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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Malentendu sur la notion d'obstacle épistémologique

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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MALENTENDU SUR LA NOTION

D'OBSTACLE ÉPISTÉMOLOGIQUE?

Michel SANNER LU.F.M. d'Aquitaine

LADIST, Université de Bordeaux 1

MOTS-CLÉS:OBSTACLES - OBSTACLE ÉPISTEMOLOGIQUE - CONCEPT

RÉSUMÉ:Partant de la diversité des obstacles, nous mettons l'accent sur l'originalité de l'obstacle épistémologique, intermédiaire entre le sujet et l'objet. La définition de l'obstacle épistémologique est alors variable selon que l'on considère une préhistoire de l'esprit scientifique ou une évolution, dans la saisie de l'objet, d'ordre interne au discours scientifique. Dans les deux cas, la notion d'obstacle épistémologique ne peut être caractérisée seulement négativement. L'obstacle constitue déja une approche cognitive et affective de l'objet.

SUMMARY :Starting from the diversity of obstacles, we stress the originality of the notion of the epistemological obstacle, as an intermediary between the subject and the object. The definition of the epistemological obstacle varies then according to wether we consider a prehistory of the scientific spirit or an evolution in the capture of the object ofan order internaitathe sientific thinking; In bath cases the notion of epistemological obstacle cannot be caracterised only negatively. The obstacle is already a cognitive and affective approach to the object.

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1. INTRODUCTION

"La destinée intellectuelle estune destinée,' l'intelligence est une fin, ce n'est pas un moyen" (Bachelard, 1939)

C'est par rapport à une telle fin que se disposent les obstacles. Ces obstacles, on les rencontre bien sûr dans la situation didactique, c'est-à-dire celle où on essaye de transmettre un savoir à l'élève, dans une situation éducative (adulte / enfant, enseignant / élève etc.). Toute situation éducative n'est pas du type: transmission de savoir. Mais la transmission de savoir (sans préjuger de sa nature) fait partie de l'implicite et même de l'explicite de la relation éducative: on a alors le contrat didactique. 11 reste que c'est par rapport à cette intention didactique fondamentale qu'on peut déterminer les obstacles rencontrés. Examinons-en la variété.

2. DIFFÉRENTS OB ST ACLES

On peut en envisager avec Brousseau (1983) trois sortes:

Obstacles ontogéniques liés au développement,normalementsurmontés par l'adulte. Obstacles didactiquesliés au processus d'enseignement.

Obstacles épistémologiques,liés à la fois au sujet et à la nature de l'objet de savoir.

Nous proposons d'ajouteràces trois variétés la notiond'obstacles psychologiques,liésàl'histoire du sujet. Ils peuvent constituer un genre à part bien que les différents genres distingués ci-dessus soient d'une certaine manière aussi psychologiques. L'obstacle animiste est un obstacle épistémologique et aussi psychologique. L'inhibition, elle, est essentiellement psychologique. L'un a un caractère général; l'autre est essentiellement individuelle.

2.1 Les obstacles d'origine ontogénique

"Lesujet ne possède pas de structures avant de les construire" (Piaget, 1966).

Les structures cognitives sont comme des organes de connaissance. Elles ne sont pas innées. Elles se construisent en fonction des perturbations qui surviennent dans l'environnement, par équilibrations successives. 11 faut ajouter par équilibrations majorantes, c'est-à-dire que l'équilibre réalisé est supérieur au précédent car il inclut la perturbation survenue.

Les problèmes ne peuvent être traités que par le jeu des fonctions cognitives (figuratives et opératives). Si certaines structures ne sont pas encore achevées, elles ne peuvent être appliquées au problème qui se présente, mais cela a un caractère essentiellement provisoire.

2.2 Obstacles d'origine psychologique

Ils sont liés à l'histoire individuelle de chacun. Cette histoire crée des attractions, des inhibitions; des objets de médiation. D'autre part comme le dit Bachelard, "les psychanalystes se sont rendus compte qu'uneinspection conceplUa/iste toute statique, ne suffisait pas à décrire l'état d'un esprit et que des

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images, des mots, des schémas semblables conceptuellement sont différentsdynamiquement dans des esprits différents" (Bachelard, 1939 ).

"Il y a des idées qui ne veulent pas s'associer, qui font le vide autour d'elles; elles ont un champ répulsif. Autrement dit, il y a une mémoire-hantise qui correspondàun savoir abhorré, une mémoire négative qu'il sera intéressant de voirà l'oeuvre contre la mémoire positive [...]~Freud a découven le sens profond de l'intensité psychologique. (... ] j'en tirerai par la suite, dans le règne de la connaissance, la conclusion quetoute idée a une intensité, que toUie idée est valorisée,que toute idée résiste par quelque côtéàdes associations d'idées qui seraient pounant utiles. Et je vous demanderai si celte intensité, si celte valorisation, si cette résistance sont bonnes, saines, régulières pour une destinée intellectuelle" (Bachelard, 1939).

2.3 Les obstacles d'origine didactique

Sont liésàdes effets produits par l'acte d'enseignement lui-même. Ex. : effet Topaz, effet Jourdain. Je n'ai pas ici la prétention de rentrer dans la théorie des situations didactiques si bien élaborée par Brousseau. Je me contenterai de dire ici qu'elle tient compte du caractère paradoxal (au sens de communication paradoxale) de la situation de l'enseignant qui doit, pour réaliser ses fins - "que l'élève apprenne!" -les contredire, et presqu'apprendre à sa place. "Apprends" constitue donc une injonction paradoxale.

L'exemple de Topaze est typique de certaines situations didactiques où des questions sont explicitement posées aux élèves mais où le professeur prendàsa charge l'essentiel des réponses. "Nous appelons effet Topaze "le phénomène suivant" : sous les contraintes du contrat didactique, dans certaines circonstances, le professeur est conduit au cours de sa manipulation du sens des comportements des étudiants à vider la situation d'apprentissage de tout contenu cognitif" (Brousseau, 1984).

L'obstacle ici a un caractère, pour ainsi dire artificiel:ilest un produit de l'enseignement. Il provient des variables mêmes qui ont été mises en oeuvre pour expliquer la notion. Ou l'élève s'en fait une idée trop générale (les fausses généralités de Bachelard: tous les corps tombent) qui ne lui permet pas de comprendre les cas particuliers ou il s'en fait une idée trop particulière liée au prototype. Le contexte, l'environnement de la notion jouent ici un rôle décisif. La notion se définit en fonction d'un environnement volontairement borné, découpé ou sous la forme d'une connaissance générale finalement trop puissante pour le sujet. Pour tout dire d'un mot, la méconnaissance des obstacles résulte du phénomène de la méconnaissance de latransposition didactique du savoir savant en objet d'enseignement.

2.4. Les obstacles d'origine épistémologique 2.4.1 Avant la coupure fondatrice

Il est naturel de considérer l'obstacle comme un objet placé devant soi. Mais la position de Bachelard est originaleàce point de vue. Il nous prévient dès le départ:"C'est en termes d'obstacles qu'ilfaut poser le problème de la connaissance scientifique. ; (... ]c'est dans l'acte même de connaître, intimement qu'apparaissent par une sorte de nécessité fonctionnelle des lenteurs et des troubles. C'est

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là que nous décèlerons des causes de stagnation et même de régression, c'est là que nous décèlerons des causes d'inertie que nous appellerons des obstacles épistémologiques" (Bachelard, 1938). Donc, Bachelard a pris le parti d'examiner des obstacles internes: ce qui revient à effectuer une véritable psychanalyse de la raison. "]' en suis venu à me demander si les leçons générales de la Psychanalyse, si fécondes dans l'explication des sublimations esthétiques, n'étaient pas applicables aux effons de la connaissance scientifique; et en examinant dans celle lumière la formation de l'esprit scientifique, j'ai cru reconnaître la nécessité d'une éducation intellectuelle cathartique" (Bachelard, 1939)

La liste des obstacles épistémologiques dressée par Bachelard est impressionnante. Un véritable bazar. Lisez-le: Bachelard aurait-il fait un grand livre sur la bêtise? C'est qu'il s'agit dans la Formation de l'esprit scientifique(1938), d'obstacles appartenant à la pensée pré-scientifique (même s'ils concernent l'histoire et non la préhistoire de la science) et qui contrarient l'approche scientifique. 'Toute culture scientifique doit commencer comme nous l'expliquerons longuement par une catharsis intellectuelle et affective"

On arrive à l'opposition de la science et de l'opinion: "L'opinion pense mal; elle ne pense pas: elle traduit des besoins en connaissances. On ne peut rien fonder sur l'opinion: il faut d'abord la détruire. Elle est le premier obstacle à surmonter". Le "sens commun", le "bon sens" sont autant d'obstacles à surmonter pour parvenir à "l'esprit scientifique".

2.4.2 Après la coupure

C'est la connaissance elle-même déjà scientifique qui vient faire obstacle au progrès. "En fait on connaît contre une connaissance antérieure, en détruisant des connaissances mal faites, en surmontant ce qui, dans l'esprit même fait obstacle à la spiritualisation" (Bachelard, 1938). Brousseau définit ainsi les obstacles épistémologiques en mathématiques: "Les obstacles d'origine proprement épistémologique sont ceux auxquels on ne peut ni ne doit échapper, du fait même de leur rôle constitutif dans la connaissance visée.On peut les retrouver dans l'histoire des concepts eux-mêmes. Cela ne veut pas dire qu'on doit amplifier leur effet, ni qu'on doit reproduire en milieu scolaire les conditions historiques où on les a vaincus" (Brousseau, 1983). Il s'agit donc bien chez Brousseau d'obstacles qui sont contemporains de la constitution même de la connaissance. Ils sont relatifs à l'objet, et pourtant ne sont pas extérieurs au "sujet". Cf. ci-dessus le passage célèbre de la Formation de l'esprit scientifique:"C'est dans l'acte même de connaître..."

Les obstacles épistémologiques ne sont cependant pas indépendants de la nature de l'objet. Ex. : ils sont différents en mathématiques, en sciences physiques, en biologie.

Brousseau insiste avec raison sur le fait que l'obstacle épistémologique est déjà une forme de connaissance. C'est son efficacité même pour résoudre certains problèmes, qui fait obstacle au changement. Il s'agit, comme le dit Brousseau, de passer d'un seuil informationnel à un autre.

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3. LE PROBLÈME DU BORNAGE DES CONCEPTS

C'est évidemment, premièrement, par rapport à ce problème des évolutions ou changements scientifiques que Bachelard a d'abord posé le problème des obstacles épistémologiques qui produisent une résistance au changement. "En effet, d'après nous, la richesse d'un concept scientifique se mesure à sa puissance de déformation. Cette richesse ne peut s'attacherà un phénomène isolé qui serait reconnu de plus en plus riche en caractères, de plus en plus riche en compréhension. Cette richesse ne peut s'attacher davantage à une collection qui réunirait les phénomènes les plus hétéroclites, qui s'étendrait d'unemanière contingente àdes cas nouveaux". Pour englober des preuves expérimentales nouvelles, il faudra alorsdéformerles concepts primitifs, étudier les conditions d'application de ces concepts et surtout incorporer les conditions d'application du concept dans le sens même du concept" (Bachelard, 1938). L'absence de réfutation définitive vient donc contredire le réfutationnisme Popperien.

Problèmes de bornage: le concept est difficileàacquérir car il y a toujours des monstres ou des exceptions: la question se pose alors: faut-il élargir l'extension du concept et pour cela modifier le concept lui-même? Ex: problème d'Euler: quelle relation entre les sommets et les côtés dans un polyèdre? Dans un polygone il existe une relation: S= A (somme des sommets= somme des arêtes). Relation d'Euler pour les polyèdres entre A le nombre d'arêtes, S le nombre de sommets et F le nombre de faces: S - A

+

F

=

2.

Lakatos (1984) montre qu'il y a toute une série de monstres pour lesquels la règles semble ne pas s'appliquer (cubes imbriquées l'un dans l'autre, polyèdres adjacents par un côté, polyèdres avec un point commun, configuration de polyèdres constituée par un tableau). Prenons l'exemple du cube creux (avec un cube creux imbriquée) : S - A+F=4. Il Y a un obstacle épistémologique dans le bornage même du concept. L'objet présente une certaine complexité qui fait qu'il ne peut être abordé que comme un système (lien à la preuve etàla réfutation). Sinon, on s'en forme des représentations partielles qui n'intègrent pas les exceptions, les monstres.

Problème posé également par Bachelard: "Il faudrait créer ici un mot nouveau, entre compréhension et extension, pour désigner cette activité de la pensée empirique inventive. Il faudrait que ce mot puisse recevoir une acception dynamique particulière" (1938).

La notion d'obstacle épistémologique se situe dans cette approche et doit se comprendre comme l'effet limitatif d'un système de concepts sur le développement de la pensée" (Joshua et Dupin, 1993).

L'obstacle épistémologique de la rigidité du concept vient borner la possibilité de tenir compte des expériences disponibles.

4. CONCLUSION

La ligne de démarcation entre l'objet et le sujet passe par les obstacles épistémologiques qui sont rencontrés dans la construction du concept en liaison avec des problèmes de bornage. D'une part,

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pour intégrer des preuves expérimentales nouvelles, la valeur évolutive du concept sera considérée par Bachelard fonction de sa puissance de défommtion. D'autre part, en définissant une psychanalyse de la raison, Bachelard s'attachait à la connaissance de l'objet "en signalant tout ce qui peut en troubler la pureté, tout ce qui peut en diminuer la valeur éducative" (Bachelard, 1938).

Comme l'indique le sous-titre de"La formation de l'esprit scientifique", cette formation s'effectue finalement par unecontribwionàune psychanalyse de la connaissance objective, c'est-à-dire,à la leure, par une psychanalyse de la connaissance de l'objet.

BlB LIOG RAPHIE

BACHELARDG., La formation de l'esprit scientifique - contributionàune psychanalyse de la connaissance objective, Vrin, 1938.

BACHELARDG., La psychanalyse de la connaissance objective, Annales de l'École des Hautes Études de Gand, 1939, tome III.

BROUSSEAUG., Les obstacles épistémologiques en mathématiques, Recherches en Didactique des Mathématiques, 1983,4,2.

BROUSSEAUG., Fondements et méthodes de la didactique des mathématiques, Recherches en Didactique des Mathématiques, 1986,7,2,33-115.

JOSHUA S., DUPIN1.-1.,Introductionàla didactique des sciences et des mathématiques, Paris: Presses Universitaires de France, 1993.

LAKATOS1.,Preuves et réfwatiol1s - Essai sur la logique de la découverte mathématique, Paris: Hermann, 1984.

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