutira à une prise de conscience de la part des communautés, de l’importance des actions quotidiennes dans la lutte contre la maladie de Chagas et contre la discrimination sociale et du travail qu’elle entraîne dans la plupart des cas (Sanmartino, 2002).

Chaque habitant des régions endémiques doit être capable d’intervenir comme “agent sanitaire” (Sanmartino et Crocco, 2000) au sein de sa famille et de sa communauté. À ce propos, et en abondant dans le même sens qu’Uchôa et al. (2002), l’incontournable besoin se pose de réorienter les campagnes éducatives se rapportant à la maladie de Chagas, en fonction des manières de penser et d’agir qui prédominent chez les groupes cibles, ainsi que de l’importance d’aborder les

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aspects psychosociaux dans les modèles de traitement du patient aussi bien que dans le dessein de propositions et d’activités de contrôle et prévention. D’autrement dit, si l’on continue d’implanter des programmes de contrôle de la maladie de Chagas, en ignorant les conceptions de communautés touchées, les actions envisagées n’auront pas de destinataires réels et leur efficacité sera mise en cause (Schapira et Mellino, 1991).

Une investigation systématisée de ces conceptions s’avère donc nécessaire. Car il faut déterminer la proportion du "non-savoir" des personnes touchées qui est due au phénomène de la stigmatisation, celle qui correspond en revanche à "des savoirs alternatifs" (des conceptions particulières, mais adéquates ou équivalentes au savoir scientifique) et finalement celle qui représente une vraie méconnaissance de la maladie, notamment des phénomènes de causalité (Meneghini et Schapira, 1995 ; Aparicio et al., 1993). Sans oublier jamais que, dans la plupart des cas, vu les caractéristiques des contextes où le Chagas existe, celui-ci n’est qu’un problème de plus qui reste caché derrière le combat quotidien pour la survivance.

Note : Cette recherche est possible grâce au soutien de “ Fundación Antorchas ” (Argentine).

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